Droit du logiciel : 7 juin 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/02108

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Droit du logiciel : 7 juin 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/02108

AFFAIRE PRUD’HOMALE

DOUBLE RAPPORTEUR

N° RG 20/02108 – N° Portalis DBVX-V-B7E-M5US

Société MEDICIS

C/

[P]

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 21 Février 2020

RG : F18/02904

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRET DU 07 Juin 2023

APPELANTE :

Société MEDICIS

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Karine GAYET de la SELARL MORELL ALART & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

[Z] [P]

née le 23 Juillet 1966 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Karine THIEBAULT de la SELARL CABINET KARINE THIEBAULT, avocat au barreau de LYON

DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 21 Mars 2023

Présidée par Joëlle DOAT, présidente et Nathalie ROCCI, conseiller, magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés pendant les débats de Morgane GARCES, greffière

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

– Joëlle DOAT, présidente

– Nathalie ROCCI, conseiller

– Anne BRUNNER, conseiller

ARRET : CONTRADICTOIRE

rendu publiquement le 07 Juin 2023 par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Joëlle DOAT, présidente, et par Morgane GARCES, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par contrat à durée indéterminée du 7 novembre 1994, le groupement d’intérêt économique ROYALE a embauché Mme [B] [J], pour y exercer les fonctions de secrétariat, saisie comptable et accueil.

La relation de travail s’est poursuivie à compter du mois de juillet 2005, avec la société MEDICIS.

Mme [J] épouse [P] s’est trouvée en arrêt maladie à compter du 3 juillet 2017.

Le 10 janvier 2018, le Dr [L], médecin du travail au service de santé au travail AGEMETRA, après étude de poste et des conditions de travail du 18 décembre 2017 et échange avec l’employeur du 18 décembre 2017, a déclaré la salariée inapte en indiquant « l’état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

Par lettre recommandée du 11 janvier 2018, la société MEDICIS a convoqué Mme [P] à un entretien préalable en vue de son licenciement, fixé au 23 janvier 2018.

Par lettre recommandée du 29 janvier 2018, la société MEDICIS a notifié à Mme [P] son licenciement pour inaptitude.

Contestant son licenciement, Mme [P] a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon, le 27 septembre 2018, de diverses demandes indemnitaires et salariales.

Par jugement du 21 février 2020, le conseil de prud’hommes a :

fixé l’ancienneté au 7 novembre 2014 et fixé le salaire mensuel brut à 2 146,19 euros ;

dit que Madame [P] était comptable -classification 2.1 ;

dit le licenciement abusif ;

dit que l’exécution du contrat de travail avait été déloyale ;

condamné la société MEDICIC à verser à Mme [P] les sommes suivantes :

à titre de rappel de salaire, pour la période allant de janvier 2015 à janvier 2018, la somme de 7 738,20 euros outre 773,82 euros pour congés payés afférents ;

à titre de dommages et intérêt pour exécution déloyale du contrat de travail, la somme de 20 000 euros ;

à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, la somme de 35 000 euros ;

à titre de solde d’indemnité de licenciement, la somme de 10 468,20 euros ;

à titre d’indemnité légale de préavis 4 722,28 euros outre 472,23 euros pour congés payés afférents ;

condamné la société MEDICIS à payer à la salariée la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

ordonné l’exécution provisoire, à hauteur de 50% des dommages-intérêts alloués ;

ordonné, sous astreinte de 50 euros par jour, la remise des documents de fin de contrat(certificat de travail, attestation Pôle emploi) à compter du 15ème jour suivant la notification du présent jugement, le conseil se réservant le droit de liquider l’astreinte ;

condamné la société MEDICIS aux dépens ;

débouté les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires ;

condamné la société MEDICIS à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées au salarié licencié dans la limite de six mois d’indemnités.

Le 16 mars 2020, la société MEDICIS a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 30 juillet 2020, la SAS MEDICIS demande à la cour d’infirmer dans son intégralité le jugement

Statuant à nouveau :

A titre principal

de fixer la date d’ancienneté au 1er juillet 2005 ;

de fixer la moyenne des trois derniers mois de salaire à 2 146,19 euros bruts prime d’ancienneté incluse ;

de dire que Mme [P] occupait un poste de secrétaire comptable’catégorie 1.4 ;

de dire qu’elle a exécuté loyalement le contrat de travail ;

de dire que la mise en inaptitude ne repose pas sur des manquements fautifs de l’employeur ;

de dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ;

de débouter Mme [P] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

de condamner Mme [P] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

A titre subsidiaire:

de limiter le reliquat de l’indemnité de licenciement à 8 690,6 euros net ;

de limiter l’indemnité compensatrice de préavis à 4 292,38 euros brut ;

de limiter les congés payés afférents à 429,23 euros brut ;

Par conclusions notifiées le 19 octobre 2020, Mme [P] demande à la cour de 

confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

fixé son ancienneté au 7 novembre 1994 ;

jugé qu’elle relevait de la classification 2.1 de la convention collective de la publicité applicable à la société MEDICIS ;

condamné la société MEDICIS à lui verser les sommes de :

– 7 738,20 euros bruts à titre de rappel de prime d’ancienneté,

– 773,82 euros au titre des congés payés afférents.

condamné la société MEDICIS à lui verser la somme de 10 468,20 euros à titre de rappel d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

condamné la société MEDICIS à l’indemniser du préjudice subi du fait de l’exécution déloyale de son contrat de travail et du manquement à l’obligation de préservation de sa santé ayant entraîné une dégradation de son état de santé ;

Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :

limité les dommages et intérêts alloués de ce chef à 2 000 euros et porter les dommages et intérêts alloués en réparation du préjudice qu’elle a subi du fait de l’exécution déloyale de son contrat de travail et du manquement à l’obligation de préservation de sa santé ayant entraîné une dégradation de son état de santé à la somme de 20 000 euros ;

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

jugé que le licenciement pour inaptitude médicale était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

condamné la société MEDICIS à lui verser les sommes de 4 722,28 euros brut à titre d’indemnité de préavis, outre la somme de 472,23 euros brut au titre des congés payés afférents,

condamné la société MEDICIS à lui délivrer un certificat de travail et une attestation pôle emploi rectifiés, sous astreinte comminatoire de 50 euros par jour de retard, à compter du 15ème jour suivant la notification du jugement ;

condamné la société MEDICIS au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :

limité les dommages et intérêts alloués de ce chef à 35 000 euros et porter à 40 139 euros le montant des dommages et intérêts nets de toutes charges alloués titre de dommages et intérêts en réparation de la perte injustifiée de son emploi.

Y ajoutant :

condamner la société MEDICIS, outre aux entiers dépens de l’instance, au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à titre de participation aux frais exposés par elle pour sa défense en cause d’appel.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 février 2023.

SUR CE,

Sur l’exécution du contrat de travail

Sur l’ancienneté :

La date d’ancienneté figurant dans le bulletin de paie vaut présomption de reprise d’ancienneté sauf à l’employeur à rapporter la preuve contraire.

La SAS MEDICIS relate avoir constitué, avec la société BONNE REPONSE, le GIE ROYALE, qui a embauché Mme [P]. Elle soutient avoir embauché Mme [P], sur sa demande, après dissolution du GIE et conteste avoir repris son ancienneté au 7 novembre 1994. Elle souligne que la salariée est la rédactrice des documents sur lesquels elle s’appuie, lesquels diffèrent, s’agissant des bulletins de paie, des duplicatas tirés du logiciel ; que son gérant a dû signer, à tort, l’attestation d’emploi de Mme [P], préparée par celle-ci car il lui faisait entière confiance.

A titre subsidiaire, elle livre son propre calcul de l’indemnité de licenciement, en cas d’ancienneté remontant au 7 novembre 1994.

La salariée relate avoir travaillé, dans le cadre du GIE, pour les sociétés BONNE REPONSE et MEDICIS, puis à partir du 1er juillet 2005, avoir été mise à disposition de la société MEDICIS, sans avenant au contrat de travail. Elle fait valoir que son ancienneté figure sur ses bulletins de paie y compris ceux édités alors qu’elle était en congé maternité puis parental, le registre unique du personnel, un certificat de travail établi au mois de mars 2010.

Les bulletins de paie versés aux débats par la salariée, pour la période de janvier 2015 à décembre 2017, mentionnent tous une ancienneté au 7 novembre 1994.

La SAS MEDICIS produits des bulletins de paie pour certains mois des années 2005 à 2013, qui mentionnent tous une ancienneté au 7 novembre 1994, à l’exception de celui du mois de juillet 2005, qui ne renseigne pas de date d’ancienneté à l’emplacement prévu à cet effet. Dès le mois de septembre 2005, la date indiquée est le 7 novembre 1994.

La salariée verse aux débats, un échange de mail entre M. [N], gérant de la société MEDICIS, et le cabinet EUREX, en date du 31 mai 2013. Les échanges portent sur la prime d’ancienneté. Le cabinet EUREX répond à M. [N] en récapitulant, pour chaque salarié, quel doit être le montant de la prime au regard de son ancienneté. S’agissant de Mme [P], il est mentionné que celle-ci est entrée le 7 novembre 1994.

L’ensemble de ces éléments vaut présomption de reprise d’ancienneté.

L’employeur verse aux débats des duplicatas des bulletins de paie :

pour l’année 2014, il est mentionné une entrée au 7 novembre 2014 avec une durée d’ancienneté débutant tantôt au 1er juillet 2005, tantôt au 7 novembre 1994, alors que les annexes des bulletins de paie mentionnent une ancienneté au 7 novembre 2005 ;

pour les années 2015 et 2016, il est mentionné une entrée au 7 novembre 1994 et une ancienneté au 1er juillet 2005, tout comme les annexes ;

pour l’année 2017, en pièce n°7, il est mentionné une ancienneté au 1er juillet 2005 ;

Toutefois, en pièce n°6, la SAS MEDICIS verse 12 bulletins de paie ou duplicatas, pour cette même année 2017, qui portent tous une date d’ancienneté au 7 novembre 1994.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que la SAS MEDICIS ne rapporte pas la preuve contraire à la reprise d’ancienneté au 7 novembre 1994.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a fixé la date d’ancienneté au 7 novembre 1994, la mention figurant dans le dispositif étant une erreur de plume, eu égard aux motifs, qui sera rectifiée au dispositif du présent arrêt.

Sur la classification de Mme [P] et la demande de rappel de prime d’ancienneté consécutive :

Selon l’article 18 de la convention collective nationale de travail des cadres, techniciens et employés de la publicité française du 22 avril 1955, les salariés recevront une prime dite « d’ancienneté » selon leur ancienneté acquise au sein de l’entreprise ou reprise par celle-ci en cas de disposition particulière de leur contrat de travail. Cette prime devra être distinguée parmi les éléments constitutifs du salaire réel et s’ajouter à ceux-ci.

Cette prime doit être portée sur le bulletin de paye, conformément aux prescriptions des articles 17 et 35, lesquels prévoient que le bulletin de paie mentionnera, de manière distincte, toute prime de caractère contractuel ou conventionnel.

Il appartient au salarié qui se prévaut d’une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu’il assure effectivement de façon habituelle, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il revendique

Les fonctions réellement exercées, qui sont prises en compte pour déterminer la qualification d’un salarié, sont celles qui correspondent à son activité principale, et non celles qui sont exercées à titre accessoire ou occasionnel.

L’employeur fait valoir que Mme [P] n’a jamais exercé de fonctions de comptable ; qu’elle était secrétaire comptable et assurait l’accueil téléphonique, le suivi administratif, le secrétariat, la saisie des factures, les rapprochements bancaires, la transmission des données comptables et sociales au cabinet comptable ; qu’elle n’avait pas les capacités de faire des analyses comptables et de la gestion financière. Elle ajoute que la rémunération de Mme [P], prime d’ancienneté inclue était supérieure à celle d’un employé de niveau 1.4 ou d’un technicien de niveau 2.1 ; que le montant de cette prime ne figure pas sur les bulletins de paie de Mme [P] car cette dernière s’y opposait.

La salariée soutient que la classification 1ère catégorie niveau 4, qui lui a été appliquée, ne correspond ni à son niveau de diplôme ni à la réalité des tâches accomplies ; qu’elle relevait de la classification 2ème catégorie niveau 1 et que ces tâches coïncidaient avec celle listées par la convention collective pour l’emploi de comptable. Elle ajoute que ses bulletins de paie mentionnent « comptable » s’agissant de l’emploi occupé.

Elle affirme que la prime d’ancienneté n’a jamais été payée et conteste avoir refusé que cette prime figure, par une mention distincte, sur ses bulletins de paie. Elle précise le calcul de sa prime d’ancienneté, sur la base du salaire minimum correspondant à une classification de technicien 2ème catégorie niveau 1.

La fiche de paie de Mme [P] pour le mois de juillet 2005 mentionne un emploi de secrétaire-comptable ; pour la période courant de janvier 2015 à janvier 2018, il est mentionné un emploi de comptable, pour un poste d’employé et un niveau 1.4.

Selon la convention collective, la fonction de comptable relève de la 2ème catégorie car «il exerce ses fonctions sous l’autorité d’un chef comptable ou d’un expert-comptable ; contrôle et centralise les différents documents comptables entrant dans son domaine d’intervention ; passe les écritures d’un groupe de comptes (clients, fournisseurs) dont la responsabilité lui est confiée et qu’il devra analyser ; enregistre en comptabilité les différentes opérations commerciales et financières ; établit les différents états comptables qui lui sont demandés par sa hiérarchie ; prépare les éléments de bilan dans le cadre des instructions qui lui sont données par le chef comptable ou l’expert-comptable et possède de bonnes connaissances de l’informatique de comptabilité/gestion et de la législation comptable.»

La salariée verse aux débats les attestations de Mme [O] [M], qui dit avoir vu Mme [P] imprimer les bulletins de paie de tous les salariés et les soumettre à la validation de M. [N], de Mme [Y], de MM. [E], [G] et [D], salariés intermittents, qui déclarent avoir déclaré leurs heures de travail à Mme [P], sous le contrôle de M. [N].

Ces attestations n’établissent pas que les fonctions confiées étaient celles de comptable.

La SAS MEDECIS justifie que le cabinet d’expertise comptable EUREX est son expert-comptable depuis l’année 1995 par une attestation de cette société.

Elle verse aux débats les notes d’honoraires pour les années 2015 à 2017, d’où il ressort que ce cabinet a exercé une mission comptable et sociale, et le mail du Dr [L], médecin du travail, du 15 novembre 2017, l’informant qu’à la suite de la visite de pré-reprise de Mme [P], elle envisage une inaptitude « sur son poste d’assistante comptable».

Il n’est pas établi que la salariée a exercé les fonctions de comptable.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné la SAS MEDICIS à payer à Mme [P] un rappel sur prime d’ancienneté sur la base de la classification 2.1 et la demande formée de ce chef par la salariée sera rejetée.

Sur l’exécution déloyale et le manquement à l’obligation de sécurité :

Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

L’obligation générale de sécurité se traduit par un principe de prévention au titre duquel les équipements de travail doivent être équipés, installés, utilisés, réglés et maintenus de manière à préserver la santé et la sécurité des travailleurs.

Respecte l’obligation de sécurité, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail (actions de prévention, d’information, de formation…) et qui, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.

En vertu de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

La SAS MEDICIS fait valoir que les attestations produites par Mme [P], qui émanent d’anciens salariés, sont vagues. Elle soutient que l’ambiance de travail est conviviale et s’appuie sur des attestations d’anciens ou actuels salariés.

La salariée fait valoir qu’elle a subi une importante dégradation de ses conditions de travail, en raison de pression permanente et de propos dégradants et humiliants de la part de M. [N] ; que des salariés attestent du comportement agressif de M. [N] ; qu’elle a été placée en arrêt de travail à compter du 1er juillet 2017 en raison d’un syndrome d’épuisement professionnel

La salariée verse aux débats ses arrêts de travail, prescrits à compter du 5 juillet 2017, dont celui du 13 octobre 2017, pour « état anxio-dépressif avec angoisses sévères » ainsi qu’un certificat du Dr [F], psychiatre, en date du 17 novembre 2018. Le médecin atteste que Mme [P] présente « un état anxio-dépressif sévère avec angoisses majeures liées à son contexte de travail, dans une entreprise où elle travaille depuis 23 ans. Dans ce contexte, et du fait de la nette amélioration des symptômes liée au traitement et à la mise à distance de son lieu de travail, il me semble impensable que cette patiente puisse reprendre un poste dans cette entreprise ».

Elle produit les attestations de ses collègues :

– Mme [H] [O], assistante de gestion depuis le 17/12/2007, qui témoigne avoir constaté « dès le début que [I] avait une attitude très désagréable avec certains salariés et notamment [Z], les relations se sont détériorées dès lors qu’elle a réclamé sa prime d’ancienneté en 2013. J’ai pu l’entendre les mercredis, jour de son repos, dire du mal d’elle « quelle conne », « quelle incompétente », « elle n’a qu’à bouger son c’ »

Lors de chaque altercation et d’humiliation dont j’ai pu être témoin plus d’une dizaine de fois. Depuis, chaque fois que [I] s’adressait à elle sur un ton agressif ou en l’attaquant verbalement, elle se mettait à pleurer, jusqu’au mois de juin 2017 où [I] a fait des reproches d’une façon très virulente à [Z]. Et depuis le 1er juillet, nous ne l’avons pas revue, ne répondant ni à mes appels à mes messages. J’ai appris par la suite qu’elle était arrêtée pour dépression. ».

L’attestation n’est pas précise quant à la date des altercations et humiliations ni à leur teneur. Mme [O] prête des propos à M. [N] qu’il aurait tenus en l’absence de Mme [P] et n’ont pas pu l’humilier.

– Mme [A] témoigne des propos qu’aurait tenu M. [N] à son égard et avoir « été témoin également de la façon dont Mr [N] s’adressait à Madame [Z] [P] : ne lui disant jamais bonjour, vociférant sur elle, la rabaissant, la dénigrant devant les autres salariés. J’ai souvent conseillé à [Z] [P] de dénoncer ces attitudes odieuses à la médecine du travail. ».

M. [X] témoigne avoir été témoin « à plusieurs reprises d’attitudes malveillantes et d’une conduite abusive de la part de Mr [N] à l’encontre de Mme [Z] [P] des reproches infondés sur la qualité du travail, une attitude agressive verbalement ».

Les propos qu’aurait tenu M. [N] ne sont pas précisés, les témoignages ne sont pas circonstanciés quant à la nature des reproches et la raison pour laquelle ils seraient infondés.

Ces attestations sont insuffisantes à établir l’exécution déloyale du contrat de travail et le manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a alloué une somme à titre de dommages-intérêts de ce chef et la demande sera rejetée.

Sur la rupture du contrat de travail :

Sur la cause du licenciement :

Si l’inaptitude du salarié a été directement causée par le comportement fautif de l’employeur, le licenciement en résultant est sans cause réelle et sérieuse.

L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

La SAS MEDICIS conteste la dégradation des conditions de travail et souligne que la salariée ne s’est plainte de ses conditions de travail que le 12 janvier 2018, sans toutefois donner de détail sur les prétendues dégradations. Elle ajoute que lien entre la dégradation de l’état de santé et le travail n’est pas établi.

Elle souligne qu’elle était dispensée de l’obligation de reclassement au regard de l’avis du médecin du travail.

La salariée fait valoir que son inaptitude est la conséquence des manquements de l’employeur de sorte que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Elle ajoute que l’employeur n’a pas consulté les délégués du personnel avant de procéder au licenciement, ce qui le prive de cause réelle et sérieuse.

Aucun manquement de l’employeur n’étant caractérisé, l’inaptitude de la salariée n’est pas causée par le comportement fautif de l’employeur.

Le médecin du travail ayant indiqué que l’état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi, la SAS MEDICIS n’avait pas à rechercher un reclassement ni à consulter les délégués du personnel.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et alloué des sommes à titre de dommages-intérêts de ce chef ainsi qu’au titre de l’indemnité de préavis et congés payés afférents.

Sur l’indemnité de licenciement :

Selon l’article 31 de la convention collective applicable, « il est alloué aux employés licenciés, ayant au minimum 2 ans d’ancienneté dans l’entreprise, une indemnité distincte du préavis, et s’établissant comme suit :

Pour la période d’ancienneté jusqu’à 15 ans :

– 33 % de mois des derniers appointements perçus par l’intéressé, par année complète de présence ;

Pour la période d’ancienneté au-delà de 15 ans :

– 40 % de mois des derniers appointements perçus par l’intéressé, par année complète de présence.

Pour toute fraction d’année supplémentaire, l’indemnité sera calculée au prorata des mois de présence compris dans cette fraction.

L’indemnité ci-dessus ne peut, en aucun cas, se cumuler avec l’indemnité fixée par les dispositions légales en matière de licenciement. »

La SAS MEDICIS considère que l’indemnité de licenciement due en cas d’ancienneté remontant au 7 novembre 1994, sur la base d’un salaire brut de 2 146,19 euros, ressort à la somme de 17 777,61 euros.

La salariée réplique que, compte tenu de son ancienneté de 23 ans et 4 mois, durée du préavis inclue, et d’une rémunération brute reconstituée de 2 361,14 euros, prime d’ancienneté inclue, elle aurait dû percevoir une indemnité de licenciement de 19 955,05 euros et qu’au regard de la somme versée par l’employeur, ce dernier reste lui devoir la somme de 10 468,20 euros.

La demande de repositionnement étant rejetée mais celle de point de départ de l’ancienneté accueillie, la base de calcul de l’indemnité de licenciement est la somme de 2 146,19 euros, pour une ancienneté de 23 ans et 4 mois

Dès lors le montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement ressort à la somme de 17 777,61 euros, soit un solde dû de 8 690,76 euros.

Le jugement sera infirmé s’agissant du montant de la somme allouée à ce titre.

Sur les autres demandes :

Les dispositions du jugement déféré relatives aux frais irrépétibles et dépens seront confirmées.

La SAS MEDICIS, partie qui succombe partiellement en appel, sera déboutée de sa demande en indemnisation de ses frais irrépétibles et condamnée à payer à Mme [P] la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et ce, en sus des entiers dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement par arrêt mis à disposition, contradictoirement :

Infirme le jugement quant au montant de la somme allouée à titre de solde de l’indemnité de licenciement, en ce qu’il alloué des sommes à titre de rappel sur prime d’ancienneté, d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en ce qu’il a condamné l’employeur à rembourser les indemnités de chômage ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Déboute Mme [P] de sa demande de repositionnement et de sa demande consécutive de rappel sur prime d’ancienneté et congés payés afférents ;

Déboute Mme [P] de ses demandes en dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et manquement à l’obligation de sécurité, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents ;

Condamne la SAS MEDICIS à payer à Mme [P] la somme de 8 690,76 euros au titre du solde de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;

Dit n’y avoir lieu à condamner l’employeur à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage ;

Y ajoutant,

Confirme le jugement pour le surplus de ses dispositions, sauf à rectifier l’erreur matérielle contenue au dispositif du jugement et à dire que l’ancienneté de la salariée est fixée au 7 novembre 1994 ;

Condamne la SAS MEDICIS aux dépens d’appel ;

Condamne la SAS MEDICIS à payer à Mme [P] la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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