Contexte de l’affaireLa Ville de [Localité 7] a engagé une procédure contre Monsieur [M] [S] concernant un appartement situé à [Adresse 2]. La citation a été faite le 18 avril 2023, et l’affaire a été plaidée le 2 octobre 2024. La Ville reproche à Monsieur [S] d’avoir changé l’usage de son bien sans autorisation, en le louant à des clients de passage. Demandes de la Ville de [Localité 7]La Ville de [Localité 7] demande plusieurs sanctions, notamment une amende de 50.000 € pour le changement d’usage sans autorisation, le retour à l’habitation de l’appartement sous astreinte de 247 € par jour de retard, une amende civile de 10.000 € pour absence de déclaration préalable, ainsi qu’une indemnité de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Arguments de la VilleLa Ville soutient que le local est destiné à l’habitation et qu’il a été loué à des clients de passage, ce qui constitue une infraction à l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation. Elle affirme également que Monsieur [S] était au courant de l’exploitation commerciale de son bien par la société Oscarbnb. Réponse de Monsieur [S]Monsieur [S] conteste les demandes de la Ville, arguant qu’il n’avait pas connaissance de l’activité commerciale de son locataire et qu’il n’avait pas la qualité pour se défendre. Il demande également une indemnité de 5.000 € pour ses frais de justice. Position de Madame [S]Madame [S] soutient que Monsieur [S] était simplement propriétaire et n’était pas informé de l’usage commercial des locaux. Elle conteste également la preuve que le logement était à usage d’habitation au 1er janvier 1970. Recevabilité des prétentions de la VilleLe tribunal déclare l’action de la Ville recevable, affirmant que Monsieur [S] est responsable en tant que propriétaire. Cependant, l’ignorance de l’activité commerciale par Monsieur [S] est considérée comme un moyen de défense sur le fond. Analyse des demandes de la VilleLe tribunal examine les dispositions des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation. Il conclut que la Ville doit prouver l’usage d’habitation du local et le changement d’usage sans autorisation. Les éléments fournis ne suffisent pas à établir la responsabilité de Monsieur [S]. Demande d’amende pour défaut de déclarationConcernant l’amende de 10.000 € pour défaut de transmission d’informations, le tribunal précise que cette sanction ne s’applique qu’aux résidences principales, ce qui n’est pas le cas du local en question. La Ville est donc déboutée de cette demande. Décision finale du tribunalLe tribunal déclare recevable l’action de la Ville, mais déboute celle-ci de toutes ses demandes. La Ville de [Localité 7] est condamnée aux dépens, et les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile sont également rejetées. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Tribunal judiciaire de Paris
RG n°
23/53381
JUDICIAIRE
DE PARIS
■
N° RG 23/53381 – N° Portalis 352J-W-B7H-CZL4G
AS M N° : 12
Assignation du :
18 Avril 2023
[1]
[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:
JUGEMENT RENDU SELON LA PROCEDURE ACCELEREE AU FOND
rendue le 05 novembre 2024
par Pierre GAREAU, Juge au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, assisté de Anne-Sophie MOREL, Greffier.
DEMANDERESSE
Commune LA VILLE DE [Localité 7]
[Adresse 6]
[Localité 3]
représentée par Maître Fabienne DELECROIX de la SELARL DELECROIX-GUBLIN, avocats au barreau de PARIS – #R0229
DEFENDEUR
Monsieur [M] [S]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Sajjad HASNAOUI-DUFRENNE, avocat au barreau de PARIS – #F0001
DÉBATS
A l’audience du 02 Octobre 2024, tenue publiquement, présidée par Pierre GAREAU, Juge, assisté de Anne-Sophie MOREL, Greffier,
Après avoir entendu les conseils des parties,
Par exploits en date du 18 avril 2023, la Ville de [Localité 7] prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 7], a fait citer Monsieur [M] [S], né le 18 juillet 1967 à [Localité 5] (92), devant le président du tribunal judiciaire de Paris saisi selon la procédure accélérée au fond, sur le fondement notamment des dispositions de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, concernant l’appartement situé [Adresse 2].
L’affaire s’est plaidée lors de l’audience du 2 octobre 2024.
Par conclusions déposées et soutenues à l’audience, la Ville de [Localité 7] demande de :
Condamner Monsieur [S] à une amende de 50.000 € et ordonner que le produit de cette amende soit intégralement versé à la Ville de [Localité 7] conformément aux dispositions de l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation ;Ordonner le retour à l’habitation de l’appartement situé [Adresse 2], lot 12 sous astreinte de 247 € par jour de retard,se réserver la liquidation de l’astreinte ;condamner Monsieur [M] [S] à payer une amende civile de 10.000 € pour absence de déclaration préalable et ordonner que le produit de cette amende soit intégralement versé à la Ville de [Localité 7] conformément aux dispositions de l’article L. 324-1-1 V du code de tourisme ;condamner in solidum les défenderesses à lui verser la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, la Ville de [Localité 7] fait valoir que le local en cause est à usage d’habitation sans aucun changement d’affectation, comme cela résulte des mentions apposées sur les calepins de l’immeuble ; qu’il ne constitue pas la résidence principale du défendeur et qu’il a fait l’objet de locations de courte durée à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile de sorte que les défenderesses ont enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation en changeant l’usage du bien sans autorisation préalable. Sur le fait que ces locations à courte durée ne seraient pas imputables à Monsieur [S], la Ville de [Localité 7] affirme que ce-dernier ne pouvait pas louer son bien à usage d’habitation à une société commerciale, qu’il avait nécessairement connaissance de l’exploitation commerciale effectué par OscarBnb et qu’il est donc redevable de l’amende civile prévue à ce titre.
En réponse, Monsieur [S] conclut à titre principal à l’irrecevabilité des prétentions adverses en se fondant sur son défaut de qualité à défendre ; à titre subsidiaire, il sollicite leur rejet des prétentions adverses et sollicite la condamnation de la Ville de [Localité 7] à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
A l’appui de ses prétentions, Madame [S] estime qu’il était uniquement propriétaire des lieux, loués à usage d’habitation à une société commerciale, qu’il n’était pas au courant de l’usage des locaux par cette société et que dès lors il n’aurait pas la qualité pour se défendre. Sur le fond, il reprend ce moyen arguant de son ignorance des activités effectués par la société Oscarbnb. Par ailleurs, il argue que les éléments produits par la ville ne permettent pas d’établir que ce logement était à usage d’habitation au 1er janvier 1970.
Il est renvoyé aux dernières écritures des parties et à leurs observations à l’audience pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions qui y sont contenus.
Sur la recevabilité des prétentions de la ville de [Localité 7]
Sur le fondement de l’article 31 du code de procédure civile, est irrecevable une action dirigée contre une personne dépourvue de qualité à défendre.
En l’espèce, Monsieur [S] est propriétaire du local litigieux et à ce titre sa responsabilité est susceptible d’être engagée dans le cadre de ce présent litige.
L’allégation selon laquelle il serait resté ignorant quant à l’activité commerciale effectuée par son locataire constitue un moyen de fond susceptible d’aboutir au rejet des demandes, sans incidence sur leur recevabilité.
En conséquence, l’action intentée par la ville de [Localité 7] sera jugée recevable.
Sur la demande de condamnation sur le fondement des dispositions des articles L. 631-7 et L.651-2 du code de la construction et de l’habitation
L’article L.631-7 du code de la construction et de l’habitation dispose que » La présente section est applicable aux communes de plus de 200 000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Dans ces communes, le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est, dans les conditions fixées par l’article L.631-7-1, soumis à autorisation préalable.
Constituent des locaux destinés à l’habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l’article L. 632-1 ou dans le cadre d’un bail mobilité conclu dans les conditions prévues au titre Ier ter de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
Pour l’application de la présente section, un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.
Toutefois, lorsqu’une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l’usage d’un local mentionné à l’alinéa précédent, le local autorisé à changer d’usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l’usage résultant de l’autorisation.
Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article.
Le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage au sens du présent article « .
L’alinéa premier de l’article L.651-2 du même code prévoit que « Toute personne qui enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50 000 euros par local irrégulièrement transformé. »
Conformément aux dispositions de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à la Ville de [Localité 7], d’établir :
l’existence d’un local à usage d’habitation, un local étant réputé à usage d’habitation si la preuve est apportée par tout moyen qu’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés ;
un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile.
Il est en outre constant que, s’agissant des conditions de délivrance des autorisations, la Ville de [Localité 7] a adopté, par règlement municipal et en application de l’article L.631-7-1 du code de la construction et de l’habitation, le principe d’une obligation de compensation par transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage, obligation de compensation dont il n’est pas allégué qu’elle a été mise en œuvre.
Monsieur [S] communique un contrat de bail meublé signé le 10 mai 2019 avec la société OSCARBNB en qualité de locataire d’une durée d’un an renouvelable tacitement. Ce bail prévoit un usage exclusif d’habitation et peut être conclu avec une société commerciale contrairement à ce que soutient la Ville de [Localité 7].
Il est également acquis que le nom de Monsieur [S] n’apparaît sur aucune des annonces et qu’aucun élément ne permet d’établir qu’il ait pris part aux locations illicites.
Par ailleurs, aucun élément ne permet d’affirmer qu’il avait connaissance de cette activité commerciale avant le courrier de la ville à la date du 18 janvier 2021.
Le fait que des copropriétaires de l’immeuble dans lequel se situe le bien litigieux se plaignent de cette activité ne permet pas d’établir, sans autre élément, que le propriétaire en avait connaissance.
Ainsi sauf à démontrer que Monsieur [S] disposait d’élément pour avoir connaissance de l’usage réel par la société OscarBnb de ses locaux ou que cet usage a perduré après le courrier de la ville du 18 janvier 2021, ce que la ville n’affirme pas, Monsieur [S] ne saurait être responsable du changement de destination illicite opérée par l’activité de la société OscarBnb.
Cette condition de connaissance par le propriétaire de l’activité commerciale illicite effectué par son locataire n’étant pas établie, la demande fondée sur l’article L631-7 du code de construction et de l’habitation sera rejetée sans qu’il soit nécessaire d’étudier les autres moyens.
Sur la demande de condamnation sur le fondement des dispositions de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme
L’article L.324-1-1 du code du tourisme dispose :
« I.-Pour l’application du présent article, les meublés de tourisme sont des villas, appartements ou studios meublés, à l’usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois.
II.-Toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme, que celui-ci soit classé ou non au sens du présent code, doit en avoir préalablement fait la déclaration auprès du maire de la commune où est situé le meublé.
Cette déclaration préalable n’est pas obligatoire lorsque le local à usage d’habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
III.-Par dérogation au II, dans les communes où le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est soumis à autorisation préalable au sens des articles L. 631-7 à L. 631-9 du code de la construction et de l’habitation une délibération du conseil municipal peut décider de soumettre à une déclaration préalable soumise à enregistrement auprès de la commune toute location d’un meublé de tourisme.
La déclaration indique si le meublé de tourisme offert à la location constitue la résidence principale du loueur au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée.
Un téléservice permet d’effectuer la déclaration. La déclaration peut également être faite par tout autre moyen de dépôt prévu par la délibération susmentionnée.
Dès réception, la déclaration donne lieu à la délivrance sans délai par la commune d’un accusé-réception comprenant un numéro de déclaration.
Un décret détermine les informations qui peuvent être exigées pour l’enregistrement.
IV.-Dans les communes ayant mis en œuvre la procédure d’enregistrement de la déclaration préalable mentionnée au III, toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme qui est déclaré comme sa résidence principale ne peut le faire au-delà de cent vingt jours au cours d’une même année civile, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure.
La commune peut, jusqu’au 31 décembre de l’année suivant celle au cours de laquelle un meublé de tourisme a été mis en location, demander au loueur de lui transmettre le nombre de jours au cours desquels ce meublé a été loué. Le loueur transmet ces informations dans un délai d’un mois, en rappelant l’adresse du meublé et son numéro de déclaration. […]
V.-Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du III est passible d’une amende civile dont le montant ne peut excéder 5 000 euros.
Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du IV est passible d’une amende civile dont le montant ne peut excéder 10 000 euros. […] »
S’agissant de la demande portant sur l’amende de 10.000 euros pour défaut de transmission d’information relative au nombre de jours loués en infraction aux dispositions de l’article L.324-1-1 IV du code du tourisme, il résulte des débats parlementaires que les alinéas 13 à 16 de l’article 51 du projet de loi portant évolution du logement s’inscrivent dans le souhait de responsabiliser le loueur dans le cadre de la location de sa résidence principale, l’alinéa 12 intégrant le plafond de 120 jours et les alinéas 13 à 16, créant un système de sanctions contre les propriétaires ne procédant pas à l’enregistrement de leur logement ou ne transmettant pas à une commune qui le demande le nombre de nuitées louées.
Ainsi, la transmission du nombre de nuitées à la commune, et la sanction qui l’accompagne, ont pour objectif de permettre aux agents de la commune d’identifier une résidence secondaire qui aurait improprement été qualifiée de résidence principale par son propriétaire, lorsque le décompte de nuitées excèdent quatre mois.
Les amendements proposés permettent d’ailleurs de constater que le paragraphe IV ajouté à l’article L.324-1-1 du code du tourisme ne concerne que l’encadrement de la location des résidences principales en meublé touristique.
Dès lors, la sanction du défaut de transmission du décompte des nuitées à la commune ne peut s’appliquer qu’aux résidences principales, ce qui n’est manifestement pas le cas du local litigieux, de sorte que la Ville de [Localité 7] sera déboutée de ses demandes.
Sur les demandes accessoires
Succombant à l’instance, la demanderesse supportera la charge des dépens en vertu de l’article 696 du code de procédure civile.
Au regard de la nature spécifique du litige, il y a lieu de rejeter l’ensemble des demandes formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique,
Déclare recevable l’action intentée par la Ville de [Localité 7],
Déboute la ville de [Localité 7] de l’intégralité de ses demandes
Déboute l’ensemble des demandes formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la ville de [Localité 7] aux dépens
Fait à Paris le 05 novembre 2024
Le Greffier, Le Président,
Anne-Sophie MOREL Pierre GAREAU
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