Cour d’appel de Bourges, 25 octobre 2024, RG n° 23/01160
Cour d’appel de Bourges, 25 octobre 2024, RG n° 23/01160

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Bourges

Thématique : Licenciement pour absence injustifiée : enjeux de la prescription et de la faute grave dans le cadre d’une relation de travail à domicile

 

Résumé

Le licenciement de Mme [D] pour absence injustifiée soulève des enjeux cruciaux liés à la prescription et à la faute grave dans le cadre d’une relation de travail à domicile. Engagée en 2004, Mme [D] a cessé de travailler en janvier 2021, entraînant son licenciement le 26 février pour faute grave. Contestant cette décision, elle a saisi le conseil de prud’hommes, qui a déclaré sa demande irrecevable pour cause de prescription. En appel, la cour a infirmé ce jugement, déclarant la contestation recevable, mais a débouté Mme [D] de ses demandes salariales, soulignant la gravité de ses absences injustifiées.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

25 octobre 2024
Cour d’appel de Bourges
RG n°
23/01160

SD/CV

N° RG 23/01160

N° Portalis DBVD-V-B7H-DTLD

Décision attaquée :

du 10 novembre 2023

Origine :

conseil de prud’hommes – formation paritaire de NEVERS

——————–

Mme [I] [U] épouse [D]

C/

Mme [O] [L] épouse [T]

——————–

Expéd. – Grosse

Me DALBEPIERRE 25.10.24

Me GUENOT 25.10.24

COUR D’APPEL DE BOURGES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 25 OCTOBRE 2024

N° 100 – 8 Pages

APPELANTE :

Madame [I] [U] épouse [D]

[Adresse 1]

Représentée par Me Valentin DALBEPIERRE, avocat au barreau de NEVERS

INTIMÉE :

Madame [O] [L] épouse [T]

[Adresse 2]

Représentée par Me Dominique GUENOT de la SCP GUENOT AVOCATS ET ASSOCIES, avocat au barreau de NEVERS

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Mme VIOCHE, présidente de chambre

en l’absence d’opposition des parties et conformément aux dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme DELPLACE

Lors du délibéré : Mme VIOCHE, présidente de chambre

Mme de LA CHAISE, présidente de chambre

Mme CHENU, conseillère

Arrêt n° 100 – page 2

25 octobre 2024

DÉBATS : À l’audience publique du 13 septembre 2024, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l’arrêt à l’audience du 25 octobre 2024 par mise à disposition au greffe.

ARRÊT : Contradictoire – Prononcé publiquement le 25 octobre 2024 par mise à disposition au greffe.

* * * * *

FAITS ET PROCÉDURE :

Suivant contrat de travail en date du 4 mai 2004, non produit, Mme [I] [D] a été engagée par Mme [O] [T], particulier-employeur, en qualité d’aide-ménagère, à raison de 4 heures de travail effectif par semaine au domicile de cette dernière, qui était un foyer résidence pour personnes âgées.

La convention collective nationale des salariés du particulier s’est appliquée à la relation de travail.

Mme [D] n’a plus exécuté sa prestation de travail à compter du 5 janvier 2021.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 8 février 2021, Mme [T] a convoqué Mme [D] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 19 février suivant.

Le 26 février 2021, Mme [D] a été licenciée pour faute grave au motif d’absence injustifiées.

Le 7 octobre 2022, Mme [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Nevers, section activités diverses, en contestation de son licenciement et paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement du 10 novembre 2023 auquel il est renvoyé pour plus ample exposé, le conseil de prud’hommes a déclaré la demande de Mme [D] irrecevable car prescrite, a débouté les parties de leur demande d’indemnité de procédure et a condamné la salariée aux entiers dépens.

Le 11 décembre 2023, par voie électronique, Mme [D] a régulièrement relevé appel de cette décision, laquelle lui avait été notifiée le 16 novembre précédent.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément à leurs conclusions.

1) Ceux de Mme [D] :

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 8 mars 2024, elle demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en tous ses chefs expressément critiqués et en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, de :

– À titre principal :

– déclarer nul le licenciement,

– en conséquence, condamner Mme [T] à lui payer la somme de 4’000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

– À titre subsidiaire :

– dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

– en conséquence, condamner Mme [T] à lui payer la somme de 2 519 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– En tout état de cause :

– condamner Mme [T] à lui payer les sommes suivantes, assorties des intérêts à compter de la demande, avec capitalisation :

– 878, 60 € à titre d’indemnité légale de licenciement,

– 373,20 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 37,32 € au titre des congés payés afférents,

– 2 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dans des conditions brutales et vexatoires.

Elle réclame en outre la somme de 4 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que la condamnation de Mme [T] aux entiers dépens.

2) Ceux de Mme [T] :

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 6 juin 2024, elle demande à la cour, à titre principal, de confirmer le jugement entrepris, et à titre subsidiaire, de débouter Mme [D] de toutes ses demandes et de la condamner aux entiers dépens.

Elle réclame en outre la condamnation de la salariée au paiement de la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et la même somme à titre d’indemnité de procédure, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.

* * * * * *

La clôture de la procédure est intervenue le 3 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1) Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes de Mme [D] :

En l’espèce, Mme [D] fait grief aux premiers juges d’avoir, en se bornant à faire application de l’article L. 1471-1 alinéa 2 du code du travail, déclaré prescrite son action en contestation du licenciement, alors que son action étant fondée sur des faits allégués de discrimination, elle est soumise à la prescription quinquennale.

Elle en déduit que licenciée le 26 février 2021, elle disposait pour agir d’un délai courant jusqu’au 26 février 2026.

Mme [T] le conteste, en faisant valoir que la motivation adoptée par le conseil de prud’hommes est pertinente et mérite d’être reprise par la cour.

L’article L. 1471-1 alinéa 2 du code du travail dispose en effet que toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.

Cependant, ce texte, en son alinéa 3, prévoit que l’alinéa 2 n’est pas applicable aux actions exercées en application de l’article 1132-1 relatif au principe de non-discrimination.

Par ailleurs, il résulte des articles L. 1132-1, L. 1332-4 et L.1134-5 du même code que l’action en reconnaissace de la nullité de la rupture d’un contrat de travail en raison d’une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination alléguée (Soc. 17 mai 2023, n°21-17.315).

Il s’ensuit qu’invoquant une discrimination au soutien de sa demande, Mme [D] avait cinq ans pour agir à compter de la révélation de celle-ci.

La salariée a eu connaissance de la discrimination qu’elle allègue lors de la notification de son licenciement. La date exacte de celle-ci n’étant pas connue, il convient de retenir le 27 février 2021, correspondant au jour suivant la date portée sur la lettre de licenciement, comme date de notification. Mme [D] avait donc jusqu’au 27 février 2026 pour agir.

Dès lors qu’elle a saisi le juge prud’homal le 7 octobre 2022, sa demande en reconnaissance de la nullité de son licencenciement n’est pas prescrite contrairement à ce que ce dernier a reconnu.

Il s’ensuit que la cour la déclare recevable par infirmation du jugement déféré.

2) Sur la contestation du licenciement et les demandes financières subséquentes :

L’article L. 1235-1 du code du travail dispose qu’en cas de litige, le juge à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute existe, il profite au salarié.

La cause réelle est celle qui présente un caractère d’objectivité. Elle doit être existante et exacte ce qui oblige le juge à vérifier que d’autres faits allégués par le salarié ne sont pas la véritable cause du licenciement. La cause sérieuse est celle d’une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles.

La faute grave, enfin, est une cause réelle et sérieuse mais d’une gravité telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

Seuls les manquements volontaires à une obligation professionnelle ou les erreurs professionnelles consécutives à la mauvaise volonté délibérée du salarié peuvent être considérés comme fautifs.

L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

En l’espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :

‘Madame,

Suite à l’entretien qui s’est tenu le 19 février 2021 avec ma fille -puisque je suis actuellement dans un établissement de convalescence depuis le 15 février 2021-je vous informe de ma décision de vous licencier pour les motifs suivants : vous n’avez pas effectué vos heures habituelles d’aide aux tâches ménagères du 5 au 29 janvier, évoquant le fait que vous étiez ‘personne à risque’ dans la situation Covid.

Le foyer logement dans lequel je réside était ouvert pendant cette période et vous aviez à votre disposition tous les équipements nécessaires pour votre protection et ainsi poursuivre votre contrat.

Vous m’avez téléphonée le 29.01 pour me réclamer votre salaire de janvier 2021, sans justificatif de votre absence.

J’ai été perturbée et je me suis sentie abandonnée lorsque vous m’avez dit que ‘c’était à moi de trouver une autre solution’.

Vous m’avez aussitôt fait parvenir par courrier, reçu le 1er février 2021, un certificat médical daté du 30 octobre 2020, alors que vous avez travaillé en novembre et décembre 2020.

Depuis le 5 janvier vous êtes en absence injustifiée, ce qui a nui à mon équilibre et ma santé et a obligé mes enfants à chercher en urgence une aide-ménagère pour pallier aux insuffisances liées à mon âge et permettre mon maintien à domicile.

En conséquence, et après avis auprès du CESU et rendez-vous à la Direction Départementale du Travail de la Nièvre – DIRECCTE, ces motifs constituent une cause réelle et sérieuse qui justifient votre licenciement pour faute grave.

Votre licenciement prend donc effet immédiatement. (…)’.

En l’espèce, Mme [T], sur qui pèse la charge de la preuve de la faute grave fondant le licenciement, expose que Mme [D] a abandonné son poste le 5 janvier 2021 sans aucun justificatif puisqu’elle n’a reçu de certificat médical que le 1er février 2021 après qu’elle le lui eut demandé et ne s’est pas manifestée avant le 29 janvier 2021, date à laquelle elle a appelé sa fille téléphoniquement pour lui réclamer paiement de son salaire de janvier, en lui expliquant que ‘personne à risque’, il lui appartenait de ‘trouver une autre solution’. Elle estime que sa salariée a fait preuve ainsi d’une attitude irresponsable et dépourvue d’humanité en la laissant dans le désarroi le plus complet et ce alors qu’elle a avait travaillé pour elle en novembre et décembre 2020 et a continué à le faire, selon toute vraisemblance, pour ses autres employeurs, et que les heures d’aide-ménagères qu’elle effectuait auprès d’elle permettaient son maintien à son domicile.

La salariée explique que c’est parce que le COVID-19 sévissait dans le foyer-résidence où était domiciliée son employeur et qu’elle-même était atteinte d’une affection de longue durée la conduisant à être une ‘personne à risque’ qu’elle n’a pas pu assurer sa prestation de travail, et prétend qu’elle en a informé Mme [T] en lui demandant la mise en oeuvre du dispositif d’activité partielle. Elle estime qu’il lui est en réalité reproché de ne pas avoir exposé sa santé et celle de ses autres clients pour les seuls besoins de Mme [T], et précise qu’elle a échangé à ce sujet avec la fille de celle-ci, qui lui a demandé la transmission d’un certificat médical établissant qu’elle était ‘personne à risque’, ce qu’elle a fait alors qu’elle lui avait déjà adressé un tel document en novembre 2020, et que contre toute attente, elle s’est alors trouvée convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Mme [T] conteste avoir été informée que sa salariée était ‘personne à risque’ avant qu’elle lui demande de justifier de son absence prolongée lors d’un échange téléphonique survenu le 29 janvier 2021.

Il n’est pas discuté que Mme [D], qui travaillait comme aide-ménagère depuis 16 ans pour le compte de Mme [T], née en 1930 et résidant dans un foyer-logement pour personnes âgées, a été absente auprès d’elle à compter du 5 janvier 2021 et n’a ensuite plus repris son poste. Aucun élément n’établit qu’elle a informé son employeur qu’elle était ‘personne à risque’ avant le 29 janvier 2021, soit plus de trois semaines plus tard, ni produit un certificat médical, établi par le Dr [J] le 30 octobre 2020, avant le 1er février 2021, date de réception de celui-ci par son employeur. S’il ne fait pas débat, par ailleurs, que le virus du COVID-19 sévissait à cette période au sein du foyer-logement, la salariée se contente d’alléguer qu’elle ne disposait pas d’équipements de protection.

La cour relève par ailleurs que la crise sanitaire et les risques qu’elle provoquait pour sa santé, mis en avant par l’appelante pour justifier de son absence, existaient depuis 2020 sans qu’elle ait été jusqu’ici absente à son poste, notamment lors des deux périodes de confinement.

Ainsi que la lettre de licenciement en fait état, l’absence prolongée de son aide-ménagère n’a pu que perturber Mme [T], alors âgée de 91 ans, et désorganiser gravement les conditions dans lesquelles celle-ci pouvait être maintenue à son domicile, sans qu’au regard de sa vulnérabilité et de l’importance que revêtaient pour elle la préservation de ses repères, il ait été possible de la remplacer en urgence, de sorte d’ailleurs qu’elle a dû être accueillie en maison de convalescence dès le 15 février suivant.

La réalité de la faute fondant le licenciement se trouve donc établie et elle rendait dans ce contexte impossible le maintien du contrat de travail de Mme [D].

Celle-ci prétend qu’en réalité, son licenciement est discriminatoire dès lors que la rupture de son contrat de travail est intervenue en raison de son état de santé, l’employeur se saisissant de ses absences pour la remplacer par une personne moins fragile. Elle en déduit que son licenciement est nul.

En application des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail, il appartient au salarié qui s’estime victime d’une discrimination directe ou indirecte de présenter des éléments de fait laissant supposer son existence. Il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent présumer l’existence d’une telle discrimination et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination étant rappelé que l’existence d’une discrimination n’implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d’autres salariés.

En l’espèce, Mme [D] produit au soutien de ses allégations :

– la lettre de licenciement, qui se borne à mentionner qu’elle a évoqué le 29 janvier 2021 auprès de son employeur le fait qu’elle était  »personne à risque’ dans la situation Covid’, ce qui n’établit pas que celui-ci, auprès de qui elle ne discute pas avoir travaillé en 2020 sans s’absenter, notamment pendant les deux confinements ordonnés entre le 17 mars et le 10 mai puis du 30 octobre au 27 novembre 2020, ait pu prendre pour acquis qu’elle était de santé fragile,

– un protocole de soins établi en 2019 en raison du diabète dont elle était affectée, qu’elle ne démontre pas avoir fourni à son employeur,

– un certificat médical établi par le Dr [J], daté du 30 octobre 2020, selon lequel son état de santé la plaçait dans les catégories de ‘personne à risque par rapport à la crise sanitaire liée au COVID-19″, qu’elle ne justifie pas davantage avoir transmis à son employeur avant le 1er février 2021,

– un certificat établi par le même praticien le 1er mars 2021, soit postérieurement au licenciement, et selon lequel ‘Mme [D] [I], malgré un état de santé fragile, lié à plusieurs facteurs de risque (patiente en ALD) a toujours été assiduée à son poste, refusant à plusieurs reprises les arrêts de travail qui me semblaient justifiés’, et qui confirme que cette salariée n’ayant précédemment pas été absente à son poste en dépit de la crise sanitaire, l’employeur n’était pas informé de son état de santé.

L’analyse de ces éléments ne permet pas de supposer, en dépit du contexte de la crise sanitaire qui existait au moment de la rupture du contrat de travail, que le motif réel du licenciement réside dans la santé fragile de la salariée alors qu’elle intervenait depuis 16 ans auprès d’une personne âgée qui s’était habituée à elle et avait besoin de ses heures de travail pour pouvoir rester à son domicile. Du reste, la cour relève que Mme [T] n’a pris la décision de licenciement qu’aux termes de l’absence prolongée, restée injustifiée pendant près de quatre semaines, de sa salariée.

Il en ressort que Mme [D] échoue à présenter des faits laissant supposer qu’elle a subi de son employeur une discrimination en raison de son état de santé et que dès lors, elle doit, par ajout à la décision déférée, être déboutée de sa demande en reconnaissance de la nullité de son licenciement et des demandes financières subséquentes.

3) Sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire :

Même lorsqu’il est justifié par une faute grave du salarié, le licenciement peut causer à celui-ci, en raison des circonstances vexatoires qui l’ont accompagné, un préjudice dont il est fondé à demander réparation.

Le salarié doit alors démontrer l’existence d’un préjudice distinct de celui résultant de la perte de l’emploi.

Les juges du fond sont tenus de caractériser, d’une part, la faute de l’employeur en recherchant si les conditions de la rupture sont abusives ou vexatoires et, d’autre part, l’existence d’un préjudice distinct de celui occasionné par la perte de l’emploi, préjudice dont ils apprécient souverainement l’étendue.

En l’espèce, Mme [D] prétend qu’elle a été blessée par la lettre de convocation à l’entretien préalable, et humiliée lorsqu’elle a compris que la rupture avait été décidée par son employeur en raison de sa santé fragile, et ce alors qu’elle avait toujours tout mis en oeuvre pour ne pas être absente auprès de ses clients.

Cependant, il résulte de ce qui précède que son absence prolongée et injustifiée constitue le véritable motif de son licenciement et qu’elle a laissé son employeur dans une situation difficile. La décision de la licencier, prise après plusieurs semaines d’absence, est donc dépourvue de tout caractère brutal ou vexatoire.

Il s’ensuit que la demande en paiement de dommages-intérêts formée de ce chef ne peut prospérer.

4) Sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive :

L’exercice d’une action en justice constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans les cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol.

Mme [T] prétend, en l’espèce, que l’instance prud’homale l’a particulièrement inquiétée et n’a été initiée par Mme [D] que pour battre monnaie alors qu’elle s’apprêtait à faire valoir ses droits à la retraite, de sorte qu’elle s’estime fondée à réclamer à cette dernière la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Cependant, la salariée a pu légitiment croire au succès de ses prétentions, si bien qu’il ne se trouve pas démontré que son action ait dégénéré en abus.

Arrêt n° 100 – page 8

25 octobre 2024

Par suite, l’employeur doit être débouté de sa demande indemnitaire.

5) Sur les autres demandes :

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Mme [D], qui succombe devant la cour, est condamnée aux dépens d’appel et déboutée en conséquence de sa demande d’indemnité de procédure. En équité, Mme [T] gardera à sa charge ses propres frais irrépétibles et sera donc également déboutée de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition du greffe :

INFIRME le jugement déféré, sauf en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles ;

STATUANT À NOUVEAU DES CHEFS INFIRMÉS et AJOUTANT :

DÉCLARE recevable la contestation de son licenciement formée par Mme [I] [D] ;

Mais L’EN DÉBOUTE, ainsi que des demandes salariales et indemnitaires afférentes ;

LA DÉBOUTE de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire ;

DÉBOUTE Mme [O] [T] de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive et d’une indemnité de procédure ;

CONDAMNE Mme [D] aux dépens d’appel et la déboute de sa propre demande d’indemnité de procédure.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;

En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

S. DELPLACE C. VIOCHE


 


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