Droit du logiciel : 21 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/08296

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Droit du logiciel : 21 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/08296

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 3

ARRET DU 21 JUIN 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/08296 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFW75

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 20 Avril 2022 -Président du TC de PARIS – RG n° 2022003156

APPELANT

M. [G] [I]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090

Assistée par Me Jean-Luc BLEIN, avocat au barreau de PARIS, toque : K0061

INTIMEES

S.A.S. QUALICONSULT IMMOBILIER prise en la personne de son représentant légal, [Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Mariam PAPAZIAN de la SCP HOURBLIN PAPAZIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : J017

Assistée par Me Jean AUBIONAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1137

S.A.S. QUALICONSULT prise en la personne de son représentant légal,

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Martine LEBOUCQ BERNARD de la SCP Société Civile Professionnelle d’avocats HUVELIN & associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R285

Assistée par Me Ludovic FELDMAN, avocat au barreau de SEINE SAINT DENIS, toque : Bobigny 107

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 20 septembre 2022, en audience publique, rapport ayant été fait par Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre conformément aux articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre,

Jean-Christophe CHAZALETTE, Président de chambre,

Patricia LEFEVRE, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Marie GOIN

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, et par Jeanne BELCOUR, greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

La société groupe Qualiconsult a plusieurs filiales, les sociétés Qualiconsult, Qualiconsult Sécurité, Qualiconsult Exploitation, Qualiconsult Formation et Qualiconsult Immobilier.

Cette dernière société, Qualiconsult Immobilier, est détenue à 75% par la société groupe Qualiconsult et à 25% par M. [I]. Elle a pour objet la fourniture de service à tous les propriétaires ou gestionnaires de biens immobiliers en leur proposant toutes les prestations de diagnostic immobilier, mesurage et état des lieux pour le secteur de l’habitation et du tertiaire. Elle utilise notamment un logiciel d’état des lieux créé par M. [I].

Cette société est une société anonyme simplifiée dirigée par un président du conseil d’administration et contrôlée par un comité de direction composé de trois membres dont M. [I].

Ce dernier, suspectant des anomalies dans les actes de gestion et des opérations financières déséquilibrées, a, par acte du 25 mai 2020, assigné en référé devant le président du tribunal de commerce de Versailles la société Qualiconsult Immobilier aux fins de désignation d’un expert comptable pour apprécier la gestion de cette société, au visa de l’article 145 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 2 septembre 2020, le président du tribunal de commerce de Versailles a fait droit à la demande d’expertise judiciaire et a désigné M. [C], expert comptable.

Cet expert a déposé son rapport le 19 mars 2021 et M. [I] a, au vu de ces conclusions, assigné par actes des 19, 21 et 28 juillet 2021 la société Qualiconsult Immobilier et ses dirigeants successifs MM. [L], [T] et [E] devant le tribunal de commerce de Versailles aux fins de les voir condamnés solidairement à régler à la société Qualiconsult Immobilier la somme de 15 334 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de leurs fautes de gestion. Cette procédure est actuellement en cours.

Par ailleurs, la société Qualiconsult Immobilier a intenté une action en référé devant le président du tribunal de commerce de Paris à l’encontre de la société Qualiconsult aux fins d’ordonner une expertise comptable de la société demanderesse et notamment d’apprécier la convention de prestations de services du 15 janvier 2012.

Par ordonnance de référé du 15 décembre 2021, le président du tribunal de commerce de Paris a ordonné une expertise comptable confiée à M. [Z] afin de donner son avis sur la réalité des prestations facturées par la société Qualiconsult à la société Qualiconsult Immobilier au titre de la convention du 15 janvier 2012 et des autres relations intra groupe de 2015 à ce jour et de donner son avis sur la sincérité des comptes sociaux de la société Qualiconsult Immobilier de 2015 à ce jour. L’expert judiciaire n’a pas à ce jour déposé son rapport.

M. [I] a eu connaissance de cette décision et, par acte en date du 19 janvier 2022, a assigné devant le président du tribunal de commerce de Paris les sociétés Sas Qualiconsult Immobilier et Sas Qualiconsult afin de le recevoir en sa tierce opposition à l’encontre de l’ordonnance de référé du 15 décembre 2021 et d’ordonner sa rétractation en toutes ses dispositions.

Par ordonnance de référé rendue contradictoirement le 20 avril 2022, le président du tribunal de commerce de Paris a :

renvoyé M. [I] à se pourvoir devant le juge chargé du contrôle des mesures d’expertise au tribunal de commerce de Paris

rejeté les demandes des parties autres, plus amples ou contraires

condamné M. [I] aux entiers dépens

dit que la présente décision est de plein droit exécutoire par provision en application de l’article 514 du code de procédure civile.

Par déclaration du 11 mai 2022, M. [I] a relevé appel de l’ordonnance de référé, statuant sur sa compétence, en toutes ses dispositions.

Par ordonnance en date du 24 mai 2022, le Premier président de chambre du pôle 1 de la cour d’appel de Paris a autorisé M. [I] à assigner les sociétés Qualiconsult et Qualiconsult Immobilier à jour fixe pour l’audience de plaidoirie du 20 septembre 2022.

M. [I] a, par actes du 17 juin 2022, assigné à jour fixe devant la chambre des référés 1-3 de la cour d’appel de Paris les Sas Qualiconsult et Qualiconsult Immobilier pour l’audience de plaidoirie du 20 septembre 2022.

L’avocat de M. [I] a fait parvenir à la cour par le RPVA un message du 16 septembre 2022 annonçant en objet de nouvelles conclusions. Cependant, aucun fichier n’était joint. Dès lors, M. [I] demande à la cour, par ses dernières conclusions remises et notifiées le 17 juin 2022, et au visa des articles 15, 16, 235, 582 et suivants du code de procédure civile, de :

recevoir M. [I] en ses demandes, l’en dire bien fondé et par conséquent :

déclarer l’appel de M. [I] recevable ;

annuler l’ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de commerce de Paris le 20 avril 2022 en tous ses chefs pour violation des dispositions de l’article 16 du code de procédure civile

A titre subsidiaire

infirmer l’ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de commerce de Paris le 20 avril 2022 en toutes ses dispositions;

juger que le président du tribunal de commerce de Paris était compétent pour statuer sur la tierce opposition formée par M. [I]

renvoyer les parties devant le président du tribunal de commerce de Paris

suspendre l’exécution de l’ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de commerce de Paris le 15 décembre 2021 dans l’attente d’une décision définitive à intervenir

débouter les sociétés Qauliconsult et Qualiconsult Immobilier de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions

condamner tout succombant aux dépens.

La société Qualiconsult demande à la cour, par ses dernières conclusions remises et notifiées le 8 juillet 2022, et au visa des articles 31, 101, 122, 145 et suivants et 700 du code de procédure civile, et des pièces versées au débat, de :

à titre principal :

juger que M. [I] est irrecevable à former un recours en appel;

à titre subsidiaire :

juger ce que de droit sur la demande de M. [I];

condamner M. [I] à verser à la société Qualiconsult une somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de l’instance.

La société Qualiconsult Immobilier demande à la cour, par ses dernières conclusions remises et notifiées le 19 septembre 2022, et au visa des articles 15, 16, 31, 101, 135, 145 et suivants, 583 et 700 du code de procédure civile, de :

A titre principal :

juger que M. [I] est irrecevable à former un recours et l’en débouter

A titre subsidiaire :

juger que M. [I] est mal fondé en ses demandes et l’en débouter;

condamner M. [I] à verser à la société Qualiconsult Immobilier une somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens de l’instance.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

SUR CE,

Dans le corps de ses dernières conclusions, la société Qualiconsult Immobilier soulève l’irrecevabilité des conclusions et pièces signifiées par M. [I] aux autres parties le 16 septembre 2022. Il n’y a pas lieu de statuer sur cette fin de non-recevoir qui n’a pas été reprise au dispositif des conclusions. Au demeurant, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, la cour n’a pas été saisie de conclusions de M. [I] du 16 septembre 2022.

Sur la demande d’annulation de l’ordonnance entreprise :

M. [I] considère que le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a violé les dispositions des articles 15 et 16 du code de procédure civile relatives au respect du principe du contradictoire par les parties et par le juge dans la mesure où ce magistrat a relevé d’office son incompétence et renvoyé M. [I] à se pourvoir devant le juge chargé du contrôle des mesures d’expertise du tribunal de commerce de Paris, alors qu’aucune des parties a la procédure n’avait soulevé la question de la compétence de la juridiction et que le magistrat n’a pas non plus mis cette question dans les débats lors de l’audience de plaidoirie.

Dans ces conditions, M. [I] estime qu’il convient d’annuler cette ordonnance.

La Sas Qualiconsult Immobilier ne formule pas d’observations sur la demande d’annulation de la décision.

La Sas Qualiconsult ne formule pas non plus d’observations sur la demande d’annulation présentée par M. [I]

Selon l’article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et le documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.

Il ne peut fonder sa décision sur des moyens de droit qu’il a relevé d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

Il ressort des pièces produites aux débats qu’en première instance ni la société Qualiconsult ni la société Qualiconsult Immobilier n’ont soulevé dans leurs conclusions l’incompétence du tribunal de commerce au profit du magistrat chargé du contrôle des expertises de cette juridiction.

Selon les mentions figurant dans l’ordonnance de référé du 20 avril 2022, le président du tribunal de commerce de Paris n’a à aucun moment lors de la procédure ou lors de l’audience de plaidoirie mis dans les débats la question de son éventuelle incompétence en application des dispositions de l’article 235 du code de procédure civile et invité les parties à présenter leur observations sur cette question.

Dans ces conditions, le président du tribunal de commerce de Paris ne pouvait pas soulever d’office son incompétence sans mettre cette question dans le débat en application des dispositions de l’article 16 du code de procédure civile, avant de mettre l’affaire en délibéré.

En procédant ainsi, le président du tribunal de commerce de Paris a violé le principe du contradictoire et sa décision sera donc annulée.

Sur l’appel de M. [I]

Les Sas Qualiconsult et Qualiconsult Immobilier considèrent que l’appel de M. [I] est irrecevable au sens des dispositions de l’article 122 du code de procédure civile, dès lors que la tierce opposition a été déclarée irrecevable en première instance. En effet, elles estiment que selon l’article 583 du code de procédure civile, la recevabilité à former tierce opposition est subordonnée à l’existence d’un intérêt direct et personnel et M. [I] n’allègue ni ne démontre aucunement d’une quelconque lésion d’un intérêt direct et personnel. Dans ces conditions, les deux sociétés intimées considèrent que la tierce opposition et par voie de conséquence l’appel de M. [I] ne sont pas recevables.

En vertu de l’article 83 du code de procédure civile, lorsque le juge s’est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l’objet d’un appel dans les conditions prévues par le présent paragraphe. En vertu de l’article 86 du même code, La cour renvoie l’affaire à la juridiction qu’elle estime compétente. Cette décision s’impose aux parties et au juge de renvoi. Lorsque le renvoi est fait à la juridiction qui avait été initialement saisie, l’instance se poursuit à la diligence du juge.

En l’espèce, le premier juge a décliné sa compétence au profit du juge chargé du contrôle des expertise en visant l’article 235 du code de procédure civile consacré au remplacement de l’expert. Il a donc ignoré l’objet de litige qui était constitué par la tierce opposition de M. [I] à l’ordonnance de référé du 15 décembre 2021, et non pas le remplacement de l’expert ou sa récusation.

Les moyens des intimés sur la recevabilité de l’appel se fondant sur une critique de la recevabilité de la tierce opposition sont inopérants à ce stade de la procédure puisque l’appel de M. [I] ne se fonde que sur la compétence et qu’aucune décision n’a encore été rendue sur la tierce opposition.

L’appel de M. [I] est par conséquent recevable et il y aura donc lieu de renvoyer l’affaire devant le premier juge pour qu’il soit statué sur la tierce opposition.

Sur les autres demandes

L’appelant et les intimés sollicitent chacun l’allocation d’une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des sociétés Qualiconsult et Qualiconsult Immobilier leurs frais irrépétibles non compris dans les dépens. Aucune somme ne leur sera donc allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en appel.

Il est par contre inéquitable de laisser à la charge de M. [I] ses frais irrépétibles non compris dans les dépens. Il lui sera donc alloué une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en appel.

Les sociétés Qualiconsult et Qualiconsult Immobilier seront tenues in solidum aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

Déclare recevable l’appel interjeté par M. [I] contre la décision du du président du tribunal de commerce de Paris du 15 décembre 2021;

Annule l’ordonnance entreprise du 15 décembre 2021;

Statuant sur le fond du litige, dévolu par l’effet de l’appel :

Dit que le président du tribunal de commerce de Paris est compétent pour statuer sur la tierce opposition formée par M. [I] ;

Renvoit les parties devant le président du tribunal de commerce de Paris pour statuer sur la tierce opposition ;

Condamne in solidum les sociétés Qualiconsult et Qualiconsult Immobilier à payer à M. [I] une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en appel;

Condamne in solidum le sociétés Qualiconsult et Qualiconsult Immobilier aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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