Droit du logiciel : 22 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/07444

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Droit du logiciel : 22 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/07444

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 10

ARRET DU 22 JUIN 2023

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/07444 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCTUP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Octobre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CRETEIL – RG n° F19/00779

APPELANT

Monsieur [E] [K]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Martine BONSOM, avocat au barreau de PARIS, toque : G0238

INTIMEE

S.A.S.U. RICOH FRANCE prise en la personne de son représentant légal

immatriculée au RCS de Créteil sous le n°337 621 841 7-[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Lucile AUBERTY JACOLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J114

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Carine SONNOIS, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Nicolas TRUC, Président de la chambre

Madame Mme Carine SONNOIS, Présidente de la chambre

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre

Greffier : lors des débats : Mme Sonia BERKANE

ARRET :

– contradictoire

– mis à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Mme Carine SONNOIS, Présidente et par Sonia BERKANE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [E] [K] a été embauché à compter du 9 octobre 2000 par la société NRG France en qualité de délégué commercial par contrat à durée indéterminée.

Suite à la fusion absorption de la société NRG France par la société Ricoh France, le contrat de travail de M. [E] [K] a été transféré le 1er avril 2008 à cette dernière.

La société Ricoh France a pour activité la distribution de systèmes d’impression, de matériels de bureautique, de matériels informatiques, de solutions logicielles et de communications visuelles.

Du 1er janvier 2009 au 1er juillet 2014, M. [E] [K] a exercé les fonctions d’ingénieur des ventes Vertical Market sur une liste de comptes situés dans le département de la Seine Maritime.

En juillet 2014, M. [E] [K] a été muté sur un nouveau secteur situé dans le Gard.

Du 31 mai 2018 au 18 août 2018, M. [E] [K] a été placé en arrêt de travail. A l’issue de cet arrêt de travail, il a pris ses congés payés.

Par lettre du 8 octobre 2018, M. [E] [K] a été convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé le 19 octobre 2018.

Par lettre du 16 novembre 2018, la société Ricoh France a notifié à M. [E] [K] son licenciement pour insuffisance professionnelle.

Les relations contractuelles étaient soumises à la convention collective nationale des cadres et ingénieurs de la métallurgie.

Contestant son licenciement pour insuffisance professionnelle et sollicitant des rappels de prime, M. [E] [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Créteil le 7 juin 2019.

Par jugement rendu en formation paritaire du 6 octobre 2020, notifié le 28 octobre 2020, le conseil de prud’hommes de Créteil a :

-dit et jugé que le licenciement de M. [E] [K] est bien fondé sur une cause réelle et sérieuse,

-débouté M. [E] [K] de sa demande de qualifier son licenciement sans cause réelle et sérieuse et des demandes financières associées,

-débouté M. [E] [K] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-débouté la SAS Ricoh France de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamné M. [E] [K] aux entiers dépens, comprenant les éventuels frais d’exécution de la présente décision.

M. [E] [K] a interjeté appel de ce jugement par déclaration d’appel déposée par voie électronique le 4 novembre 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 12 janvier 2023, M. [E] [K] demande à la cour de :

-le recevoir en son appel et ses demandes et l’y déclarer bien fondé,

-infirmer le jugement rendu par la section encadrement du conseil de prud’hommes de Créteil le 6 octobre 2020 et,

En conséquence,

-condamner la société Ricoh France à payer à M. [E] [K] les sommes suivantes avec intérêt au taux légal à compter de la citation :

*au titre de la prime R/O de l’exercice 2017/2018 et de l’exercice 2018/2019 : 11 221,66 euros et 1122 euros au titre des congés payés afférents,

*au titre des primes opérationnelles : au titre de l’exercice 2017/2018, 6 800 euros et 680 euros au titre des congés payés afférents et au titre de l’exercice 2018/2019, 3 400 euros et 340 euros au titre des congés payés afférents,

-constater que le licenciement de M. [E] [K] est dénué de cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

-condamner la société Ricoh France à payer à M. [E] [K] :

*la somme de 7 425 euros à titre de complément d’indemnité conventionnelle de licenciement et ce, avec intérêt au taux légal à compter de la citation,

*la somme de 70 890 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêt au taux légal à compter du jugement à intervenir,

-condamner la société Ricoh France à payer à M. [E] [K] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-la condamner aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 7 février 2023, la société Ricoh France demande à la cour de :

A titre principal,

-dire et juger que la société Ricoh France n’a commis aucun manquement dans le cadre de l’exécution et la rupture du contrat de travail,

-dire et juger que le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. [E] [K] repose sur une cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

-confirmer le jugement entrepris,

-débouter M. [E] [K] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

-condamner M. [E] [K] à payer à la société Ricoh France la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile de première instance et 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour d’appel,

A titre subsidiaire,

Si par extraordinaire la cour jugeait y avoir lieu à un rappel de rémunération variable en raison du caractère irréaliste et irréalisable des objectifs,

-dire et juger que le montant du rappel de prime R/O sera limité à la somme de 6 610,88 euros outre la somme de 661 euros de congés payés afférents,

-dire et juger que le montant du rappel de primes opérationnelles sera limité à la somme de 8 590,38 euros,

-dire et juger que le montant du rappel d’indemnité compensatrice de préavis doit être limité à la somme de 2 897,19 euros,

-dire n’y avoir lieu à un rappel d’indemnité conventionnelle de licenciement et débouter M. [E] [K] de ce chef de demande,

Si, par extraordinaire, la cour jugeait le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

-dire et juger que M. [E] [K] ne peut solliciter le versement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse supérieure à 3 mois de salaires, soit la somme de 11 718 euros (3906 x 3) ou la somme de 14 667 euros (4889 x 3), s’il est fait droit à la demande de rappel de rémunération variable du salarié,

-débouter M. [E] [K] pour le surplus de ses demandes.

Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 8 février 2023.

L’affaire a été fixée à l’audience du 3 avril 2023.

MOTIFS DE LA DECISION :

1/Sur le licenciement

L’insuffisance professionnelle se définit comme l’incapacité objective et durable d’un salarié d’exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification. L’appréciation de cette insuffisance professionnelle relève du pouvoir de direction de l’employeur mais ce dernier doit, en tout état de cause, invoquer des faits objectifs précis et vérifiables imputables au salarié pour justifier le licenciement.

Par ailleurs, le juge doit contrôler le respect des dispositions de l’article L. 6321-1 du code du travail qui prévoit que l’employeur doit assurer l’adaptation de ses salariés à leur poste de travail et veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi compte tenu de l’évolution des technologies, des organisations et des emplois.

La lettre de licenciement est ainsi rédigée (extrait):

« … Vous devez vous conformer strictement aux règles établies par l’entreprise et satisfaire aux objectifs qui vous sont fixés. Or, nous sommes forcés de constater votre insuffisance professionnelle qui se traduit par votre incapacité à occuper les missions qui vous sont imparties.

Alors que vous exercez les fonctions d’ingénieur des ventes comptes régionaux et vertical Market au sein de la division CR/VM, nous avons relevé depuis maintenant plusieurs mois de sérieux et récurrent manquement dans la réalisation de vos résultats et dans l’exécution de vos missions.

Faiblesse de vos résultats

Faisant suite à un entretien en date du 2 janvier 2018, à la suite d’un bilan depuis le début du fiscal 17/18, il a été mis en évidence la nécessité absolue de vous améliorer, tant dans vos résultats que dans vos méthodes de travail.

En effet, sur la période du 1er avril 2017 au 29 décembre 2017 les résultats étaient les suivants :

‘ chiffre d’affaires : 63 320 euros pour un objectif assigné de 212 350 euros soit un taux de réalisation de 29,8 %

‘ marge brute : 17 742 euros pour un objectif assigné de 63 705 euros soient un taux de réalisation de 27,8 %

‘Units MFP : 10,75. Pour un objectif assigné de 38 soins taux d’atteinte de 28,3 %

‘Units TBI + UCS : zéro pour un objectif assigné de quatre soit un taux d’atteinte de 0 %…

A cet égard, il vous a été reproché un manque de fiabilité de vos prévisions annoncées chaque mois auprès de votre chef des ventes soit en moyenne 45 % matière de chiffre d’affaires et 59 % en matière de marge commerciale. Ce manque de prévisions traduit votre incapacité à anticiper manager vos opportunités commerciales sur votre secteur géographique attitré.

De plus, sur cette même période, votre niveau d’activité de création n’est pas à la hauteur des normes exigées par l’entreprise malgré le nombre important de « face-à-face »’

A la lecture de ce tableau nous constatons un nombre de rendez-vous importants sans pour autant une faculté à trouver des opportunités commerciales en lien avec la stratégie de l’entreprise :

‘ 475 « face-à-face » réalisés sur cette même période, alors que la norme est de 384, soit 124 % d’atteinte de l’objectif assigné

‘ 62 créations d’opportunités, alors que la norme est de 112, soit 55 % d’atteinte de l’objectif assigné.

Sur cette période il apparaissait seulement cinq opportunités supérieures à 15 000 euros et une faiblesse en matière de portefeuille actif (en deçà de l’objectif des 300 000 euros demandé)

concernant la création de nouveaux comptes, vous avez ouvert deux prospects pour un montant de 4000 euros HT depuis le début du fiscal 2017 alors que la norme attendue correspond à l’ouverture d’un compte prospect par mois.

Nous constatons que la moyenne de l’équipe sur la même période était de cinq ouvertures de compte représentant un chiffre d’affaires de 44 333 euros HT’

Concernant le suivi de vos clients, nous avions constaté un retard par rapport à l’état d’avancement demandé par votre direction commerciale à savoir 31 % de clients vu à fin décembre pour la période d’octobre 2017 à mars 2018 où nous attendions au minimum 50 % de clients visités’

La société n’a pas cessé de vous mettre en garde à de nombreuses reprises lors de vos différents entretiens hebdomadaires, en vous demandant de redresser la situation de manière significative.

C’est dans ce contexte que votre responsable vous a proposé le 8 janvier 2018 la mise en place d’un plan d’action afin de vous aider à progresser sur les différents axes stratégiques de l’entreprise.

Vous avez accepté ce plan d’action pour la période du 2 janvier 2018 au 30 mars 2018. Ce plan d’action avait pour objectif de vous aider à améliorer vos performances commerciales. Nous vous demandions de vous conformer à une méthode de travail rigoureuse vous permettant de gagner en efficacité au travers d’actions telles que le respect strict des normes d’activité et de la méthodologie Rico, jusqu’au retour à des résultats plus satisfaisants.

Pendant la période du plan, face à vos difficultés rencontrées, vos responsables se sont toujours tenus à votre disposition pour vous apporter une assistance personnalisée.

Malgré cette mesure, à l’instar du plan d’action mise en place du 2 janvier 2018 au 30 mars 2018, le bilan de celui-ci réalisé en date du 4 avril 2018 faisait encore ressortir des dysfonctionnements importants et persistants dans vos méthodes de travail.

Pendant toute la durée du plan d’action, cela vous a été rappelé régulièrement à l’occasion de vous rendez-vous avec votre responsable pour faire des points intermédiaires sur l’avancement de votre activité. En conséquence, vos résultats ne sont pas en phase avec les objectifs assignés dans le cadre du plan d’action.

À fin mars, le pourcentage d’atteinte de vos objectifs était de :

‘ chiffre d’affaires : 28 763 euros pour un objectif assigné de 85 430 euros soient 33,7 % de réalisation

‘ marge brute : 12 718 euros pour un objectif assigné de 26 883 euros soient 47,3 % de réalisation

‘ points Units : 1,25 pour un objectif assigné de 15 soient 8,3 % de réalisation

‘ prospect : zéro ouverture de nouveaux comptes pour un objectif assigné de 3 soit 0 % de réalisation.

De plus, sur cette même période, votre niveau d’activité de création n’est pas à la hauteur des normes exigées par l’entreprise malgré le nombre important de « face-à-face » :

‘ 149 « face-à-face » réalisés sur cette période (pas tous attendus, ni ciblés) pour un objectif de 144

‘ 20 opportunités créées pour un objectif de 42 soient 47,6 % de réalisation

‘ 153 500 euros de création d’opportunités chiffrent d’affaires pour un objectif de 228 000 euros soient 67,3 %.

La conclusion du plan d’action a permis de mettre en évidence que votre activité ne génère pas de réelle création d’opportunités et ne vous permet pas d’atteindre vos objectifs opérationnels.

Nous avons également constaté de réels écarts et un manque cruel de compétences notamment sur votre capacité à manager votre business et clôturer les ventes et ce malgré l’aide apportée par votre chef des ventes.

Au-delà de vos résultats, depuis plusieurs mois, il vous a été reproché de façon récurrente des manquements particulièrement sérieux dans la réalisation de vos missions à savoir notamment : une activité non conforme aux attentes de la division CR/VM

Les orientations stratégiques de l’entreprise et ses attentes vis-à-vis des ingénieurs des ventes contre régionaux et vertical market vous ont été rappelées régulièrement par votre manager, lors de vos réunions hebdomadaires, et ont été présenté à l’ensemble de la force de vente de la division contre régionaux et vertical market, début avril 2018, lors du lancement du fiscal 2018.

Nous constatons que votre travail ne s’inscrit pas dans cette stratégie : vous ne développez pas une approche « vente de solutions » (hardware, software et services) conformes aux directives de votre manager qui ne cesse de vous rappeler la politique de vente du service. Nous vous rappelons que la vente de produits de la gamme communication services est un axe stratégique pour l’entreprise est génératrice de marge commerciale. Force est de constater que vos actions de prospection et d’identification des besoins vis-à-vis de vos interlocuteurs ne sont pas ciblées et suivies.

Vous avez pourtant bénéficié d’actions de formation dans le domaine des solutions de sauvegarde informatique grâce à l’intervention du partenaire «Wooxo ». Vous avez également à disposition de nombreux supports sur la gamme des vidéoprojecteurs et tableau blanc interactif en libre-service (module e-learning et webinar) alimenté et mis à disposition par notre service marketing sur la plate-forme «I-engage ». Malgré cela, vous n’avez vendu aucun tableau blanc interactif sur ces derniers mois.

La saisie des opportunités dans l’outil CRM «Siebel » est indispensable non seulement pour constituer une base de données commerciale exploitable pour développer vos ventes, mais aussi pour permettre à votre manager de piloter l’activité de son équipe.

Depuis plusieurs mois, vous ne respectez pas cette méthodologie, malgré les nombreux rappels de votre hiérarchie, notamment au travers des planifications de vos entretiens individuels hebdomadaires.

À cette occasion, votre manager vous rappelait que contrairement à la méthodologie en vigueur dans l’entreprise, des informations importantes telles que les noms des contacts ou l’échéance du contrat, n’était pas renseigné pour certains comptes, et qui plus est, les « face-à-face » avec ces clients ou prospects n’étaient pas toujours prévus au renseignés.

Nous insistons sur le fait que ces différents manquements ont pour conséquence :

‘ une difficulté pour votre manager de « piloter » votre activité

‘ une dégradation de la qualité de la base clients/prospects

‘ une insuffisance d’activité inacceptable qui se traduit inévitablement et directement dans vos résultats commerciaux qui sont eux-mêmes insuffisants par rapport à vos objectifs.

L’ensemble de ces manquements ont eu de sérieuses répercussions sur le bon fonctionnement de votre service. Il en a résulté également une perte de confiance de votre hiérarchie.

En agissant ainsi vous ne remplissez pas les missions principales de votre poste figurant dans la définition de fonction de l’ingénieur des ventes comptes régionaux et vertical Market…

‘ un manque de compétence liée au poste d’ingénieur des ventes

‘ une mauvaise application des techniques commerciales de base telle que les techniques de questionnement Foca/questions ouvertes/questions fermées

‘ un manque d’organisation de votre activité et une mauvaise utilisation du CRM Siebel vous permettant de qualifier votre parc, de gérer vos relances clients et piloter votre activité commerciale

‘ un manque de préparation dans les actions de prospection téléphonique

‘ un manque de leadership naturel pour conduire les entretiens et donc orienter nos cibles clients/prospects, il en va de même pour prendre des rendez-vous qualitatifs sur les bonnes cibles et ainsi apporter de la valeur pour être différenciant

‘ un manque de « closing » dans votre démarche commerciale ne permettant pas de réaliser les objectifs commerciaux assignés.

Les conclusions du plan d’action permis de soulever des points et écarts vis-à-vis des autres commerciaux de l’équipe notamment sur l’importance de travailler sur les techniques de vente, l’identification des besoins, la conduite d’entretien et de questionnement clientèle.

L’ensemble des faits ici rapportés constitue une cause réelle et sérieuse au sens de l’article 11 du règlement intérieur.

Vous déployez manifestement votre énergie à justifier vos mauvais résultats, alors que votre travail est loin de répondre aux attentes de l’entreprise. Nous ne pouvons qu’établir un lien direct entre votre attitude et vos résultats.

De plus, vous refusez de remettre en cause aux méthodes de travail. Bien au contraire, vous essayez de justifier vos résultats en cherchant à prouver un manque de potentiel d’affaires, liée à votre portefeuille clients.

Force est de constater que votre niveau d’activité, et votre comportement, au regard de ce que l’entreprise est en droit d’attendre de vous au poste d’ingénieur des ventes CR/VM, pénalise la direction dont vous dépendez, et l’équipe de ventes au sein de laquelle vous êtes affectés.

Il convient de rappeler que l’objectif de toute entreprise de développer son activité, ce qui la conduit à fixer des objectifs à ses collaborateurs en fonction de sa stratégie commerciale définie par rapport à la potentialité du marché et aux moyens d’action dont elle dispose. Le non-respect des objectifs qui vous sont assignés est ainsi de nature à nuire au fonctionnement de l’entreprise.

De même, la base de données commerciale est une valeur importante pour la pérennité de l’entreprise.

Par conséquent, l’ensemble de vos agissements est inacceptable au regard de vos fonctions.

À ce jour, aucune amélioration n’a été constatée dans l’accomplissement de vos missions à l’instar de vos résultats.

Nous avons décidé de vous notifier par la présente un licenciement pour cause réelle et sérieuse comme le prévoit l’article 11.1 du règlement intérieur de l’entreprise’ ».

La société Ricoh France soutient que M. [E] [K] ne fait valoir le caractère irréalisable de ses objectifs que pour masquer son manque de résultats. Ce dernier affirme que son portefeuille réel de clients est inférieur de 30% au portefeuille qui lui avait été promis, sans étayer ses propos par des éléments de preuve. Si certains clients ont effectivement cessé leur activité, cela est arrivé bien après la mutation de M. [E] [K] sur le secteur du Gard, et un portefeuille clients est naturellement voué à évoluer. Il disposait également d’un portefeuille de 500 prospects qu’il n’a pas exploité. Elle indique ensuite que M. [E] [K] avait accès à de nombreux supports de formation, et aucune évolution de son poste ne justifiait qu’il bénéficie d’une formation spécifique. Il est d’ailleurs contradictoire de faire valoir d’une part que les mauvais résultats sont dus à l’état du marché, et d’autre part qu’il sont liés à un prétendu manque de formation. Par ailleurs, la règle selon laquelle les objectifs doivent être exprimés en « chiffre d’affaires net », « marge commerciale nette HT », « volume page », « CA 3s », ou « marge commerciale 3S », ne concerne que les objectifs R/O et non pas les objectifs opérationnels, de sorte que ces derniers pouvaient être fixés en « points units ». Elle ajoute que le plan de rémunération sert uniquement à déterminer les modalités de calcul de la rémunération variable, et ne limite pas la liberté de l’employeur de contrôler l’activité du salarié dans le cadre de ce plan. La fixation d’objectifs quantitatifs n’a eu aucun impact sur le mode de calcul de la rémunération variable. Et les objectifs fixés à M. [K] étaient réalistes et réalisables, ce qui est démontré par la comparaison des résultats obtenus par M. [E] [K] et par les autres commerciaux de l’agence sur les exercices 2016 et 2017. La société Ricoh France indique que M. [E] [K] a été accompagné dans plusieurs rendez-vous clients par son supérieur hiérarchique, ce qui lui a permis de concrétiser plusieurs contrats. Le salarié a toutefois fait obstacle à la mise en place de mesures d’accompagnement puisqu’il ne respectait pas les orientations stratégiques et ne mettait pas à jour le suivi de son activité par le biais du logiciel Siebel. Les résultats commerciaux de M. [E] [K] permettent de caractériser son insuffisance professionnelle. En effet, sur la période du 1er avril au 29 décembre 2017, il n’a atteint que 30% de ses objectifs, raison pour laquelle a été adopté un plan d’action pour la période du 2 janvier au 30 mars 2018. Ce plan d’action ne modifiait pas le plan de rémunération contractuel puisque les objectifs qui y sont contenus visent à orienter l’action commerciale du salarié pour l’aider à renouer avec la performance et ne concernent pas le calcul de la rémunération. Le bilan du plan d’action reposait sur des critères parfaitement objectifs et connus du salarié et il en est résulté que son action n’était pas qualitative. Aucune amélioration n’a été constatée sur la période du 1er avril à septembre 2018. Pour affirmer le contraire, M. [E] [K] fait une lecture orientée des données présentées lors de la réunion commerciale du 4 juin 2018, et il se prévaut de son classement au niveau national, ce qui n’est pas pertinent. Enfin, le secteur du Gard était à forte potentialité, et tous les commerciaux sont en concurrence directe avec ceux des autres sociétés de bureautique. C’était notamment le cas de son prédécesseur qui n’a pas eu de difficultés à obtenir de bons résultats sur le secteur.

M. [E] [K] fait valoir que les objectifs qui lui ont été imposés dans ses grilles d’objectifs et dans le plan d’action n’étaient pas conformes au plan de rémunération contractuel. Ainsi, alors que le plan de rémunération, qui avait une valeur contractuelle, prévoyait que les objectifs soient fixés en « chiffre d’affaires net HT », « marge commerciale net HT », « volume page », « CA 3s », « marge commerciale 3S », ceux-ci étaient fixés dans les grilles d’objectifs et dans le plan de rémunération en « nombre d’units », « en points d’units », ou en « nombre de prospects ». Il indique que la société Ricoh France a superposé aux objectifs fixés dans la grille d’objectifs, de nouveaux objectifs au titre du plan d’action, ne faisant ainsi qu’accroître l’impossibilité pour le salarié de remplir les objectifs de la grille d’objectifs et ceux du plan d’action. La société Ricoh France a ainsi modifié unilatéralement son contrat de travail, en fixant dans le plan d’action des objectifs non prévus dans le plan de rémunération.

En outre, il soutient que la société Ricoh France a été défaillante dans son obligation de mettre à sa disposition des moyens pour atteindre les objectifs, en lui fournissant une liste de comptes clients erronée et très insuffisante. En effet, le potentiel de clients était en réalité inférieur d’au moins 30% à celui initialement communiqué par Ricoh France. M. [E] [K] ajoute qu’il n’a fait l’objet d’aucune formation spécifique aux soi-disant difficultés rencontrées.

Et, alors qu’une liste de clients au potentiel très inférieur à celui qui était prétendu par Ricoh France lui avait été fournie, M. [K] se voyait fixer des objectifs disproportionnés par rapport à ce potentiel. Par ailleurs, une partie importante des objectifs retenus par la société Ricoh France pour lui reprocher une insuffisance de résultats sont inexistants ou ont été irrégulièrement fixés. Alors même qu’il lui est reproché de ne pas avoir réalisé ses objectifs pour la période du 1er avril 2017 au 29 décembre 2017, il ressort de ses grilles d’objectifs de l’exercice 2017/2018 qu’il n’avait pas d’objectif CA, ni d’objectif TBI pour cette période, et les objectifs fixés dans la grille d’objectif ne pouvaient pas être mesurés au 29 décembre 2017, mais postérieurement. En se fondant sur ces soi-disant mauvais résultats, un plan d’action sur la période du 2 janvier 2018 au 30 mars 2018 a été établi. Ce plan d’action fixait des objectifs non réalisables, accroissait considérablement sa charge de travail, et ne s’est pas accompagné des mesures d’assistance pourtant prévues dans le plan. En outre, le bilan du 4 avril 2018 du plan d’action n’a pas tenu compte de la réalité du potentiel du secteur du salarié, tout en lui reprochant un objectif CA et un objectif prospect insuffisants qui n’étaient pas prévus dans les grilles d’objectifs notifiées au salarié. La société Ricoh France n’a tenu compte ni de l’activité intense déployée par le salarié avec un objectif qualitatif du plan d’action atteint, ni de ses résultats pour les mois d’avril, mai et juin 2018 pourtant en nette amélioration. En tout état de cause, à l’issue du premier semestre 2018/2019, les résultats de M. [E] [K], si on prend en compte le fait qu’il a été placé en arrêt de travail pendant deux mois et demi, étaient supérieurs à la moyenne de l’équipe de sorte que les résultats qu’il a obtenus à l’issue du premier trimestre 2018/2019 ne justifiaient pas son licenciement. Il lui est reproché de ne pas avoir vendu de tableaux interactifs, alors que sur le premier trimestre 2018/2019 aucun ingénieur des ventes Vertical Market n’a développé d’opportunité de vente sur les tableaux blanc interactifs, et au plan national seul un petit nombre de tableaux ont été vendus. Il a également respecté le process CRM Siebel contrairement à ce qui lui est reproché. Enfin, jusqu’à ce que lui soit attribué le secteur du Gard, qui est un secteur sinistré, M. [E] [K] donnait parfaite satisfaction en qualité d’ingénieur des ventes. Il ne peut être tenu pour responsable des difficultés du marché et du positionnement de la société Ricoh France, qui propose des prix peu attractifs par rapport à la concurrence. La décision de le licencier est inégalitaire car au regard de la population totale des ingénieurs des ventes, certains avaient des résultats bien inférieurs aux siens mais n’ont pas pour autant été licenciés. Et il était affecté dans une agence qui rencontrait de nombreuses difficultés en raison de pressions sur les objectifs et les résultats. Même à supposer que la société Ricoh France puisse démontrer que M. [E] [K] est responsable du niveau de ses résultats, la décision de le licencier est disproportionnée compte tenu de ses 18 ans d’ancienneté.

La cour note que M. [K] a été muté à l’agence de [Localité 5] en juillet 2014, sans qu’il soit clairement établi s’il s’agissait d’une demande du salarié ou d’une proposition de la société Ricoh qu’il a acceptée.

Le salarié affirme que son prédécesseur, M.[H], avait quitté la société depuis plus de 5 ans et que le secteur qui lui a été attribué était en jachère, mais la cour observe que les tableaux de résultats de l’agence pour la période d’avril 2013 à mai 2014 produits par l’intimée (pièces 6 et 7) mentionnent encore les bons résultats de ce salarié.

La lettre de licenciement évoque en premier lieu l’insuffisance des résultats de M. [K] sur la période du 1er avril 2017 au 29 décembre 2017, au regard des objectifs qui lui avaient été fixés, objectifs qualifiés d’irréalistes et d’inatteignables et considérés comme non-conformes au plan de rémunération, par le salarié.

La grille d’objectif pour la période d’avril 2017 à mars 2018 (pièce 10 intimée) mentionne :

-les objectifs chiffre d’affaires/marge de référence qui conditionnent le calcul des primes R/O,

-les objectifs opérationnels de référence à savoir 18 Units et 2 Units Communication Services, qui conditionnent le calcul de la prime opérationnelle.

Contrairement à ce que M. [K] soutient, cette grille est conforme au plan de rémunération (pièce 3 appelant) puisque que le paragraphe IV de ce plan prévoit le calcul de la prime Réalisation/Objectifs sur le chiffre d’affaires net HT et/ou sur la marge commerciale, tandis que le paragraphe V explicite le calcul de la prime sur objectifs opérationnels :  « 1 à 4 objectifs opérationnels quantitatifs et/ou qualitatifs peuvent être fixés dans la grille des objectifs chaque année ou chaque semestre par la DGO… ».

La société Ricoh indique que les objectifs cumulés sur la période du 1er avril 2017 au 29 décembre 2017 n’ont été atteints par le salarié qu’à hauteur de 29,8% pour le chiffre d’affaires, 27,8% pour la marge bénéficiaire, 28,3% pour les Units MFP et à 0% pour les Units TBI et UCS et ce, alors même que M. [K] avait réalisé 124% des face-à-face attendus sans créer un nombre d’opportunités proportionnel. Par ailleurs, sur la même période, le salarié n’a ouvert que 2 prospects alors que les autres commerciaux en ont ouverts entre 4 et 13.

A l’appui de ses affirmations selon lesquelles ces objectifs étaient irréalistes et inatteignables, le salarié fait valoir qu’il avait un nombre de comptes clients inférieurs à ses collègues, comme le tableau intitulé « VU pas VU du Fiscal 2017 » produit par l’employeur (pièce 23) le montre, M. [K] n’ayant que 117 comptes clients, tandis que 4 de ses collègues en avaient plus.

Il en était, selon lui, de même pour les prospects, pour lesquels l’employeur produit une liste datée du 24 février 2017 (pièce 26 intimée) que M. [K] a corrigée (pièce 22 appelant), aucun élément objectif n’étant produit à l’appui de l’une ou de l’autre.

Mais, en tout état de cause, M. [K] étant en poste depuis plus de deux ans avec une solide expérience, cette liste de clients et de prospects est le résultat de l’activité commerciale qu’il avait antérieurement déployée.

Le tableau comparatif (pièce 12) des résultats réalisés par tous les ingénieurs des ventes sur l’exercice fiscal 2017, met en évidence que :

-trois des six ingénieurs des ventes ont atteint l’objectif chiffre d’affaires fixé de 297 500 euros

-un seul des six ingénieurs des ventes a atteint l’objectif Marge Bénéficiaire fixé à 89 250 euros

-M. [K] a réalisé 31% de l’objectif chiffre d’affaires tandis que les cinq autres ingénieurs des ventes ont réalisé entre 64% et 108% de cet objectif

-M. [K] a réalisé 34% de l’objectif MB tandis que les cinq autres ingénieurs des ventes ont réalisé entre 87% et 198% de cet objectif.

La cour déduit de ces éléments que l’objectif chiffre d’affaires n’était ni irréaliste ni inatteignable puisque la moitié des ingénieurs des ventes l’ont atteint, et que, si un seul ingénieur des ventes a réalisé l’objectif MB, trois autres l’avaient atteint à plus de 92%. Les résultats de M. [K] sont par contre en décalage manifeste avec ceux des cinq autres ingénieurs des ventes soumis aux mêmes objectifs, alors qu’il faisait partie des trois ayant la plus grande ancienneté.

Les entretiens professionnels réalisés en 2015 et 2016 soulignaient déjà les difficultés rencontrées par celui-ci, en raison, selon son supérieur hiérarchique, d’une topologie de secteur et d’un esprit différents entre le Gard et la Normandie où le salarié exerçait auparavant (pièces 14, 15 et 16 intimée). En septembre 2017, M. [D], chef des ventes, concluait : « [E] est dans une passe difficile et doit retrouver avant tout la confiance en soi ».

Face à ces difficultés repérées, son supérieur hiérarchique a préconisé en 2015 la mise en place de binômes avec l’ingénieur de vente travaillant sur le même secteur puis, en 2016, un accompagnement du chef des ventes sur le terrain en septembre, et en 2017, une intégration dans le programme Académie. Par ailleurs, M. [K] a bénéficié entre juin 2016 et novembre 2017 de cinq formations (pièce 17 intimée).

Il ne peut donc être retenu, comme celui-ci l’invoque, qu’il n’aurait bénéficié d’aucun soutien ou accompagnement après son arrivée à [Localité 5].

Après un entretien avec le salarié, M. [D], chef des ventes, a établi en janvier 2018 un plan d’action (pièce 18 intimée) sur trois mois, fixant des objectifs quantitatifs en termes de chiffres d’affaires, de MB, le nombre de points Units et de prospects, mais également qualitatifs en termes de nombre de « face-à-face », de nombre et montant d’opportunités créées.

Afin d’aider M. [K] à atteindre ces objectifs, étaient prévus une analyse hebdomadaire le vendredi du tableau de suivi de compte avec pour objectif de cibler et définir les actions à mener sur les comptes clients, un rendez-vous mensuel avec son manager pour analyser les difficultés rencontrées, les actions prioritaires et les prévisions business pour l’aider à atteindre les objectifs fixés ainsi qu’un accompagnement du chef des ventes sur les rendez-vous importants et les prospects identifiés ensemble.

La lettre de licenciement pointe que les résultats du salarié ne sont pas en phase avec les objectifs assignés dans le cadre du plan d’action, en termes de chiffre d’affaires, de marge brute, de points Inuts, de prospects et de niveau d’activité de création.

La cour constate qu’alors que le salarié n’était parvenu à réaliser qu’environ 30% des objectifs chiffre d’affaires et marge bénéficiaire sur la période entre avril et décembre 2017, soit sur 9 mois, les objectifs qui lui ont été fixés sur une période de 3 mois sont proportionnellement plus élevés (CA 212 350/85 430 ; MB 63 705/26 883). Par ailleurs, de nouveaux objectifs ont été ajoutés, à savoir le nombre d’opportunités créées et le montant de création d’opportunités chiffre d’affaires.

Et la société Ricoh ne justifie pas de l’effectivité des rendez-vous hebdomadaires et mensuels qui devaient en être le corollaire, hormis par une attestation imprécise et dépourvue d’objectivité de M. [D] qui devait en être l’organisateur.

Ainsi, en établissant un plan d’action qui augmentait les objectifs quantitatifs appliqués depuis avril 2017, et ajoutait de nouveaux objectifs, l’employeur a fixé au salarié des objectifs qu’il savait inatteignables par le salarié et qui étaient déloyaux, sans démontrer par ailleurs qu’il aurait mis en place un véritable accompagnement du salarié au travers de rendez-vous réguliers et sur le terrain.

Il y a donc lieu de juger que le licenciement de M. [K] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et d’infirmer le jugement entrepris.

2/ Sur les rappels de primes annuelles R/O (résultats sur objectifs) et primes semestrielles opérationnelles au titre des exercices 2017/2018 et 2018/2019

M. [E] [K] fait valoir que du fait de la fixation d’objectifs déloyaux par la société Ricoh France, il a été privé de la possibilité de percevoir à 100% son enveloppe de prime R/O annuelle et son enveloppe de primes opérationnelles.

La société Ricoh répond qu’il a été démontré que les objectifs étaient réalistes et réalisables, et que si M. [E] [K] n’avait pas atteint ses objectifs, c’est uniquement en raison de son insuffisance professionnelle. Si toutefois, la cour jugeait les objectifs irréalistes et irréalisables, il ne pourrait être fait droit aux demandes de rappels de salaire de M. [E] [K], faute pour ce dernier d’avoir atteint ses objectifs. Seule une perte de chance pourrait être prise en compte dans cette hypothèse. Par ailleurs, les demandes de M. [E] [K] sont fondées sur des bases de calcul erronées. Subsidiairement, elle soutient que le montant de la prime R/O devrait être limitée à 6 610,88 euros outre la somme de 661 euros de congés afférents, et que le montant de la prime opérationnelle devrait être limité à la somme de 8 590,38 euros, puisque le salarié a perçu un complément de rémunération au cours de cette période pour lui permettre d’atteindre le minimum conventionnel.

La cour ayant retenu que seuls les objectifs fixés à compter de janvier 2018 étaient inatteignables et déloyaux, il convient d’allouer à M. [K] :

-la somme de 3 474,39 euros à titre de rappel de prime R/O, après déduction de la somme de 6 989,11 euros versée en décembre 2018 au titre du minimum conventionnel (14618 x 3/12 + 8 406 ‘ 1597 ‘ 6 989,11), outre 347,43 euros au titre des congés payés afférents

-la somme de 5 100 euros à titre de rappel de prime opérationnelle, outre 510 euros au titre des congés payés afférents.

3/Sur les conséquences financières du licenciement

Sur le rappel d’indemnité conventionnelle de licenciement

M. [E] [K] soutient qu’en application de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie, il aurait dû percevoir une indemnité conventionnelle de licenciement égale, au regard de ses 18 ans et 7 mois dans l’entreprise, à 53 070 euros, or il n’a perçu que 45 644,74 euros.

La société Ricoh France répond que M. [E] [K] demande un complément d’indemnité compensatrice de licenciement compte tenu des rappels de rémunération variable formulées. Toutefois, cette demande n’étant pas fondée, il n’y a pas lieu à modification de la moyenne de salaire ni a fortiori du montant des indemnités de rupture. Elle indique que si par extraordinaire, la cour faisait droit à cette demande, elle devrait juger qu’il y a lieu de déduire des sommes sollicitées le montant des indemnités déjà versées au salarié dans le cadre du solde de tout compte.

Compte tenu des rappels de primes R/O et opérationnelles alloués, il convient de fixer, dans les limites de la demande, la moyenne des salaires sur les 12 derniers mois à 4 889 euros et d’allouer à M. [K] la somme de 7 425 euros à titre de rappel d’indemnité conventionnelle de licenciement.

Sur l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [E] [K] fait valoir qu’il est resté au chômage jusqu’au mois de septembre 2019. Puis, il a été embauché par Innova Print Services qui ne lui a pas offert un niveau de rémunération équivalent à celui perçu chez Ricoh France. Depuis la fin du mois de juillet 2020, M. [E] [K] est de nouveau inscrit à Pôle emploi.

La société Ricoh France objecte que pour un salarié disposant d’une ancienneté de 18 ans, le versement d’une indemnisation supérieure à 3 mois de salaire n’est pas automatique. En effet, le salarié qui entend obtenir une indemnité d’un montant supérieur à ce seuil doit rapporter la preuve d’un préjudice justifiant le dépassement de ce seuil minimal d’indemnisation. Or, M. [E] [K] ne rapporte pas la preuve d’un préjudice. En effet, il a retrouvé un emploi au mois de septembre 2019 chez un concurrent de la société Ricoh France, et a été dispensé de son préavis qui lui a été rémunéré. Par conséquent il a eu moins de 3 mois d’inactivité. Si depuis juillet 2020, M. [K] est de nouveau sans emploi, elle ne peut en être tenue responsable. En outre, elle rappelle qu’il faut tenir compte du fait qu’il a perçu une indemnité conventionnelle de licenciement largement supérieure à l’indemnité légale.

En application des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail, le juge octroie au salarié une indemnité dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux déterminés selon l’ancienneté du salarié.

M. [K] ayant une ancienneté de 18 années dans une entreprise employant habituellement plus de onze salariés au jour de l’envoi de la lettre de licenciement, le montant de cette indemnité est compris entre trois mois et quatorze mois et demi de salaire brut.

Eu égard à l’âge de M. [K], à savoir 56 ans à la date du licenciement, au montant de son salaire, soit 4 889 euros, au fait qu’il est resté sans emploi jusqu’en septembre 2019 et aux éléments du dossier, il lui sera alloué, en réparation de son entier préjudice au titre de la rupture abusive, la somme de 39 112 euros.

4/Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

La cour rappelle que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé de l’arrêt et que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et que la capitalisation est de droit conformément à l’article 1343-2 du code civil.

La société Ricoh France sera condamnée à verser à M. [K] la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et supportera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le licenciement de M. [E] [K] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Ricoh France à verser à M. [E] [K] les sommes suivantes :

-39 112 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

-3 474,39 euros à titre de rappel de prime R/O

-347,43 euros au titre des congés payés afférents

-5 100 euros à titre de rappel de prime opérationnelle

-510 euros au titre des congés payés afférents

-7 425 euros à titre de rappel d’indemnité conventionnelle de licenciement

-2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Rappelle que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé de l’arrêt et que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et que la capitalisation est de droit conformément à l’article 1343-2 du code civil,

La société Ricoh France supportera les dépens d’appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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