Droit du logiciel : 16 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/01656

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Droit du logiciel : 16 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/01656

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 16 JUIN 2023

N° 2023/212

Rôle N° RG 20/01656 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BFRN2

[P] [E]

C/

[N] [I]

Association AGS CGEA DE [Localité 5]

SARL PROTECTION EUROPE SECURITE

Copie exécutoire délivrée

le :

16 JUIN 2023

à :

Me Jérôme FERRARO, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Bénédicte CHABAS, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Nicole LAFFUE, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Marseille en date du 21 Janvier 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 18/1308.

APPELANT

Monsieur [P] [E] , demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Jérôme FERRARO de la SCP E. SANGUINETTI , J. FERRARO, A. CLERC ET J. AUGIER, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Maître [N] [I] pris en sa qualité de mandataire ad hoc de la SARL TH AMGHAR, demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Bénédicte CHABAS, avocat au barreau de MARSEILLE

Association AGS CGEA DE [Localité 5], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Julie GRIMA, avocat au barreau de MARSEILLE

SARL PROTECTION EUROPE SECURITE, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Nicole LAFFUE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Juin 2023

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

M. [P] [E] a été initialement engagé par une société dénommée ‘HAKADOCKS SECURITE’, le 28 février 2012, dans le cadre d’un contrat à durée déterminée, puis embauché en contrat à durée indéterminée à compter du 1er mai 2012, en qualité d’ agent de sécurité, coeff. 120, avant d’obtenir le coefficient 130 au mois de janvier 2013.

A compter du 5 août 2013, le contrat de travail de M.[E] a été transféré au sein de la société ‘TH AMGHAR’ avec reprise d’ancienneté.

Le 1er avril 2016, Monsieur [E] a bénéficié du coefficient 140 (niveau 2, échelon 3).

Par avenant du 27 juillet 2017, le contrat de travail de M. [E] a été transféré à la société PROTECTION EUROPE SECURITE (PES), avec maintien de l’ancienneté et du coefficient.

M. [E] a été victime d’un accident du travail le 22 septembre 2017 et son contrat de travail suspendu à compter du 1er novembre 2017 jusqu’au 19 septembre 2018

Suivant avis du médecin du travail du 19 septembre 2018, le salarié a été déclaré inapte avec mention que ‘tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé et que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement’.

Il a été licencié par courrier recommandé réceptionnée par Monsieur [E] le 27 mai 2019.

Dans le dernier état des relations contractuelles, le requérant occupait l’emploi précité, classé au ‘niveau 3, échelon 2, coefficient 140″, moyennant une rémunération brute de base d’un montant de 1.546,99 euros.

La rémunération moyenne des 3 derniers mois complets d’activité (août à octobre 2017) était de 1.762,04 euros, les rapports étant régis par la convention collective précitée de la Prévention Sécurité.

M. [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille le 26 juin 2018 à l’encontre de la société TH AMGHAR ainsi qu’à l’encontre de la société PES, afin de solliciter, notamment, la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur et le versement de diverses sommes au titre de rappels de salaire pour inégalité de traitement, ainsi qu’à titre subsidiaire, voir constater que son licenciement pour inaptitude est sans cause réelle et sérieuse.

En cours de procédure, la société TH AMGHAR a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 17 juillet 2019.

Suite à la clôture pour insuffisance d’actif survenue le 13 janvier 2020, Me [I] a été désignée mandataire ‘ad litem’ de la société TH AMGHAR.

Par jugement du 21 janvier 2020, M. [E] a été débouté de l’intégralité de ses demandes, sauf en ce que le conseil de prud’hommes a annulé l’avertissement reçu de la part de la société PES en date du 17 octobre 2017.

Monsieur [P] [E] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 03 février 2023, Monsieur [E] demande à la Cour de :

Confirmer le Jugement en ce qu’il a annulé l’avertissement du 17 octobre 2017,

Le Réformer pour le surplus,

Dire qu’il était bien fondé à solliciter le bénéfice d’une classification conventionnelle « agent de sûreté, coefficient 190 » à compter du 1er juillet 2016, en application du principe dit d’égalité de traitement,

A titre principal

Constater les manquements graves, réitérés et volontaires des sociétés TH AMGHAR et PES à leurs obligations légales, conventionnelles et contractuelles,

Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société PES, laquelle produira les effets d’un licenciement illégitime à la date d’envoi de la lettre de licenciement,

A titre subsidiaire

Dire et juger le licenciement du requérant pour inaptitude sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause

Fixer au passif de la société TH AMGHAR les sommes suivantes :

– 5 627,85 euros à titre de rappel de salaire conventionnel, sur la base du coefficient conventionnel 190,

– 562,78 euros à titre d’incidence congés payés,

– 1 939,90 euros à titre de 13 ème mois,

– 1 93,99 euros à titre d’incidence congés payés,

– 858,11 euros à titre de rappel de salaires relatif aux majorations des heures du dimanche,

– 85,81 euros à titre d’incidence congés payés,

– 1 051,82 euros à titre de rappel de salaires relatif aux majorations des heures de nuit,

– 105,18 euros à titre d’incidence congés payés,

– 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution gravement fautive et inégalité de traitement,

Déclarer lesdites créances opposables au CGEA-AGS, dans la limite des plafonds légaux et réglementaires applicables,

Condamner la société PES au paiement des sommes suivantes :

– 1 178,73 euros à titre de rappel de salaire conventionnel, sur la base du coefficient conventionnel 190,

– 124,73 euros à titre d’incidence congés payés,

– 1.939,90 euros à titre de 13ème mois,

– 193,99 euros à titre d’incidence congés payés,

– 65,12 euros à titre de rappel de salaires relatif aux majorations des heures du dimanche,

– 6,51 euros à titre d’incidence congés payés,

– 495,52 euros à titre de rappel de salaires relatif aux majorations des heures de nuit,

– 49,55 euros à titre d’incidence congés payés,

– 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution gravement fautive et inégalité de traitement,

– 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Enjoindre la société PES, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, d’avoir à établir des bulletins de paie rectifiés avec mention des rappels de salaire judiciairement octroyés, ainsi qu’une attestation Pôle emploi corrigée mentionnant les salaires bruts,

Se réserver, expressément, la faculté de liquider les astreintes éventuellement ordonnées,

Ordonner la fixation des intérêts légaux à compter de la demande en justice, avec capitalisation.

Par conclusions notifiées par RPVA le 18 novembre 2022, Maitre [I] ès qualités de mandataire judiciaire de la société TH AMGHAR demande à la Cour de :

Confirmer la décision du Conseil de Prud’Hommes de Marseille du 21 janvier 2020 en ce qu’elle a débouté Monsieur [E] du chef de l’ensemble des ses demandes à l’encontre de la société TH AMGHAR,

Si par impossible, la Cour infirmait la décision déférée, il lui est demandé de :

– débouter Monsieur [E] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution fautive et inégalité de traitement,

– débouter Monsieur [E] de sa demande au titre des intérêts,

– juger la décision à intervenir opposable au CGEA,

– Condamner Monsieur [E] aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par RPVA le 18 septembre 2020, la société PROTECTION EUROPE SECURITE (PES) demande à la Cour de :

Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Monsieur [E] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et requalification de prise d’acte de la rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l’intégralité de ses demandes

Confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a jugé le licenciement pour inaptitude justifié

Réformer le jugement en ce qu’il a décidé d’annuler l’avertissement du 17 octobre 2017

Condamner Monsieur [E] au paiement d’une somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Il est ainsi demandé à la Cour de :

‘ Constater que Monsieur [E] occupait bien les fonctions d’un agent de sécurité coefficient 140

‘ Dire et juger que Monsieur [E] ne saurait revendiquer le coefficient 190 car il n’en exerçait pas les fonctions

‘ Constater que Monsieur [E] était traité et rémunéré comme les autres salariés relevant du coefficient 140

‘ Constater l’absence d’inégalité de traitement et de discrimination

‘ Constater l’absence de dégradation des conditions de travail

‘ Prononcer le bien-fondé de l’avertissement du 17 octobre 2017

En conséquence,

Dire et juger que la Société n’a commis aucun manquement relatif à l’exécution du contrat de travail

Dire et juger que ces faits sont non établis et n’ont en tout état de cause pas empêché la poursuite du contrat de travail

Débouter Monsieur [E] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail

Débouter le salarié de l’ensemble de ses demandes y afférentes

Prononcer le bien-fondé du licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de Monsieur [E]

Si par extraordinaire, le Conseil entrait en voie de condamnation, et s’agissant des dommages et intérêts

Faire application du barème issu de l’ordonnance du 31 août 2017 s’agissant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pouvant être alloués par le juge prud’homal

Constater que Monsieur [E] ne justifie pas d’un quelconque préjudice

En conséquence,

Débouter Monsieur [E] de ses demandes

Condamner le salarié au paiement de la somme de 1.800 euros au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 20 novembre 2022, l’AGS/CGEA de [Localité 5] demande à la Cour de :

Confirmer le jugement attaqué en toute ses dispositions,

Débouter Monsieur [E] de l’ensemble de ses demandes

Lui donner acte de ce qu’il s’en rapporte sur le fond à l’argumentation développée la société PROTECTION EUROPE SECURITE,

En tout état rejeter les demandes infondées et injustifiées et ramener à de plus justes proportions les indemnités susceptibles d’être allouées au salarié,

Débouter Monsieur [P] [E] de toute demande de condamnation sous astreinte ou au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et en tout état déclarer le montant des sommes allouées inopposables à l’AGS CGEA.

En tout état constater et fixer en deniers ou quittances les créances de Monsieur [P] [E] selon les dispositions de articles L 3253-6 à L 3253-21 et D 3253-1 à D 3253-6 du Code du Travail.

Dire et juger que l’AGS ne devra procéder à l’avance des créances visées à l’article L3253-8 et suivants du Code du Travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et L.3253-17 du Code du Travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L 3253-17 et D 3253-5 du Code du Travail, plafonds qui incluent les cotisations et contributions sociales et salariales

d’origine légale, ou d’origine conventionnelle imposées par la loi, ainsi que la retenue à la source prévue à l’article 204 A du code général des impôts,

Dire et juger que les créances fixées, seront payables sur présentation d’un relevé de créances par le mandataire judicaire, et sur justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l’article L 3253-20 du Code du Travail.

Dire et juger que le jugement d’ouverture de la procédure collective a entraîné l’arrêt des intérêts légaux et conventionnels en vertu de l’article L.622-28 du Code de Commerce.

La procédure a été close suivant ordonnance du 16 février 2023.

MOTIFS DE L’ARRET

Sur l’inégalité de traitement

Il résulte du principe « à travail égal, salaire égal » que tout employeur est tenu d’assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Sont considérés comme ayant une valeur égale les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

Il appartient au salarié qui invoque une atteinte à ce principe de soumettre les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération et à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

Monsieur [E] conclut que par courriers des 10 février et 6 juin 2017 adressés à la société TH AMGHAR, puis par courriers des 7 novembre et 19 décembre 2017 adressés à la société PES, il a dénoncé une inégalité de traitement dont il estime avoir été victime au cours de l’exécution successive de sa relation de travail au sein des deux sociétés. Il soutient que sa rémunération a été inférieure aux rémunérations versées à ses collègues bénéficiant des mêmes qualifications (diplôme ACVS) et occupant le même poste qu’eux (agent de sûreté sur plusieurs sites portuaires dont le site INTRAMAR).

Il expose qu’il n’a bénéficié de la formation ACVS (agent chargé des visites de sûreté portuaires) permettant notamment l’accès à des zones dites ‘sensibles’ qu’en juillet 2016, alors que certains de ses collègues en ont bénéficié dès l’année 2013 et qu’alors qu’il avait validé cette formation ACVS, il n’a jamais bénéficié du même avancement que ses collègues dit ‘agents de sûreté’ qui étaient systèmatiquement positionnés au coefficient 190 de l’annexe VIII relatif aux emplois de la sûreté aérienne et aéroportuaire (suite à ‘un accord de revendication’ signé par l’employeur en 2013), tandis qu’il est resté ‘bloqué’ au coefficient 140 de la convention collective Prévention et Sécurité, y compris après le mois de juillet 2016, ce qui a conduit à une inégalité de traitement avec une perte de salaire de 400 euros par mois sur le seul salaire de base. Il fait valoir que le contrat de gardienage conclu par l’employeur avec la société INTRAMAR, soumise à la règlementation des zones d’accès restreints, n’opère pas une distinction entre les ‘agents de sûreté’ ayant pour mission particulière des contrôles sur le site (PC sécurité) au coefficient 190 et les ‘agents de sécurité’ simples ‘rondiers’ susceptibles d’être affectés sur d’autres sites aux exigences moins contraignantes, au coefficient 140. Seuls ses employeurs ont appliqué cette dichotomie. Il affirme en outre qu’il est indifférent de constater que son nom ne figure pas sur la liste du personnel affecté au site géré par INTRAMAR dans la mesure où il démontre qu’il y a bien travaillé, notamment au PC sécurité.

Monsieur [E] produit les éléments suivants :

-son diplôme d’agent des services de sécurité incendie et assistance à personnes (SSIAP 1) obtenu le 18 mai 2011,

-son titre professionnel d’Agent de sûreté et de sécurité privée (décision du 05 juillet 2011),

-la décision d’habilitation pour l’accès en zone d’accès restreint (ZAR) sûreté portuaire délivrée le 13 février 2014 par la Préfecture des Bouches du Rhône et valable jusqu’au 13 février 2019,

-son diplôme d’agent chargé des visites de sûreté : module 1 formation initiale (ACVS) délivré le 05 juillet 2016,

-la décision d’agrément administratif pour l’exercice d’une mission D’ACVS délivrée par le préfet le 21 octobre 2016,

-un extrait de l’annexe II de la CCN Prévention et Sécurité : Echelon 2 niveau III correspondant au coefficient 140 : ‘Le salarié exécute des travaux comportant l’analyse et l’exploitation d’informations. Il se conforme à des instructions de travail précises et détaillées ainsi qu’à des informations sur les méthodes à employer et les objectifs à atteindre. La coordination des activités de son groupe de travail peut lui être confiée. Le contrôle du travail est complexe, les conséquences des erreurs et des manquements n’apparaissent pas toujours immédiatement. Le niveau de connaissances, qui peut être acquis par l’expérience professionnelle, correspond au niveau V de l’éducation nationale (C.A.P. d’agent de prévention et de sécurité notamment). La qualification professionnelle requise s’acquiert par une formation appropriée. Le travail est caractérisé à la fois par l’exécution de manière autonome d’une suite de tâches selon un processus déterminé et l’établissement sous la forme requise des documents qui en résultent’,

-un extrait de l’annexe VIII relative aux dispositions particulières aux emplois de la sûreté aérienne et aéroportuaire selon lesquelles le coefficient 190 est défini comme suit :

‘Coordinateur : peut assurer les missions d’un agent ou d’un opérateur de sûreté, veille à la bonne tenue des documents, traite à son niveau les incidents et rend compte à sa hiérarchie, coordonne techniquement le travail, alerte l’encadrement quand une situatio excède ses prérogatives, rappelle les instructions’,

-‘l’accord de revendication’ : document de la CGT section Gardiennage du Port indiquant notamment : ‘Nous sommes heureux de vous informer qu’à l’issue de la formation des 26, 27, 28 juin 2013 et dès la réception des doubles agréments (du Préfet et du Procureur de la République), tous les agents qui l’ont suivi passeront agent de sûreté habilité ACVS. (…) Les missions et les tâches effectuées actuellement par les agents TH AMGHAR et sans doute, les autres tâches qui seront demandées par le client de plus en plus exigeant en termes de sûreté, correspondent à l’emploi résumé dans le tableau suivant :

Emploi : Coordinateur/ Statut : Agent d’exploitation/ Coefficient actuel : 175/ Coefficient à l’issue de la formation : 190 . S’ajoute à ce dernier les avantages et acquis suivants :

Une tenue obligatoire pour tous les salariés

indemnités du panier : 3,50 euros au lieu de 3,30 euros actuelle pour une durée maximale de 6 heures.

Majoration de nuit de 25% au lieu de 10% actuelle, sur le taux horaire de base du salarié

Enfin, un treizième mois qui sera versé à chaque fin du mois de novembre (…)’,

-le bulletin de paie d’un salarié ‘Agent de sûreté’ au coefficient 190 (janvier 2017) : salaire de base de 1.939,90 euros, outre majoration des heures de nuit à 25 % et des dimanches à 50 %,

-ses bulletins de salaire en qualité ‘d’Agent de sécurité’ au coefficient 140 sur le même mois de janvier 2017 : salaire de base de 1.524,13 euros,

-un courrier intitulé ‘demande d’augmentation de salaire’ adressé par Monsieur [E] et deux autres salariés à la SARL TH AMGHAR le 12/01/2017 indiquant notamment :’Si on faisait un rapprochement salarié avec les autres collègues de travail, nous pensons vraiment que nous sommes sous payé par rapport au travail effectué et en comparaison avec le leur’,

-un courrier recommandé adressé à la SARL TH AMGHAR le 10 février 2017 par lequel l’appelant demande un changement de coefficient 190, le panier à 5,17 euros, les majorations de nuit de 25 %, les majorations du dimanche à 50 %, un 13ème mois, le remboursement des transports en commun, précisant qu’il n’avait pas reçu sa tenue professionnelle,

-un courrier adressé au même employeur le 06 juin 2017 auquel il réclame son changement de coefficient de 140 à 190 en rappelant : ‘A travail égal, salaire égal. J’exerce le même travail que mes collègues et je n’ai pas le même statut’,

-deux courriers de réclamation en ce sens à son nouvel employeur, la société PES, en date des 7 novembre 2017 et 19 décembre 2017,

-la réponse de l’inspecteur du travail en date du 9 janvier 2018 à un courrier l’alertant sur sa situation et qui précise que des régularisations ont été demandées auprès de son employeur notamment pour des régularisation salariales éventuelles au vu des heures supplémentaires et l’actualisation de la prime panier et lui indique que, s’il justifie exercer les mêmes fonctions que ses collègues et que ceux-ci bénéficient de dispositions spécifiques, il appartient à l’employeur de justifier cette situation par des éléments objectifs,

-les plannings de juillet à novembre 2016 où il est mentionné comme étant affecté au PC2 (poste de contrôle INTRAMAR) les mois de juillet, août, septembre et début octobre 2016,

-les plannings des mois d’août à septembre 2017 où il est mentionné comme étant affecté au 17/5, soit sur le site INTRAMAR.

Ces éléments de fait sont susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération. Il appartient donc à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

Maitre [I] mandataire judiciaire de la société TH AMGHAR et la société PES font valoir que les fonctions réellement exercées par Monsieur [E] relevaient du coefficient 140 de la convention collective Prévention et Sécurité, c’est à dire qu’il avait mission d’effectuer des rondes de surveillance, principalement affecté sur les sites des clients autres que la société INTRAMAR. Ils précisent qu’aucune condition de diplôme ACVS n’est requise pour l’attribution du coefficient 190 qui ne concerne dans l’entreprise que des salariés qui occupent le poste ‘d’agent de sûreté’ et qui sont affectés exclusivement sur les chantiers du client INTRAMAR sur demande de ce dernier. Ils indiquent que, dans le contrat de gardiennage conclu avec INTRAMAR où sont expressément prévues des missions de contrôle et de sûreté très exigeantes (filtrage à la zone d’accès restreint notamment, vérification d’identité, de la gestion des conteneurs etc), est annexée une liste des personnes habilitées à se rendre sur le site INTRAMAR (autorisation spéciale) sur laquelle ne figure pas Monsieur [E]. S’il s’y est rendu, c’est exceptionnellement en remplacement le mois d’août, pas au sein du PC sécurité, et il ne prenait aucune décision relative à la sécurité comme décider de l’entrée d’un camion ou d’une personne. Elle ajoute qu’il n’existe pas d’inégalité de traitement car tous les salariés affectés sur les sites autres que celui d’INTRAMAR bénéficiaient du coefficient 140 ; que le diplôme ACVS ne donne pas droit automatiquement au coefficient 190 et qu’il n’existe aucun accord conclu avec la CGT en 2013, mais un document établi de manière unilatérale par le syndicat.

Ils produisent :

-le contrat de gardiennage MED EUROPE TERMINAL conclu entre la société PROTECTION EUROPE SECURITE et la SA INTRAMAR le 28 juillet 2017 qui prévoit notamment :

A/ Période de prestation : ‘Le contrôle des accès et la surveillance à la porte s’exerceront 24heures sur 24, y compris dimanches et jours fériés. La patrouille mobile de surveillance et de contrôle opèrera 7 jours sur 7″ ;

B/.Moyen personnel : ‘le prestataire armera le poste de contrôle situé à l’entrée principale du terminal de MOUREPIANE avec 1 agent en permanence, qu’il contrôlera à chaque shift et d’un agent qui prêtera main forte au poste de garde et effectuera les visites nécessaires. La liste nominative des personnes intervenant est jointe en annexe. (…)

Au regard des qualifications exigées et de la complexité de la prestation, tous les personnels opérationnels du prestataire qui seront prochainement embauchés pour être affectés à la présente mission devront être rémunérés au maximum en tant qu’agent d’exploitation au niveau 4 échelon 1 et coefficient 140 de la convention collective n°3196 des entreprises de surveillance gardiennage’ ;

-l’annexe 2 de ce contrat intitulé ‘Liste des agents du prestataires’ sur laquelle ne figure pas Monsieur [P] [E] ;

-les attestations des Messieurs [F], [G] et [T] figurant sur cette liste et rémunérés en qualité d’agent de sûreté au coefficient 190 qui décrivent leurs fonctions au PC de MOUREPIANE comme suit : ‘Télésurveillance par caméras, gestion sortie de containers sur informatique, attribution d’un badge visiteur pour les non détenteurs d’un titre d’accès, visite de sûreté sur le terminal et contrôle de titre d’accès’ ;

-les attestations de Messieurs [K] et [U], agents de sécurité classés au coefficient 140 qui décrivent leurs fonctions comme suit : ‘Ronde de sécurité, surveillance parkings de voitures neuves et accueil des voitures qui embarquent sur la Méridionale’ ;

-l’attestation de Monsieur [S] [V], chef de poste au sein de la société PES qui déclare :

‘Je dois mettre en place les agents en fonction des demandes spécifiques des clients sur les différents chantiers. Pour ce qui est du site INTRAMAR : c’est une zone d’accès restreint de transit où des marchandises sont reçues et envoyées depuis ou vers l’international. A ce titre, elle est une zone d’accès restreint règlementé par la préfecture.

Le travail sur ce site peut être divisé en deux parties distinctes, le jour et la nuit.

En journée, il y a un va et vient constant de camions amenant des marchandises pour y être envoyées ainsi que des camions venant récupérer des marchandises. A cela s’ajoutent les entrées et sorties de différents individus que ce soit le personnel d’INTRAMAR ou bien des visiteurs. Le contrôle des entrées et sorties des biens et des personnes est attribué à notre Société. Afin de le réaliser, deux agents coefficient 190 sont nécessaires. Pour ce faire, ils sont postés au PC, une salle informatique, munis d’écrans de télésurveillance et de plusieurs ordinateurs. L’agent a le pouvoir d’ouvrir et de fermer différentes barrières séparant la Zac du reste du Port Autonome.

Afin de déterminer quel véhicule ou camion peut entrer et sortir, et avec quelles marchandises, l’agent a à sa disposition un logiciel de gestion des conteneurs.

Lorsqu’un chauffeur se présente devant la barrière, l’agent de saisie note le numéro du camion ainsi que le numéro du conteneur. Le logiciel leur permet de vérifier la conformité ou non de l’opération. En cas de non validation, l’agent ouvre la barrière qui réinjecte le camion à l’intérieur du terminal afin qu’il régularise sa situation auprès du pointeur de réception.

Le logiciel de gardiennage, géré par un second agent, est une main courante informatisée. Elle concerne les visiteurs et les sociétés extérieures ayant à faire sur le site. L’agent contrôle les entrées et sorties pour chaque visiteur : l’agent récupère la pièce d’identité, note le nom, le prénom et numéro de la pièce d’identité, le motif de l’accès, l’immatriculation du véhicule, il renseigne la date et l’heure d’entrée et fournit un badge au visiteur contre sa carte d’identité qu’il récupèrera à sa sortir. (‘)

Sur cette même main courante doivent aussi être notées les missions de sûreté effectuées par l’agent en fonction du taux de contrôle mis en place par la préfecture : inspection des paquets, coffre de voiture, vêtement couvrant, bagage, véhicule, remorque, unité de chargé ainsi que les palpations de sécurité.

Le soir, à partir de 20h, le travail sur le site cesse. Il y a deux nouveaux agents, un au PC scrutant les écrans de télésurveillance, et un rondier devant faire quelques vérifications de routine sur le site via des rondes ou alors vérifier différentes anomalies observées par télésurveillance par l’agent restant au PC. Cette tâche étant effectuée par des agents au coefficient 140 au même titre que Monsieur [E] [P]. Les salariés classés 140, comme Monsieur [E] sont également affectés sur les sites d’autres clients de la société comme SOCOMAN CMN ou TAS

Sur le site INTRAMAR, le salarié classé coefficient 140 a pour mission de faire des rondes de sécurité sans aucun pouvoir de contrôle d’accès et de sortie’ ;

-le tableau du personnel de la société PES et son affectation, sur lequel Monsieur [P] [E] est mentionné comme affecté au poste d’Agent de sécurité, Rondier sur les sites de TAS, CMN et Socoman;

-les bulletins de paie des mois de juillet à octobre 2017 des salariés au coefficient 140 de la société PES faisant apparaître une rémunération similaire à celle de Monsieur [E], en fonction de leur ancienneté.

***

Il résulte des éléments produits que, alors que Monsieur [E] ne figure pas sur la liste des personnes affectées sur le site INTRAMAR figurant à l’annexe du contrat de gardiennage conclu avec la société PES le 28 juillet 2017, cette société reconnait qu’il y a pourtant travaillé, en remplacement au mois d’août 2017.

La cour observe à ce titre que le contrat de gardiennage n’exige pas que le personnel affecté à la surveillance et au gardiennage du site INTRAMAR soit des agents de sûreté classés au coefficient 190 de l’annexe III relative aux emplois de la sûreté aérienne et aéroportuaire, et précise même que les missions devront être rémunérées au maximum en tant qu’agent d’exploitation au niveau 4 échelon 1 et coefficient 140 de la convention collective n°3196 des entreprises de surveillance gardiennage.

En l’espèce, alors que les sociétés TH AMGHAR et PES reconnaissent que Monsieur [E], qui possède les habilitations nécessaires pour l’accès à la zone d’accès restreint (ZAR), a travaillé occasionnellement pour le client INTRAMAR (en remplacement le mois d’août), l’appelant justifie par la production des plannings des deux sociétés, qu’il y a été affecté plus durablement, soit les mois de juillet, août, septembre et une partie d’octobre 2016, ainsi que les mois d’août et septembre 2017.

Si Monsieur [V], chef de poste PES, explique que la fonction des agents de sécurité au coefficient 140 affectés sur le site INTRAMAR était simplement d’effectuer des rondes de surveillance ou alors de vérifier différentes anomalies observées par télésurveillance mais qu’ils ne prenaient aucune décision relative à la sécurité, comme par exemple décider de l’entrée d’un camion ou d’une personne, cette déclaration n’est toutefois corroborée par aucun élément.

Le contrat de gardiennage INTRAMAR qui liste toutes les prestations à effectuer sur site, y compris le contrôle des entrées et sorties de personnels ou de containers, ne distingue pas non plus entre ces différentes missions de simple surveillance (rondier) ou de contrôle au poste de contrôle (PC), indiquant expressément que le personnel de sécurité qui intervient sur site pourra être classé au coefficient 140.

Monsieur [E] qui affirme avoir travaillé directement au Poste de Contrôle Sécurité et qui était titulaire de l’agrément administratif d’agent chargé des visites de sûreté (ACVS), est bien mentionné sur les plannings comme affecté au PC2, de sorte que son activité peut être assimilée à celle d’un agent de sûreté intervenant sur le site INTRAMAR.

Ainsi, s’agissant de salariés effectuant des activités similaires, la cour estime que ni Maitre [I] ès qualités de mandataire judiciaire de la société TH AMGHAR, ni la société PROTECTION EUROPE SECURITE ne rapportent la preuve d’éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant la différence de classification et de salaire traduisant une inégalité de traitement.

La décision du Conseil de prud’hommes sera par conséquent infirmée sur ce point.

Sur les rappels de salaires

M. [E] est en droit de solliciter le bénéfice du coefficient ‘190 ‘, outre le rappel de salaire afférent, auprès de chacune des sociétés intimées, depuis le mois de juillet 2016.

Au vu du calcul effectué par le salarié (pièce 25), non contesté dans son montant par chacun de ses employeurs successifs, il y a lieu de lui octroyer un rappel de salaire de 5 267,85 euros (juillet 2016 à juillet 2017), outre l’incidence congés payés de 526,78 euros à l’encontre de la procédure collective de la société TH AMGHAR et un rappel de salaire de 1.178,73 euros (août à octobre 2017) à l’encontre de la société PES, outre 117,87 euros à titre d’incidence congés payés.

De même, si le document émanant de l’organisation syndicale CGT mentionnant des avantages acquis par les salariés accédant au coefficient 190, ne constitue pas un ‘accord’ à défaut de signature par la société TH AMGHAR, la cour relève que les majorations des heures de nuit et du dimanche sont effectivement mentionnées sur le bulletin de salaire du mois de janvier 2017 d’un salarié au coefficient 190 versé aux débats par l’appelant.

En conséquence, il y a également lieu d’octroyer à Monsieur [E] un rappel de salaire au titre de majorations des heures du dimanche et des heures de nuit, conformément au calcul qu’il opère, non contesté dans son montant par les deux employeurs successifs, à savoir :

-une somme de 1.051,82 euros à l’encontre de la procédure collective de la société TH AMGHAR et une somme de 495,52 à l’encontre de la société PES au titre des rappels de salaire relatifs aux majorations sur heures de nuit, outre les congés payés afférents,

-une somme de 858,11 euros à l’encontre de la procédure colléctive de la société TH AMGHAR et une somme de 65,12 euros à l’encontre de la société PES au titre des rappels de salaire relatifs aux majorations des heures du dimanche, outre les congés payés afférents.

S’agissant du treizième mois, la cour constate que Monsieur [E] ne justifie pas que les salariés classés au coefficient 190 dans les deux entreprises successives, bénéficiaient bien de cet avantage. Il sera en conséquence débouté de sa demande formée à ce titre.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et inégalité de traitement

Outre le fait que la société TH AMGHAR et la société PES ont toutes deux refusé d’accéder à la demande du salarié de reclassification, malgré l’inégalité de traitement invoquée, Monsieur [E] fait valoir que ses conditions de travail se sont progressivement dégradées à cause de son employeur jusqu’à un arrêt de travail le 31 octobre 2017 et un avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail le 19 septembre 2018. Pour solliciter le paiement de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail à l’encontre de chacune des sociétés, il soutient en premier lieu que la société PES a volontairement laissé, sur le tableau d’affichage accessible à tous, un courrier anonyme virulent, faisant écho à la lettre qu’il avait adressé au Comité régional CGT, avec d’autres salariés, dénonçant l’inactivité du délégué du personnel CGT Kamal MOSTEFA et demandant sa ‘destitution’. En second lieu, il expose que la société PES lui a notifié injustement un avertissement par courrier du 17 octobre 2017 en lien direct avec ses revendications salariales, pour avoir accepté de prendre la vacation d’un autre salarié, Monsieur [W], sans en avertir la hiérarchie et pour avoir insulté son supérieur devant d’autres salariés, ce qu’il conteste formellement, déclarant avoir en réalité été ‘agressé verbalement’ (cf main courante déposée par ses soins le 22 septembre 2017). Il demande confirmation de la décision du conseil qui a annulé cette sanction. Enfin, il dénonce l’attitude la société PES, qui, par mesure de rétorsion, alors que les plannings étaient communs et avec des horaires de travail continus, a individualisé ses plannings avec des horaires discontinus et des coupures.

Maitre [I] en qualité de mandataire judiciaire de la société TH AMGHAR fait valoir que Monsieur [E] ne démontre pas l’inégalité de traitement, et ne caractérise pas le préjudice qui en serait résulté.

La société PES réplique qu’elle ignorait l’existence de la lettre anonyme affichée ; que cela concernait un litige entre deux salariés syndiqués ; que la lettre insultante ne vise pas directement Monsieur [E] et que la photo du panneau d’affichage ne permet pas d’établir qu’elle soit restée affiché deux mois, ni une quelconque abstention volontaire de sa part. Elle ajoute que l’avertissement écrit prononcé à l’encontre de Monsieur [E] l’a été également à l’encontre de Monsieur [W], chacun des salariés devant prévenir sa hiérarchie d’un éventuel remplacement ; que les insultes envers le supérieur hiérarchique sont également établies au regard de l’attestation de Monsieur [S] [V] et de celle de Monsieur [R] [A]. Elle indique que les plannings ont été modifiés en raison de la réorganisation de la société, pour assurer une permanence tournante des salariés, suite à la perte du poste de jour du marché sur lequel Monsieur [E] était affecté.

Enfin, elle conteste les certificats médicaux du médecin traitant et du psychiatre versés aux débats, faisant le lien entre son état de santé et sa vie professionnelle, lesquels ne sont pas conformes à la déontologie médicale.

A l’encontre de la société TH AMGHAR

Si Monsieur [E] a démontré une inégalité de traitement et justifie l’avoir dénoncée à plusieurs reprises auprès de son ancien employeur, il ne caractérise pas le préjudice qui en serait résulté, indépendamment des rappels de salaires alloués par cette Cour.

Sa demande de fixation au passif de la liquidation de la société TH AMGHAR d’une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêt devra par conséquent être rejetée et la décision du conseil de prud’hommes confirmée de ce chef.

A l’encontre de la société PES

La cour observe que Monsieur [E] ne caractérise pas non plus le préjudice qui serait résulté de l’inégalité de traitement dénoncée à l’égard de la société PES.

S’agissant de l’affichage, si le salarié produit le courrier qu’il a signé avec d’autres salariés adressé au Comité régional CGT de [Localité 5], dénonçant la passivité du délégué du personnel CGT Kamal MOSTEFA et demandant sa ‘destitution’, ainsi que la lettre anonyme intitulée ‘lettre ouverte à un délateur’ contenant un message haineux et insultant, ainsi qu’une photographie de cette lettre affichée sur un panneau de l’entreprise, force est de constater que Monsieur [E] n’est pas directement visé dans cette lettre et l’appelant ne produit aucun élément susceptible de mettre en cause l’employeur pour son ‘abstention fautive’.

S’agissant de l’avertissement adressé à Monsieur [P] [E], il lui a été notifié le 17 octobre 2017 en ces termes : ‘Nous sommes au regret de vous confirmer un avertissement écrit pour, avoir premièrement accepter de prendre la vacation de Monsieur [W] sans en avoir informé la hiérarchie et secondement avoir insulté votre supérieur, en ma présence ainsi que devant d’autres salariés. Ce n’est pas un comportement que nous pouvons tolérer au sein de l’entreprise’.

Alors que Monsieur [E] justifie avoir déposé une main courante le 25 septembre 2017 indiquant avoir eu une altercation verbale le 22 septembre 2017 avec Monsieur [R] [A], son ancien employeur, également salarié de la société PES suite à un différend sur ses droits professionnels, ce dernier l’ayant insulté, la cour constate que l’attestation de Monsieur [V] versée aux débats par l’employeur témoigne des faits en indiquant : ‘la tension monte entre les deux individus et nous les voyons se disputer verbalement (pas de violences physiques)’, sans que ce témoin ne fasse référence à des insultes ou ne précise les propos tenus par Monsieur [E]à l’endroit de Monsieur [A].

De même, l’employeur ne justifie pas du remplacement par Monsieur [E] d’un autre salarié sans son accord.

Dès lors, il y a lieu de constater que les faits ne sont pas suffisamment établis et de confirmer la décision du conseil de prud’hommes qui a annulé l’avertissement notifié le 17 octobre 2017.

S’agissant des plannings, alors que Monsieur [E] verse aux débats ses plannings des mois d’août, septembre, octobre et novembre 2017 montrant un changement net d’horaires en ce que les planning des mois d’août et septembre 2017 sont communs aux autres salariés et prévoient des horaires continus, celui du mois d’octobre 2017 est individualisé et comporte exclusivement un travail systématique de nuit de 19h00 à 3h00 et celui du mois de novembre 2017 un travail avec une coupure de 4 heures au milieu de 2 plages horaires (8h00-12h00 et 16h00-19h). La société PES, qui soutient que cette modification serait intervenue suite à une réorganisation nécessaire des horaires liée à la perte d’un poste de jour, n’en justifie pas.

En outre, alors que Monsieur [E] justifie avoir subi des soins à compter du 22 septembre 2017 pour anxiété réactionnelle, il a été placé en arrêt de travail à compter du 31 octobre 2017 prolongé jusqu’au 16 mars 2018 pour syndrome dépressif réactionnel. Il verse aux débats deux certificats médicaux de son médecin psychiatre [C] [D] en date du 8 décembre 2017 et du 5 janvier 2018 indiquant qu’il présente des troubles du sommeil et un état de stress concernant des éléments professionnels, ainsi qu’un état dépressif avec notamment des troubles alimentaires et des idées noires.

La CPAM a reconnu l’origine professionnelle du syndrôme dépressif (cf courrier du 5 février 2018) et le médecin psychiatre [X] [H] [O] a précisé dans un certificat médical du 20 juillet 2018 que Monsieur [E] présente toujours des reviviscences de l’épisode conflictuel, une hypervigilance anxieuse, des cauchemars, des ruminations. Elle a ajouté que la fragilité de son état psychique rend impossible la reprise de son travail dans les conditions antérieures, le rend inapte de façon définitive à son poste actuel.

Il résulte de la chronologie des faits et des documents médicaux produits que la dégradation de l’état de santé de Monsieur [E] est en lien avec les manquements de l’employeur dans l’exécution du contrat de travail.

Il sera alloué à Monsieur [E] une somme de 2.000 euros en réparation de son préjudice lié à l’exécution fautive du contrat de travail.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

Sur la résiliation

Il est de principe qu’en cas d’action en résiliation judiciaire suivie, avant qu’il ait été définitivement statué, d’un licenciement, il appartient au juge d’abord de rechercher si la demande de résiliation judiciaire était justifiée et seulement ensuite le cas échéant de se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur.

Par application des articles 1224 et 1227 du code civil, le salarié est admis à demander la résiliation judiciaire du contrat de travail en cas d’inexécution par l’employeur des obligations découlant du contrat.

Les manquements de l’employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être établis par le salarié et d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

En l’espèce, l’ inégalité de traitement persistante dénoncée par le salarié et reconnue par la cour et le manquement de l’employeur à l’exécution loyale du contrat de travail en lien direct avec la dégradation de son état de santé présentent une gravité suffisante de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

Ainsi, il convient d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes et de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail au torts exclusifs de l’employeur à la date du licenciement intervenu, soit le 27 mai 2019.

Le licenciement intervenu dans ce contexte est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes indemnitaires

L’article L 1235-3 du code du travail modifié par l’ordonnance du 22 septembre 2017, applicable au présent litige, prévoit que si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, et en l’absence de réintégration de celui-ci dans l’entreprise, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par un barème.

Il résulte de ce barème que, lorsque le licenciement est opéré par une entreprise employant habituellement plus de 10 salariés et que le salarié a 7 ans d’ancienneté dans la société comme en l’espèce, l’indemnité doit être comprise entre 3 et 8 mois de salaire brut.

Compte tenu de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (55 ans), de son ancienneté dans l’entreprise (7 ans), de sa qualification, de sa rémunération mensuelle moyenne, des circonstances de la rupture mais également de la justification de sa situation de chômage du 1er octobre 2019 au 4 novembre 2022 (attestations Pôle Emploi) et de son nouvel emploi à compter du 3 décembre 2022, il y a lieu de lui octroyer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à la charge de la société PES.

Sur la garantie de L’AGS

Il convient de rappeler que l’obligation du C.G.E.A, gestionnaire de l’AGS, de procéder à l’avance des créances visées aux articles L 3253-8 et suivants du code du travail se fera dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et L 3253-17 du code du travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d’un relevé de créances par le mandataire judicaire, et sur justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l’article L 3253-20 du Code du Travail.

Le présent arrêt devra être déclaré opposable à l’AGS et au CGEA de [Localité 5].

Sur les intérêts

S’agissant des condamnations à l’encontre de la société PES, les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation soit à compter du 27 juin 2018, et les sommes allouées de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Il convient d’ordonner la capitalisation des intérêts qui est de droit lorsqu’elle est demandée.

S’agissant des condamnations à l’encontre de la société TH AMGHAR, comme le sollicite le CGEA de [Localité 5], il convient de rappeler que le jugement d’ouverture de la procédure collective opère arrêt des intérêts légaux et conventionnels (art. L. 622-28 du code de commerce).

Sur la remise des documents de fin de contrat

Il convient de dire que la société PES devra remettre à Monsieur [E] des bulletins de paie rectifiés avec mention des rappels de salaire judiciairement octroyés, ainsi qu’une attestation Pôle emploi corrigée mentionnant les salaires bruts, conformes au présent arrêt, sans que le prononcé d’une astreinte ne soit nécessaire.

Sur l’ article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront infirmées et il est équitable de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société TH AMGHAR la somme de 1.000 euros pour les frais non compris dans les dépens que Monsieur [B] a engagés en première instance et en cause d’appel.

De même, la société PROTECTION EUROPE SECURITE (PES) sera condamnée à lui verser la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Les dépens d’appel seront mis pour moitié à la charge de la liquidation judiciaire de la société TH AMGHAR et pour moitié à la charge de la société PES.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud’homale,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a débouté Monsieur [E] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat à l’encontre de la liquidation judiciaire de la société TH AMGHAR et en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande au titre du treizième mois,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [P] [E] aux torts de la société PES à la date du 27 mai 2019, date du licenciement

Dit que la résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société TH AMGHAR, représentée par Maitre [I], mandataire judiciaire, les sommes suivantes dues à Monsieur [P] [E] :

– 5 627,85 euros à titre de rappel de salaire conventionnel, sur la base du coefficient 190,

– 562,78 euros à titre d’incidence congés payés,

– 858,11 euros à titre de rappel de salaire relatif aux majorations des heures du dimanche,

– 85,81 euros à titre d’incidence congés payés,

– 1 051,82 euros à titre de rappel de salaire relatif aux majorations des heures de nuit,

– 105,18 euros à titre d’incidence congés payés,

– 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que le jugement d’ouverture de la procédure collective opère arrêt des intérêts légaux et conventionnels (art. L. 622-28 du code de commerce),

Condamne la société PES au paiement des sommes suivantes :

– 1 178,73 euros à titre de rappel de salaire conventionnel, sur la base du coefficient 190,

– 117,87 euros à titre d’incidence congés payés,

– 65,12 euros à titre de rappel de salaire relatif aux majorations des heures du dimanche,

– 6,51 euros à titre d’incidence congés payés,

– 495,52 euros à titre de rappel de salaire relatif aux majorations des heures de nuit,

– 49,55 euros à titre d’incidence congés payés,

– 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive et inégalité de traitement,

– 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

Dit que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation soit à compter du 27 juin 2018, et les sommes allouées de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Ordonne la capitalisation des intérêts dûs pour une année entière,

Enjoint à la société PES de remettre à Monsieur [E] des bulletins de paie rectifiés avec mention des rappels de salaire judiciairement octroyés, ainsi qu’une attestation Pôle emploi corrigée mentionnant les salaires bruts conformes au présent arrêt et rejette la demande d’astreinte,

Déclare le présent arrêt opposable à l’AGS et au CGEA de [Localité 5],

Y ajoutant :

Rappelle, s’agissant des autres créances, que l’obligation du C.G.E.A, gestionnaire de l’AGS, de procéder à l’avance des créances visées aux articles L 3253-8 et suivants du Code du Travail se fera dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et L 3253-17 du Code du Travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L 3253-17 et D 3253-5 du Code du Travail, et payable sur présentation d’un relevé de créances par le mandataire judicaire, et sur justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l’article L 3253-20 du Code du Travail,

Dit que les dépens d’appel seront mis pour moitié à la charge de la liquidation judiciaire de la société TH AMGHAR et pour moitié à la charge de la société PES.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction

 


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