Tribunal judiciaire de Lyon, 22 octobre 2024, RG n° 20/01019
Tribunal judiciaire de Lyon, 22 octobre 2024, RG n° 20/01019

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Lyon

Thématique : Prise en charge d’un accident du travail : enjeux de la procédure et respect du contradictoire

 

Résumé

L’accident du travail de Monsieur [C] [N], survenu le 13 août 2019, a été contesté par la société [9], qui a remis en question le lien de causalité entre l’accident et l’activité professionnelle. Malgré un certificat médical attestant d’une « lombosciatalgie droite », la caisse primaire d’assurance maladie a pris en charge l’accident après enquête. Cependant, le tribunal judiciaire de Lyon a déclaré cette décision inopposable à la société [9], en raison du non-respect du principe du contradictoire, notamment l’introduction tardive d’un questionnaire. Ainsi, la caisse a été condamnée aux dépens, laissant les parties à leurs frais.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

22 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Lyon
RG n°
20/01019

MINUTE N° :
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON

POLE SOCIAL – CONTENTIEUX GENERAL

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT DU :

MAGISTRAT :

ASSESSEURS :

DÉBATS :

PRONONCE :

AFFAIRE :

NUMÉRO R.G :

22 Octobre 2024

Julien FERRAND, président

Stéphanie DE MOURGUES, assesseur collège employeur
Claude NOEL, assesseur collège salarié

assistés lors des débats par Sophie PONTVIENNE, greffière

tenus en audience publique le 18 Juin 2024

jugement contradictoire, rendu en premier ressort, prononcé en audience publique le 22 Octobre 2024 par le même magistrat, assisté de Anne DESHAYES, greffière

Société [9] C/ CPAM DE LA LOIRE

N° RG 20/01019 – N° Portalis DB2H-W-B7E-U4IE

DEMANDERESSE

Société [9]
dont le siège social est sis [Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par la SARL OREN AVOCATS, avocats au barreau de LYON

DÉFENDERESSE

CPAM DE LA LOIRE
dont le siège social est sis [Adresse 1]
[Adresse 5]
[Localité 3]

non comparante – moyens exposés par écrit (article R.142-10-4 du code de la sécurité sociale)

Notification le :
Une copie certifiée conforme à :

Société [9]
CPAM DE LA LOIRE
la SARL [7], vestiaire : 1407
Une copie certifiée conforme au dossier

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur [C] [N], salarié de la société [9], mis à la disposition de la société [6], en tant que préparateur sur commande numérique dans le cadre d’un contrat d’intérim pour la période du 15 juin au 15 octobre 2019, a déclaré avoir été victime d’un accident du travail le 13 août 2019.

Le certificat médical initial établi par le Docteur [X] de l’Hôpital [8] le 13 août 2019, soit le jour même, constate une “lombosciatalgie droite.”

La société [9] a établi la déclaration d’accident du travail le 14 août 2019, indiquant : “Notre salarié nous déclare : “J’étais dans les vestiaires de l’entreprise utilisatrice pour me changer. En me baissant pour ramasser mon pantalon j’ai ressenti une grosse douleur dans le bas du dos.”

Joignant un courrier de réserves, la société [9] a contesté la matérialité de l’accident en l’absence de relation de causalité entre le déclenchement des douleurs et son activité professionnelle et de preuve du lien entre la pathologie et le travail.

La caisse primaire d’assurance maladie de la Loire, après avoir adressé des questionnaires à l’assuré et à l’employeur et avoir transmis une demande de renseignements à la première personne avisée, a pris en charge l’accident au titre de la législation sur les risques professionnels et a notifié sa décision à la société [9] par courrier du 5 novembre 2019.

Après saisine de la Commission de Recours Amiable, la société [9] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon par courrier recommandé du 8 juin 2020.

Aux termes de sa requête introductive et de ses observations formulées à l’audience du 18 juin 2024, la société [9] renonce aux demandes fondées sur l’absence d’imputabilité à l’accident des arrêts de travail prescrits et sollicite que la décision de prise en charge lui soit déclarée inopposable à titre principal pour non-respect du principe du contradictoire et à titre subsidiaire en l’absence de preuve de la matérialité de l’accident, et que la caisse soit condamnée au paiement d’une indemnité de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir :

– qu’un questionnaire établi par la première personne avisée a été versé au dossier après notification de la clôture de l’instruction ;

– que Monsieur [N] est arrivé à l’entreprise plus de 45 minutes avant sa prise de poste, qu’aucun salarié ne l’a croisé, et que la matérialité de l’accident n’est pas démontrée dès lors qu’elle ne repose que sur ses affirmations.

La caisse primaire d’assurance maladie de la Loire n’a pas comparu à l’audience du 18 juin 2024. Elle a adressé ses conclusions et pièces à la juridiction et à la partie adverse conformément aux dispositions de l’article R.142-10-4 du code de la sécurité sociale.

Elle conclut au rejet des demandes en faisant valoir :

– que le retour tardif d’un questionnaire ne peut lui être reproché et qu’il a été transmis à l’employeur avec les autres pièces du dossier ;

– que la matérialité de l’accident est établie au regard des déclarations de Monsieur [I] qui corroborent celles de l’assuré ;

– qu’elle justifie de l’imputabilité des soins et lésions en produisant les certificats médicaux de prolongation faisant tous état du même siège de lésion.

MOTIFS DE LA DECISION

L’article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, dispose que :

“ Lorsqu’il y a nécessité d’examen ou d’enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l’employeur avant l’expiration du délai prévu au premier alinéa de l’article R. 441-10 par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. A l’expiration d’un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois en matière d’accidents du travail ou trois mois en matière de maladies professionnelles à compter de la date de cette notification et en l’absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie est reconnu.”
(…)
“Dans les cas prévus au dernier alinéa de l’article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l’employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d’en déterminer la date de réception, l’information sur les éléments recueillis et susceptibles de lui faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l’article R. 441-13.”

En l’espèce, la caisse a reçu la déclaration d’accident du travail établie le 14 août 2019 avec réserves et a diligenté une mesure d’instruction.

L’organisme a, par lettre recommandée du 9 septembre 2019, notifié à la société [9] la nécessité de recourir à un délai complémentaire d’instruction.

Les questionnaires adressés par la caisse ont été remplis les 12 et 13 septembre 2019 par Monsieur [N], le 13 septembre par la société [9], le 4 octobre 2019 par l’entreprise utilisatrice et le 21 octobre par Monsieur [I].

Par lettre recommandée du 16 octobre 2019, la société [9] a été informée de la clôture de l’instruction et a été invitée à venir consulter les pièces du dossier avant prise de décision devant intervenir le 5 novembre 2019.

En réponse à sa demande formulée par courrier daté du 24 octobre 2019, la caisse a transmis à la société [9] les pièces du dossier par courrier daté du 25 octobre 2019 par lettre recommandée avec accusé de réception qui n’a pas été produit.

Il résulte de ces éléments que le questionnaire adressé à Monsieur [I] a été versé au dossier après la clôture de l’information et que la caisse ne peut justifier de sa transmission au moins 10 jours francs avant de prendre sa décision.

La décision de prise en charge doit être déclarée inopposable à la société [9].

Il apparaît conforme à l’équité de laisser aux parties la charge des frais exposés non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

Le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Déclare inopposable à la société [9] la décision de prise en charge de l’accident déclaré par Monsieur [C] [N] le 13 août 2019 ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Condamne la caisse primaire d’assurance maladie de la Loire aux dépens.

Ainsi jugé et prononcé en audience publique le 22 octobre 2024, et signé par le président et la greffière.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


 


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