Droit du logiciel : 15 juin 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/01162

·

·

Droit du logiciel : 15 juin 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/01162

7ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°250/2023

N° RG 20/01162 – N° Portalis DBVL-V-B7E-QPWA

Mme [D] [G]

C/

SA BNP PARIBAS

Copie exécutoire délivrée

le : 15/06/2023

à : MAITRES

MARLOT

BOUCHER

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 15 JUIN 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Hervé KORSEC, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

GREFFIER :

Mme Adeline TIREL, lors des débats et Madame Françoise DELAUNAY lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 21 Mars 2023 devant Monsieur Hervé BALLEREAU, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Monsieur [C] [U], médiateur judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 15 Juin 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

Madame [D] [G]

née le 27 Novembre 1959 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Eric MARLOT de la SELARL MARLOT, DAUGAN, LE QUERE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES substitué par Me Simond BRIAUD, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

SA BNP PARIBAS SA au capital de 2.499.597.122,00 €, Inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le n° 662 042 449, Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège,

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Anne-Sophie BOUCHER, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Christophe FERREIRA SANTOS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [D] [G] a été embauchée par la SA BNP Paribas selon un contrat à durée indéterminée en date du 10 mars 1980. Elle exerçait initialement les fonctions d’employée de banque avant d’être promue en 2012, au poste de responsable de domaine de production et appui commercial au centre administratif BNP de [Localité 6].

Les relations entre les parties étaient régies par la convention collective de la banque.

Le 1er mars 2010, Mme [G] a régularisé une convention individuelle de forfait annuel en jours à raison de 211 jours de travail par année complète d’activité.

Le 05 juin 2016, victime d’une fracture de la cheville, Mme [G] était arrêtée trois mois avec une reprise du travail prévue le 06 septembre 2016.

À compter du 12 septembre 2016, le mari de Mme [G] était hospitalisé.

Le 16 septembre 2016, au cours d’un entretien avec la DRH, la salariée s’est vue proposer un poste de responsable de domaine à [Localité 8]. Mme [G] a refusé en raison de l’état de santé de son mari, indiquant devoir rester à [Localité 6].

Le 21 septembre 2016, l’employeur proposait à Mme [G] une mission sur la gestion des réclamations.

La salariée a accepté le 26 septembre suivant.

Du 24 février 2017 au 10 mars 2017, puis du 27 mars au 28 avril 2017, la salariée était en arrêt de travail.

Le 31 mai 2017, par l’intermédiaire de son conseil, Mme [G] informait son employeur de difficultés rencontrées dans l’exécution de son contrat de travail et sollicitait une résolution amiable.

À compter du 06 juin 2017, la salariée était de nouveau en arrêt de travail.

Par courrier en date du 23 juin 2017, le conseil de Mme [G] indiquait que la salariée avait été contrainte de quitter le poste qu’elle occupait et qu’elle dénonçait la perte de ses fonctions managériales.

Au terme d’une visite de reprise organisée le 17 novembre 2017, le médecin du travail a déclaré Mme [G] inapte à son poste, précisant que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à la santé de l’intéressée.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 24 novembre 2017, la société BNP Paribas a convoqué la salariée à un entretien préalable au licenciement fixé au 06 décembre suivant.

Puis, par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 14 décembre 2017, la société a notifié à Mme [G] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

 ***

Mme [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Rennes par requête en date du 19 juillet 2018 afin de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, de voir prononcer la nullité de la convention de forfait en jours et d’obtenir le paiement de différentes sommes à titre de dommages-intérêts, indemnités et rappel de salaire.

Par jugement en date du 20 janvier 2020, le conseil de prud’hommes de Rennes a :

– Dit que le licenciement est régulier,

– Dit que la convention de forfait jour est nulle,

– Débouté Mme [G] de l’ensemble de ses autres demandes, fins et conclusions,

– Débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

– Laissé les dépens à la charge des parties.

***

Mme [G] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 17 février 2020.

En l’état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 12 décembre 2022, Mme [G] demande à la cour d’appel de :

– Confirmer le jugement en ce qu’il a dit et jugé que la convention de forfait jour est nulle ;

– Le réformer pour le surplus ;

Y additant, statuant à nouveau,

– Dire et juger le licenciement du 14 décembre 2017 dénué de cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

– Condamner la société BNP Paribas à payer les sommes suivantes:

– Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse …………66 533,40 euros

– Indemnité de préavis………9 980,01 euros

– Congés payés afférents……….998,00 euros

– Prononcer la nullité de la convention de forfait annuel en jours et à tout le moins dire et juger que la convention de forfait est privée d’effet faute d’entretien annuel sur la charge de travail ;

En conséquence,

– Condamner la société BNP Paribas à payer les sommes suivantes:

– Rappel d’heures supplémentaires ……………7 882,05 euros

– Congés payés afférents ………………. …………. 788,21 euros

– Dommages et intérêts pour non-respect des dispositions légales et conventionnelles relatives aux conventions de forfait annuel en jours ………………………10 000,00 euros

– Condamner la société BNP Paribas à payer les sommes suivantes:

– Dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et réparation du préjudice moral subi ………………. 15 000,00 euros

– Article 700 du code de procédure civile ………… 3 000,00 euros

– Condamner la société BNP Paribas aux entiers dépens de l’instance;

– Débouter la société BNP Paribas de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Mme [G] fait valoir en substance que:

– La société BNP Paribas a manqué à son obligation de sécurité ; l’inaptitude est en lien avec le processus de rétrogradation mis en oeuvre par l’employeur au cours de l’année 2016 ; lorsqu’elle est passée du poste de Responsable de domaine appui commercial à celui d’Assistant référent de production, les fonctions de management lui ont été retirées alors qu’elles constituaient la majorité du précédent emploi ; ce retrait de fonctions est confirmé par l’entretien professionnel de novembre 2016 et par l’attestation du supérieur hiérarchique de la salariée ; l’attitude de l’employeur a été particulièrement déloyale ;

– Plusieurs collègues de travail attestent du mal être de la salariée face à la situation qui lui a été imposée ;et qui a également eu des conséquences sur sa vie de famille ; l’employeur qui était informé, n’a pris aucune mesure pour préserver son état de santé ;

– Le poste confié n’était pas temporaire comme le prétend l’employeur ; la reprise de fonctions managériales était en effet conditionnée à la disponibilité d’un poste conforme à ses compétences et à ses attentes ; un tel poste a été ouvert sur [Localité 6] mais ne lui a pas été proposé ;

– Les délégués du personnel n’ont pas été consultés suite à l’avis d’inaptitude ainsi qu’il en est attesté ;

– Il n’a été procédé à aucune recherche de reclassement au sein du groupe ;

– Elle n’a pas retrouvé d’emploi depuis son licenciement et est âgée de 60 ans; elle avait 37 ans d’ancienneté lorsqu’elle a été licenciée ; son préjudice est important ;

– L’accord d’entreprise de la société BNP Paribas n’est pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition dans le temps de travail des cadres ; ni l’accord d’entreprise, ni l’avenant relatif aux cadres au forfait ne prévoient un entretien sur la charge de travail; il n’est pas suffisant de demander aux cadres de remplir un document de contrôle des jours travaillés; il n’est pas justifié par l’employeur d’un entretien spécifique distinct de l’évaluation professionnelle annuelle; ces entretiens professionnels n’ont jamais abordé la question de la charge de travail et du suivi du forfait en jours ; la convention de forfait est nulle ou à tout le moins privée d’effet ;

– Elle produit un relevé des heures de travail effectuées en 2015 et en 2017 et justifie des heures supplémentaires effectuées et non payées ;

– Outre le préjudice subi du fait de la nullité de la convention de forfait, elle subit un préjudice du fait de la déloyauté de son employeur.

En l’état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 16 juin 2022, la SA BNP Paribas demande à la cour d’appel de:

– Dire et juger Madame [D] [J] épouse [G] mal fondée en son appel interjeté le 17 février 2020 du jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Rennes le 20 janvier 2020,

– Dire et juger BNP Paribas bien fondée et recevable en son appel incident du jugement entrepris,

– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que la convention de forfait jour est nulle,

– Confirmer le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions,

– En conséquence, débouter Madame [D] [J] épouse [G] de l’ensemble de ses demandes,

– Condamner Madame [D] [J] épouse [G] à payer à BNP Paribas une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner Madame [D] [J] épouse [G] aux entiers dépens en première instance et en cause d’appel.

La société BNP Paribas développe en substance l’argumentation suivante:

– Elle est particulièrement attentive aux obligations qui sont les siennes en matière de santé et de sécurité de ses salariés ; elle a mis en place en 2008 un dispositif d’évaluation et de mesure du stress ; les salariés disposent d’un service d’aide et d’accompagnement psychologique ; ils peuvent alerter en ligne ou par téléphone sur une situation de stress ;

un accord sur le harcèlement et la violence au travail a en outre été conclu le 11 juillet 2011 et repris dans un accord du 1er juillet 2014 ; Mme [G] n’a pas exercé de droit d’alerte ni saisi les instances compétentes sur l’existence d’un risque psychosocial ; elle n’a jamais informé son employeur d’une dégradation de ses conditions de travail avant son courrier du 31 mai 2017 alors qu’elle était en arrêt de travail pour maladie ; les attestations dont elle se prévaut sont des interprétations d’une situation et pas des témoignages de faits personnellement constatés par les attestants ;

– Mme [G] a expressément accepté la mission temporaire d’assistant référent de production et d’appui commercial qui lui a été proposée alors qu’elle n’y était pas obligée ; elle ne rapporte pas la preuve des pressions qu’elle allègue ; il ne s’agit pas d’une rétrogradation puisque son rattachement hiérarchique était le même, ainsi que sa classification et son salaire ; elle savait que la mission ne comportait pas de fonctions managériales ; elle avait accès au réseau ‘e-jobs’ et pouvait candidater sur les postes disponibles susceptibles de l’intéresser ; elle n’a pas attendu la fin de la mission pour envisager la rupture du contrat de travail ;

– L’avis d’inaptitude mentionne une ‘maladie ou accident non professionnel’ et il n’est pas justifié d’une dégradation de l’état de santé de Mme [G] en lien avec ses conditions de travail ; aucun manquement de l’employeur n’est démontré ;

– Dès lors que le médecin du travail a mentionné que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé, l’employeur est dispensé de son obligation de reclassement tant au niveau de l’entreprise que du groupe ; Mme [G] n’a pas contesté l’avis d’inaptitude qui s’impose donc aux parties;

– La convention de forfait en jours renvoie à l’accord de branche du 20 juillet 2000 ; la cour de cassation a validé le forfait en jours de la convention collective nationale de la Banque dans un arrêt du 17 décembre 2014 ; la charge et l’organisation du travail sont évaluées dans le cadre de l’évaluation professionnelle annuelle, comme le précise le guide de l’évaluation professionnelle ; Mme [G] n’a jamais soulevé la moindre difficulté sur ces points lors de ses évaluations annuelles ; un contrôle régulier des temps de repos et jours de congés payés est régulièrement effectué via le logiciel INCA;

– Le décompte d’heures supplémentaires de Mme [G] est incohérent ; elle réclame des heures durant des périodes où elle était en congés ou en RTT ; elle était libre d’organiser ses horaires de travail comme elle le souhaitait et se dispense de décrire les tâches qu’elle aurait été amenée à réaliser pendant de prétendues heures supplémentaires ; s’il était fait droit à la demande, il devrait être tenu compte des jours de repos RTT et de la prime de forfait qui ont été octroyés à la salariée ;

– Il n’est justifié d’aucun préjudice distinct résultant de la nullité alléguée de la convention de forfait ; il n’est pas plus justifié du préjudice moral allégué.

***

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 13 décembre 2022 avec fixation de la présente affaire à l’audience du 21 mars 2023.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions régulièrement signifiées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Sur les demandes relatives au temps de travail:

1-1: Sur la demande de nullité et subsidiairement de privation d’effet de la convention de forfait:

Il résulte des articles 151 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, L. 3121-45 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, interprété à la lumière de I’article 17 paragraphes 1 et 4 de la Directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17 paragraphe l, et 19 de la Directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne que le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles et que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.

Ainsi, toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

L’article 19 III de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 n’a pour objet que de sécuriser les accords collectifs conclus sous l’empire des dispositions régissant antérieurement le recours aux conventions de forfait et les dispositions de l’article L. 3121-46 du code du travail, issues de la même loi, sont applicables aux conventions individuelles de forfait en jours en cours d’exécution lors de son entrée en vigueur.

En vertu de ce dernier texte, dans sa rédaction issue de la loi précitée du 20 août 2008, un entretien annuel individuel est organisé par l’employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l’année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.

Il appartient à l’employeur de rapporter la preuve d’un contrôle effectif de la charge de travail du salarié et de l’amplitude du temps de travail.

La convention de forfait prévue au contrat de travail doit préciser les modalités de surveillance de la charge de travail du salarié.

Lorsque le forfait en jours est mis en place en dehors des conditions posées par la loi ou à défaut de garanties suffisantes, il est déclaré nul par le juge, ce qui le rend définitivement inopposable au salarié pour le passé, le présent et l’avenir.

En cas de nullité de la convention de forfait, le salarié peut alors revendiquer l’application des règles de droit commun afférentes au décompte et à la rémunération du temps de travail.

En l’espèce, Mme [G] s’est vue soumettre par avenant en date du 1er avril 2010 la signature d’une convention individuelle de forfait aux termes de laquelle ‘la gestion du temps de travail de Mme [G] sera effectuée en nombre de jours, ce nombre étant fixé par l’accord susvisé à 211 jours par année complète d’activité et en tenant compte du nombre maximum de jours de congé défini à l’article L223-2 du code du travail (…). Cette convention est établi dans le respect des dispositions légales et réglementaires notamment celles relatives aux repos quotidien et hebdomadaire’.

Outre ces dispositions à caractère général qui ne précisent pas les modalités concrètes de suivi de la charge de travail du salarié, l’accord d’aménagement et de réduction du temps de travail signé entre la société BNP Paribas et les partenaires sociaux le 20 juillet 2000, stipule en son article II-3/2 ‘Forfait annuel: Contenu et convention’, les modalités relatives au forfait annuel en jours, en exprimant le souhait de la direction de ‘limiter à 10 heures la durée quotidienne du temps de travail des cadres concernés (…)’ et le fait que ‘lors de la signature de la convention individuelle de forfait, le salarié sera informé des modalités de suivi de l’organisation de son travail, de l’amplitude de ses journées d’activité et de la charge de travail qui en résulte. Un point sur ces dispositions sera fait lors de la première évaluation professionnelle qui suivra la signature de cette convention individuelle de forfait.

Les cadres concernés seront tenus de déclarer leur nombre de jours de travail et de congés ou repos sous forme d’un relevé mensuel’.

Or, il est constant que les dispositions conventionnelles applicables dans l’entreprise ne peuvent pas confier au salarié le soin de veiller lui-même à sa charge de travail.

En outre, les comptes rendus d’entretiens annuels d’évaluation professionnelle versés aux débats par la salariée, ne font pas apparaître la moindre évocation de la charge de travail de l’intéressée et la moindre question posée sur l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale.

Le fait qu’un guide de l’évaluation professionnelle diffusé par la société BNP Paribas aux salariés ait prévu que ‘l’évaluation professionnelle est aussi l’occasion d’aborder avec votre manager la charge et l’organisation de travail’, ne saurait se substituer à l’obligation de l’employeur de contrôler annuellement, activement et de façon lisible, la charge de travail de la salariée cadre signataire d’une convention de forfait en jours.

Dans ces conditions, c’est à juste titre que le conseil de prud’hommes a jugé nulle la convention de forfait en jours, la dite convention étant donc inopposable à Mme [G].

1-2: Sur la demande en paiement d’heures supplémentaires:

Selon l’article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, Mme [G] produit un relevé dactylographié portant sur les années 2015 et 2017, sur lequel ont été notées journellement ses heures d’arrivée et de sortie, faisant ressortir les totaux de 274,5 heures supplémentaires effectuées en 2015 et 35,7 heures supplémentaires en 2017. Elle soutient que les dites heures supplémentaires ne lui ont pas été payées.

Ces éléments précis permettent un débat contradictoire dans le cadre duquel il appartient à l’employeur de rapporter la preuve des heures de travail effectivement accomplies par la salariée durant les périodes litigieuses.

La société BNP Paribas soutient que le tableau produit par Mme [G] n’est pas crédible dès lors que l’intéressée était soumise à une convention de forfait en jours ; or, il résulte des développements qui précèdent que la convention de forfait en jours est inopposable à l’intéressée, de telle sorte que l’employeur ne peut utilement soutenir qu’il n’avait pas à contrôler le temps de travail de la salariée qui aurait été libre de s’organiser comme elle le souhaitait.

La société intimée soutient encore que le tableau renseigné par Mme [G] comporte des incohérences puisqu’elle était en congés certains jours durant lesquels elle prétend avoir effectué des heures supplémentaires (7-8 janvier 2015, 19-20 mars 2015, 13 au 17 juillet 2015, 24 au 31 août 2015, 24 décembre 2015, 31 janvier 2017, 13 et 17 février 2017, 15 mars 2017, 9, 10 et 18 mai 2017).

Or, concernant l’année 2017, force est de constater que sur les périodes contestées par l’employeur des mois de janvier, février et mars 2017, il n’est pas fait mention de la prise de congés, tandis qu’en ce qui concerne le mois de mai 2017, s’il doit être relevé que la liasse de bulletins de paie produite ne comporte pas celui du mois considéré, l’employeur admet qu’aucune mention de prise de congés n’apparaît au motif qu’il se serait agi de ‘congés temps à la carte’.

La société BNP Paribas produit un relevé d’absences faisant apparaître différentes rubriques: Maladie, journée RTT, congés payés standard et temps à la carte.

Elle se prévaut également du fait que les bulletins de paie de l’année 2017 mentionnent une retenue effectuée à ce titre, qui apparaît avoir été opérée de façon forfaitaire à hauteur de 107,49 euros par mois.

Elle ne s’explique pas sur le fondement contractuel ou conventionnel de cette pratique de ‘congés temps à la carte’, étant observé que l’horaire réduit en conséquence des journées de repos qui auraient été prises n’apparaît pas sur les bulletins de salaire.

Cependant, Mme [G] ne formule aucune observation sur le fait qu’elle aurait bénéficié de temps de repos à sa demande qui ont fait l’objet de la retenue forfaitaire mensuelle susvisée.

La salariée ne conteste pas plus avoir bénéficié, en application de l’accord d’aménagement et de réduction du temps de travail, de 15 jours de repos RTT par an, représentant un montant de 4.901,19 euros.

Il sera toutefois observé qu’il n’est formé à ce titre aucune demande reconventionnelle par l’employeur.

Les bulletins de salaire de l’année 2015 ne sont pas produits, de sorte qu’hormis les relevés d’absence de l’employeur, il ne peut être vérifié les jours de congés, RTT et congés ‘à la carte’ qui auraient été effectivement décomptés.

La cour dispose ainsi des éléments qui lui permettent de considérer que Mme [G] a effectué des heures supplémentaires dans la proportion de 92 heures en 2015 et 6 heures en 2017, représentant un rappel de salaire de 2.628 euros que la société BNP Paribas sera condamnée à lui payer, outre 262,80 euros au titre des congés payés y afférents.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

2- Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail:

L’employeur, tenu d’une obligation légale de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs en vertu des dispositions de l’article L 4121-1 du code du travail, est à ce titre tenu de protéger la santé physique et mentale des salariés, ce qui impose de mettre en ‘uvre des actions d’information et de formation, de mettre en place une organisation et des moyens adaptés et de veiller à leur adaptation pour tenir compte du changement des circonstances.

Il appartient donc à l’employeur d’assurer l’effectivité de son obligation de sécurité en assurant la prévention des risques professionnels.

Si l’inaptitude médicalement constatée d’un salarié trouve son origine dans un ou plusieurs manquements de l’employeur à son obligation de sécurité, le licenciement intervenu pour inaptitude et impossibilité de reclassement est sans cause réelle et sérieuse.

L’inaptitude physique ne peut en effet légitimer un licenciement lorsqu’elle résulte d’un manquement de l’employeur à son obligation générale de sécurité.

En l’espèce, Mme [G] soutient qu’elle a fait l’objet d’une rétrogradation imposée par la société BNP Paribas, qu’elle a dès lors été ‘placardisée’ et que cette situation a entraîné une dégradation de son état de santé, sans que que l’employeur ne prenne la moindre mesure préventive alors qu’elle était informée.

Il est constant qu’à l’issue de l’arrêt de travail prescrit sur la période du 5 juin au 6 septembre 2016, un entretien a été organisé à l’initiative de l’employeur le 16 septembre 2016 au cours duquel était proposé à la salariée un poste de Responsable de domaine à [Localité 8] qu’elle n’a pas souhaité rejoindre compte-tenu des nécessités de résidence à [Localité 6] qui étaient les siennes du fait de l’état de santé de son époux.

Il est également constant qu’à la suite de ce refus, Mme [G] a été affectée au poste d’Assistant Référent de Production et d’Appui Commercial, poste basé à [Localité 6].

Il n’est pas contesté qu’aucun avenant n’a été signé entre les parties et les termes du courriel de M. [B] en date du 26 septembre 2016, auquel se réfère l’employeur, évoquant les termes de la proposition et de l’accord de la salariée sur la mission confiée, n’ont pas de valeur contractuelle, ne reflétant que l’avis de l’auteur du dit courriel sur l’état d’esprit de Mme [G] par rapport à cette mission.

Ainsi que cela résulte des termes de ce même courriel du 26 septembre 2016 mais également de l’imprimé de mobilité produit par l’employeur (pièce 9), la mission confiée à Mme [G] ne comprenait plus de fonctions managériales, à la différence du poste de Responsable de Domaine de Production et Appui Commercial qu’elle occupait jusqu’au 30 novembre 2016.

Il résulte des comptes rendus d’entretien d’évaluation produits par la salariée que les tâches de management constituaient un élément important des fonctions confiées à l’intéressée depuis 2003.

A cet égard, on relève que Mme [G] se voyait confier le pilotage des entretiens individuels de ses collaborateurs, l’item ‘savoir animer et diriger une équipe’ étant l’un des éléments d’appréciation des compétences requises pour la fonction.

Le courriel susvisé de M. [B] du 26 septembre 2016 indique: ‘Bien entendu, elle – Mme [G] – m’a confirmé lors de notre premier entretien son appétence pour le management et son désir de reprendre cette orientation à l’issue de cette mission (…).

Il ressort de ce même courriel que tant la durée de la mission que son contenu, n’étaient pas précisément définis: ‘A son retour de congés (semaine 42) elle souhaite qu’on lui précise la durée approximative de cette mission (l’été 2018 me semble un terme raisonnable) ainsi que les grands contours: un entretien de définition du poste sera à caler assez rapidement entre nous trois d’ici fin octobre (…)’.

Il doit être relevé qu’il résulte de l’imprimé de mobilité non signé des parties que cette imprécision quant à la durée de la mission était encore plus prononcée lors de la prise de fonctions au 1er décembre 2016, puisqu’il est indiqué: ‘Au terme de cette mission, Mme [G] Reprendra ses fonctions managériales, sous réserve d’un poste à pourvoir conforme à ses compétences et à ses attentes’, la réintégration dans les fonctions d’origine étant donc cette fois conditionnée à l’existence d’un poste disponible.

La perte des fonctions managériales est attestée par M. [V], supérieur hiérarchique de Mme [G] au moment des faits, ce témoin indiquant:

‘Courant 2016, la direction de BNPP GPAC Bretagne a entrepris de professionnaliser l’appui commercial du middle office titres de [Localité 6].

Pour ce faire, [D] [G], responsable en poste depuis 5 ans et manager de cette structure, a été remplacée par un jeune collaborateur issu de la plate-forme téléphonique d'[Localité 7]… Il est convenu de confier à [D] une équipe de 5 personnes qui aura pour mission principale d’optimiser le traitement des réclamations (…).

Dans les faits:

– [D] [G] n’est plus hiérarchique et ne participe plus aux comités des managers

– La structure de 5 personnes n’est pas créée mais incluse dans un domaine préexistant (= absence d’autonomie administrative)

– [D] quitte ses fonctions de manager pour redevenir assistante-référent’.

M. [R], collègue de travail, atteste de ce que ‘un référent n’a aucun rôle hiérarchique, c’est un expert, un appui technique. Il n’est donc pas habilité à prendre en charge les évaluations professionnelles, la validation des congés, la gestion des entretiens professionnels’. Ce même témoin indique être intervenu, au nom du syndicat CFDT auprès de la direction, pour ‘maintenir l’emploi type de Responsable de domaine à Mme [G] (…)’.

Il évoque une ‘stratégie de la direction de mettre des salariés de l’entourage professionnel du directeur à des postes clés dans le but de mettre toutes les chances et les atouts de leur côté pour réussir cette mission de professionnalisation des appuis commerciaux, ce qui en soi peut s’entendre à condition que les décisions prises le soient dans le respect des salariés (…)’.

Mme [H], collègue de travail, indique que Mme [G] a ‘changé de statut, devenant ainsi assistante référente, sans aucun pouvoir hiérarchique…ce qui a été vécu comme une rétrogradation par Mme [G] (…)’.

Ainsi, si la classification hiérarchique et le salaire de la salariée n’ont pas subi de modifications, il résulte des pièces versées aux débats que la modification de fonctions intervenue à compter du mois de décembre 2017, sans signature d’un quelconque avenant qui aurait eu à tout le moins le mérite d’encadrer précisément le caractère prétendument temporaire de la mission confiée, s’est traduite par une diminution des responsabilités confiées et l’accomplissement de tâches inférieures à la qualification de Mme [G] qui a perdu ses responsabilités hiérarchiques, qui constituaient un élément essentiel de son poste.

En outre et peu important le débat ouvert par l’employeur sur la faculté d’accès ouverte aux salariés sur le site internet ‘e-jobs’, la possibilité effective de retour à son poste de Responsable de Domaine de Production et Appui Commercial était manifestement vouée à l’échec, par suite de la nomination sur ce poste d’un autre salarié, ainsi que cela résulte des attestations non utilement contestées de MM. [V], [R] et celle de Mme [H].

Mme [G] a ainsi fait l’objet d’une modification de son contrat de travail qui ne constituait nullement un simple aménagement de ses conditions de travail, aucun élément objectif n’établissant son accord sur une telle modification qui ne saurait se déduire de la passivité alléguée de l’intéressée.

Il résulte des témoignages susvisés des collègues de travail de la salariée, que la situation à laquelle elle a été confrontée a eu des répercussions sur son état de santé:

– Mme [Y] [G], fille de l’appelante et qui exerce la profession de médecin, note que ‘suite à cette modification dans son affectation, elle a commencé à voir apparaître une anxiété. Cette dernière est devenue de plus en plus prégnante, conduisant peu à peu à un syndrome dépressif avec une humeur dépressive, des pleurs répétés, des idées noires… Sous notre impulsion elle a fini par consulter son médecin généraliste qui a mis en place un traitement anti-dépresseur et anxiolytique. Dans un second temps, voyant que son travail était à l’origine des troubles, son médecin a décidé d’un arrêt de travail (…)’.

La production par l’appelante de deux ordonnances médicales, seule la date de la première étant lisible (23/02/2017), confirme la prescription du traitement évoqué par le témoin.

M. [R] qui indique avoir été contacté par sa collègue à différentes reprises, pour la conseiller sur la problématique afférente à la modification de son contrat de travail, indique: ‘A chaque entretien, je l’ai trouvée très affectée par ce qui lui arrivait, la gorge souvent nouée et elle avait bien du mal à contenir ses larmes’.

Mme [H] atteste de ce qu’elle ‘n’a pu constater que les choix qui ont été faits par la direction vis à vis de Mme [G] ont entraîné souffrance et dégradation de l’état de santé de cette dernière’.

M. [W], collègue de travail, indique avoir constaté ‘d’abord son désarroi puis son mal être’ ce qui le conduisait à mettre sa collègue en relation avec M. [R], représentant syndical.

M. [K] indique avoir travaillé plusieurs années avec Mme [G] et avoir constaté que celle-ci était ‘anéantie moralement par les conditions de travail imposées par la direction (…)’.

Mme [N], employée de ménage de Mme [G], indique avoir reçu les confidences de cette dernière qui lui expliquait ‘qu’à cause de son travail elle subissait une importante pression morale.

Elle pleurait souvent et suite à son licenciement, elle a mis plusieurs mois à se remettre des blessures morales inhérentes à cette situation et qui l’obligeaient à prendre des médicaments qu’elle ne prend plus aujourd’hui’.

Il est en outre produit la prescription par le médecin du travail, en date du 2 novembre 2017, d’une consultation auprès d’un psychologue du travail.

L’accord d’entreprise du 30 juillet 2015 auquel se réfère l’employeur, qui porte sur le dispositif d’évaluation et de prévention du stress au travail, évoque en son article 5, la prise en compte des situations individuelles de salariés en difficulté et indique à ce titre que ‘chacun au sein de l’entreprise a son rôle à jouer dans la prévention ou l’identification de ces situations individuelles: écoute, vigilance sur les relations professionnelles, remontée d’information (…).

On peut lire également à l’article 3.4.2 que les parties à l’accord ‘sont conscientes que les transformations ou les évolutions importantes peuvent être sources d’inquiétude pour les collaborateurs concernés. Elles soulignent également la nécessité d’un accompagnement adapté des collaborateurs impactés par ces projets (…) Il pourra notamment s’agir de changements de rattachements hiérarchiques et/ou fonctionnels (…), modification des postes type, évolution de la structure managériale (…). L’entreprise s’engageait à ce que ‘l’information des salariés soit systématiquement assurée afin de leur permettre de connaître les enjeux du projet, lui donner un sens et intégrer les différentes évolutions qu’il apporte (…) En tout état de cause, un entretien individuel RH devra être organisé dès lors que le poste d’un collaborateur est supprimé ou que son métier est modifié de manière importante (…)’.

Hormis le courriel de M. [B] qui fait référence à un entretien, il n’en est pas produit de compte-rendu alors qu’un tel élément apparaît d’importance dès lors que le poste de la salariée était ‘modifié de façon importante’, au sens de l’accord du 30 juillet 2015.

Au demeurant, il apparaît que le projet ‘Titres’ impliquait des modifications importantes dans l’organisation de la structure de l’entreprise qui sont mentionnées dans la pièce 33 de l’employeur (notamment recentrage sur un site, réalisation de travaux, passage de 11 domaines à 8 domaines). Une telle restructuration, dès lors qu’elle entraînait une diminution des responsabilités confiées à Mme [G], affectée sur un nouveau poste d’Assistant Référent de Production et d’Appui Commercial, nécessitait aux termes de l’accord, un accompagnement adapté afin de prendre en compte les effets d’un tel changement, source d’inquiétude pour la salariée concernée.

En vain, recherchera-t’on dans les pièces de l’employeur la trace d’un tel accompagnement, de même qu’il n’a manifestement pas été tenu compte des termes du courrier de l’avocat de la salariée évoquant, en réponse au courrier du 15 juin 2017 qui se bornait à renvoyer Mme [G] à ‘contacter sa responsable ressources humaines afin d’évoquer les points lui posant problème’, la ‘très forte dégradation de l’état de santé’ de l’intéressée, la société BNP Paribas se limitant là-encore dans sa réplique en date du 20 juillet 2017 à ‘réfuter formellement’ que la dégradation de l’état de santé de la salariée ‘soit le résultat de sa situation professionnelle’.

Il n’est pas justifié que la moindre mesure d’enquête, de saisine du CHSCT et/ou d’interrogation du médecin du travail ait alors été mise en place, tandis que Mme [G] sera déclarée inapte avec mention de ce que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé le 17 novembre 2017, soit plus de cinq mois après que l’avocat de la salariée ait alerté l’employeur sur la situation de sa cliente.

Au résultat de l’ensemble de ces éléments, il est établi que la société BNP Paribas a manqué à son obligation légale et conventionnelle de sécurité, ce manquement étant directement en lien avec la déclaration d’inaptitude médicale de la salariée.

Il convient dès lors, par voie d’infirmation du jugement entrepris, de dire et juger sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement notifié par la société BNP Paribas à Mme [G].

Par application des dispositions combinées des articles L 1234-1 et L1234-5 du code du travail, il est justifié de condamner la société BNP Paribas à payer à Mme [G] une indemnité compensatrice de préavis égale à trois mois de salaire, soit la somme de 9.802,38 euros brut (3.267,46 euros x 3 mois) outre 980,24 euros au titre des congés payés afférents.

En application des dispositions de l’article L1235-3 du même code, Mme [G] qui avait plus de trente ans d’ancienneté (37 ans) est en droit de percevoir une indemnité comprise entre 3 et 20 mois de salaire.

Eu égard aux circonstances de la rupture, à l’âge de la salariée au moment de la notification du licenciement (58 ans), des difficultés justifiées à retrouver un nouvel emploi, l’intéressée n’ayant pu retrouver à ce jour une activité salariée stable, il est justifié de condamner la société BNP Paribas à lui payer la somme de 40.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En application des dispositions de l’article L1235-4 du code du travail, la société BNP Paribas sera condamnée à rembourser à Pôle emploi les allocations de chômage servies à Mme [G] dans la proportion de six mois.

3- Sur les autres demandes de dommages-intérêts:

3-1: S’agissant du préjudice allégué au titre de la nullité de la convention de forfait:

Mme [G] se prévaut d’un préjudice subi du fait de l’absence de suivi de sa charge de travail et du non-respect par l’employeur des dispositions conventionnelles et légales en matière de convention de forfait.

Toutefois, outre que l’allégation d’une charge de travail ‘particulièrement importante’ apparaît inexacte au vu des développements qui précèdent sur le quantum des heures supplémentaires effectuées, la salariée n’obtenant que partiellement gain de cause de ce chef, il n’est justifié d’aucun préjudice moral subi à ce titre, alors que la nullité de la convention de forfait se traduit par la prise en compte des heures effectives de travail de la salariée, laquelle est donc payée des heures supplémentaires qu’elle a effectuées durant les années 2015 et 2017, aucune heure supplémentaire n’étant réclamée pour l’année 2016.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [G] de cette demande.

3-2: S’agissant du préjudice moral et de la loyauté dans l’exécution du contrat:

En vertu de l’article L 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

A ce titre, l’employeur a un devoir de loyauté dans l’exécution du contrat de travail aussi bien en ce qui concerne la mise en oeuvre du contrat que l’application de la législation du travail.

Nonobstant le caractère injustifié du licenciement, il n’est pas justifié de ce que l’employeur, bien qu’il ait failli à son obligation légale de sécurité, ait agi de façon déloyale envers la salariée, aucun préjudice distinct de celui qui indemnise l’absence de cause réelle et sérieuse de licenciement n’étant démontré.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [G] de cette demande.

4- Sur les dépens et frais irrépétibles:

En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la société BNP Paribas, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

Elle sera donc déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité commande en revanche de la condamner à payer à Mme [G] la somme de 3.000 euros à titre d’indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [G] de ses demande en paiement de dommages-intérêts au titre de la nullité de la convention de forfait et pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Infirme pour le surplus le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Dit que le licenciement notifié par la société BNP Paribas à Mme [G] est sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société BNP Paribas à payer à Mme [G] les sommes suivantes:

– 2.628 euros brut à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires au titre des années 2015 et 2017 ;

– 262,80 euros au titre des congés payés y afférents

– 9.802,38 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis

– 980,24 euros à titre de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis

– 40.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société BNP Paribas à rembourser à l’organisme gestionnaire de l’assurance chômage, Pôle emploi, les allocations de chômage servies à Mme [G] dans la proportion de six mois ;

Déboute la société BNP Paribas de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société BNP Paribas à payer à Mme [G] la somme de 3.000 euros à titre d’indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société BNP Paribas aux dépens de première instance et d’appel.

Le Greffier Le Président

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon