Voile islamique au travail : licenciement nul

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Voile islamique au travail : licenciement nul

Un employeur n’est pas en droit de licencier une salariée au seul motif qu’elle a refusé de retirer son voile islamique suite à la demande exprimée par un client de l’employeur. L’interdiction de porter un signe extérieur d’appartenance à une religion doit être formalisée par écrit (règlement intérieur ou autre) et répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante.

Double condition de légalité de l’interdiction

Mais lorsque l’employeur envisage d’instaurer des règles de nature à constituer une restriction aux droits des personnes et aux libertés individuelles, comme la liberté d’exprimer ses convictions religieuses, politiques ou philosophiques, il ne peut le faire, sous le contrôle de l’inspection du travail et du juge, que par le biais du règlement intérieur ou d’une note de service soumise aux mêmes règles et dans le respect des dispositions des articles L. 1321-1 et suivants du code du travail qui prévoient la consultation des institutions représentatives du personnel et la publicité des normes internes ainsi produites. Or, tel n’est pas le cas d’une règle non écrite, comme celle invoquée par l’employeur dans l’affaire soumise.

Dans son arrêt du 14 mars 2017, la CJUE a retenu que « la notion « d’exigence professionnelle essentielle et déterminante », au sens de la directive 2000/78 renvoie à une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d’exercice de l’activité professionnelle en cause. Elle ne saurait, en revanche, couvrir des considérations subjectives, telles que la volonté de l’employeur de tenir compte des souhaits particuliers du client.

Affaire Micropole

Une salariée de la société Micropole, société de conseil et d’ingénierie (Convention Syntec), a obtenu la nullité de son licenciement. La salariée a été licenciée au motif qu’elle refusait d’enlever le voile qu’elle portait lorsqu’elle intervenait auprès de la clientèle. Cette interdiction a été qualifiée de mesure discriminatoire.

Mesure discriminatoire

Il résulte des dispositions de l’article L.1132-1 du code du travail qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en matière de rémunération, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ses convictions religieuses. En application de l’article L. 1134-1 du code du travail, lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’une telle discrimination et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En l’espèce, la lettre de licenciement reprochait expressément à la salariée de refuser d’enlever le voile lorsqu’elle était en contact avec la clientèle et l’employeur justifiait cette mesure par la nécessité, d’une part, d’encadrer l’expression du fait religieux et, d’autre part, de respecter les convictions des autres travailleurs. La salariée présentait donc bien des éléments de nature à laisser supposer l’existence d’une discrimination et il appartenait dès lors à l’employeur de prouver que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Position de la CJUE

Dans son arrêt rendu le 14 mars 2017 (CJUE, 14 mars 2017, G4S Secure Solutions, C-157/15), à la suite de la question préjudicielle posée par la Cour de cassation dans le cadre du litige en cause, la CJUE a considéré que le législateur de l’Union a retenu, lors de l’adoption de la directive 2000/78 du 27 novembre 2000, une notion extension de la « religion ». Cette dernière couvre tant le forum internum, à savoir le fait d’avoir des convictions, que le forum externum, à savoir la manifestation en public de la foi religieuse.  Le port d’un signe religieux, comme le voile, relève donc de la liberté religieuse et ne peut, par lui-même, faire l’objet d’une restriction au seul motif que le port d’un tel signe pourrait déranger les convictions d’autres personnes.

L’interdiction de porter un foulard islamique, qui découle d’une règle interne d’une entreprise privée interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, ne constitue pas une discrimination directe fondée sur la religion ou sur les convictions au sens de cette directive. En revanche, une telle règle interne d’une entreprise privée est susceptible de constituer une discrimination indirecte au sens de l’article 2, § 2, sous b), de la directive 2000/78/CE s’il est établi que l’obligation en apparence neutre qu’elle prévoit entraîne, en fait, un désavantage particulier pour les personnes adhérant à une religion ou à des convictions données, à moins qu’elle ne soit objectivement justifiée par un objectif légitime, tel que la poursuite par l’employeur, dans ses relations avec ses clients, d’une politique de neutralité politique, philosophique ainsi que religieuse, et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Il résulte des articles L. 1121-1, L. 1132-1 et L. 1133-1 du code du travail, mettant en oeuvre en droit interne les dispositions des articles 2, § 2, et 4, § 1, de la directive 2000/78/CE, que les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché. Aux termes de l’article L. 1321-3, 2o, du code du travail, le règlement intérieur ne peut contenir des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

L’employeur, investi de la mission de faire respecter au sein de la communauté de travail l’ensemble des libertés et droits fondamentaux de chaque salarié, peut prévoir dans le règlement intérieur de l’entreprise ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur, en application de l’article L. 1321-5 du code du travail, une clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, dès lors que cette clause générale et indifférenciée n’est appliquée qu’aux salariés se trouvant en contact avec les clients.

En présence du refus d’un salarié de se conformer à une telle clause dans l’exercice de ses activités professionnelles auprès des clients de l’entreprise, il appartient à l’employeur de rechercher si, tout en tenant compte des contraintes inhérentes à l’entreprise et sans que celle-ci ait à subir une charge supplémentaire, il lui est possible de proposer à la salariée un poste de travail n’impliquant pas de contact visuel avec ces clients, plutôt que de procéder à son licenciement.

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Questions / Réponses juridiques

Quelle est la légalité des pratiques de contrôle des clients en fonction de leur origine ?

Les pratiques de contrôle des clients basées sur leur origine, notamment africaine ou maghrébine, sont considérées comme illégales. Cela est en contradiction avec les principes de non-discrimination établis par le droit du travail.

En effet, l’article L. 1132-1 du code du travail stipule qu’aucun salarié ne peut être soumis à des mesures discriminatoires en raison de son origine. Ces pratiques sont non seulement contraires à la loi, mais elles alimentent également des stéréotypes et des préjugés qui nuisent à l’égalité des chances.

Quelles sont les conséquences du licenciement d’une salariée ayant dénoncé des pratiques discriminatoires ?

La salariée qui a dénoncé les pratiques discriminatoires de son employeur a obtenu la nullité de son licenciement. Ce licenciement a été jugé contraire à l’article 1132-4 du code du travail, qui protège les lanceurs d’alerte.

En effet, le licenciement a été considéré comme une sanction pour avoir dénoncé des actes illégaux. La protection des lanceurs d’alerte est essentielle pour encourager la dénonciation de comportements répréhensibles sans crainte de représailles.

Comment l’employeur a-t-il tenté d’éviter de laisser des traces écrites de ses pratiques ?

L’employeur a mis en place des pratiques de vérification approfondies basées sur l’origine des clients, mais a choisi de ne pas les documenter par écrit. Il a prohibé toute mention écrite de ces pratiques pour éviter de laisser des preuves de leur caractère discriminatoire.

Cette stratégie visait à dissimuler des comportements illégaux et à éviter des conséquences juridiques. La convocation de la salariée après sa dénonciation a clairement montré que le licenciement était motivé par sa volonté de s’opposer à ces pratiques.

Quelle est la protection accordée aux lanceurs d’alerte dans le cadre de la lutte contre la discrimination ?

La protection des lanceurs d’alerte est déterminante pour permettre aux salariés de dénoncer des actes discriminatoires sans craindre des représailles. Même si un salarié a été contraint de participer à des pratiques discriminatoires, cela ne doit pas l’empêcher de bénéficier de cette protection.

L’article L. 1132-4 du code du travail garantit que les salariés ne peuvent pas être sanctionnés pour avoir témoigné ou dénoncé des actes de discrimination. Cette protection est essentielle pour encourager un environnement de travail éthique et respectueux.

Quelles sont les mesures discriminatoires interdites par le code du travail ?

Le code du travail interdit toute mesure discriminatoire, qu’elle soit directe ou indirecte, dans divers domaines tels que la rémunération, la formation, la promotion, et d’autres aspects liés à l’emploi.

Ces mesures ne peuvent être fondées sur des critères tels que l’origine, le sexe, l’âge, ou d’autres caractéristiques personnelles. L’objectif est de garantir l’égalité des droits et des chances pour tous les salariés, indépendamment de leurs différences.

Où peut-on consulter la décision relative à cette affaire ?

La décision relative à cette affaire peut être consultée en téléchargeant le document disponible à l’adresse suivante : [Télécharger la décision](https://www.uplex.fr/contrats/wp-content/uploads/1members/pdf/CA_Versailles_6_12_2018_VAD.pdf).

Ce document fournit des détails supplémentaires sur les circonstances de l’affaire, les arguments présentés et la décision finale rendue par le tribunal. Il est important de se référer à des sources officielles pour obtenir des informations précises et complètes.


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