Obligations du bailleur et conditions de décence d’un logement : enjeux et conséquences

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Obligations du bailleur et conditions de décence d’un logement : enjeux et conséquences

Constitution du bail

Par acte du 4 août 2016, Monsieur [J] [E] et Madame [E] ont signé un bail à usage d’habitation avec Madame [C] [O] pour un appartement situé à Villematier, avec un loyer de 420€ et une provision sur charges de 10€. La locataire a quitté le logement en août 2018.

Assignation en justice

Le 9 janvier 2024, Madame [C] [O] a assigné Monsieur [J] [E] devant le juge des contentieux de la protection de Toulouse, demandant 6000€ pour préjudice de jouissance et 1200€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que le remboursement des dépens. L’affaire a été plaidée le 5 septembre 2024.

Arguments de la locataire

Madame [C] [O] soutient que les bailleurs ont manqué à leur obligation de fournir un logement décent, en ne réalisant pas les travaux nécessaires malgré ses plaintes et les courriers des autorités. Elle décrit le logement comme insalubre, froid, humide, et exposant son mobilier à des dégradations et des risques sanitaires.

Réponse des bailleurs

Monsieur [J] [E] n’a pas comparu, mais un courrier du 22 janvier 2024 indique que les bailleurs contestent les problèmes soulevés, affirmant avoir effectué des travaux et signalant une confusion avec un autre appartement. Ils soulèvent également la prescription de l’action d’indemnisation.

Prescription de l’action

Le juge a noté que l’action de Madame [C] [O] a été intentée après le délai de prescription de trois ans, mais a déclaré que la fin de non-recevoir soulevée par le défendeur non comparant n’était pas recevable.

Demande de réparation

Madame [C] [O] a affirmé que le logement était non conforme et affecté de désordres. Le juge a rappelé que le bailleur doit fournir un logement décent et que la responsabilité peut être engagée en cas de défaut. Cependant, Madame [C] [O] n’a pas fourni de preuves suffisantes pour démontrer l’indécence du logement.

Éléments de preuve

Les documents fournis par Madame [C] [O], tels que des courriers de la mairie et des photographies, ne concernaient pas l’appartement loué ou n’étaient pas datés, rendant leur valeur probante insuffisante. Le seul courrier pertinent mentionnait un dégât des eaux, mais ne prouvait pas les désordres allégués.

Décision du juge

En l’absence de preuve du caractère indécent du logement, la demande indemnitaire de Madame [C] [O] a été rejetée. Elle a également été condamnée aux dépens, et sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile a été déboutée.

Exécution du jugement

Le jugement est exécutoire par provision, sans motif justifiant son écart.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

5 novembre 2024
Tribunal judiciaire de Toulouse
RG n°
24/01191
TRIBUNAL JUDICIAIRE
Site Camille Pujol
2 allées Jules Guesde
BP 7015
31068 TOULOUSE cedex 7

NAC: 5AG

N° RG 24/01191 – N° Portalis DBX4-W-B7I-SY2F

JUGEMENT

N° B

DU : 05 Novembre 2024

[C] [O]

C/

[J] [E]

Expédition revêtue de
la formule exécutoire
délivrée le 05 Novembre 2024

Expédition délivrée
à toutes les parties

JUGEMENT

Le Mardi 05 Novembre 2024, le Tribunal judiciaire de TOULOUSE,

Sous la présidence de Céline GARRIGUES, Vice Présidente au Tribunal judiciaire de TOULOUSE, chargée de la protection statuant en matière civile , assistée de Olga ROUGEOT Greffier, lors des débats et chargé des opérations de mise à disposition.
Après débats à l’audience du 05 Septembre 2024, a rendu la décision suivante, mise à disposition conformément à l’article 450 et suivants du Code de Procédure Civile, les parties ayant été avisées préalablement ;

ENTRE :

DEMANDERESSE

Mme [C] [O], demeurant PAVILLON 10 – 228 RUE DU PIGEONNIER – 31340 LA MAGDELEINE SUR TARN

représentée par Me Xavier CARUANA-DINGLI, avocat au barreau de TOULOUSE

ET

DÉFENDEUR

M. [J] [E], demeurant 366 CHEMIN DE CASTELFORT – 31340 VILLEMATIER

non comparant, ni représenté

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 4 août 2016 remis en main propre le 4 juillet 2018, Monsieur [J] [E] et Madame [E] ont consenti par le biais de leur mandataire, la SARL FREGOLENT IMMOBILIER, un bail à usage d’habitation à Madame [C] [O] pour un appartement situé 235 place de la Mairie, 31340 VILLEMATIER moyennant un loyer de 420€ outre 10€ de provision sur charges.

La locataire a quitté le logement en août 2018.

Par acte de commissaire de justice du 9 janvier 2024, Madame [C] [O] a fait assigner Monsieur [J] [E] devant le juge des contentieux de la protection de Toulouse, aux fins de solliciter sa condamnation au paiement des sommes de :
6000€ au titre du préjudice de jouissance
1200€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Après un renvoi, l’affaire était retenue et plaidée à l’audience du 5 septembre 2024.

Madame [C] [O], représentée par son conseil, maintient ses demandes dans les termes de son assignation.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir sur le fondement de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 et l’article 1721 du code civil, que les bailleurs ont commis une faute en ce qu’ils n’ont pas respecté l’obligation de remettre un logement décent. Elle fait valoir qu’ils n’ont fait aucun travaux malgré ses plaintes, les courriers des autorités administratives et le rapport intervenu après constat. Elle ajoute qu’elle a dû résider dans un logement insalubre, froid l’hiver faute d’isolation, souffrant d’humidité et d’infiltration qui ont dégradé son mobilier et l’ont exposé à des risques sanitaires.

Monsieur [J] [E], bien que convoqué par acte de commissaire de justice remis à étude n’a pas comparu et n’était pas représenté.

Il ressort cependant de l’étude du dossier de plaidoirie du conseil de Madame [O] qu’un courrier du 22 janvier 2024 lui a été adressé par Monsieur et Madame [E] dans lequel ces derniers contestent les problèmes évoqués, indiquent avoir effectué des travaux et avoir fait un courrier de réponse au maire le 12 juillet 2018 dont ils joignent la copie et qui n’est pas évoqué par Madame [O]. Ils indiquent qu’il y a une confusion sur certains points évoqués avec l’autre appartement qu’ils louaient qui était le numéro 1 alors que l’appartement loué à Madame [O] était le numéro 2.
Ils invoquent enfin dans ce courrier la prescription de 5 ans de la demande d’indemnisation et demandent au conseil de Madame [O] de leur indiquer la suite à donner compte tenu de leur réponse.

La date du délibéré a été fixée au 5 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription

A titre liminaire, il sera relevé que Monsieur [E] évoque la prescription de l’action de Madame [O] et qu’effectivement en application de l’article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989 toutes actions dérivant d’un contrat de bail sont prescrites par trois ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer ce droit, ce qui signifie que l’action intentée le 9 janvier 2024 l’a été au delà de ce délai de trois ans le bail s’étant terminé en août 2018.

Cependant, la procédure étant orale devant le juge des contentieux de la protection, ne sont pas recevables les conclusions d’une partie qui ne comparaît pas ou qui n’est pas représentée et dès lors la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par courrier par le défendeur non comparant ne saurait saisir la présente juridiction.

Sur la demande en réparation pour préjudice de jouissance

En application de l’article 472 du code de procédure civile, quand le défendeur ne comparaît pas le juge ne fait droit à la demande que si elle est recevable et bien fondée.

Madame [O] invoque un logement non conforme et affecté de désordres qui ne permettaient pas une jouissance paisible du bien cette dernière soutenant que le logement était insalubre, froid l’hiver faute d’isolation, souffrant d’humidité et d’infiltration qui ont dégradé son mobilier et l’ont exposé à des risques sanitaires.

L’article 1719 du Code civil dispose : “Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière :
1° De délivrer au preneur la chose louée et, s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d’habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l’expulsion de l’occupant;
2° D’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée ;
3° D’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;
4° D’assurer également la permanence et la qualité des plantations.”

L’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit que le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d’espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation.
Le bailleur est obligé :
a) De délivrer au locataire le logement en bon état d’usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement ; toutefois, les parties peuvent convenir par une clause expresse des travaux que le locataire exécutera ou fera exécuter et des modalités de leur imputation sur le loyer ; cette clause prévoit la durée de cette imputation et, en cas de départ anticipé du locataire, les modalités de son dédommagement sur justification des dépenses effectuées ; une telle clause ne peut concerner que des logements répondant aux caractéristiques définies en application des premier et deuxième alinéas ;
b) D’assurer au locataire la jouissance paisible du logement et, sans préjudice des dispositions de l’article 1721 du code civil, de le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle hormis ceux qui, consignés dans l’état des lieux, auraient fait l’objet de la clause expresse mentionnée au a ci-dessus ;
c) D’entretenir les locaux en état de servir à l’usage prévu par le contrat et d’y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l’entretien normal des locaux loués ;
L’article 2 du décret du 30 janvier 2002, dans sa version applicable au litige, dispose en outre que le logement doit satisfaire aux conditions suivantes, au regard de la sécurité physique et de la santé des locataires :
1- il assure le clos et le couvert. Le gros-oeuvre du logement et de ses accès est en bon état d’entretien et de solidité et protège les locaux contre les eaux de ruissellement et les remontées d’eau. Les menuiseries extérieurs et la couverture avec ses raccords accessoires assurent la protection contre les infiltrations d’eau dans l’habitation.
2- Les dispositifs de retenue des personnes, dans le logement et ses accès, tels que garde-corps des fenêtres, escaliers, loggias et balcons, sont dans un état conforme à leur usage;
3- La nature et l’état de conservation et d’entretien des matériaux de construction, des canalisations et des revêtements du logement ne présentent pas de risques manifestes pour la santé et la sécurité physique des locataires ;
4- les dispositifs d’ouverture et de ventilation des logements permettent un renouvellement de l’air adapté aux besoins d’une occupation normale du logement et au fonctionnement des équipements.
L’obligation de fournir un logement décent s’apprécie de façon objective et la responsabilité du bailleur peut être engagée en cas de défaut de délivrance d’un logement conforme. Il appartient donc à Madame [O] de démontrer, d’une part, le caractère indécent du logement et, d’autre part, l’inaction de son propriétaire n’ayant pas permis de remédier aux désordres qu’il allègue.

Il convient de rappeler que la notion d’indécence du logement est distincte de celle d’insalubrité dont les conséquences sont expressément prévues par la loi.

Le contrat de bail a été conclu le 4 août 2016 et Madame [O] a quitté les lieux en août 2018. Il n’est cependant fourni aucun état des lieux de sortie et ce alors que le courrier de Monsieur et Madame [E] indiquent qu’un tel état des lieux a été réalisé.

Pour démontrer l’existence de désordres rendant le logement indécent, Madame [O] produit un courrier de la mairie du 15 mai 2017 d’infraction au règlement sanitaire et social qui concerne l’appartement n°2 situé 235 place de la mairie à Villematier ainsi qu’un avis de la commission départementale de conciliation du 17 mars 2016 qui concerne également l’appartement n°2. Or, le contrat de bail mentionne que l’appartement loué à Madame [O] est l’appartement n°1. Ces documents qui ne concernent pas l’appartement loué par Madame [O] ne peuvent donc servir de preuve de l’existence d’un désordre.

Madame [O] verse également des photographies (pièce 6 demandeur) qui ne sont pas datées et n’ont pas été réalisé par un tiers comme un commissaire de justice de sorte qu’elles ne peuvent ni être rattachées avec certitude au logement litigieux, ni situées dans le temps. Elles ne peuvent donc valoir preuve de l’existence de quelconque désordre.

Le seul élément versé qui la concerne est un courrier du 30 juin 2017 adressé à l’agence FREGOLENT dans lequel elle dénonce un dégât des eaux dans son appartement qui a abîmé certains meubles et le fait qu’une précédente infiltration avait eu lieu en mars 2017.

Ce seul courrier, qui provient en outre de la demanderesse, ne démontre aucunement l’existence des désordres allégués par Madame [O].

En l’absence de preuve du caractère indécent du logement, la demande indemnitaire de Madame [O] sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Madame [O], partie perdante, supportera donc la charge des dépens.

L’article 700 du code de procédure civile dispose que dans toutes les instances le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

En l’espèce, compte tenu du fait que Madame [O] supporte les dépens elle ne peut prétendre à une indemnité au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Le jugement est de plein droit assorti de l’exécution provisoire et aucun motif ne justifie de l’écarter.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des contentieux de la protection, statuant au fond, par mise à disposition au greffe, par décision réputé contradictoire et en premier ressort,

DEBOUTE Madame [C] [O] de sa demande indemnitaire au titre du préjudice de jouissance ;

DEBOUTE Madame [C] [O] de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame [C] [O] aux entiers dépens de la présente instance ;

RAPPELLE que le jugement est de plein droit exécutoire par provision.

Le Greffier La Vice-Présidente


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