SOC.
AF1 COUR DE CASSATION Audience publique du 12 avril 2023 Cassation partielle Mme MONGE, conseiller doyen Arrêt n° 461 F-D Pourvoi n° U 21-24.550 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 AVRIL 2023 La société AIMV, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 21-24.550 contre l’arrêt rendu le 24 septembre 2021 par la cour d’appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l’opposant : 1°/ à Mme [H] [S], domiciliée [Adresse 3], 2°/ au syndicat national des journalistes, dont le siège est [Adresse 5], 3°/ à la société BFM TV, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], 4°/ à Pôle emploi, direction régionale Hauts-de-France, dont le siège est [Adresse 4], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société AIMV, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [S] et du syndicat national des journalistes, après débats en l’audience publique du 15 mars 2023 où étaient présentes Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Exposé du litige Faits et procédure 1. Selon l’arrêt attaqué (Douai, 24 septembre 2021), Mme [S] a été engagée en qualité de journaliste reporter d’images par la société AIMV, à compter du 21 septembre 2012, par contrats à durée déterminée d’usage. Elle intervenait dans le cadre d’un contrat de prestation de services conclu entre les sociétés AIMV et BFM TV. 2. Le 30 mai 2016, la journaliste a saisi la juridiction prud’homale de demandes formées tant à l’encontre de la société AIMV que de la société BFM TV. Le Syndicat national des journalistes est intervenu volontairement à l’instance. Moyens Sur les premier, deuxième, quatrième et cinquième moyens 3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation et qui, pour le premier, pris en sa troisième branche, est irrecevable. Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. L’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner au paiement de certaines sommes au titre de l’indemnité de requalification, du rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre congés payés afférents, de dommages-intérêts pour non-respect des temps maximaux de travail, d’indemnité de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « qu’après avoir retenu que Mme [S] bénéficiait d’un contrat de travail à durée indéterminée avec la société AIMV, la cour d’appel a retenu que ‘’le salaire de base doit être calculé proportionnellement au temps de travail habituel, sur la base du salaire correspondant au poste de reporter cameraman, tel qu’il apparaît dans la grille NAO de la société BFM TV, soit 3 297,75 euros (4 397 € x 75 %)’‘ ; qu’en appliquant ainsi la ‘’grille NAO’‘ de la société BFM TV à une société tierce qui en contestait l’applicationsans expliquer comment le salaire en vigueur au sein de la société BFM TV pouvait s’appliquer à la société AIMV et, partant, sans préciser le fondement de sa décision, la cour d’appel, qui n’a pas mis la cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 devenu 1103 du code civil. » Motivation Vu l’article L. 1221-1 du code du travail, l’article 1134 alinéa 1 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 : 5. Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. 6. Pour déterminer le montant du salaire de base et calculer le montant des sommes allouées à la salariée, l’arrêt retient que la demande de requalification en temps plein étant rejetée, le salaire de base doit être calculé proportionnellement au temps de travail habituel, sur la base du salaire correspondant au poste de reporter cameraman, tel qu’il apparaît dans la grille NAO de la société BFM TV. 7. En se déterminant ainsi, sans préciser le fondement de sa décision et les raisons pour lesquelles elle a retenu la grille de salaire de la société BFM TV alors que l’intéressée était salariée de la société AIMV, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. Dispositif CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne la société AIMV à verser à Mme [S] les sommes de 3297,75 euros au titre de l’indemnité de requalification, 24 684,84 euros au titre du rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre congés payés afférents, 3 000 euros de dommages-intérêts pour non-respect des temps maximaux de travail, 14 944 euros au titre de l’indemnité de licenciement, 6 595,50 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre congés payés afférents, 20 000 euros de dommages-intérêts au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt rendu le 24 septembre 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Douai ; Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel d’Amiens ; Condamne Mme [S] aux dépens ; En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille vingt-trois. |
→ Questions / Réponses juridiques
Quel est le contexte de l’affaire entre Madame [P] et la Caisse des Dépôts et Consignations ?L’affaire concerne Madame [P], qui a travaillé en tant que journaliste pour la revue interne de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) de septembre 1996 à novembre 2018. Elle a rédigé un article par mois pour cette revue, CDCSCOPE, tout en ayant d’autres activités professionnelles. Sa rémunération a été versée par divers prestataires externes, notamment le GIE SCDC, dissous en 2017, puis par d’autres sociétés jusqu’à ce que la CDC décide d’internaliser la rédaction de son journal en novembre 2018. Madame [P] a alors saisi le conseil de prud’hommes pour faire reconnaître un co-emploi avec la CDC et la société Jam Communication, et pour requalifier sa relation de travail en contrat à durée indéterminée, demandant également des indemnités de rupture. Quel est le délai de prescription applicable à l’action en requalification d’un contrat de travail ?Le délai de prescription pour une action en requalification d’un contrat de travail est de deux ans, selon l’article L1471-1 du code du travail. Ce délai commence à courir à partir du terme du dernier contrat de mission. Dans le cas de Madame [P], ce terme a été atteint en novembre 2018, date à laquelle elle a cessé de travailler pour la CDC. Le tribunal a rejeté la fin de non-recevoir fondée sur la prescription, car le délai de deux ans n’était pas encore écoulé au moment de la saisine du conseil de prud’hommes. Quelles étaient les demandes de Madame [P] devant le conseil de prud’hommes ?Madame [P] a formulé plusieurs demandes devant le conseil de prud’hommes, notamment : 1. La reconnaissance d’une situation de co-emploi avec la CDC et la société Jam Communication. Elle a également demandé une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour couvrir ses frais d’avocat. Comment la cour a-t-elle statué sur la qualité d’employeur de la Caisse des Dépôts et Consignations ?La cour a conclu que la Caisse des Dépôts et Consignations était bien l’employeur de Madame [P] depuis septembre 1996. Elle a examiné les conditions de travail de Madame [P], notant qu’elle recevait directement des instructions de la direction de la communication de la CDC, et que cette dernière organisait les conditions de ses reportages. La cour a également souligné que l’existence d’un lien de subordination, caractéristique d’un contrat de travail, était présente, malgré le fait que Madame [P] travaillait souvent en dehors des locaux de la CDC. Quelles ont été les conséquences de la décision de la cour concernant la rupture du contrat de travail ?La cour a prononcé la résiliation du contrat de travail de Madame [P] aux torts de la Caisse des Dépôts et Consignations, considérant que l’absence de travail fourni après l’internalisation de la rédaction constituait un manquement grave de l’employeur. Cette résiliation a été qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse, entraînant l’octroi d’indemnités à Madame [P]. Elle a été condamnée à verser des sommes significatives, incluant une indemnité de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis, et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, totalisant plus de 46.000 euros. Quelle a été la position de la cour concernant la société Jam Communication ?Concernant la société Jam Communication, la cour a statué qu’elle était l’employeur de Madame [P] dans le cadre de contrats de portage salarial à durée déterminée, qui étaient conformes aux dispositions du code du travail. Étant donné que ces contrats étaient réguliers et que la relation de travail a duré sept mois, la cour a décidé de ne pas prononcer la requalification de la relation contractuelle avec cette société. Ainsi, les demandes d’indemnités de rupture formulées par Madame [P] à l’encontre de Jam Communication n’ont pas été retenues. |
Laisser un commentaire