Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : La Requalification de la prise d’acte de rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse
→ RésuméLe 19 novembre 2021, M. [X] [P] a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny pour requalifier sa prise d’acte de rupture de contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le 31 janvier 2024, le conseil a accédé à sa demande, condamnant la société à verser des sommes à M. [P]. En appel, la société a contesté cette décision, arguant d’une impossibilité d’exécution due à sa dissolution et à un vol de stock. Cependant, le tribunal a rejeté la demande de radiation de M. [P], constatant que la société n’avait pas justifié de son incapacité à exécuter le jugement.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel de Paris
RG n°
24/01934
Pôle 6 – Chambre 1- A
N° RG 24/01934 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CJGMF
Nature de l’acte de saisine : Déclaration d’appel valant inscription au rôle
Date de l’acte de saisine : 13 mars 2024
Date de saisine : 08 avril 2024
Nature de l’affaire : Demande d’indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
Décision attaquée : n° 21/03252 rendue par le conseil de prud’hommes – Formation paritaire de Bobigny le 31 janvier 2024
Appelantes :
Madame [M] [C], nom d’usage [P], ès-qualités de liquidateur amiable de la société La Plateforme du Mariage, représentée par Me Michel GUIZARD, avocat au barreau de Paris,
toque : L0020
S.A.S. La Plateforme du Mariage, représentée par son liquidateur amiable, [M] [C], représentée par Me Michel GUIZARD, avocat au barreau de paris, toque : L0020 – N° du dossier 22448885
Intimé :
Monsieur [X] [P], représenté par Me Sandra HERRY, avocat au barreau de Paris,
toque : B0921
ORDONNANCE SUR INCIDENT
DEVANT LE MAGISTRAT CHARGÉ DE LA MISE EN ÉTAT
(4 pages)
Nous, Christine Da Luz, magistrate en charge de la mise en état,
Assistée de Sila Polat, greffier,
Le 19 novembre 2021, M. [X] [P] a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny afin de voir requalifier sa prise d’acte de rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’obtenir des rappels de salaires ainsi que le paiement de diverses autres sommes.
Par jugement du 31 janvier 2024, le conseil de prud’hommes a requalifié la prise d’acte de rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société au paiement de diverses sommes.
Par déclaration du 13 mars 2024, la société La plateforme du mariage et Mme [C], ès-qualité de liquidateur amiable de la société, ont interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions d’incident du 18 juillet 2024, notifiées par RPVA, M. [P] demande au conseiller de la mise en état de :
– le juger recevable et bien fondé en ses demandes ;
Y faisant droit,
– ordonner la radiation du rôle de l’affaire ;
– dire qu’elle ne sera rétablie qu’au vu de la justification de l’exécution du jugement de 1ère instance ;
– dire que ces diligences sont prescrites sous peine de péremption d’instance ;
– laisser les dépens à la charge de la société La plateforme du mariage et de Mme [C], es qualité de liquidateur.
Au soutien de ses demandes, M. [P] fait notamment valoir que :
– le jugement de première instance est revêtu de l’exécution provisoire, or les appelantes ne l’ont aucunement exécuté ;
– aucune impossibilité matérielle ne justifie cette inexécution.
Par conclusions notifiées par RPVA le 30 septembre 2024, la société La plateforme du mariage et Mme [C] demandent au conseiller de la mise en état :
– juger irrecevable la demande de radiation faute de fondement juridique valable ;
– prononcer la nullité des conclusions d’incident de M. [P] ;
Subsidiairement :
– juger que la société est dans l’impossibilité d’exécuter les termes du jugement rendu le 31 janvier 2024 ;
En conséquence,
– débouter M. [P] de sa demande de radiation de l’affaire ;
– statuer ce que de droit quant aux dépens du présent incident.
Au soutien de leurs prétentions, la société La plateforme du mariage et Mme [C] font notamment valoir que :
– l’article 526 du code de procédure civile n’est plus applicable aux instances introduites devant les juridictions du premier degré depuis le 1er janvier 2020 ;
– la société est dissoute et en état de liquidation amiable depuis le 15 janvier 2021 ne dispose plus d’aucun actif puisqu’elle a été victime d’un vol de la quasi intégralité de son stock le 13 octobre 2021 (pièces 4 et 5) ;
– les conséquences manifestement excessives sont à apprécier au regard des facultés de paiement de la société débitrice et des facultés de remboursement du créancier en cas d’exécution du jugement assorti de l’exécution provisoire, or elle est dans l’incapacité financière d’exécuter les termes du jugement de première instance.
Par conclusions notifiées par RPVA le 02 octobre 2024, M. [P] a formulé les mêmes demandes au conseiller de la mise en état mais au visa de l’article 524 du code de procédure civile.
Les parties ont été convoquées le 19 juillet 2024 pour une audience devant se tenir le jeudi 03 octobre 2024 à 9h00.
Il convient de se reporter aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, et pour l’exposé des moyens des parties devant le conseiller de la mise en état.
À l’issue des débats, les parties ont été informées de la date de délibéré fixée au 24 octobre 2024.
Sur la recevabilité de la demande de radiation
En l’état de ses dernières conclusions, M. [P] présente sa demande de radiation sur le fondement de l’article 524 du code de procédure civile, régularisant de ce fait l’erreur de texte initiale.
Par conséquent sa demande sera déclarée recevable.
Sur la recevabilité des dernières pièces versées au dossier
Il résulte de l’article 780 du code de procédure civile que « L’affaire est instruite sous le contrôle d’un magistrat de la chambre saisie ou à laquelle l’affaire a été distribuée. Celui-ci a pour mission de veiller au déroulement loyal de la procédure, spécialement à la ponctualité de l’échange des conclusions et de la communication des pièces (‘) ».
En outre, l’article 907 du code de procédure civile, applicable à hauteur d’appel, renvoie expressément à l’article précité.
Il apparaît que la société La plateforme du mariage et Mme [C] ont versé une pièce n°10 par RPVA le 03 octobre 2024 à 09 heures 02. A l’audience, la société La plateforme du mariage et Mme [C] ont versé au dossier une pièce n°11, non transmise par RPVA.
La remise des pièces n°10 et n°11 par la société La plateforme du mariage et Mme [C] est donc tardive et non conforme au principe du contradictoire.
Par conséquent, ces pièces seront déclarées irrecevables et écartées des débats.
Sur le bien-fondé de la demande de radiation
En application de l’article 524 du code de procédure civile « Lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider, à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521, à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision (…) »
En application de l’article R.1454-28 du code du travail « A moins que la loi ou le règlement n’en dispose autrement, les décisions du conseil de prud’hommes ne sont pas exécutoires de droit à titre provisoire. Le conseil de prud’hommes peut ordonner l’exécution provisoire de ses décisions.
Sont de droit exécutoires à titre provisoire, notamment :
1° Le jugement qui n’est susceptible d’appel que par suite d’une demande reconventionnelle ;
2° Le jugement qui ordonne la remise d’un certificat de travail, de bulletins de paie ou de toute pièce que l’employeur est tenu de délivrer ;
3° Le jugement qui ordonne le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l’article R. 1454-14, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire. Cette moyenne est mentionnée dans le jugement.»
Il est constant que le jugement précité s’est trouvé assorti de l’exécution provisoire de droit prévue par l’article R.1454-28 du code du travail.
Il est constant également que depuis la date du jugement, intervenu le 31 janvier 2024, la société La plateforme du mariage n’a toujours pas exécuté les condamnations mises à sa charge et assorties de l’exécution provisoire.
Pour justifier de l’inexécution de ces condamnations, la société La plateforme du mariage et Mme [C] font valoir qu’elles se trouveraient dans l’impossibilité d’y procéder.
En l’espèce, il n’est pas contesté que la société La plateforme du mariage se trouve dissoute et en état de liquidation amiable depuis le 15 janvier 2021.
En outre, il apparaît que la société La plateforme du mariage aurait été victime du vol d’une grande partie de son stock. Une plainte pénale a été déposée par Mme [C] le 13 octobre 2021 et a été versée aux débats.
Les concluantes justifient que les éléments précités perturbent le bon déroulement de la procédure de liquidation et sont de nature à entraver sa capacité de réalisation de l’actif.
Dès lors, celles-ci établissent que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives.
La demande de radiation sera donc rejetée.
Les dépens du présent incident seront réservés jusqu’à fin de cause.
La présidente de chambre, Christine Da Luz, statuant en matière de mise en état, par ordonnance insusceptible de déféré,
DECLARE recevable la demande de radiation de M. [X] [P].
DECLARE irrecevables les pièces n°10 et n°11 versées par la société La plateforme du mariage et Mme [M] [C] et les écarte des débats.
REJETTE la demande de radiation formée par M. [X] [P].
RESERVE les dépens jusqu’à fin de cause.
Ordonnance rendue publiquement par Christine Da Luz, magistrate en charge de la mise en état assistée de
Sila Polat, greffier présente lors du prononcé de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Paris, le 24 octobre 2024
Le greffier La magistrate en charge de la mise en état
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