Contexte du bail commercialMonsieur [P] [H] et son épouse Madame [E] [H] ont donné à bail un local commercial à Monsieur [T] [J] pour l’exploitation d’un restaurant, avec un loyer annuel de 13 680 €, à partir du 1er octobre 2003. Monsieur [H] est décédé en 2004, laissant son épouse et ses trois filles comme héritières. Cessions de bailEn 2006, le bail a été cédé à Madame [V], puis en 2009 à la SARL LE DIABLOTIN. En 2012, le bail a été renouvelé pour 9 ans au bénéfice de la SARL LE DIABLOTIN, avec un loyer annuel de 18 130 €. Un avenant en 2015 a réduit ce loyer à 14 232 €. La SARL LE DIABLOTIN a ensuite cédé son fonds de commerce à la SARL [W] en mars 2015. Transmission des droitsMadame [H] est décédée en 2015. En 2016, Madame [D] [H] a fait donation de sa part dans l’indivision à sa fille, qui a ensuite apporté son droit à la SCI CGS en 2017. Les consorts [H] ont vendu leurs droits à la SCI CGS, qui est devenue propriétaire de l’immeuble. Demande de renouvellement de bailEn avril 2021, la SARL [W] a demandé le renouvellement du bail commercial à la SCI CGS, qui n’a pas opposé de refus. En novembre 2021, la SARL [W] a notifié un mémoire préalable à la saisine du juge des loyers commerciaux. Procédure judiciaireLa SARL [W] a assigné la SCI CGS en mai 2022. Un jugement en avril 2023 a ordonné une expertise judiciaire, dont le rapport a été déposé en février 2024. La SARL [W] a demandé un loyer de 15 727,20 €, tandis que la SCI CGS a proposé un loyer de 22 880 €. Fixation du loyer renouveléLe juge a constaté que le principe du renouvellement était acquis, le litige portant sur le montant du loyer. Selon l’article L. 145-33 du Code de commerce, le loyer doit correspondre à la valeur locative, qui a été fixée à 21 735 € annuels. Le loyer plafond, calculé selon l’article L. 145-34, a été établi à 15 727,20 €. Décision du jugeLe juge a fixé le loyer du bail renouvelé à 15 727,20 € par an, a débouté les parties de toutes demandes contraires, et a ordonné que les dépens soient à la charge de la SCI CGS. L’exécution provisoire a également été ordonnée. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Tribunal judiciaire de Montpellier
RG n°
22/02246
TOTAL copies
COPIE REVÊTUE
formule exécutoire avocat
COPIE CERTIFIEE
CONFORME : AVOCAT
COPIE EXPERT
COPIE DOSSIER
MINUTE N°: 24/00018
N° RG 22/02246 – N° Portalis DBYB-W-B7G-NV56
LOYERS COMMERCIAUX
le : 05 Novembre 2024
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONTPELLIER
LE JUGE DES LOYERS COMMERCIAUX
a rendu le jugement dont la teneur suit :
DEMANDERESSE
S.A.R.L. [W]
RCS MONTPELLIER 810 099 416,
dont le siège social est sis [Adresse 1]
prise en la personne de ses co-gérants Monsieur [M] [W] et Madame [Z] [W] domicilié en cette qualité audit siège
représentée par Maître Marie-José GARCIA, avocat au barreau de Montpellier
DEFENDERESSE
S.C.I. CGS,
RCS MONTPELLIER 827 644 204,
dont le siège social est sis [Adresse 1] / FRANCE
prise en la personne de sa gérante en exercice Madame [F] [A] épouse [Y]
représentée par Maître Emilie NOLBERCZAK, avocat au barreau de Montpellier
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :
Karine ESPOSITO
Juge délégué par ordonnance de Madame le Président du Tribunal,
assisté de Marjorie NEBOUT greffier, lors des débats et du prononcé.
DEBATS : en audience publique du 03 Septembre 2024
MIS EN DELIBERE au 05 Novembre 2024
JUGEMENT : signé par le président et le greffier et mis à disposition au greffe le 05 Novembre 2024
Suivant acte en date du 29 octobre 2003, Monsieur [P] [H] et son épouse Madame [E] [H] née [I], ont donné à bail à Monsieur [T] [J] un local à usage commercial dans un immeuble cadastré CR n°[Cadastre 2] sis [Adresse 1] à [Localité 4], pour l’exploitation d’un restaurant, pour une durée de 9 années à compter du 1er octobre 2003 pour se terminer le 30 septembre 2012, moyennant un loyer annuel de base de 13 680 €, hors charges.
Monsieur [H] est décédé le 28 septembre 2004 en laissant pour lui succéder son épouse et ses 3 filles.
Suivant acte notarié en date du 21 février 2006, dans le cadre de la cession du fonds de commerce, le bailleur a consenti à la cession dudit bail à Mme [V], commerçante. Puis par acte notarié en date du 30 avril 2009, contenant cession de fonds de commerce, le bailleur a consenti à la cession du droit au bail à la SARL LE DIABLOTIN.
Par acte sous seing privé en date du 25 juillet 2012, Madame [E] [H] née [I], Madame [B] [H] épouse [G], Madame [D] [H] divorcée [A], Madame [C] [H] épouse [O] ont renouvelé Ie-dit bail commercial pour une période de 9 années à compter du 30 septembre 2012 pour venir à expiration le 29 septembre 2021, au bénéfice de Ia SARL LE DIABLOTIN, moyennant un loyer annuel hors charges de 18 130 €, soit 1 510, 83 € mensuels.
Le 20 février 2015, un avenant a été signé entre Ies parties afin de ramener le loyer annuel à Ia somme de 14 232 € hors charges, soit 1 186 € mensuels.
Par acte en date du 13 mars 2015, la SARL LE DIABLOTIN a cédé son fonds de commerce à Ia SARL [W] et dans ce cadre Ies bailleurs ont consenti à Ia cession du bail. Il a été précisé au terme de cet acte que le montant du loyer annuel était de 14 232 €, payable mensuellement à hauteur de 1 186 € auxquels s’ajoute la provision semestrielle sur charges d’un montant de 300 € correspondant à la consommation d’eau.
Madame [H] née [I] est décédée Ie 29 aout 2015. Le 12 décembre 2016, Madame [D] [H] divorcée [A] a fait donation à sa fille, Madame [F] [A], de sa part dans l’indivision et le 18 janvier 2017, Madame [F] [A] a apporté son droit dans l’indivision à Ia SCI CGS.
Suivant acte en date du 8 septembre 2017, les consorts [H] ont vendu leurs droits dans l’indivision à Ia SCI CGS qui devenait ainsi propriétaire de l’immeuble donné à bail.
Par acte en date du 23 avril 2021, Ia SARL [W] a signifié une demande de renouvellement du bail commercial à Ia SCI CGS, pour une durée de neuf années à compter du 30 septembre 2021.
La SCI CGS ne s’est pas opposée au renouvellement du bail commercial.
Suivant courrier recommandé avec avis de réception en date du 16 novembre 2021 Ia SARL [W] a notifié à Ia SCI CGS un mémoire préalable à la saisine du juge des loyers commerciaux.
***
Par acte d’huissier signifié le 9 mai 2022, la SARL [W] a fait assigner la SCI CGS devant le juge des loyers commerciaux.
Suivant jugement en date du 4 avril 2023 le juge des loyers commerciaux a ordonné une mesure d’expertise judiciaire confiée à monsieur [L] [S].
L’expert judiciaire a déposé son rapport le 29 février 2024.
***
Suivant les termes du dispositif de son dernier mémoire, la SARL [W] demande au juge des loyers commerciaux de :
Vu les articles L145-34 alinéa 1 du code de commerce
Vu les articles R145-3 à 145-8 du code de commerces
Vu le rapport d’expertise
fixer le loyer en renouvellement à la somme annuelle de 15 727, 20 € taxe foncière incluse,condamner la SCI à verser à la SARL [W] la somme de 2000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,condamner la SCI CGS aux entiers dépens en ceux compris les frais d’expertise.
Suivant les termes du dispositif de son dernier mémoire, la SCI CGS demande au juge des loyers commerciaux de :
Vu les articles L145-1 et s., L145-33 et L145-34, R145-3 à R145-8 du Code de commerce,
fixer à vingt-deux mille huit cent quatre-vingt euros hors charges et hors taxe (22 880 euros) le montant annuel du loyer à la date du 30 septembre 2021,débouter la SARL [W] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,débouter la SARL [W] de sa demande formulée sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et des dépens,condamner la SARL [W] à verser à la SCI CGS la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,condamner la SARL [W] aux entiers dépens en ceux compris les frais d’expertise.
L’affaire a été appelée à l’audience du 03 septembre 2024.
La décision a été mise en délibéré à la date du 5 novembre 2024.
Le principe du renouvellement du bail est acquis, le litige portant uniquement sur le montant du loyer du bail renouvelé.
I – Sur la fixation du loyer du bail renouvelé
L’article L. 145-33 du Code de commerce dispose que « le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. A défaut d’accord, cette valeur est déterminée d’après :
1° Les caractéristiques du local considéré ;
2° La destination des lieux ;
3° Les obligations respectives des parties ;
4° Les facteurs locaux de commercialité;
5° Les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
Un décret en Conseil d’Etat précise la consistance de ces éléments. ».
Cette règle doit être tempérée par celle du plafonnement posée par l’article L.145-34 du même Code aux termes duquel :
« A moins d’une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d’effet du bail à renouveler, si sa durée n’est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 112-2 du code monétaire et financier, publiés par l’Institut national de la statistique et des études économiques. A défaut de clause contractuelle fixant le trimestre de référence de cet indice, il y a lieu de prendre en compte la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié.
En cas de renouvellement postérieur à la date initialement prévue d’expiration du bail, cette variation est calculée à partir du dernier indice publié, pour une période d’une durée égale à celle qui s’est écoulée entre la date initiale du bail et la date de son renouvellement effectif.
Les dispositions de l’alinéa ci-dessus ne sont plus applicables lorsque, par l’effet d’une tacite prolongation, la durée du bail excède douze ans.
En cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 145-33 ou s’il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d’une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente. ».
Par application conjuguée de ces dispositions, un déplafonnement du loyer du bail renouvelé ne peut donc être envisagé que si la preuve est rapportée d’une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 145-33 du Code de commerce.
Toutefois, la règle posée par l’article L.145-34 susvisé n’exclut pas l’application de la règle posée par l’article L.145-33 lorsque la valeur locative est inférieure à la valeur plafonnée ;
A / Sur le calcul de la valeur locative
Sur les facteurs locaux de commercialité
L’expert judiciaire estime que les facteurs locaux de commercialité n’ont pas notablement évolué à la hausse pendant la durée du bail renouvelé. En effet, il précise que les parties lui ont indiqué que le [Adresse 3] n’avait pas rencontré d’aménagement notable au niveau de l’urbanisme ou des commerces, le seul changement intervenu pendant cette durée étant la démolition d’un bâtiment ancien remplacé par un autre immeuble contemporain qui, à lui seul, ne pouvait avoir modifié les facteurs de commercialité pour le commerce concerné.
Il en résulte qu’aucune modification des facteurs locaux de commercialité notable n’est intervenue pendant le cours du bail renouvelé.
En conséquence, le déplafonnement du loyer peut être envisagé si la valeur locative est supérieure au loyer plafond.
Sur les obligations respectives des parties
Le bail met à la charge du locataire les charges et taxe locatives ainsi que, depuis l’avenant du 20 février 2015, la taxe foncière globale et les prestations individuelles ou collectives récupérables sur le locataire.
Néanmoins, la prise en charge par le preneur de la taxe foncière a fait l’objet d’un avenant par lequel le loyer était, en conséquence, révisé à la baisse.
Il en résulte qu’appliquer un coefficient de minoration ou de majoration afin de tenir compte de ces éléments reviendrait à les prendre en compte deux fois.
Sur la surface pondérée des locaux et la valeur locative
Ni la surface pondérée des locaux ni la valeur locative ne sont contestées par les parties, de telle sorte que ces éléments déterminés par l’expert seront retenus.
En conséquence, la valeur locative du local exploité par la SARL [W] sera fixée à 21 735 € annuels hors taxe et hors charge.
B/ Sur le loyer plafond
En application des dispositions de l’article L145-34 du code de commerce, le loyer plafond, au 30 septembre 2021, date de renouvellement du bail, est obtenu en multipliant le loyer lors de la prise d’effet du bail par l’indice des loyers commerciaux du 3-ème trimestre 2021, le tout divisé par l’indice des loyers commerciaux du 1er trimestre 2015.
Soit, en l’espèce :14 323 € X 119,70/108,32 €= 15727,20 €.
En conséquence, tenant en compte le fait que la valeur locative est supérieure au loyer plafond, il y a lieu de fixer le montant du loyer renouvelé au montant du loyer plafonné, soit à la somme de 15 727,20 € par an à compter du 30 septembre 2021.
Sur les demandes complémentaires
Selon l’article R145-23 du code de commerce « Les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace. Il est statué sur mémoire.
Les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes mentionnées à l’alinéa précédent.
La juridiction territorialement compétente est celle du lieu de la situation de l’immeuble. »
En l’espèce, il n’appartient pas à la juridiction de céans de statuer sur le règlement de la taxe foncière.
II- Sur les autres demandes
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre des parties.
Les dépens, y compris les frais d’expertise judiciaire, seront supportés par la SCI CGS qui succombe à ses prétentions.
Sur l’exécution provisoire :
L’exécution provisoire, compatible avec la nature de l’affaire, sera ordonnée.
Le juge des loyers commerciaux, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,
FIXE le montant du loyer du bail renouvelé liant la SARL [W] à la SCI CGS à compter du 30 septembre 2021 à la somme annuelle hors taxes et hors charges de 15 727,20 € (QUINZE MILLE SEPT CENT VINGT SEPT EUROS ET VINGT CENTIMES),
DEBOUTE les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre des parties,
FAIT MASSE des entiers dépens, y compris les frais d’expertise judiciaire, et les met à la charge de la SCI CGS
ORDONNE l’exécution provisoire.
LE GREFFIER LE JUGE DES LOYERS COMMERCIAUX
Laisser un commentaire