Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Metz
Thématique : Rupture conventionnelle et consentement : enjeux de la pression managériale et du harcèlement moral dans le cadre d’une relation de travail.
→ RésuméLa rupture conventionnelle de Mme [G] avec le Groupe SOS Seniors soulève des questions cruciales sur le consentement et la pression managériale. Bien qu’elle ait signé la rupture le 8 juin 2020, elle a contesté cette décision, alléguant des faits de harcèlement moral. Le conseil de prud’hommes a rejeté ses demandes, constatant l’absence de vice du consentement. En appel, Mme [G] a soutenu avoir subi des pressions injustifiées de son supérieur, mais la cour a confirmé le jugement initial, considérant que les tensions étaient liées à des désaccords professionnels et non à un harcèlement avéré.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel de Metz
RG n°
22/02694
23 octobre 2024
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N° RG 22/02694 –
N° Portalis DBVS-V-B7G-F3NO
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Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de METZ
23 novembre 2022
F 21/00177
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
Chambre Sociale-Section 1
ARRÊT DU
Vingt trois octobre deux mille vingt quatre
APPELANTE :
Mme [A] [G]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me José FERNANDEZ, avocat au barreau de METZ
INTIMÉE :
Association GROUPE SOS SENIORS prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Fabrice HENON-HILAIRE, avocat au barreau de METZ
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 mai 2024, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre
Mme Anne FABERT, Conseillère
M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile;
Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Mme [A] [G] a été embauchée par le Groupe SOS Seniors à compter du 18 août 2014, en qualité d’agent des services logistiques, selon contrat à durée indéterminée daté du 5 août 2014 modifié par avenant du 13 mai 2016.
La relation de travail est régie par la convention collective nationale des établissements privés d’hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif datée du 31 octobre 1951.
Le 8 juin 2020, une rupture conventionnelle du contrat de travail à durée indéterminée a été signée par Mme [G] et par l’employeur. La date de fin du délai de rétractation a été fixée au 23 juin 2020.
Par courrier du 24 juin 2020, la Direction Régionale des Entreprises de la Concurrence de la Consommation du Travail et de l’Emploi (DIRECCTE) du Grand-Est a accusé réception de la demande d’homologation de la rupture conventionnelle et a indiqué que, sauf décision expresse de refus de sa part, cette demande d’homologation serait réputée acquise le 14 juillet 2020.
Par courrier daté du 12 juillet 2020, réceptionné le 15 juillet 2020 par le Groupe SOS Seniors, et doublé d’un courriel du 13 juillet 2020 établi dans les mêmes termes, Mme [G] a indiqué ne pas consentir à la rupture de son contrat de travail.
Par courrier du 15 juillet 2020, le Groupe SOS Seniors a notamment informé Mme [G] de l’irrecevabilité de sa demande en raison du dépassement du délai de rétractation.
Par acte de saisine enregistré au greffe le 1er avril 2021, Mme [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Metz aux fins de voir constater qu’elle a subi des agissements de harcèlement moral et de déclarer nulle la convention de rupture conventionnelle signée le 8 juin 2020, en raison de la situation de contrainte dans laquelle elle s’est trouvée qui a vicié son consentement. Elle demandait en outre paiement de différentes indemnités de rupture, de dommages et intérêts pour nullité de la convention et au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’Association Groupe SOS Seniors s’opposait aux demandes formées contre elle et sollicitait une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire du 23 novembre 2022, le conseil de prud’hommes de Metz, section activités diverses, a statué ainsi qu’il suit :
« Déclare les demandes de Mme [A] [G] recevables, mais mal fondées ;
Constate l’absence de harcèlement moral à l’égard de Mme [G] ;
Constate l’absence de vice du consentement de Mme [G] au moment de la signature de la convention de rupture conventionnelle homologuée de son contrat de travail ;
Par conséquent,
Déboute Mme [G] de sa demande d’annulation de sa convention de rupture conventionnelle homologuée ;
Déboute Mme [G] de toutes ses demandes ;
Déboute l’association SOS Senior de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire en application de l’article 515 du code de procédure civile ;
Dit que chaque partie conserve à sa charge ses frais et dépens. ».
Par déclaration enregistrée au greffe le 1er décembre 2022, Mme [G] a régulièrement interjeté appel du jugement qui lui avait été notifié le 28 novembre 2022.
Par ses conclusions notifiées par voie électronique le 25 janvier 2023, Mme [G] demande à la cour de :
Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Metz du 23 novembre 2022 en ce qu’il a :
Déclaré les demandes de Mme [G] [A] recevables, mais mal fondées ;
Constaté l’absence de harcèlement moral à l’égard de Mme [G] ;
Constaté l’absence de vice de consentement de Mme [G] au moment de la signature de la convention de rupture conventionnelle homologuée de son contrat de travail ;
Débouté Mme [G] de sa demande d’annulation de sa convention de rupture conventionnelle homologuée ;
Débouté Mme [G] de toutes ses demandes ;
Dit que chaque partie supportera la charge de ses propres frais et dépens ;
Et statuant à nouveau
Constater que Mme [A] [G] a subi des faits de harcèlement moral ;
Ordonner la nullité de la convention de rupture conventionnelle signée par les parties le 8 juin 2020, à raison de la situation de contrainte ayant vicié le consentement de Mme [G] ;
Condamner l’association Groupe SOS Seniors, Association de droit local (Bas-Rhin Haut-Rhin et Moselle), à payer à Mme [G] les sommes suivantes :
4 306 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
430,60 euros brut au titre des congés payés afférents ;
26 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la nullité de la convention de rupture conventionnelle du 8 juin 2020 ;
Condamner l’association Groupe SOS Seniors à payer à Mme [G] la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et la somme de 2 500 euros au titre de la procédure d’appel ;
Condamner l’association Groupe SOS Seniors, aux entiers frais et dépens.
Mme [G] fait valoir à l’appui de ses prétentions :
Qu’elle a fait l’objet de pressions managériales injustifiées exercées par son supérieur hiérarchique, M. [J], depuis l’arrivée de ce dernier en février 2019, ce qui est démontré par les témoignages qu’elle produit ;
Que M. [J] s’est montré agressif envers elle, lui a tenu des propos dévalorisants et humiliants, lui a manqué de respect et a adopté des comportements déplacés ;
Qu’elle présente, en raison du harcèlement moral qu’elle a subi, un état anxio-dépressif traité par antidépresseur depuis le 9 septembre 2019 ;
Qu’elle a toujours été consciencieuse dans son travail et donné pleinement satisfaction à son employeur, ce qui ressort des témoignages qu’elle produit et de l’absence de sanction disciplinaire depuis le début de son contrat ;
Que son supérieur hiérarchique, M. [J], ne respectait pas les règles sanitaires liées à la propreté ;
Qu’elle a été privée d’outils de travail en ce que celui-ci commettait régulièrement des erreurs de commande ;
Qu’elle a été confrontée à une importante surcharge de travail, son supérieur hiérarchique établissant des plannings qui la contraignaient à s ‘occuper de la plupart des livraisons, et ce, en contradiction avec les préconisations de la médecine du travail qui lui interdisaient le port de charges lourdes ;
Que M. [J] lui confiait des tâches de nettoyage revenant normalement aux agents d’entretien ;
Qu’elle a alerté verbalement à plusieurs reprises la directrice du site sans que cela ne soit suivi d’effets et qu’elle a, par courriel du 3 juin 2020, saisi la direction des ressources humaines ;
Qu’elle a été en arrêt de travail à plusieurs reprises en 2020 en raison du harcèlement moral qu’elle subissait ;
Qu’elle avait six ans d’ancienneté et qu’elle a été privée illégitimement de son emploi, ce qui justifie le montant de sa demande indemnitaire ;
Qu’elle a été privée de ressources durant six mois postérieurement à la rupture de son contrat de travail, n’ayant pas pu percevoir les indemnités chômage.
Par ses conclusions notifiées par voie électronique le 18 avril 2023, l’Association Groupe SOS Seniors demande à la cour de statuer comme suit :
A titre principal
Constater l’absence de harcèlement moral à l’égard de Mme [G] ;
Constater l’absence de vice du consentement de Mme [G] au moment de la signature de la convention de rupture conventionnelle homologuée de son contrat de travail ;
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes de Metz du 23 novembre 2022 ;
A titre subsidiaire
Constater l’absence de vice du consentement de Mme [G] au moment de la signature de la convention de rupture conventionnelle homologuée ;
Débouter Mme [G] de sa demande d’annulation de sa convention de rupture conventionnelle homologuée ;
Débouter Mme [G] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
En tout état de cause
Condamner Mme [G] à 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
La condamner aux entiers frais et dépens.
L’association Groupe SOS Seniors fait notamment valoir :
qu’il n’existe aucun élément caractérisant le prétendu harcèlement moral, Mme [G] ne produisant aucune plainte de sa part à sa hiérarchie concernant des faits de harcèlement moral avant l’introduction de la procédure prud’homale ;
que dans son courrier du 15 juillet 2020, Mme [G] ne mentionne aucunement l’existence d’un harcèlement moral, mais uniquement sa volonté qu’il ne soit pas mis un terme à son contrat de travail ;
qu’il n’y a pas eu de pressions managériales mais que l’arrivée de M. [J] en qualité de chef de cuisine a permis de révéler de nombreux manquements aux obligations d’hygiène et de sécurité de la part de l’appelante ;
que les prétendues pressions étaient en réalité de simples demandes de respecter les règles d’hygiène et de sécurité que Mme [G] jugeait trop contraignantes ;
que Mme [G] souffrait en réalité de problèmes de santé en raison de son âge, ce qui a conduit à aménager son poste de travail et explique ses périodes d’arrêt de travail et sa fatigue ;
que Mme [G] se contredit s’agissant de sa charge de travail, les pièces produites par l’appelante montrant qu’elle a bénéficié d’une aide de cuisine après le départ de l’ancien chef cuisinier et jusqu’à l’arrivée de M. [J] ;
qu’il existait bien un conflit entre Mme [G] et M. [J], car l’appelante a adopté un comportement hostile à l’encontre de son nouveau supérieur et refusait d’adopter un esprit d’équipe, ce qui a provoqué un climat délétère ;
que les témoignages produits par Mme [G] sont de pure complaisance ou ne relatent aucun fait précis ni aucune date, mais uniquement des généralités, de sorte qu’ils ne peuvent suffire à prouver l’existence d’un harcèlement moral ;
que les photographies versées aux débats par Mme [G] ne sont pas de nature a prouver la qualité de son travail ni une quelconque défaillance de son supérieur hiérarchique dans l’accomplissement de ses tâches ;
que le prétendu courriel produit en pièce n°36 par Mme [G] est illisible et que l’on ne peut y distinguer ni le contenu, ni l’expéditeur, ni la date, ce qui lui retire toute valeur probante ;
que Mme [G] s’est en réalité trompée s’agissant de ses droits en matière d’indemnisation chômage, ce qui l’a conduite, neuf mois après la rupture de son contrat, à introduire une procédure prud’homale ;
qu’aucun élément ne démontre une dégradation de ses conditions de travail en lien avec celle de son état de santé ;
que le certificat médical produit par l’appelante date de janvier 2021, soit plus de 7 mois après la rupture de son contrat de travail, ce dont il résulte que ses problèmes de santé sont étrangers à tout prétendu harcèlement moral ;
que le consentement de Mme [G] n’était pas vicié par la contrainte ni par la violence, la salariée ayant été par ailleurs assistée d’une déléguée syndicale au moment de la signature de la convention de rupture conventionnelle.
L’ordonnance de clôture de la procédure de mise en état a été rendue le 10 octobre 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
Sur le harcèlement moral
Selon l’article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
S’agissant de la preuve du harcèlement, l’article L 1154-1 du même code prévoit que « lorsque survient un litige relatif notamment à l’application de l’article L 1152-1, (…) le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ».
Enfin aux termes de l’article L 1152-3 du même code, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L 1152-1 et L 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.
En l’espèce, Mme [G] invoque les faits suivants de nature à laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral et qui seraient à l’origine de la dégradation de ses conditions de travail :
un comportement inacceptable et tyrannique de son supérieur hiérarchique, M. [J],
une privation de ses outils de travail en raison des erreurs de commande de M. [J],
une surcharge de travail liée aux instructions de M. [J] qui lui attribuait des tâches revenant normalement aux agents d’entretien et des tâches incompatibles avec les préconisations de la médecine du travail.
A l’appui des faits ainsi allégués, Mme [G] verse aux débats :
Un certificat médical établi le 8 janvier 2021 par Dr [T] qui certifie qu’elle présente un état anxio-dépressif depuis le 9 septembre 2019 ;
Une attestation de paiement de l’assurance maladie de laquelle il ressort que, pour l’année 2020, Mme [G] a été en arrêt maladie du 17/01/20 au 25/01/2020 (9 jours), du 10/03/2020 au 01/05/2020 (53 jours) et du 05/06/2020 au 03/07/2020 (29 jours) ;
Le témoignage de Mme [C] [E], représentante des familles de l’EPHAD dans lequel était affectée Mme [G], faisant état de la perte de jovialité de celle-ci et de la dégradation de la qualité de la cuisine depuis l’arrivée de M. [J], ajoutant également avoir fait part de ces constatations auprès de la directrice de l’établissement ;
Le témoignage de Mme [H] [F] qui évoque l’existence de comportements déplacés de M. [J] à l’égard de ses collègues, un manque de respect et de l’agressivité de la part de celui-ci, ajoutant que le syndicat a abusé de la confiance de Mme [G] en la poussant à accepter la rupture conventionnelle pour bénéficier du chômage alors même que les indemnités chômage lui ont été refusées durant six mois ;
Le témoignage de Mme [O] [B] qui fait état du comportement agressif et impoli de M. [J] à l’égard de Mme [G] et de ses autres collègues ;
Un courrier de pôle emploi daté du 19 août 2020 lui notifiant le refus d’octroi de l’allocation d’aide au retour à l’emploi ;
Les témoignages de Mmes [W], [N], [L] et [Y] qui attestent toutes quatre de la qualité du travail de Mme [G] ;
Des photographies de nourriture et de mobilier de cuisine ;
Un tableau reprenant les consignes de nettoyage pour la cuisine ;
Un planning collectif de travail des mois d’avril et juin 2020 ;
Une capture d’écran d’un courriel ;
Deux contrats à durée déterminée couvrant les mois de novembre et décembre 2021 et démontrant que Mme [G] a occupé un emploi après la rupture conventionnelle.
Ces éléments sont suffisamment précis pour laisser supposer, pris dans leur ensemble, l’existence d’un harcèlement moral dont aurait été victime Mme [G].
Pour démontrer que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et qu’ils sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, l’employeur verse aux débats :
Un courrier de Mme [G] daté du 12 juillet 2020 et réceptionné le 15 juillet 2020 par lequel l’appelante indique qu’elle ne souhaite plus quitter son poste ;
Un courrier du 15 juillet 2020 adressé à Mme [G] et l’informant de l’effectivité de la rupture conventionnelle au regard du dépassement du délai de rétractation ;
Le témoignage de M. [J] faisant état de l’existence d’un conflit avec Mme [G] et d’importants désaccords concernant la gestion et l’entretien de la cuisine de l’établissement ;
Le témoignage de Mme [U], directrice de l’établissement à compter de septembre 2019, qui explique que Mme [G] lui a fait part de problèmes de santé liés à son âge et de problèmes financiers justifiant qu’elle ne prenne pas sa retraite dans l’immédiat, précisant en outre que Mme [G] ne lui a, à aucun moment, fait part de faits de harcèlement moral, mais simplement de l’existence d’un conflit entre le chef cuisinier et elle, cette dernière reprochant à son supérieur d’être « trop à cheval » sur les normes d’hygiène et de sécurité ;
Les témoignages de M. [D] et de Mme [I] qui attestent tous deux de la qualité du travail de M. [J] et de la bonne entente avec lui ;
Une attestation de suivi individuel de l’état de santé de Mme [G] du 13 novembre 2019 proposant une adaptation du poste de travail, la salariée ne devant pas porter de charges lourdes.
Un tableau des effectifs duquel il ressort que M. [J] a repris le poste de chef cuisinier dès le mois de février 2019.
Il résulte des développements qui précèdent qu’un conflit a existé entre Mme [G], qui a remplacé momentanément le chef cuisinier à compter du mois de septembre 2018 et pendant 6 mois, et M. [R] [J] qui est arrivé en février 2019 au poste de chef cuisinier. Si des tensions persistantes, liées à la gestion de la cuisine, ont opposé Mme [G] et son nouveau supérieur hiérarchique, M. [J], les seuls témoignages de Mme [H] [F] et de Mme [O] [B] versés au dossier par Mme [G] ne sont pas suffisamment précis pour démontrer que M. [J], aurait adopté un comportement agressif, humiliant ou tyrannique à l’encontre de Mme [G], les tensions intervenues entre Mme [G] et son supérieur ne reflétant que des désaccords professionnels intervenant dans une ambiance de travail tendue.
Le courriel produit par Mme [G] (pièce n°36) ne contient pas l’indication lisible de sa date, de son destinataire et de la totalité de son contenu de sorte qu’il ne peut pas lui être accordé la moindre force probante. De même les plannings collectifs de travail versés aux débats par la salariée sont dépourvus de toute légende de sorte qu’ils ne permettent pas de démontrer la surcharge de travail ou l’inadaptation à son état de santé des tâches qui lui sont confiées, aucun autre élément n’étant par ailleurs versé aux débats pour le démontrer.
Si un témoin précise que depuis l’arrivée de M. [J] comme chef de cuisine les repas servis aux résidents étaient rationnés (pièce n°16 de Mme [G]) et qu’un autre ajoute que les commandes alimentaires étaient insuffisantes (pièce n°17 de l’appelante), aucun élément ne permet de confirmer objectivement la réalité de ces constatations qui ne relèvent que d’impressions, sans que cela n’implique de conséquences particulières pour Mme [G] dans ses conditions de travail, quand bien même Mme [G] était en désaccord avec cette nouvelle pratique de son employeur.
Il est également souligné que rien ne permet de déterminer à quel moment et dans quelles circonstances ont été prises les photographies versées au dossier par Mme [G] de sorte que ces dernières ne peuvent pas caractériser une dégradation des conditions de travail de l’appelante et sont dépourvues de toute force probante.
Enfin, si les pièces médicales produites par Mme [G] montrent que celle-ci présente un état anxio-dépressif depuis le 9 septembre 2019 et qu’elle a été en arrêt maladie à plusieurs reprises au cours de l’année 2020, aucune relation n’est faite avec ses conditions de travail, l’employeur justifiant que, dès le mois de novembre 2019, l’état de fatigue de Mme [G] a été pris en compte et que l’employée a bénéficié d’un suivi par la médecine du travail.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, les agissements rapportés par Mme [G] sont justifiés par des éléments objectifs liés à l’organisation et la gestion de l’association, étrangers à tout harcèlement, de sorte que le harcèlement moral n’est pas établi.
La demande formée par Mme [G] aux fins de constater l’existence de harcèlement moral dont elle aurait été victime doit être rejetée.
Le jugement entrepris doit être confirmé sur ce point.
Sur la validité de la rupture conventionnelle
La cour rappelle qu’aux termes des articles 1237-11 et suivants du code du travail, dans leur version applicable à la présente procédure :
– l’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie, cette rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne pouvant être imposée par l’une ou l’autre des parties,
– cette rupture résulte d’une convention signée par les parties au contrat, qui définit les conditions de celle-ci et fixe la date de la rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation,
– à compter de la date de sa signature par les deux parties, chacune d’entre elles dispose d’un délai de 15 jours calendaires pour exercer son droit de rétractation, qui est exercé sous la forme d’une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l’autre partie,
– à l’issue du délai de rétractation, la partie la plus diligente adresse une demande d’homologation à l’autorité administrative, avec un exemplaire de la convention de rupture, qui dispose d’un délai de quinze jours ouvrables, à compter de la réception de la demande, pour s’assurer du respect des conditions prévues à la présente section et de la liberté de consentement des parties, son silence dans ce délai valant homologation réputée acquise,
– la validité de la convention est subordonnée à son homologation.
Un arrêté du 8 février 2012 a par ailleurs prévu un modèle CERFA de demande d’homologation qui doit être signé après la mention « lu et approuvé » par chaque partie. Ce formulaire rappelle que la date de signature de la convention de rupture déclenche le délai de rétractation de 15 jours calendaires pendant lequel chaque partie peut revenir sur sa décision et précise donc que la demande d’homologation ne peut être transmise à l’administration par la partie la plus diligente qu’au plus tôt le lendemain de la fin de ce délai.
Il résulte en l’espèce des pièces versées aux débats que le 8 juin 2020, Mme [G] et son employeur ont signé le CERFA relatif à la rupture conventionnelle du contrat de travail à durée indéterminée de l’appelante, la date de fin du délai de rétractation étant fixée au 23 juin 2020.
Par courrier du 24 juin 2020 la Direction Régionale des Entreprises de la Concurrence de la Consommation du Travail et de l’Emploi (DIRECCTE) Grand-Est a accusé réception de la demande d’homologation de la rupture conventionnelle et a indiqué que, sauf décision expresse de refus de sa part, cette demande d’homologation serait réputée acquise le 14 juillet 2020.
Par courrier daté du 12 juillet 2020, et réceptionné le 15 juillet 2020 par le Groupe SOS Seniors, Mme [G] a indiqué ne pas consentir à la rupture de son contrat de travail.
Les développements qui précèdent montrent que le harcèlement invoqué par Mme [G] n’est pas caractérisé, de sorte qu’il ne peut pas être retenu que l’appelante était dans une situation de contrainte ayant vicié son consentement lors de la signature de la rupture conventionnelle.
A défaut de rétractation de la part de Mme [G] dans le délai prévu à cet effet s’achevant le 23 juin 2020, son contrat de travail a été valablement rompu à la date du 15 juillet 2020 par rupture conventionnelle tacitement homologuée par l’inspection du travail le 14 juillet 2020.
Il convient en conséquence de débouter Mme [G] de ses demandes aux fins de prononcer la nullité de la rupture conventionnelle signée le 8 juin 2020, et tendant au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, ainsi que de dommages et intérêts pour nullité de la convention.
Le jugement entrepris est confirmé sur ces points.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Mme [G] étant la partie perdante à l’instance, il convient de mettre à sa charge les dépens d’appel et de première instance.
Le jugement doit être confirmé en revanche sur l’article 700 du code de procédure civile et chaque partie sera déboutée de ses demandes formées à ce titre en cause d’appel.
La Cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement entrepris prononcé le 23 novembre 2022 par le conseil de prud’hommes de Metz sauf en ce qu’il a dit que chaque partie conserve à sa charge ses frais et dépens ;
Statuant à nouveau sur ce point et y ajoutant :
Condamne Mme [A] [G] aux dépens d’appel et de première instance ;
Déboute Mme [A] [G] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
Déboute l’Association Groupe SOS Séniors de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
La Greffière La Présidente
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