Suspension de la Procédure : Équilibre entre Droit au Délai Raisonnable et Administration de la Justice

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Suspension de la Procédure : Équilibre entre Droit au Délai Raisonnable et Administration de la Justice

Contexte de l’Affaire

Le 27 mai 2022, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé à [Adresse 1] [Localité 6] a assigné Mme [I] [S] et la SCI Hauts de Seine devant le tribunal judiciaire de Paris. L’objectif de cette assignation était d’obtenir le paiement des frais de remise en état de la toiture de l’immeuble, qui avait été modifiée par des travaux non autorisés.

Décision du Juge de la Mise en État

Le 12 mars 2024, le juge de la mise en état a renvoyé les fins de non-recevoir soulevées par la SCI Hauts de Seine et Mme [S] devant la formation de jugement, sans clore l’instruction. Il a également débouté la SCI et Mme [S] de leur incident relatif à la prescription, déclarant l’action du syndicat des copropriétaires non prescrite.

Appel de l’Ordonnance

Mme [I] [S] a interjeté appel de l’ordonnance le 19 avril 2024, et la SCI Hauts de Seine a formé un appel incident. L’affaire a été fixée pour clôture et plaidoirie au 4 février 2027, portant le numéro de RG 24/07898.

Demandes de Sursis à Statuer

Le 4 septembre 2024, Mme [S] a demandé un sursis à statuer en attendant la décision de la Cour d’Appel de Paris concernant l’ordonnance du juge de la mise en état. La SCI Hauts de Seine a soutenu cette demande, arguant que l’arrêt de la cour d’appel pourrait avoir une incidence directe sur le litige.

Réponse du Syndicat des Copropriétaires

Le syndicat des copropriétaires a répliqué le 7 août 2024, demandant le déboutement de Mme [I] [S] de sa demande de sursis à statuer et de dispense de participation aux frais. Il a également demandé à ce que Mme [I] [S] soit condamnée à verser 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Audience de Plaidoiries

L’affaire a été appelée à l’audience de plaidoiries le 9 septembre 2024. Les débats ont eu lieu, et la décision a été mise en délibéré pour le 5 novembre 2024.

Motifs de la Décision

Le juge a rejeté la demande de sursis à statuer, considérant que l’appel interjeté entraînerait un délai d’attente trop long pour la résolution du litige. Il a également réservé les dépens et rejeté les demandes de dispense de participation aux frais.

Conclusion de la Décision

Le juge a statué par ordonnance contradictoire, rejetant les demandes de sursis et de dispense de frais, tout en renvoyant l’examen de l’affaire à l’audience de mise en état du 20 janvier 2025 pour conclusions en défense. La décision est exécutoire à titre provisoire.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

5 novembre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n°
22/06459
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies certifiées conformes
délivrées le :
à Me NAMIECH, Me LABERGERE et Me LLAVADOR

8ème chambre
1ère section

N° RG 22/06459 –
N° Portalis 352J-W-B7G-CXAOY

N° MINUTE :

Assignation du :
27 Mai 2022

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 05 Novembre 2024
DEMANDEUR AU FOND ET DEFENDEUR À L’INCIDENT

Le Syndicat des Copropriétaires du [Adresse 1] – [Localité 6], représenté par son syndic en exercice, la S.A.R.L. CITYA IMMOBILIER TEISSIER – SABI, prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]

représenté par Maître Norbert NAMIECH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0020

DEFENDERESSES AU FOND ET DEMANDERESSES À L’INCIDENT

Madame [I] [S]
[Adresse 1]
[Localité 6]

représentée par Maître Xavier LABERGERE de L’AARPI DLM-AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0546

S.C.I. HAUTS DE SEINE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 5]

représentée par Maître Benoît LLAVADOR de la SELARLU LLAVADOR AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1193

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Madame Muriel JOSSELIN-GALL, Vice-présidente

assistée de Madame Justine EDIN, Greffière lors des débats, et de Madame Maïssam KHALIL, Greffière lors du prononcé

DEBATS

A l’audience du 9 Septembre 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 5 Novembre 2024.

ORDONNANCE

Prononcée par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par exploit de commissaire de justice signifié le 27 mai 2022, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 1] [Localité 6] a fait assigner Mme [I] [S] et la SCI Hauts de Seine devant le tribunal judiciaire de Paris, notamment aux fins d’obtenir le paiement des frais de remise en état de la toiture de l’immeuble, modifiée par travaux non autorisés par le syndicat des copropriétaires.

Par ordonnance en date du 12 mars 2024, le juge de la mise en état a renvoyé les fins de non-recevoir soulevées par la SCI Hauts de Seine et Mme [S] devant la formation de jugement sans clôre l’instruction, débouté la SCI Hauts de Seine et Mme [S] de leur incident relatif à la prescription et déclaré l’action du syndicat des copropriétaires non prescrite.

Par déclaration d’appel n°24/08636 en date du 19 avril 2024, Mme [I] [S] a interjeté appel de cette ordonnance ; la SCI Hauts de Seine a également formé un appel incident ; l’affaire porte le numéro de RG 24/07898 et a été fixée en circuit court pour clôture et plaidoirie au 4 février 2027.

***

Par ses dernières conclusions d’incident notifiées le 4 septembre 2024, Mme [S] demande au juge de la mise en état de :

« Vu les articles 73 et 789, 1° du Code de procédure civile
Vu l’article 378 du Code de Procédure Civile
Vu la jurisprudence
Vu les pièces versées au débat

– DÉCLARER la demande de Madame [I] [S] recevable et bien fondée,

– ORDONNER de suspendre la présente instance dans l’attente de l’arrêt de la Cour d’Appel de PARIS relatif à l’ordonnance du juge de la mise en état du 12 mars 2024

– DISPENSER Madame [I] [S] de toute participation aux frais engagés par le Syndicat des copropriétaires dans le cadre de la présente instance.

– RÉSERVER les dépens »

Par conclusions notifiées par voie électronique le 5 septembre 2024, la SCI Hauts de Seine s’associe aux demandes de Mme [S] et demande au juge de la mise en état de :

« Vu les articles 73 et suivants, 378 et 789, 1° du Code de Procédure Civile,
Vu l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965,
Vu les pièces versées aux débats

Rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,

• Déclarer la SCI HAUT DE SEINE recevable et bien fondée en sa demande de sursis à statuer,

• Ordonner en conséquence un sursis à statuer dans l’attente de l’arrêt de la Cour d’Appel de PARIS statuant sur appel de l’ordonnance du juge de la mise en état du 12 mars 2024 ;

• Dispenser la SCI HAUT DE SEINE de toute participation aux frais engagés par le Syndicat des copropriétaires dans le cadre du présent incident ;

• Réserver les dépens »

Par conclusions notifiées le 7 août 2024, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 1] [Localité 6] a répliqué sur l’incident et demande au juge de la mise en état de :

« • DEBOUTER Madame [I] [S], sur le fondement des dispositions de l’article 6 § 1 de la CESDH, de sa demande visant à ce que le Juge de la mise en état suspende la présente instance en ordonnant un sursis à statuer dans l’attente de la décision de la Cour d’appel de Paris, relatif à la contestation de l’ordonnance du Juge de la mise en état du 12 mars 2024 ;
• DEBOUTER Madame [I] [S] de sa demande de dispense de toute participation aux frais engagés par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] dans le cadre de la présente instance ;

En toute hypothèse,

• DEBOUTER les parties de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à l’encontre du syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] ;

• CONDAMNER Madame [I] [S] à verser au syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à [Localité 6], une somme de 3.000 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

• CONDAMNER Madame [I] [S] à supporter les entiers dépens de l’instance dont distraction au profit de Me Norbert NAMIECH, sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile »

***

L’affaire a été appelée par le juge de la mise en état à l’audience de plaidoiries du 9 septembre 2024, durant laquelle les débats se sont tenus. La décision a été mise en délibéré au 5 novembre 2024, date à laquelle il a été mis à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

1 – Sur le sursis à statuer

Au soutien de leur demande, Mme [S] et la SCI Hauts de Seine sollicitent le sursis à statuer en l’attente de la décision de la cour d’appel sur l’incident soulevé, exposant que l’arrêt de la cour d’appel aura une incidence directe sur le litige, dans la mesure où il pourrait y mettre un terme.

Les demanderesses à l’incident excipent en conséquence qu’il ne peut être pris le risque, dans l’intérêt de toutes les parties, d’une contrariété de jugement, et que le sursis à statuer en l’espèce participe d’une bonne administration de la justice.

En réponse au moyen de défense du syndicat des copropriétaires fondé sur l’article 6§1 de la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, articulé sur le droit d’obtenir une décision dans un délai raisonnable, elles font valoir que le syndicat échoue à rapporter un grief puisqu’il ne subit aucun préjudice réel mettant en péril l’immeuble, la toiture ayant été remise à neuf en 2009 et la situation ne présentant aucun caractère d’urgence, le litige sur le fond consistant en une demande en paiement et non une demande de travaux de remise en état.

Le syndicat des copropriétaires en réponse, expose que la présente procédure dure depuis plusieurs années, comme ayant été introduite en 2022 et précédée par une expertise judiciaire initiée en 2018.

Il fait valoir que la date de clôture et de plaidoiries de l’appel sur l’ordonnance du juge de la mise en état a été fixée à une date lointaine, soit le 4 février 2027, conduisant à constater que plus de six années se sont écoulées depuis les premières actions du syndicat des copropriétaires à l’encontre de Mme [S] ; la suspension de la procédure jusqu’en 2027 serait donc contraire au droit au procès équitable, qui suppose que la décision de justice soit rendue dans un délai raisonnable, à défaut duquel la responsabilité de l’Etat peut être engagée pour dysfonctionnement du service public de la justice sur le fondement des articles L. 141-1 et suivants du code de l’organisation judiciaire.

**************

L’article 6 §1 de la convention européenne des droits de l’homme dispose que « Toute personne a le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable ».

L’article 789 du code de procédure civile dispose que « Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :
1° Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et les incidents mettant fin à l’instance ;
Les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu’ils ne surviennent ou ne soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge (…) »

L’article 378 du Code de procédure civile prévoit que : « La décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine. »

En application de ces textes, il appartient au juge d’apprécier souverainement l’opportunité du sursis à statuer dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, notamment au regard du caractère déterminant ou non sur l’issue du litige de l’évènement dans l’attente duquel il lui est demandé d’ordonner un tel sursis ; le délai raisonnable de l’instance participant également à l’appréciation d’une bonne administration de la justice.

Sur ce

Il ressort des éléments versés au débat que l’appel interjeté de l’ordonnance précitée du juge de la mise en état du 12 mars 2024 a fait l’objet d’un audiencement au 4 février 2027, soit dans près de trente-six mois.

Compte tenu de ces éléments, il ne serait pas d’une bonne administration de la justice de faire droit à la demande de sursis à statuer durant le temps de la procédure d’appel sur incident, qui devra donc être rejetée.

2 – Sur les demandes accessoires

– Sur les dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Il convient en l’état de réserver les dépens.

Compte tenu du sens de la présente décision, la demande de dispense de participation aux frais de la présente instance au sens de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 sera rejetée.

– Sur les frais exposés non compris dans les dépens

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

En équité, chacune des parties conservera à sa charge ses frais irrépétibles et les demandes formulées à ce titre seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

Le juge de la mise en état, statuant par ordonnance contradictoire, publiquement et par mise à disposition au greffe,

REJETTE la demande de sursis à statuer ;

RESERVE les dépens ;

REJETTE les demandes de Mme [I] [S] et de la SCI Hauts de Seine de dispense de participation aux frais de la présente instance au titre de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 ;

REJETTE la demande du syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 1] [Localité 6] de condamnation de Mme [I] [S] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

RENVOIE l’examen de l’affaire à l’audience de mise en état du 20 janvier 2025 pour conclusions en défense ;

REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire ;

RAPPELLE que la décision est exécutoire à titre provisoire.

Faite et rendue à Paris le 05 Novembre 2024.

La Greffière La Juge de la mise en état


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