Résiliation de bail commercial : Conditions et conséquences de l’application d’une clause résolutoire

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Résiliation de bail commercial : Conditions et conséquences de l’application d’une clause résolutoire

Contexte de l’Affaire

La société Hôtelière de la [Adresse 4] a conclu un bail commercial avec la société Chinon le 5 août 2003 pour des locaux situés à [Adresse 2] – [Adresse 1] à [Localité 3].

Jugement sur le Loyer Renouvelé

Le tribunal judiciaire de Paris a, par jugement du 26 octobre 2016, fixé le loyer renouvelé à 40 142 € HT.

Mise en Demeure pour Loyers Impayés

Le 12 février 2024, la société Le Chinon a reçu une mise en demeure par lettre recommandée pour le paiement de 75 593,65 € correspondant à des loyers impayés.

Commandement de Payer

Le 5 avril 2024, un commandement de payer a été délivré par huissier, visant la clause résolutoire pour un montant de 67 093,89 € de loyers dus.

Assignation en Référé

Le 24 juin 2024, la société Hôtelière de la [Adresse 4] a assigné la société Le Chinon en référé pour constater l’acquisition de la clause résolutoire et demander son expulsion, entre autres mesures.

Audience et Conclusions des Parties

Lors de l’audience du 2 octobre 2024, la société Hôtelière a actualisé le montant dû à 52 000 € et s’est opposée à tout délai de paiement, tandis que la société Le Chinon a demandé la suspension des effets de la clause résolutoire et des délais de paiement sur 12 mois.

Conditions de la Clause Résolutoire

Le tribunal a constaté que la clause résolutoire était acquise au 6 mai 2024, en raison du non-paiement des loyers dans le délai imparti après le commandement de payer.

Provision pour Arriéré Locatif

La société Le Chinon a été condamnée à verser une provision de 52 087,96 € à la société Hôtelière, correspondant à l’arriéré locatif.

Demande de Délais de Paiement

Le tribunal a accordé à la société Le Chinon un délai de 12 mois pour apurer sa dette, suspendant ainsi les effets de la clause résolutoire pendant cette période.

Conséquences en Cas de Non-Respect des Délais

En cas de non-respect des délais de paiement, la clause résolutoire reprendra son plein effet, permettant l’expulsion de la société Le Chinon.

Condamnation aux Dépens

La société Le Chinon a été condamnée à payer les dépens, ainsi qu’une somme de 1 000 € au titre des frais irrépétibles.

Exécution Provisoire de la Décision

La décision rendue est exécutoire à titre provisoire, permettant ainsi la mise en œuvre immédiate des mesures ordonnées.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

5 novembre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n°
24/54518
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/54518 – N° Portalis 352J-W-B7I-C5DGC

AS M N° : 15

Assignation du :
24 Juin 2024

[1]

[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 05 novembre 2024

par Pierre GAREAU, Juge au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, assisté de Anne-Sophie MOREL, Greffier.
DEMANDERESSE

S.A.S. SOCIETE HOTELIERE DE LA [Adresse 4]
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Maître Laurent VIOLLET de la SELEURL LVA, avocats au barreau de PARIS – #G0129

DEFENDERESSE

S.A.R.L. LE CHINON
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Me Carole MESSECA, avocat au barreau de PARIS – #C1157

DÉBATS

A l’audience du 02 Octobre 2024, tenue publiquement, présidée par Pierre GAREAU, Juge, assisté de Anne-Sophie MOREL, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

Par acte du 5 août 2003, la société Hôtelière de la [Adresse 4] a donné à bail commercial à la société Chinon des locaux situés [Adresse 2] – [Adresse 1] à [Localité 3].

Par jugement du 26 octobre 2016, le tribunal judiciaire de Paris a fixé le loyer renouvelé à la somme de 40 142€ HT.

Par lettre recommandée en date du 12 février 2024, la société Le Chinon a été mis en demeure de s’acquitter de la somme de 75 593,65 € correspondant à des loyers impayés.

Par exploit d’huissier, le bailleur a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire le 5 avril 2024, pour un montant de loyer dus de 67 093,89 €.

Par exploit d’huissier délivré le 24 juin 2024, la société Hôtelière de la [Adresse 4] a fait assigner la société Le Chinon devant le Président du tribunal judiciaire de Paris statuant en référé, aux fins de voir
– Constater l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail ;
– Ordonner l’expulsion de la société Le Chinon et celle de tous occupants de son chef des lieux loués avec le concours de la force publique si besoin est, sous astreinte de 300 € par jour de retard,
– Ordonner le transport et la séquestration du mobilier trouvé dans les lieux dans tel garde-meubles qu’il plaira au bailleur aux frais, risques et péril de la partie expulsée ;
– Condamner la société Le Chinon à payer à la société Hôtelière de la [Adresse 4] la somme provisionnelle de 67 691,70 euros au titre de l’arriéré locatif arrêté au mois de février 2024,
– Condamner la société Le Chinon au paiement d’une indemnité d’occupation provisionnelle égale au montant du loyer augmenté des charges, jusqu’à la libération des locaux qui se matérialisera par la remise des clés ou l’expulsion du défendeur ;
– Juger à titre de provision que le dépôt de garantie d’un montant de 21 251,65 € lui restera acquis,
– Subsidiairement, en cas d’octroi de délais de paiement, dire que la clause résolutoire et tous les effets subséquents seront acquis en cas de non-respect d’une seule mensualité,
– Condamner en tout état de cause, la société Le Chinon au paiement d’une somme de 5000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens, en ce compris le coût du commandement.

A l’audience du 2 octobre 2024, la société Hôtelière de la [Adresse 4] par l’intermédiaire de son conseil, a soutenu oralement ses dernières conclusions en actualisant le montant de la somme due à 52 000 €. Il s’oppose à tout délais de paiement. A titre subsidiaire, il sollicite que le délai soit d’une durée maximale de six mois.

Aux termes de ses conclusions oralement soutenues, la société Le Chinon sollicite la suspension des effets de la clause résolutoire et le bénéfice de délais de paiement sur 12 mensualités.

Conformément aux articles 446-1 et 455 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience.

MOTIFS

– Sur la demande relative à l’acquisition de la clause résolutoire et sur les demandes subséquentes

L’article 834 du code de procédure civile dispose que, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

La juridiction des référés n’est toutefois pas tenue de caractériser l’urgence, au sens de l’article 834 du code de procédure civile, pour constater l’acquisition de la clause résolutoire stipulée dans un bail et la résiliation de droit d’un bail.

L’article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Le bailleur, au titre d’un bail commercial, demandant la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire stipulée dans le bail doit rapporter la preuve de sa créance.

Le juge des référés peut constater la résiliation de plein droit du bail au titre d’une clause contenue à l’acte à cet effet, à condition que :
– le défaut de paiement de la somme réclamée dans le commandement de payer visant la clause résolutoire soit manifestement fautif,
– le bailleur soit, de toute évidence, en situation d’invoquer de bonne foi la mise en jeu de cette clause,
– la clause résolutoire soit dénuée d’ambiguïté et ne nécessite pas interprétation.

En l’espèce, la soumission du bail au statut des baux commerciaux ne donne lieu à aucune discussion.

Le bail comprend une clause résolutoire prévoyant la résiliation de plein droit du contrat à défaut de paiement d’un seul terme de loyer ou d’inexécution d’une clause quelconque du contrat et un mois après la délivrance d’un commandement de payer demeuré infructueux.

Il n’est soulevé aucune contestation quant aux conditions de délivrance et quant aux mentions du commandement de payer, lequel porte sur la somme de 75 593,65 € correspondant à l’arriéré de loyer et charges incluant l’échéance du mois d’avril 2024.

Les causes de ce commandement n’ont pas été acquittées dans le mois de sa délivrance.

En conséquence, il y a lieu de constater l’acquisition de la clause résolutoire et ce à la date du 6 mai 2024.

Sur la demande de provision au titre de l’arriéré locatif

L’article 835 alinéa 2 du Code de procédure dispose que, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier.

Aux termes de l’article 1353 du Code civil, c’est à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver et à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Selon le décompte versé aux débats, dont le quantum n’est pas contesté par le preneur, le solde de la dette s’élève à la somme de 52 087,96 € euros au jour de l’audience.
Aussi la société Le Chinon sera-t-elle condamnée à verser à la société Hôtelière de la [Adresse 4] la somme de 52087,96 € euros à titre provisionnel.

Sur la demande de délais de paiement

L’article 1343-5 du code civil dispose que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues, dans la limite de deux années.

Aux termes de l’article L145-41 alinéa second, les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

En application de ces dispositions, le juge peut suspendre les effets de la clause résolutoire, quel que soit le motif invoqué comme manquement du preneur à ses obligations.

En l’espèce, la société Le Chinon sollicite de se voir autoriser à apurer sa dette dans un délai de douze mois ; la bailleresse précise s’opposer à cette demande et sollicite un délai maximal de 6 mois à titre subsidiaire.

En premier lieu, il est relevé que depuis le commandement de payer, le paiement régulier des loyers a repris, la dette a sensiblement baissé passant de 75 593,65 € à 52 087,96 €, que ces paiements en sus des loyers démontrent la capacité du preneur d’apurer sa dette en bénéficiant de délais de paiement.

Par ailleurs, la société bailleresse ne fait état d’aucun élément de nature à démontrer que l’octroi de délais de paiement serait de nature à lui porter gravement préjudice, pas davantage qu’elle n’argumente sa position tendant au rejet de toute demande de délais de paiement.

Dès lors, la demande de délai de paiement peut être accueillie pour une durée de 12 mois et les effets de la clause résolutoire seront suspendus durant le délai accordé.

A défaut de respect de ces délais, la clause résolutoire reprendra son plein effet. L’expulsion du preneur sera ordonnée, et le sort des meubles sera réglé conformément aux articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution.

Le cas échéant, l’indemnité d’occupation à titre provisionnel sera égale au montant du dernier loyer tel qu’il résulterait de la poursuite du contrat outre les charges, jusqu’à la libération effective des lieux et la remise des clés.

Sur les mesures accessoires

L’article 491 alinéa 2 du Code de procédure civile dispose que le juge statuant en référé statue sur les dépens. L’article 696 dudit code précise que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Succombant, la société Le Chinon doit supporter la charge des dépens conformément aux dispositions susvisées.

L’article 700 du Code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer : 1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, 2° et, le cas échéant, à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s’il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne peut être inférieure à la part contributive de l’Etat.

Il est rappelé que la juridiction des référés a le pouvoir de prononcer une condamnation en application de ces dispositions.

Condamnée aux dépens, la société Le Chinon sera tenue au paiement d’une somme que l’équité commande de limiter à 1000 euros au titre des frais irrépétibles engagés par la société demanderesse.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort ,

Constatons la réunion des conditions d’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 6 mai 2024, par l’effet du commandement de payer délivré le 5 avril 2024 ;

Condamnons par provision la société Le Chinon à payer à la société Hôtelière de la [Adresse 4] la somme de 52 087,96 euros à valoir sur les loyers, charges et accessoires arrêtés au 1er octobre 2024 ;

Suspendons rétroactivement les poursuites et les effets de la clause résolutoire, sous la condition que la société Le Chinon verse à la société Hôtelière de la [Adresse 4] la somme de 52 087 ,96 € selon les modalités suivantes sur 12 mois :
– 11 mensualités de 4340 € à verser mensuellement avant le 15 du mois, la première mensualité étant due le mois suivant la notification de la présente décision,
– Une dernière mensualité soldant l’intégralité de la dette,

Disons qu’à défaut de respect des délais accordés ou à défaut de paiement à bonne date des échéances de loyers, charges et accessoires courants, et huit jours après l’envoi d’une simple mise en demeure adressée par lettre recommandée avec avis de réception :
– l’intégralité de la dette sera immédiatement exigible,
– les poursuites pour son recouvrement pourront reprendre aussitôt,
– la clause résolutoire produira son plein et entier effet,
– il pourra être procédé, si besoin avec le concours de la force publique et d’un serrurier, à l’expulsion de la société Le Chinon des lieux loués situé [Adresse 2] – [Adresse 1] à [Localité 3] et de tous occupants de son chef,
– la société Le Chinon devra payer à la société Hôtelière de la [Adresse 4], à titre de provision à valoir sur l’indemnité d’occupation, une somme égale au montant du loyer résultant du bail, sans majoration, outre les charges, taxes et accessoires, à compter de la date de prise d’effet de la clause résolutoire et jusqu’à la libération effective des lieux par l’expulsion des occupants ou la remise des clés ;
– le sort des meubles se trouvant dans les lieux sera réglé par les dispositions du code des procédures civiles d’exécution ;

Condamnons la société Le Chinon aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement délivré le 5 avril 2024 ;

Condamnons la société Le Chinon à payer à la société Hôtelière de la [Adresse 4] la somme de mille euros (1000 euros) par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejetons toutes les autres demandes des parties ;

Rappelons que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.

Fait à Paris le 05 novembre 2024

Le Greffier, Le Président,

Anne-Sophie MOREL Pierre GAREAU


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