Cour d’appel d’Amiens, 23 octobre 2024, RG n° 23/04006
Cour d’appel d’Amiens, 23 octobre 2024, RG n° 23/04006

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel d’Amiens

Thématique : L’application de la convention collective des cabinets médicaux aux salariés

 

Résumé

La société Thalassa santé conteste l’application de la convention collective des cabinets médicaux, arguant qu’elle n’a jamais été volontairement soumise à celle-ci. Mme [O] revendique une prime d’ancienneté, se basant sur la mention de cette convention sur ses bulletins de paie. Le juge doit déterminer si l’employeur a effectivement appliqué cette convention. En l’absence de preuve de cette volonté, la présomption d’application est renversée. Par ailleurs, Mme [O] demande des dommages-intérêts pour manquements à l’obligation de sécurité, établissant un lien entre ces manquements et son syndrome anxiodépressif, justifiant ainsi l’octroi de dommages-intérêts.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

23 octobre 2024
Cour d’appel d’Amiens
RG n°
23/04006

ARRET

[O]

C/

S.C.M. THALASSA SANTE

*************************************************************

N° RG 23/04006 – N° Portalis DBV4-V-B7H-I4BA

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE COMPIEGNE DU 07 SEPTEMBRE 2023 (référence dossier N° RG F 22/00154)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Madame [W] [O]

née le 25 Décembre 1969 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée, concluant et plaidant par Me Marc STALIN de la SCP PHILIPPE VIGNON-MARC STALIN, avocat au barreau de LAON

ET :

INTIMEE

S.C.M. THALASSA SANTE

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparante en la personne de M. [F] [K], gérant

assistée, concluant et plaidant par Me Gwenaelle VAUTRIN de la SELARL VAUTRIN AVOCATS, avocat au barreau de COMPIEGNE

DECISION :

Mme [O], née le 25 décembre 1969, a été embauchée à compter du 1er janvier 2007 dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée, par la société Thalassa santé (la société ou l’employeur), en qualité d’employé d’accueil.

Mme [O] a été placée en arrêt de travail pendant plusieurs mois à compter du 12 mars 2020 à la suite d’un accident de ski.

Elle a de nouveau été placée en arrêt de travail de décembre 2021 à février 2022, puis de manière continue à compter de juin 2022.

Demandant la résiliation de son contrat de travail et ne s’estimant pas remplie de ses droits au titre de l’exécution de son contrat de travail, Mme [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Compiègne, le 22 juillet 2022.

Par avis d’inaptitude du 3 octobre 2022, le médecin du travail a déclaré Mme [O] inapte à son poste, en précisant :  » l’état du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi « .

Par la suite, la salariée a été convoquée à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement, fixé au 24 octobre 2022.

Par lettre du 27 octobre 2022, elle a été licenciée pour inaptitude.

Mme [O] a maintenu la procédure prud’homale initiée à l’encontre de la société Thalassa santé, modifiant toutefois ses demandes.

Par jugement du 7 septembre 2023, le conseil a :

– dit et jugé que les demandes de Mme [O] étaient recevables mais non fondées ;

– débouté Mme [O] de l’ensemble de ses demandes et prétentions ;

– condamné Mme [O] à verser à la société Thalassa santé la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;

– condamné Mme [O] aux éventuels dépens.

Mme [O], qui est régulièrement appelante de ce jugement, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 27 août 2024, demande à la cour de :

– infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

– la recevoir dans ses écritures, les dire recevables et bien fondées :

– dire que la convention collective du personnel des cabinets médicaux est applicable à son contrat de travail ;

– condamner la société Thalassa santé à lui payer les sommes suivantes :

– 14 159,47 euros au titre de la prime d’ancienneté pour la période de juillet 2019 à octobre 2022 inclus ;

– 13 298,69 euros au titre de la régularisation de l’indemnité de licenciement pour inaptitude

– 18 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le manquement à l’obligation de sécurité et aux conditions de travail vexatoires ;

– 2 791,48 euros au titre des salaires du 4 octobre au 27 octobre 2022 ;

– 3 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouter la société Thalassa santé de ses demandes, fins et conclusions contraires aux présentes ;

– condamner la société Thalassa santé aux entiers dépens d’instance et d’appel.

La société Thalassa santé, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 9 septembre 2024, demande à la cour de :

– déclarer mal fondé l’appel de Mme [O] à l’encontre de la décision rendue le 7 septembre 2023 par le conseil de prud’hommes de Compiègne ;

Par conséquent,

– confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions ;

– dire et juger inapplicable à la relation de travail la convention collective des cabinets médicaux ;

– dire et juger infondée la demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité et aux conditions de travail vexatoires ;

– dire et juger irrecevable car étant nouvelle en cause d’appel la demande de rappel de salaire du 4 au 27 octobre 2022, et subsidiairement, dire infondée cette demande ;

En conséquence,

– débouter Mme [O] de l’intégralité de ses demandes y compris celle formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– A titre subsidiaire, si la cour devait infirmer le jugement et dire et juger applicable à la relation de travail la convention collective des cabinets médicaux, limiter le rappel de prime d’ancienneté à la somme de 11 876,40 euros ;

En tout état de cause,

– condamner Mme [O] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

EXPOSE DES MOTIFS :

1/ Sur la convention collective applicable et la demande en paiement d’un rappel de prime d’ancienneté :

La société fait valoir, en substance, que son activité ne relève pas de la convention collective des cabinets médicaux, qu’elle n’a jamais entendu s’y soumettre volontairement et ne l’a jamais appliquée, que la mention de la convention collective des cabinets médicaux sur les seuls bulletins de paie de Mme [O], à l’exception de ceux des autres salariés de la SCM, résulte d’une initiative et d’une erreur du cabinet d’expertise comptable auquel a été confiée la gestion de la paie au départ de l’associé en charge de cette question et que cette erreur n’est pas créatrice de droits. Elle conteste l’existence d’un usage d’entreprise invoquant également l’erreur.

Mme [O] revendique le paiement d’une prime d’ancienneté en application de la convention collective des cabinets médicaux se prévalant notamment, en substance, de la mention portée sur ses bulletins de paie, d’une application manifeste de cette convention par l’employeur, de la commande par celui-ci d’un exemplaire de ladite convention, de la mention erronée du code APE de l’entreprise et d’un usage.

Sur ce,

Un employeur peut ne pas être tenu d’appliquer une convention ou un accord collectif soit parce que son activité réelle n’entre pas dans le champ d’application des textes conventionnels existants, soit parce qu’il n’est pas affilié à un syndicat signataire. Dans ce cas, il peut choisir d’appliquer volontairement une convention collective.

Le juge doit rechercher si l’employeur s’est engagé à appliquer volontairement un texte conventionnel, cette application pouvant résulter d’une décision explicite de sa part ou, implicitement, de son comportement, lorsqu’il manifeste l’intention d’appliquer les dispositions d’une convention ou d’un accord collectif.

La mention d’une convention collective sur les bulletins de paie vaut présomption simple de l’application de celle-ci.

En l’espèce, le contrat de travail ne comporte aucune référence à une quelconque convention collective alors que les bulletins de paie de mai 2019 à avril 2022 portent la mention  » convention collective des personnels médicaux « , cette mention disparaissant à compter du mois suivant. Il existe donc une présomption d’application de cette convention qu’il incombe à l’employeur de renverser.

Celui-ci verse aux débats une attestation de son expert-comptable selon laquelle M. [K] ne lui a jamais demandé de rattacher la SCM à la convention collective du personnel des cabinets médicaux et qu’une erreur de paramétrage a été commise par son cabinet comptable pour l’établissement des bulletins de paie de Mme [O] lors de la reprise des paies en janvier 2017.

En l’absence d’élément concret apporté par la salariée permettant de douter de la sincérité des propos de l’expert-comptable lesquels desservent son intérêt puisqu’ils constituent la reconnaissance d’une faute susceptible d’engager sa responsabilité, il n’y a pas lieu de dénier à cette attestation son caractère probant.

Ce témoignage est conforté par le fait que la seule fiche de paie d’avant 2019 produite, qui date de 2008, ne comporte pas de référence à une convention collective, que la convention collective des personnels des cabinets médicaux ne s’applique de plein droit qu’aux cabinets de médecine libérale, que les masseurs-kinésithérapeutes ne relèvent d’aucune convention collective ainsi que le rappellent la présidente départementale de la fédération française des masseurs kinésithérapeutes et l’expert-comptable, que les bulletins de paie de Mme [U] autre salariée de la SCM ne font mention d’aucune convention collective et qu’il n’est cité aucun cas d’application de l’une ou l’autre disposition de la convention collective revendiquée à Mme [O].

Par ailleurs et superfétatoirement, la commande d’un exemplaire du livre de la convention collective des cabinets médicaux, au surplus, non par l’employeur mais par un employé du cabinet d’expertise comptable, n’est pas la preuve d’une volonté d’application de cette convention alors que la commande n’a eu lieu que le 7 mars 2022 et qu’il n’est démontré aucun affichage dans les locaux ou mise à disposition des salariés.

De plus, l’attribution par l’INSEE à l’entreprise d’un code APE erroné est indifférent à la solution du litige dès lors que ce code n’est qu’un indice pour déterminer l’application d’une convention collective, seule comptant effectivement l’activité principale de l’entreprise et qu’il n’est pas contesté qu’aucune d’elles ne s’applique aux cabinets de masseurs-kinésithérapeutes.

Enfin, dès lors qu’il n’y a pas eu application volontaire de la convention, il ne saurait y avoir usage, la seule ancienneté de la mention sur les bulletins de paie ne suffisant pas à en faire naître un.

Il est ainsi démontré que la mention de la convention collective sur les bulletins de paie de Mme [O] à partir de 2017 résulte d’une erreur qui n’a pas créé de droits au profit de celle-ci. Il y a lieu en conséquence, de débouter la salariée de sa demande en paiement d’une somme au titre de la prime d’ancienneté prévue par cette convention.

2/ Sur le licenciement :

2-1/ Sur la demande de dommages-intérêts pour le manquement à l’obligation de sécurité et aux conditions de travail :

Mme [O], au soutien de sa demande de dommages-intérêts, affirme que son inaptitude étant la conséquence de manquements de l’employeur à son obligation de sécurité caractérisés par un manque de respect, le non-respect de sa fiche de poste, la résistance abusive à l’application de la convention collective des cabinets médicaux, le refus d’aménager son poste de travail pour prendre en compte les troubles musculosquelettiques dont elle souffrait, elle a subi un préjudice moral et financier important.

L’employeur répond qu’à la suite du grave accident de ski dont a été victime Mme [O] il a consenti à plusieurs mois de mi-temps thérapeutique, à un aménagement de son poste de travail, lui a permis de choisir la chaise de bureau qui lui convenait après l’avoir essayée, cherché une solution d’essai en réhaussant provisoirement son bureau pour soulager ses douleurs de genou et a consulté une ergonome qui s’est entretenue avec Mme [O]. Il affirme que l’inaptitude de cette dernière est liée à son accident de ski et non à quelque manquement de sa part qu’il réfute.

Sur ce,

La mise en ‘uvre de la responsabilité contractuelle de l’employeur suppose l’existence d’un dommage, d’une faute et d’un lien de causalité entre les deux.

L’employeur, tenu, en application de l’article L. 4121-1 du code du travail, d’une obligation de sécurité, en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise doit en assurer l’effectivité.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ;

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

En l’espèce, il convient de noter que la salariée ne demande pas à la cour de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse, se contentant de solliciter la réparation du préjudice causé par des fautes qu’elle impute à l’employeur.

Les pièces versées aux débats par Mme [O] n’établissent pas l’attribution de missions médicales ou techniques ne correspondant pas à sa qualification, les nombreuses attestations faisant exclusivement état d’un travail de secrétariat et d’une orientation du patient vers une salle ou une autre.

Seule Mme [R] atteste d’une pression importante subie mi-janvier 2022 concernant les facturations et les recouvrements ce qui, en l’absence de précision et d’autre élément le corroborant, ne permet pas de retenir une faute de l’employeur.

Il en va de même d’un manque de respect qui ne ressort d’aucune pièce du dossier.

Il est, en revanche, établi et reconnu que l’employeur avait connaissance de la nécessité d’aménager le poste de travail de Mme [O] au regard des pathologies dont celle-ci souffrait consécutives ou non à un précédent accident de ski et dont elle rapporte la preuve par divers documents médicaux. Or, il résulte notamment d’une attestation d’un autre kinésithérapeute travaillant au sein du cabinet Thalassa et des photographies versées aux débats que le poste de travail de la salariée (bureau et chaise) était loin d’être ergonomique. L’ergonome sollicitée officieusement par l’employeur atteste être venue observer ce poste de travail mais pas que celui-ci était satisfaisant, se contentant d’évoquer l’état d’esprit de Mme [O] pour le critiquer alors qu’elle est la belle-fille de l’employeur. Ce dernier ne justifie pas de mesures de prévention, ni de formation.

Ce manquement de l’employeur est donc avéré dont il est résulté un préjudice pour la salariée tenue de travailler dans des conditions portant atteinte à sa santé pourtant déjà affectée.

Il est par ailleurs établi par une lettre de Mme [V], médecin du travail, adressée à M. [M], médecin traitant de la salariée, que cette dernière présentait le 15 juin 2022 un syndrome anxiodépressif, « qui serait lié à ses conditions de travail » ne lui permettant pas de continuer à son poste de travail. Le fait que ce médecin du travail ait signé l’avis d’inaptitude quelques mois plus tard après avoir procédé à une étude de poste et des conditions de travail et avoir reçu un avis négatif à la reprise de la part du psychologue du travail, ainsi que les pièces du dossier médical, permettent d’établir, ainsi que l’allègue Mme [O], que c’est ce syndrome anxiodépressif qui est la cause de l’inaptitude.

Or, le lien entre le manquement de l’employeur à son obligation de prévention et de fournir à la salariée un outil de travail adapté et le syndrome anxiodépressif dont souffre cette dernière est établi par le dossier de la médecine du travail qui démontre l’influence négative sur le psychisme de la salariée du fait d’être obligée de réclamer sans être entendue de meilleures conditions de travail.

Par ailleurs, la salariée rapporte la preuve par la production d’un échange de courriels avec la caisse primaire d’assurance-maladie qu’elle a subi un retard de versement de ses indemnités journalières de sécurité sociale par la faute de l’employeur qui n’a pas adressé les documents nécessaires en temps et heure ce qui l’a mise en difficulté financière l’obligeant à ponctionner sur ses économies.

Elle justifie enfin avoir été au chômage de janvier à mars 2023 avant de reprendre une formation.

En revanche, la salariée ne démontre pas que son licenciement ait revêtu un caractère vexatoire de nature à lui occasionner un dommage.

Au vu de ce qui précède, il est rapporté la preuve de ce que l’employeur a commis des fautes à l’égard de Mme [O] à l’origine de préjudices physiques, psychiques et financiers qui seront intégralement indemnisés par l’octroi d’une somme de 13 000 euros.

2-2/ Sur la demande au titre du doublement de l’indemnité de licenciement :

Mme [O] sollicite la requalification du licenciement pour maladie en licenciement pour inaptitude pour maladie professionnelle et, en conséquence, le doublement de son indemnité de licenciement.

L’employeur répond qu’il est incontestable que les problèmes médicaux de la salariée ont exclusivement pour origine son accident de ski survenu au mois de mars 2020 et qu’elle n’a jamais été victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.

L’article L.1226-14 dispose :  » La rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l’article L.1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d’un montant égal à celui de l’indemnité compensatrice de préavis prévue à l’article L1234-5 ainsi qu’à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l’indemnité prévue par l’article L1234-9.  »

Compte tenu de l’autonomie du droit du travail par rapport à celui de la sécurité sociale l’application des règles protectrices du code du travail n’est pas subordonnée à la reconnaissance du caractère professionnel d’un accident ou d’une maladie par un organisme de sécurité sociale.

Ainsi, une décision de prise en charge par un organisme de sécurité sociale d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ne constitue qu’un élément de preuve parmi d’autres laissés à l’appréciation du juge prud’homal auquel il appartient de rechercher lui-même l’existence d’un lien de causalité entre l’inaptitude et l’accident du travail ou la maladie professionnelle. Dans le même sens, une décision de refus de prise en charge ne suffit pas davantage à écarter ce lien de causalité.

C’est au jour de la notification du licenciement que s’apprécie la connaissance ou non par l’employeur de l’origine professionnelle de l’accident ou de la maladie dont le salarié est victime.

Ainsi, les règles protectrices susvisées ne s’appliquent qu’à la double condition que l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins en partie pour origine l’accident ou la maladie professionnelle et que l’employeur a eu effectivement connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement étant précisé que c’est au salarié qu’il appartient d’établir cette connaissance, laquelle peut résulter des circonstances de fait.

En l’espèce, s’il est établi que l’inaptitude a bien une origine professionnelle, Mme [O] ne rapporte pas la preuve que l’employeur en était informé étant observé qu’il n’avait pas accès au dossier médical et que les arrêts de travail qui lui ont été communiqués ne mentionnaient pas une maladie professionnelle ou un accident du travail.

Il y a lieu en conséquence de débouter la salariée de sa demande de doublement de l’indemnité de licenciement, confirmant en cela le jugement.

Par ailleurs, Mme [O] invoque également, à tort, un manquement de l’employeur à son obligation de reclassement dès lors que l’avis d’inaptitude dispensait la société de son obligation à cet égard. Elle ne tire, au surplus, aucune conséquence de ce moyen.

3/ Sur la demande de rappel de salaire :

Mme [O] sollicite le paiement d’un arriéré de salaire pour la période du 2 au 27 octobre 2022. Elle fait valoir qu’il ne s’agit pas d’une demande nouvelle dès lors qu’elle n’est pas par nature différente de sa demande initiale de rappel de prime et qu’en tout état de cause, elle est bien fondée à ajouter à ses demandes initiales en paiement toute autre créance de nature salariale. Elle invoque également un manquement à l’obligation de reclassement.

L’employeur soutient que cette demande doit être déclarée irrecevable comme nouvelle en appel.

Sur le fond, il conclut à son rejet au motif que la salariée ne pouvait prétendre à aucune rémunération dans le mois suivant l’avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail et fait valoir qu’il n’était tenu à aucune obligation de reclassement.

Sur ce,

Par application de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses, faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait. Les articles 565 et 566 du même code précisent que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges même si leur fondement juridique est différent et que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises aux premiers juges que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l’espèce, la demande en paiement du salaire tend aux mêmes fins que la demande initiale en paiement d’une prime de sorte qu’elle est recevable en appel.

Sur le fond, l’article L.1226-11 du code du travail dispose que lorsque, à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n’est pas reclassé dans l’entreprise ou s’il n’est pas licencié, l’employeur lui verse, dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.

Au cas d’espèce, en application de ce texte, l’employeur n’était pas tenu de reprendre le paiement du salaire entre le 3 octobre, date de l’avis d’inaptitude et le 27 octobre, date du licenciement.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.

4/ Sur les frais du procès :

L’issue du litige conduit à infirmer le jugement de ce chef, à condamner la société à payer à Mme [O] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens et à la débouter de ses propres demandes de ces chefs.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire, dans les limites de sa saisine,

Confirme le jugement en ce qu’il a débouté Mme [O] de sa demande de voir dire applicable à son contrat la convention collective du personnel des cabinets médicaux et de ses demandes au titre de la prime d’ancienneté et de la régularisation de l’indemnité de licenciement,

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare recevable la demande de Mme [O] en paiement d’un rappel de salaire pour la période du 4 au 27 octobre 2022,

La rejette,

Condamne la SCM Thalassa santé à payer à Mme [O] les sommes de :

-13 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par les manquements de l’employeur,

-2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande,

Condamne la SCM Thalassa santé aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


 


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