Le salarié démontre que la société avait parfaitement connaissance de ses activités, exercées sous la forme d’entrepreneur individuel puis de la société par actions simplifiée Rsoft Réunion, sans qu’aucune conclusion ne puisse être tirée de ce changement de statut.
Le salarié soulève à raison la prescription instaurée par les dispositions de l’article L. 1332-4 du code du travail, les prestations de formation ou de maintenance accomplies sur les logiciels de gestion ne pouvant être reprochées au salarié dans la lettre de licenciement, dès lors que l’employeur en avait connaissance depuis plus de deux mois avant l’engagement de la procédure disciplinaire. AFFAIRE : N° RG N° RG 21/00170 – N° Portalis DBWB-V-B7F-FP3F Code Aff. :AP ARRÊT N° AP ORIGINE :JUGEMENT du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de SAINT-DENIS (REUNION) en date du 14 Décembre 2020, rg n° 18/00557 COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS DE LA RÉUNION CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 29 JUIN 2023 APPELANTE : S.A.S. SOGEST [Adresse 2] [Localité 3] (REUNION) Représentant : Me Pauline BARANDE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION INTIMÉ : Monsieur [P] [R] [Adresse 1] [Localité 4] Représentant : Me Eloïse ITEVA, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION Clôture : 06/02/2023 DÉBATS : En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 Avril 2023 en audience publique, devant Aurélie POLICE, conseillère chargé d’instruire l’affaire, assisté de Jean-François BENARD, greffier placé, les parties ne s’y étant pas opposées. Ce magistrat a indiqué à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 29 JUIN 2023 ; Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Président : Laurent CALBO Conseiller : Aurélie POLICE Conseiller : Laurent FRAVETTE Qui en ont délibéré ARRÊT : mis à disposition des parties le 29 JUIN 2023 Greffier lors des débats et lors de la mise à disposition : M. Jean-François BENARD * * * LA COUR : Exposé du litige : M. [R] (le salarié) a été engagé par la société Soft Finance, à l’enseigne commerciale est la société Alto, en qualité de consultant en produits de gestion SAGE, XRT, DIESE ou tout autre distribué par la société, selon contrat à durée indéterminée à effet du 29 septembre 2003. Le 29 septembre 2003, M. [R] a signé un contrat identique, à effet du 1er octobre 2003, avec la société Sogest (la société), à l’enseigne commerciale est la société Alto. Par courrier daté du 19 décembre 2017, M. [R] a été licencié pour faute grave. Contestant son licenciement, M. [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Denis de la Réunion, qui a, par jugement du 14 décembre 2020 : – dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, – prononcé l’annulation ‘avec toutes conséquences de droit’ de la mise à pied conservatoire intervenue le 4 décembre 2017, – condamné la société Altodom Sogest à verser à M. [R] les sommes de : ‘ 20 000 euros à titre d’indemnité pour rupture abusive du contrat de travail, ‘ 12 232,42 euros à titre d’indemnité légale de licenciement, ‘ 6 828 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, ‘ 682,20 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, ‘ 3 414,49 euros à titre de rappel de salaires dû sur la période de mise à pied conservatoire, outre celle de 341,44 euros au titre des congés payés dus sur la même période, ‘ 1 000 euros à titre d’indemnité pour préjudice distinct, ‘ 1 500 euros au titre des frais irrépétibles, – condamné la société à remettre sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la notification de la présente décision, les documents contractuels de rupture modifiés, ainsi que les bulletins de salaires rectifiés, – rejeté le surplus des demandes, – rejeté les demandes reconventionnelles de la société comme étant mal fondées, – condamné la société aux dépens. Appel de cette décision a été interjeté par la société Sogest par acte du 9 février 2021. Par ordonnance du 4 octobre 2022, le conseiller de la mise en état a notamment débouté M. [R] de ses demandes de production du registre du personnel ainsi que d’un courrier en réponse à la demande de l’employeur de communication de la liste des clients communs et l’a condamné aux dépens. L’ordonnance de clôture de l’instruction est intervenue le 6 février 2023. Vu les dernières conclusions notifiées par la société Sogest le 30 novembre 2022′; Vu les dernières conclusions notifiées par M. [R] le 4 novembre 2022 ; Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu’aux développements infra. Sur ce : Sur la prescription Selon l’article L. 1471-1 alinéa 2 du code du travail, toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture. En l’espèce, la société soutient que l’action engagée par M. [R] serait prescrite, au motif que le délai de douze mois pour agir commence à courir au jour de l’envoi de la lettre de licenciement, soit le 19 décembre 2017 et que le délai pour agir a expiré le 18 décembre 2018 à minuit alors que l’action a été introduite le 19 décembre 2018. Si la rupture du contrat de travail se situe à la date à laquelle l’employeur a manifesté sa volonté d’y mettre fin, c’est-à-dire le jour de l’envoi de la lettre notifiant la rupture, il apparaît que cette date est distincte de celle de la notification du licenciement au salarié ou encore de la date apposée sur le courrier. Or, la société verse au débat une copie peu lisible de l’avis de réception justifiant de la notification de la lettre de licenciement au salarié en date du 23 décembre 2017, de sorte que l’action engagée le 19 décembre 2018 est recevable pour n’être pas prescrite. Il sera ajouté au jugement sur ce point. Sur le licenciement Aux termes de l’article L.1232-1 du code du travail, «’Tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse’». L’article L.1232-6 du même code ajoute que «’Lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. Cette lettre comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur. Elle ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue de l’entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué.(…)’». En l’espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige, est ainsi rédigée’: «’Nous avons été informés par notre partenaire SAP France que la société par actions simplifiée Rsoft Réunion, dont vous êtes le président depuis le 17 février 2015, réalise des prestations sur le logiciel SAP Business One à la Réunion et qu’elle a demandé officiellement à en devenir revendeur. Or, notre société est un revendeur certifié à la Réunion du logiciel SAP Business One pour lequel nous vous avons fait bénéficier d’une validation de la certification sur celui-ci. Il est donc indiscutable que depuis la création de votre société en 2013, vous mettez en concurrence notre entreprise et celle que vous dirigez. D’abord, nous avons constaté après contact de l’éditeur SAP, la présence du logo SAP sur le site de la société Rsoft Réunion (www.rsoft.fr) ainsi que la logo EBP, logiciel de gestion concurrent à notre activité. Ensuite, vous avez tenté de débaucher les consultants avec lesquels nous travaillons’: vous avez proposé à notre consultant externe SAP Business One, M. [C] [T] et par son intermédiaire à son consultant salarié, M. [B] [Y], certifié sur ce même logiciel, de se joindre à vous. Enfin, au mois de novembre, dans le cadre d’une mission chez notre client Testoni, vous avez fait du démarchage commercial au nom de votre société Rsoft Réunion pour un hébergement du serveur. Chacun de ces éléments est indiscutablement constitutif d’une faute grave justifiant votre licenciement. Par ailleurs, nous avons récemment appris que vous êtes cogérant, depuis le 16 janvier 2016, de la société Matagri Commerce Distribution (MCD) immatriculée le 10/12/2015, période à laquelle notre client Matagri a résilié son contrat de maintenance en date du 19/10/2015. Vous avez été surpris dans nos locaux au mois d’octobre 2017 dépannant cette société sur le logiciel SAP Business One. Non content de nous faire concurrence depuis des années sur la vente de logiciels, vous nous concurrencez sur les contrats de maintenance. Compte tenu de la déloyauté dont vous avez fait preuve envers votre employeur, du détournement de clientèle et de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible, y compris pendant le préavis. En conséquence, votre licenciement intervient à la première présentation de cette lettre, sans préavis ni indemnité de licenciement.’» Le licenciement étant motivé par une faute grave du salarié, il appartient à la société de rapporter la preuve d’une violation par M. [R] d’une obligation découlant du contrat de travail ou d’un manquement à la discipline de l’entreprise, rendant impossible son maintien dans l’entreprise. En l’espèce, il est constant que le contrat de travail faisait interdiction à M. [R] «’pendant toute sa durée d’exercer une autre activité professionnelle à quelque titre que ce soit (entrepreneur indépendant, salarié, etc…).’» et qu’une clause de secret professionnel a été annexée au contrat de travail aux termes de laquelle le salarié s’est engagé notamment à «’Ne pas reproduire ou faire reproduire tout ou partie des programmes d’ordinateur, des méthodes ou techniques spécifiques à la société ou aux produits et services commercialisés par la société.’». En premier lieu, en ce qui concerne les actes de concurrence et de déloyauté effectués par M. [R], par l’intermédiaire de la société Rsoft Réunion dont il était président, relatifs aux logiciels SAP et EBP, la société indique avoir toléré le fait que M. [R] continue à exercer pour son compte dans la mesure où l’objet social de cette dernière n’entrait pas en concurrence avec le sien. Elle reconnaît avoir eu ponctuellement recours aux services de la société Rsoft Réunion mais uniquement concernant ses missions d’origine, complémentaires à sa propre activité. Il résulte en fait des statuts de la société Rsoft Réunion (pièce 36 / appelante) que celle-ci avait principalement pour mission la formation sur les outils et technologies informatiques, ainsi que la vente de tous types de matériels de bureautiques et informatiques, les conseils, études et maintenances informatiques, la création, administration et référencement de site internet et tous types de travaux d’impression et administratifs. La société avait quant à elle pour objet social (pièces 9 et 10 / appelante) la fourniture de biens et services dans les domaines de gestion, le commerce, la finance, l’informatique, la communication ainsi que la réalisation de formations, études, prestations de conseil, installations, maintenances et tous autres services, rattachés directement ou indirectement aux biens et services fournis. Il résulte de ces statuts que la société Rsoft Réunion avait un objet social particulièrement large incluant des missions de formation ou de maintenance sur des logiciels, quand bien même il s’agirait de logiciels de gestion commercialisés par la société Sogest. La présence des logo des logiciels SAP et EBP sur son site en octobre 2017 n’était donc pas incongrue. La société n’ignorait pas que la société Rsoft Réunion pouvait intervenir en ces domaines puisqu’elle a elle-même eu recours aux services de cette dernière pour la création de son site internet (pièce 16 / intimé), de sites de clients, pour le renouvellement de sa licence anti-virus ou encore pour la fourniture à ses clients de serveurs et matériels de caisse (pièce 24 / intimé). La société ne peut donc soutenir avoir ignoré que les coordonnées «’de l’un de ses clients’», (et non d’un prospect), ont été envoyées à la société Rsoft dès lors que la société était en copie de ce courriel. Ainsi, M. [R] démontre que la société avait parfaitement connaissance de ses activités, exercées sous la forme d’entrepreneur individuel puis de la société par actions simplifiée Rsoft Réunion, sans qu’aucune conclusion ne puisse être tirée de ce changement de statut. M. [R] soulève donc à raison la prescription instaurée par les dispositions de l’article L. 1332-4 du code du travail, les prestations de formation ou de maintenance accomplies sur les logiciels de gestion ne pouvant être reprochées à M. [R] dans la lettre de licenciement, dès lors que l’employeur en avait connaissance depuis plus de deux mois avant l’engagement de la procédure disciplinaire. Par ailleurs, la société reproche également à M. [R] d’avoir voulu procéder à la revente du logiciel de gestion SAP Business One alors qu’elle était elle-même revendeur exclusif sur La Réunion. Par courriel du 30 novembre 2017, M. [Z], responsable des ventes de la société SAP France, a en effet interrogé la société, en sa qualité de revendeur exclusif, sur le point de savoir si elle connaissait la société Rsoft Réunion. Par courriel en réponse du même jour, la société écrit’: «’Suite à notre conversation de ce jour, j’ai bien noté que la société Rsoft fait déjà du SAP Business One à La Réunion et souhaite devenir revendeur. Comme tu me l’as évoqué un partenariat pourrait être intéressant entre nos deux sociétés. Aurais-tu un nom à me communiquer afin que je puisse les contacter STP »’», ce à quoi la société SAP Business One répond ne pas détenir cette information (pièce 16 / appelante). Par courriel du même jour, M. [I] écrit ensuite aux autres associés de la société:’«'[H] [Z] a reçu un mail d’un des responsables de SAP l’informant que Rsoft fait du SAP B1 depuis quelques années et demande aujourd’hui à devenir revendeur. [H] [Z] ne sait pas qui représente Rsoft et nous informe que nous avons un contrat exclusif à La Réunion et que Rsoft n’a pas le droit de revendre des licences. Il nous demande de se rapprocher de Rsoft afin de voir dans quel cadre nous pouvons travailler ensemble. [H] [Z] est prêt à faire une réunion avec nous ou encore Rsoft et nous pour traiter ce sujet. Nous savons tous ce qu’il nous reste à faire à présent, même si cela est humainement difficile.’». Il est donc établi que la société a pris connaissance de la demande formée par M. [R] de pouvoir procéder, dans le cadre de sa propre société, à la revente d’un logiciel commercialisé exclusivement par son employeur. M. [R] ne démontre pas que la demande aurait été frauduleusement faite au nom de sa société, par son employeur, dans le seul objectif de procéder à son licenciement, d’autant que M. [C], consultant ERP SAP (pièce 21 / appelante), atteste, sans qu’aucun motif ne vienne entacher la force probante de cette attestation, que’:’«’Au courant du mois d’octobre 2019, M. [R] m’a indiqué qu’il va prendre contact avec l’éditeur de l’ERP SAP pour l’acquisition complète de la carte et le statut de revendeur officiel de l’ERP SAP Business One. [‘] Celui-ci m’indiquait qu’il ne se sentait pas en danger sur le sujet car, pour lui, la demande sera émise sous le nom de la Direction de la société Rsoft..’». Ainsi, le grief formé à l’encontre de M. [R] relatif au fait qu’il ait sollicité l’autorisation de pouvoir commercialiser le logiciel SAP Business One, alors que ce logiciel était vendu exclusivement par son employeur, de surcroît après avoir bénéficié d’une formation financée par son employeur pour l’obtention d’une certification sur ce logiciel (pièce 33 / appelante), est établi et n’est pas prescrit, ayant été découvert moins de deux mois avant l’engagement des poursuites disciplinaires. Il sera ajouté au jugement sur ce point. En deuxième lieu, en ce qui concerne la tentative de débauchage, la société reproche au salarié d’avoir voulu recruter M. [C] et M. [Y] alors qu’ils travaillaient pour la société. M. [C] atteste en effet (pièce 21 / appelante) que M. [R] lui a proposé d’être collaborateur sur le nouveau pôle SAP de la société Rsoft Réunion et M. [Y] atteste avoir été informé par M. [C] des projets de M. [R] et de l’intention de ce dernier de le solliciter. Il convient toutefois de relever d’une part que M. [Y] n’a pas été témoin direct des propos qui auraient été tenus par M. [R] et n’a effectivement été destinataire d’aucune proposition de la part de M. [R] et d’autre part que M. [C] et M. [Y] sont consultants, à savoir des prestataires externes à la société Sogest, qui auraient dès lors légitimement pu travailler parallèlement pour les deux sociétés, ainsi que M. [Y] l’évoque d’ailleurs dans son attestation. Le grief relatif au débauchage de ces consultants n’est donc pas constitué. En troisième lieu, en ce qui concerne les propositions commerciales et prestations réalisées par M. [R] pour son propre compte ou pour celui de sa propre société, pendant son temps de travail, la société reproche à son salarié d’avoir proposé au client, la société Testoni, visité le 20 novembre 2017, qu’il soit procédé à l’hébergement du serveur par la société Rsoft Réunion. Il apparaît toutefois que ce type de prestation rentrait dans l’objet social de cette dernière alors que la société échoue à démontrer qu’elle était en mesure de répondre à cette demande, l’hébergement de serveur étant le préalable nécessaire à l’installation de logiciels. Il ne peut être fait grief à M. [R] d’avoir proposé les services de sa propre société d’autant que la société avait déjà adressé certains de ses clients à celle-ci pour la réalisation de prestations ne rentrant pas dans son champ de compétences. La société lui reproche également de s’être arrêté, le même jour, à la station-service Engen à [Localité 5] pour effectuer une opération de maintenance, alors que ce site ne figure pas parmi les clients de la société. Si M. [C] indique avoir vu M. [R] «’derrière le comptoir de caisse enregistreuse, apparemment en train de dépanner les problèmes d’édition’», il apparaît que Mme [V] atteste (pièce 21 / intimé) quant à elle que’:’«’M. [R] [P] n’est jamais intervenu sur le logiciel de gestion de la SARL Station Mon Caprice. Ce logiciel était géré jusqu’au 10 juin 2019 par la société CG Soft et depuis le 10 juin 2019 par la société Willow.’». L’intervention sur son temps de travail auprès de l’un des clients de la société Rsoft Réunion n’est donc pas démontrée. Le grief selon lequel M. [R] aurait fait des propositions commerciales concurrentielles ou des prestations pour son compte sur son temps de travail n’est donc pas établi. En quatrième lieu, en ce qui concerne le détournement de clientèle, la société reproche à M. [R] d’avoir dépanné, en octobre 2017, la société Matagri sur son temps de travail, alors que le contrat de maintenance avec la société avait été résilié en date du 19 octobre 2015 et que M. [R] avait des intérêts au sein de la société Matagri Commerce Distribution. Mme [X], commerciale de la société, atteste (pièce 23 / appelante) avoir assisté à une conversation téléphonique entre M. [R] et un client au cours de laquelle son collègue donnait des instructions et faisait de la maintenance. Elle ajoute qu’à l’issue M. [R] a reconnu avoir «’accepté de les dépanné par ce qu’il est trop gentil.’». M. [R] reconnaît en effet avoir répondu à une question de cet ancien client, mais précise que l’échange a duré un instant et que sa participation au sein de la société Matagri Commerce Distribution est indifférente. Ce seul fait est insuffisant pour caractériser un détournement de clientèle, d’autant qu’il n’est pas démontré que la résiliation du contrat de maintenance par la société Matagri, en 2015, serait dû à M. [R] et que cette société serait désormais cliente de la société Rsoft Réunion. Il est en revanche établi que M. [R] a en effet effectué sur son temps de travail une prestation de maintenance pour un client extérieur. Ce grief relatif à l’exécution de missions extérieures sur son temps de travail est donc établi. Les autres griefs relatifs au détournement à son profit de la société Internégoce ou de la réalisation d’une prestation auprès de la société Quincaill Tech, cliente de la société, mais au nom de la société Rsoft Réunion ne sont pas visés dans la lettre licenciement, de sorte que la cour n’a pas à les analyser. En dernier lieu, il s’évince des éléments précités que seuls les griefs relatifs à la tentative de la part de M. [R] de procéder à la revente du logiciel SAP Business One et l’opération de maintenance effectuée sur son temps de travail auprès d’une société non cliente de la société Sogest sont caractérisés. Ces griefs sont toutefois à apprécier à l’aune de l’ancienneté du salarié, des conditions dans lesquelles le contrat de travail s’est exercé jusqu’à la date du licenciement et des liens que ce dernier entretenait avec les associés de la société. En effet, malgré son ancienneté, il apparaît que M. [R] n’a jamais reçu de sanction disciplinaire, hormis une lettre de rappel à l’ordre du 5 décembre 2010. Dans ce courrier (pièce 14’/appelante), la société Altodom Sogest indiquait être satisfaite du travail de M. [R] mais que «’il n’en reste pas moins qu’il existe toujours à votre égard un climat de suspicion qui n’est pas nouveau, et qui nuit gravement à la perception que nous avons de votre implication dans la Société et de votre bonne foi. Cet état de choses n’est pas sain, vous porte préjudice ainsi qu’à la Société et à vos collaborateurs. La mise en ‘uvre des règles ci-dessous à compter de ce jour devra y remédier’: 1. Strict respect des horaires de travail de la Société, pour vous comme pour tous vos collègues. Arrivée au bureau ou chez le Client en cas de mission au plus tard à 9h du matin. 2. Strict respect des procédures internes de prise de rendez-vous chez les Clients.[…] 3. Mise à jour et respect des plannings sur le CRM Altodom.[…] 4. Séparation claire et traçable de votre travail en tant que salarié Altodom et vos responsabilités en tant que gérant de la Société Rsoft, notamment dans le cas où un Client Altodom est aussi client Rsoft. Ainsi afin de pouvoir anticiper et parer toute confusion des genres dans l’esprit de nos Clients nous vous prions de remettre avant la fin du mois à votre chef d’agence la liste des clients Altodom ayant acquis des biens et services Rsoft, avec le détail de ces biens et services pour chaque Client. Cette liste sera actualisée tous les mois. A toutes fins utiles, nous vous rappelons que votre contrat de travail pour la Société Altodom est à temps plein et que vous n’être donc pas sensé occuper un poste fonctionnel pour Rsoft.’». Il résulte toutefois de ce courrier que la société a, tout en rappelant la nécessité de ne pas mélanger la fonction de salarié avec celle de président de la société Rsoft Réunion, renouvelé son accord pour le cumul d’activités de M. [R], malgré la clause d’exclusivité incluse dans le contrat de travail. La société s’est également abstenue de fixer des limites claires entre l’activité de salarié de M. [R] et celles exercées dans le cadre de sa propre société, le recours par l’employeur aux services de cette dernière pour satisfaire certaines demandes de ses propres clients ayant maintenu son salarié dans l’indétermination quant aux prestations qui étaient tolérées. D’autant qu’il n’est en effet pas contesté que M. [R] avait le projet, avec quatre salariés de la société, de créer la société à responsabilité limitée Avenir Holding afin d’acquérir les actions de la société et que ce projet s’est finalement concrétisé en décembre 2015 sans la participation du salarié qui était alors interdit bancaire. Ces circonstances démontrent d’indéniables liens entre les dirigeants de la société et M. [R] qui ont pu autoriser ce dernier à penser qu’une coopération pouvait exister pour la revente du logiciel SAP Business One. De surcroît, M. [R], qui venait de bénéficier d’une formation, ne pouvait en effet ignorer que la société serait consultée sur sa demande de revente du logiciel SAP Business One, de sorte que ce grief ne peut caractériser un acte de déloyauté envers son employeur. De même, le fait d’avoir ponctuellement renseigné un ancien client à une occasion ne peut caractériser une faute d’une gravité suffisante pour justifier un licenciement dès lors qu’il n’est pas démontré que le dit client aurait résilié son contrat de maintenance pour conclure avec la société Rsoft Réunion. En conséquence, le licenciement sera confirmé en ce qu’il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Sur l’indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse Vu l’article L. 1235-3 du code du travail’; M. [R] qui avait 14 ans et 2 mois d’ancienneté au sein de la société, comptant plus de onze salariés, lors de son licenciement, demande à percevoir une indemnité correspondant à douze mois de salaire compte tenu de ses difficultés pour retrouver une activité, de la vente de ses parts dans la société Rsoft Réunion pour concrétiser le projet de reprise de la société via la holding Avenir. Il convient toutefois de constater que M. [R] dispose d’intérêts dans diverses sociétés et que le fait qu’il n’ait pu se joindre au projet de reprise de la société est uniquement dû à sa situation personnelle. En outre, le salaire moyen à prendre en compte est calculé à partir des salaires perçus de novembre 2016 à octobre 2017, dès lors que le salaire du mois de novembre 2017 a été diminué en raison d’un arrêt maladie, soit 3 361,15 euros. Eu égard aux faits de l’espèce, il sera fait une juste réparation de la rupture abusive de la relation de travail par la condamnation de la société à payer M. [R] la somme de 20 000 euros. Le jugement sera confirmé de ce chef. Sur l’indemnité légale de licenciement Vu les articles L. 1234-9, R. 1234-1, R. 1234-2 et R. 1234-4 du code du travail’; M. [R] qui avait une ancienneté de 14 ans et 2 mois à la date du licenciement a droit à une indemnité de licenciement, calculée conformément aux dispositions précitées, en considération du salaire moyen de 3 419,03 euros, calculé sur les trois derniers mois selon la formule la plus avantageuse, de 13 296,21 euros [(3 419,03/4 x 10) + (3 419,03/3 x 4) + (3 419,03/3 x 2/12)]. Mais dès lors que M. [R] sollicite la confirmation de ce chef de jugement, la société sera condamnée à payer à M. [R] la somme de 12 232,42 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement. Sur les indemnités compensatrices de préavis et de congés payés afférents Vu l’article L. 1234-5 du code du travail et l’article 4.2 du titre 4 de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 16 juillet 2021 ; M. [R] qui avait plus de deux années d’ancienneté, peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire, soit la somme de 6 838,06 euros. M. [R] sollicitant uniquement la somme de 6 828 euros de ce chef, le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société au paiement de cette somme au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 682,80 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis. Sur le rappel de salaires pour la période de mise à pied à titre conservatoire La mise à pied conservatoire ayant précédé le licenciement pour faute grave de M. [R] est injustifiée puisque, ainsi qu’il a été vu précédemment, la rupture du contrat de travail est dépourvue de cause réelle et sérieuse. M. [R] réclame donc légitimement les salaires dont il a été privé durant cette période, mais sollicite la confirmation du jugement qui a alloué la somme de 3 414,49 euros à ce titre. La mise à pied a été notifiée à M. [R] à compter du 4 décembre 2019 et a duré jusqu’au 19 décembre 2017, date de rupture du contrat, soit durant une période de 16 jours. Sur la base d’un salaire de base de 3 015 euros, la société sera condamnée à payer à M. [R] la somme de 1 608 euros à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied à titre conservatoire, outre la somme de 160,80 euros au titre des congés payés sur rappel de salaire. Le jugement sera infirmé de ce chef. Sur la demande de dommages et intérêts au titre d’un préjudice lié aux conditions vexatoires du licenciement M. [R] sollicite la somme de 5 000 euros en réparation des man’uvres diligentées par les associés de la société pour l’évincer, en lui faisant des reproches injustifiés. Ainsi qu’il a été dit précédemment, il n’est toutefois pas établi que la direction de la société aurait commis des man’uvres à l’encontre de son salarié ou qu’elle aurait procédé à son licenciement dans des conditions vexatoires. En outre, il ne justifie d’aucun préjudice n’ayant pas déjà été indemnisé par l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse. M. [R] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct du fait du caractère vexatoire de son licenciement, le jugement devant être infirmé de ce chef. Sur la remise de documents de fin de contrat Le jugement sera confirmé en qu’il a ordonné à la société Sogest de remettre à M. [R] le dernier bulletin de salaire et l’attestation Pôle emploi rectifiés. En revanche, il n’y a lieu au prononcé d’une astreinte, le jugement devant être infirmé de ce chef et M. [R] devant être débouté de cette demande. Sur la demande de paiement de la clause pénale ou de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier subi par la société Sogest La société demande la somme de 39 901,44 euros au titre de la clause pénale incluse dans le contrat de travail, et à titre subsidiaire, la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour les pertes de marge brute subies et les frais engagés pour le paiement de la formation de M. [R] pour l’obtention de sa certification sur le logiciel SAP Business One. Il convient toutefois de constater que la société échoue à démontrer que des informations, procédés, méthodes, techniques de travail ou programmes d’ordinateur acquis dans le cadre de son contrat de travail auraient été communiqués à une personne autre que la société Rsoft Réunion, dont l’activité était parfaitement connue et acceptée par la société Sogest. Aucune violation du secret professionnel n’est donc caractérisé. De même, la société ne démontre pas avoir subi de pertes de marge et la formation a été volontairement financée par la société à son salarié, sans qu’il ne puisse en être fait grief au salarié. La société sera donc déboutée de ses demandes de clause pénale et de dommages et intérêts pour préjudice financier. Le jugement devant être confirmé de ces chefs. Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral La société réclame la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral. Mais la société qui ne s’est pas placée sur le terrain de la faute lourde ne peut réclamer aucune somme à son salarié au titre de l’exécution de son contrat. En outre elle ne justifie d’aucune faute de la part de son salarié de nature à lui ouvrir droit à des dommages-intérêts, de sorte qu’elle sera déboutée de sa demande à ce titre et que le jugement sera confirmé sur ce point. PAR CES MOTIFS’: La cour, Statuant publiquement, contradictoirement, Dit non prescrits les faits sanctionnés par le licenciement’; Confirme le jugement rendu le 14 décembre 2020 par le conseil de prud’hommes de Saint-Denis de la Réunion, sauf en ce qu’il a condamné la société Sogest au paiement des sommes de 3 414,49 euros à titre de rappel de salaires pour la période de mise à pied conservatoire, de 341,44 euros au titre des congés payés dus sur la même période, de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct’et d’une astreinte’; Statuant à nouveau des chefs infirmés, Condamne la société Sogest au paiement de la somme de 1 608 euros à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied à titre conservatoire, outre la somme de 160,80 euros au titre des congés payés sur rappel de salaire ; Déboute M. [R] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct’; Déboute M. [R] de sa demande d’astreinte’; Y ajoutant, Déclare recevable l’action en contestation de la rupture de la relation de travail introduite par M. [R]’; Dit que seuls les faits de prestations de formation et maintenance effectuées par M. [R] dans le cadre de l’activité de la société Rsoft Réunion sont prescrits’; Vu l’article 700 du code de procédure civile, Déboute la société Sogest de sa demande au titre des frais non répétibles’; Condamne la société Sogest à payer à M. [R] la somme de 3 000 euros au titre des frais non répétibles’; Condamne la société Sogest aux dépens d’appel. Le présent arrêt a été signé par Monsieur Laurent CALBO, Conseiller, et par M. Jean-François BENARD, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT, |
→ Questions / Réponses juridiques
Quel est le contexte de l’affaire entre la société Xefi et la société Suez ?L’affaire concerne un litige entre la SAS Xefi Lyon, spécialisée dans les services informatiques, et la SAS Suez Groupe, désormais dénommée Vigie Groupe, qui gère l’eau et les déchets. Les deux sociétés ont entretenu des relations commerciales depuis 2009, avec un contrat de délégation de ressources techniques signé en 2013. Ce contrat prévoyait la mise à disposition de techniciens par Xefi à Suez pour des missions spécifiques. En 2016, Suez a résilié le contrat avec Xefi, ce qui a conduit à des désaccords sur des paiements dus et sur une clause de non-sollicitation concernant un salarié, M. [M]. Xefi a accusé Suez de débauchage, tandis que Suez a contesté ces accusations, entraînant une procédure judiciaire. Quelles étaient les principales revendications de la société Xefi ?La société Xefi a formulé plusieurs revendications dans le cadre de son appel. Elle a demandé la confirmation du jugement de première instance qui avait condamné Suez à lui verser une indemnité contractuelle de 21.600 euros. Xefi a également demandé le paiement d’une facture impayée de 68.709,60 euros, ainsi qu’une somme de 40 euros pour une autre facture. De plus, Xefi a sollicité une indemnisation de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que le remboursement des frais de justice. Ces demandes étaient basées sur des allégations de non-respect des termes contractuels par Suez, notamment en ce qui concerne la clause de non-sollicitation. Comment la société Suez a-t-elle répondu aux accusations de débauchage ?La société Suez a contesté les accusations de débauchage formulées par Xefi. Elle a soutenu que l’embauche de M. [M] par la société Helpline, qui a répondu à une annonce publiée sur internet, n’était pas le résultat d’une sollicitation de sa part. Suez a affirmé que l’annonce ne mentionnait ni le nom de Suez ni le lieu de travail, ce qui ne prouvait pas une intention de débauchage. Suez a également souligné que la charge de la preuve incombait à Xefi, qui devait démontrer que Suez avait réalisé des actions positives pour débaucher M. [M]. En l’absence de preuves concrètes, Suez a plaidé que les accusations de Xefi étaient infondées et que la société Xefi n’avait pas réussi à prouver un débauchage. Quelles ont été les conclusions du tribunal concernant la clause de non-sollicitation ?Le tribunal a conclu que la société Xefi n’avait pas apporté les preuves nécessaires pour démontrer que Suez avait violé la clause de non-sollicitation. Il a été rappelé que la liberté de travail du salarié doit être respectée et que la société Xefi devait prouver que Suez avait réalisé des actions positives pour embaucher M. [M]. Le tribunal a noté que Suez avait fourni des éléments prouvant que l’embauche de M. [M] par Helpline était indépendante de toute sollicitation de sa part. En conséquence, les demandes de Xefi concernant le débauchage ont été rejetées, et la décision de première instance a été infirmée sur ce point. Quelles ont été les conséquences financières pour la société Xefi à l’issue du jugement ?À l’issue du jugement, la société Xefi a été condamnée à supporter l’intégralité des dépens de la procédure, tant en première instance qu’en appel. De plus, le tribunal a infirmé la décision de première instance qui avait accordé à Xefi une indemnisation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. En revanche, la société Suez a été indemnisée à hauteur de 8.000 euros sur le même fondement, ce qui a constitué une conséquence financière significative pour Xefi, qui a échoué dans l’ensemble de ses prétentions. Cela souligne l’importance de la preuve dans les litiges commerciaux, notamment en matière de clauses contractuelles. |
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