COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Rétention Administrative
CHAMBRE 1-11 RA
ORDONNANCE
DU 19 JUIN 2023
N° 2023/0873
Rôle N° RG 23/00873 – et RG 23/00876
Copie conforme
délivrée le 19 Juin 2023 par courriel à :
-l’avocat
-le préfet
-le CRA
-le JLD/TJ
-le retenu
-le MP
Signature,
le greffier
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de [Localité 1] en date du 17 Juin 2023 à 13h40.
Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de [Localité 1] en date du 17 Juin 2023 à 12h55.
APPELANT
Monsieur [R] [A] alias [S] [B] alias [T] [S]
né le 09 Mars 1991 à CRAIS
de nationalité Algérienne
comparant en personne, assisté de Me Maeva LAURENS, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE, et de Mme [U] [C] (Interprète en langue arabe) en vertu d’un pouvoir général inscrite sur la liste des experts de la cour d’appel d’Aix-en-Provence.
INTIME
Monsieur le préfet des BOUCHES DU RHONE
Représenté par Monsieur [K] [P]
MINISTÈRE PUBLIC :
Avisé et non représenté
DEBATS
L’affaire a été débattue en audience publique le 19 Juin 2023 devant Madame Laurence DEPARIS, Conseillère à la cour d’appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistée de Madame Michèle LELONG, Greffière,
ORDONNANCE
Contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 19 Juin 2023 à 16h25,
Signée par Madame Laurence DEPARIS, Conseillère et Madame Michèle LELONG, Greffière,
PROCÉDURE ET MOYENS
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;
Vu l’arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris le 13 mars 2023 par le préfet des BOUCHES DU RHÔNE, notifié le 3 avril 2023 à 10h50 ;
Vu la décision de placement en rétention prise le 31 mars 2023 par le préfet des BOUCHES DU RHÔNE notifiée le 3 avril 2023 à 10h55;
Vu la décision de maintien en rétention prise le 2 juin 2023 par le préfet des BOUCHES DU RHÔNE notifiée le 3 juin 2023 à 10h45 ;
Vu les ordonnances du 17 Juin 2023 rendues par le Juge des libertés et de la détention de [Localité 1] décidant le maintien de Monsieur [R] [A] alias [S] [B] alias [T] [S] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire ;
Vu les appels interjeté le 18 juin 2023 à 10h54 et 11h20 par Monsieur [R] [A] alias [S] [B] alias [T] [S] ;
Monsieur [R] [A] alias [S] [B] alias [T] [S] a comparu et a été entendu en ses explications ; il déclare ‘Je ne sais pas pourquoi je n’ai pas pris le vol du 18 juin, je n’ai pas reconnu les enfants j’étais déjà au centre de rétention, j’ai des soins en cours pour l’opération qui n’est pas encore prévue’.
Son avocat a été régulièrement entendu ; Il conclut à l’irrecevabilité de la requête du préfet en raison de l’absence de mention du rejet de la requête en demande de mise en liberté, à l’absence de conditions pour ordonner la quatrième prolongation de la mesure de rétention et à la disproportionnalité de son état de santé avec la mesure de rétention.
La demande d’asile a été faite quelques minutes après la requête du préfet donc elle n’est pas dans les quinze jours avant. Il n’y a pas de nouveau laissez-passer, je ne sais pas pourquoi il n’est pas parti hier dans l’avion, je produis des éléments médicaux récents, c’est un calvaire pour lui, il a eu une grave infection suite à son opération, il a besoin de soins adaptés à sa situation.
La demande de mise en liberté a été formée le 16 juin, avant la prolongation, pour autant le registre pour la quatrième prolongation ne fait pas état de cette demande de mise en liberté
Pour la demande de mise en liberté, l’élement nouveau c’est que les enfants sont encore
hospitalisés en néo-natologie, il n’a pas pu les reconnaître, c’est un cas exceptionnel pour les enfants justifiant cette demande.
Le représentant de la préfecture rappelle l’absence d’élément nouveau pour la demande de mise en liberté, je n’ai pas d’éléments pour le vol du 18 juin, sur le registre actualisé, la dml a été formée le 16 juin à minuit et le cra a pu compléter seulement plus tard.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La recevabilité de l’appel contre l’ordonnance du juge des libertés et de la détention n’est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d’irrégularité.
Sur la recevabilité de la requête préfectorale :
Aux termes de l’article R. 743-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, à peine d’irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l’étranger ou son représentant ou par l’autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.
Lorsque la requête est formée par l’autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l’article L. 744-2.
Cet article dispose qu’il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l’état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Le registre mentionne également l’état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil. L’autorité administrative tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d’information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.
En application de l’article 2 de l’arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention prévu à l’article L. 553-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative » (LOGICRA), le registre et le traitement mentionnés à l’article 1er enregistrent des données à caractère personnel et informations, figurant en annexe du présent arrêté, et relatives :
– à l’étranger placé en rétention administrative et, le cas échéant, aux enfants mineurs l’accompagnant ;
– à la procédure administrative de placement en rétention administrative ;
– aux procédures juridictionnelles mises en ‘uvre au cours de la rétention ;
– à la fin de la rétention et à l’éloignement
Il est constant qu’il ne peut être suppléé à l’absence du dépôt de ces pièces, sauf s’il est justifié de l’impossibilité de les joindre à la requête, par leur seule communication à l’audience, notamment afin de permettre leur mise à disposition de l’avocat de l’étranger dès leur arrivée au greffe conformément aux dispositions de l’article R 743-4 du CESEDA.
Il est constant que toute requête en prolongation de la rétention administrative d’un étranger doit, à peine d’irrecevabilité, être accompagnée d’une copie de ce registre. L’absence de production avec la requête du préfet d’une copie actualisée du registre permettant un contrôle de l’effectivité de l’exercice des droits reconnus à l’étranger au cours de la mesure de rétention est sanctionnée par l’irrecevabilité de la requête, cette irrecevabilité pouvant être accueillie sans que celui qui l’invoque ait à justifier d’un grief.
En l’espèce, il résulte de la procédure que la copie du registre du CRA, produite au soutien de la demande en quatrième prolongation de la mesure de rétention, contient les éléments relatifs à la situation de l’étranger, et notamment les audiences devant le juge et devant la cour. S’agissant de la demande de mise en liberté formée par le conseil de l’étranger le 16 juin 2023 et qui ne figure pas sur le registre, il apparaît que la requête déposée par le préfet l’a été le même jour, expliquant cette absence de mention quand bien même la requête de l’étranger a précédé de quelques heures la saisine du préfet.
Au vu de ces éléments, la requête sera jugée recevable.
Sur les conditions de la quatrième prolongation
Aux termes de l’article L 742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :
1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;
2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :
a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 9° de l’article L. 611-3 ou du 5° de l’article L. 631-3 ;
b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge des libertés et de la détention ait statué. Le juge statue par ordonnance dans les conditions prévues au présent article. S’il ordonne la prolongation de la rétention, la prolongation court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours. Si l’une des circonstances mentionnées à la première phrase du présent alinéa survient au cours d’une période de prolongation ordonnée en application du présent alinéa, le juge peut être à nouveau saisi dans les mêmes conditions. Toutefois, la rétention ne peut être prolongée plus de deux fois en application du présent alinéa et sa durée maximale ne peut excéder quatre-vingt-dix jours ou, par dérogation, deux cent-dix jours dans le cas prévu au quatrième alinéa.
Il ressort de ce texte que la quatrième prolongation de rétention doit rester exceptionnelle et impose plus que la simple exigence de réalisation de diligences par la préfecture en vue de l’identification ou de la mise à exécution de la mesure d’éloignement.
En l’espèce, M. [R] a fait l’objet d’une décision de troisième prolongation de sa mesure de rétention par décision du premier juge en date du 2 juin 2023 et le préfet a saisi le juge aux fins d’une quatrième prolongation par requête en date du 16 juin 2023. Précédemment, il a refusé d’embarquer sur des vols prévus le 21 mai et le 1er juin dernier, son état médical ayant contre-indiqué un départ en bateau le 29 mai dernier.
M. [R] a formé le 2 juin 2023 une demande d’asile rejetée par l’OFPRA le 7 juin 2023 comme étant irrecevable, le recours étant recevable dans les cinq jours de la notification des droits à l’étranger, M. [R] ayant formé son recours le 2 juin 2023 comme indiqué ci-dessus et ses droits lui ayant été notifiés le 3 avril 2023.
Il résulte de ces éléments qu’en formant une demande d’asile pour la première fois pendant la période de troisième prolongation de sa mesure de rétention, dans des délais la rendant manifestement irrecevable au vu des éléments rappelés ci-dessus, et après avoir refusé à plusieurs reprises d’embarquer, et dans les quinze jours précédent la requête, l’étranger a formé cette demande dans le seul but de faire échec à la mesure d’éloignement et que les conditions pour ordonner une quatrième prolongation de la mesure sont réunies.
Sur le moyen tiré de la disproportionnalité de son état de santé avec la mesure de rétention
M. [R] indique avoir subi plusieurs interventions chirurgicales dont la pose d’une prothèse de hanche en juin 2021 ; il faisait valoir un certificat en date du 13 avril 2023 concluant à une contre-indication de son état de santé avec la mesure de rétention.
Par ordonnance de la présente cour en date du 5 juin dernier, la demande de M. [R] fondée sur le défaut d’accès aux soins a été rejetée.
Il résulte des pièces du dossier et des éléments d’audience qu’il a pu bénéficier d’un scanner le 7 juin dernier et qu’il est en attente d’une opération. Le Dr [W] atteste de cet élément par certificat en date du 16 juin 2023, rappelant que des soins quotidiens sont nécessaires. S’il n’est pas contesté que ces soins sont contraignants, il apparaît que M. [R] en bénéficie dans l’attente de son opération. Par ailleurs, si le médecin préconise que l’opération et ses suites soient effectuées en France et que l’exécution de la mesure d’éloignement serait préjudiciable à M. [R], cet élément peut justifier une saisine de l’OFII et ne relève pas de l’appréciation du juge judiciaire. Enfin, aucun élément contre-indiquant la mesure de rétention avec l’état de santé de l’étranger n’est produit quand bien même les soins utiles sont lourds et quotidiens.
Au vu de ces éléments, M. [R] bénéficiant des soins utiles et la mesure de rétention n’étant pas disproportionnée par rapport à son état de santé au vu des éléments produits, il convient de rejeter le moyen soulevé.
Sur le moyen tiré de la naissance de jumeaux prématurés
En application des dispositions de l’article L 742-8 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile, l’étranger peut demander, hors des audiences de prolongation de la rétention, qu’il soit mis fin à sa rétention en saisissant le juge des libertés et de la détention.
L’article L743-18 prévoit que ‘Le juge des libertés et de la détention, saisi par l’étranger aux fins de mise en liberté hors des audiences de prolongation de la rétention en application de l’article L. 742-8, peut rejeter la requête sans avoir préalablement convoqué les parties s’il apparaît qu’aucune circonstance nouvelle de fait ou de droit n’est intervenue depuis le placement en rétention ou sa prolongation, ou que les éléments fournis à l’appui de la demande ne permettent manifestement pas de justifier qu’il soit mis fin à la rétention.’
Il est constant que l’étranger en rétention peut demander qu’il soit mis fin à la rétention dès lors que des circonstances nouvelles de droit ou de fait le justifient, une circonstance nouvelle ne pouvant résulter de faits antérieurs à la décision prolongeant la rétention.
En l’espèce, il résulte des pièces du dossier que les jumeaux dont M. [R] serait le père mais qu’il n’a pas encore reconnus, sont nés le 27 avril 2023.
Dès lors, la situation de M. [R] ayant déjà été examinée par décision en date du 5 mai 2023 et du 5 juin 2023, il convient de confirmer le premier juge en ce qu’il a retenu l’absence d’éléments nouveaux et de rejeter ce moyen, la poursuite de l’hospitalisation des enfants ne pouvant être considérée comme un élément nouveau.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, il convient de confirmer les décisions déférées.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,
Prononçons la jonction des dossiers enregistrés sous les RG 23/00873 et 23/00876.
Confirmons les ordonnances du Juge des libertés et de la détention de [Localité 1] en date du 17 Juin 2023.
Les parties sont avisées qu’elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d’Etat ou de la Cour de cassation.
La greffière, La présidente,
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