Droit du logiciel : 9 juin 2023 Cour d’appel de Bourges RG n° 22/00608

·

·

Droit du logiciel : 9 juin 2023 Cour d’appel de Bourges RG n° 22/00608

SD/SLC

N° RG 22/00608

N° Portalis DBVD-V-B7G-DOXC

Décision attaquée :

du 02 juin 2022

Origine :

conseil de prud’hommes – formation paritaire de BOURGES

——————–

M. [D] [P]

C/

Mutuelle VYV 3 CENTRE VAL DE LOIRE (anciennement dénommée MUTUALITÉ FRANÇAISE CENTRE VAL DE LOIRE)

——————–

Expéd. – Grosse

Me GUIET 9.6.23

Me [X] 9.6.23

COUR D’APPEL DE BOURGES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 9 JUIN 2023

N° 84 – 9 Pages

APPELANT :

Monsieur [D] [P]

[Adresse 2]

Représenté par Me Daniel GUIET de la SCP AVOCATS CENTRE, avocat au barreau de CHÂTEAUROUX

INTIMÉE :

Mutuelle VYV 3 CENTRE VAL DE LOIRE (anciennement dénommée MUTUALITÉ FRANÇAISE CENTRE VAL DE LOIRE)

[Adresse 1]

Représentée par Me François VACCARO, substitué à l’audience par Me BERNARDIN de la SARL ORVA-VACCARO & ASSOCIES, avocat au barreau de TOURS

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Mme de LA CHAISE, présidente de chambre, rapporteur

en l’absence d’opposition des parties et conformément aux dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme JARSAILLON

Lors du délibéré : Mme VIOCHE, présidente de chambre

Mme de LA CHAISE, présidente de chambre

Mme CLÉMENT, présidente de chambre

Arrêt n° 84 – page 2

9 juin 2023

DÉBATS : A l’audience publique du 31 mars 2023, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l’arrêt à l’audience du 26 mai 2023 par mise à disposition au greffe. A cette date le délibéré était prorogé au 9 juin 2023.

ARRÊT : Contradictoire – Prononcé publiquement le 9 juin 2023 par mise à disposition au greffe.

* * * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

La Mutualité Française Centre-Val de Loire, devenue VYV3 Centre-Val de Loire, régie par le code de la mutualité, gère un centre de santé dentaire sis à [Localité 3].

M. [D] [P] a été embauché à compter du 23 mai 2016 en qualité de chirurgien-dentiste selon contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel du 16 mai 2016.

Au dernier état de la relation contractuelle, le salarié exerçait son activité les lundis et jeudis toute la journée et les mardis après-midi, soit 79,44 heures par mois.

Le 11 mai 2020, M. [P] a été placé en arrêt maladie jusqu’au 11 juin 2020, prolongé jusqu’au 31 juillet 2020.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 22 juin 2020 reçue par l’employeur le 24 juillet 2020, M. [P] a démissionné de son poste. La Mutualité Française Centre Val de Loire, par courrier du 30 juillet suivant, l’a dispensé de l’exécution de son préavis en lui précisant que la relation de travail avait pris fin avec la réception de sa démission.

Réclamant réparation des préjudices moraux et financiers qu’elle estime avoir subis en raison des manquements de son salarié dans l’exécution de son contrat de travail, la Mutualité Française Centre-Val de Loire a saisi le conseil de prud’hommes de Bourges le 06 mai 2021 en paiement de diverses sommes.

M. [P] s’est opposé à ces demandes, en sollicitant reconventionnellement des dommages et intérêts pour procédure abusive et exécution déloyale du contrat de travail, ainsi que la requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse et des indemnités afférentes. Il réclamait également qu’il soit ordonné à l’employeur, sous astreinte, de lui communiquer les éléments nécessaires au calcul de sa rémunération pendant la durée de la relation contractuelle ainsi que des documents de fin de contrat et des bulletins de salaire conformes, ainsi qu’une indemnité de procédure.

Par jugement du 02 juin 2022, le conseil de prud’hommes a débouté les parties de toutes leurs prétentions et a partagé les dépens par moitié.

M. [P] a régulièrement interjeté appel le 16 juin 2022 à l’encontre de la décision prud’homale, qui lui a été notifiée le 04 juin 2022, en ce qu’elle le déboutait de ses demandes. Cette déclaration a été rectifiée le 1er juillet 2022, les deux procédures, respectivement enregistrées au Répertoire Général sous les numéros 22/608 et 22/675 ayant fait l’objet d’une jonction par ordonnance du 4 juillet 2022, de sorte qu’elles se sont poursuivies sous ce premier numéro.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 août 2022, M. [P] demande à

Arrêt n° 84 – page 3

9 juin 2023

la cour par la réformation du jugement critiqué de :

– condamner la VYV 3 Centre Val de Loire (la Mutualité Française Centre-Val de Loire) à lui payer les sommes de :

– 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

– 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat travail,

– constater que la rupture de son contrat de travail est intervenue aux torts de l’employeur et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la VYV 3 Centre Val de Loire (la Mutualité Française Centre-Val de Loire) à lui payer les sommes de :

– 7 876,73 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

– 23 819,82 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 31 759,76 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la VYV 3 Centre Val de Loire (la Mutualité Française Centre Val de Loire) à lui communiquer les éléments nécessaires au calcul de sa rémunération sur la durée de son contrat de travail à savoir les éléments de facturation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai de 15 jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,

– ordonner la remise d’un bulletin de salaire, des documents de fin de contrat et d’une attestation Pôle Emploi rectifiés sous astreinte de 50 € par jour de retard passé un délai de 30 jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir.

– condamner la VYV 3 Centre Val de Loire (la Mutualité Française Centre Val de Loire) à la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter la VYV 3 Centre Val de Loire (la Mutualité Française Centre Val de Loire) de toutes demandes plus amples ou contraires et la condamner aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 novembre 2022, la VYV 3 Centre Val de Loire sollicite de la cour qu’elle confirme le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que sa demande était recevable, non-prescrite et bien fondée et a débouté M. [P] de l’ensemble de ses prétentions, mais le réforme pour le surplus et que statuant à nouveau, elle condamne M. [P] à lui verser les sommes de :

– 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

– 9 624,52 (à parfaire) à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier ;

– 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– le déboute de l’ensemble de ses demandes et le condamne aux entiers dépens.

* * * * * *

L’ordonnance de clôture est intervenue le 08 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées.

SUR CE

1) Sur les manquements du salarié

La Mutualité Française Centre-Val de Loire, devant les premiers juges et encore devant la cour, invoque les manquements commis par le salarié pendant la relation de travail pour voir sa responsabilité pécuniaire retenue et obtenir qu’il soit condamné à lui payer des dommages et intérêts, notamment en réparation du préjudice résultant de la mauvaise image qu’il a donnée du cabinet dentaire dans lequel il exerçait.

M. [P] soulève une fin de non-recevoir tirée de la prescription de cette action, en considérant

Arrêt n° 84 – page 4

9 juin 2023

que l’employeur invoquant des faits qui se seraient produits entre 2016 et 2020 et le contrat de travail ayant été rompu le 24 juillet 2020, aucun fait antérieur au 24 juillet 2018 ne peut être pris en compte.

L »intimée lui répond sur ce point que son action n’est pas prescrite dès lors que l’appelant confond l’action et les faits invoqués au soutien de celle-ci.

Les demandes en paiement de dommages et intérêts de l’employeur sont formées en raison de l’exécution fautive alléguée de son contrat de travail par M. [P].

Or, aux termes de l’article L.1471-1 du code du travail, toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

Conformément à l’article 2224 du code civil et au texte précité, le point de départ du délai de prescription est le jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son action ; or, la date à laquelle l’employeur aurait connu les manquements du salarié n’est pas précisée et ceux-ci s’étant selon lui prolongés pendant toute la durée de la relation de travail qui a cessé le 24 juillet 2020, la demande en paiement de dommages et intérêts de l’employeur, introduite le 6 mai 2021, n’est pas prescrite.

Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Toutefois, la relation de travail suppose un rapport hiérarchique entre le salarié et l’employeur qui interdit de faire reposer le risque d’entreprise sur le salarié. Si le salarié commet un manquement, ce dernier est sanctionnable par la voie du droit disciplinaire ou du licenciement.

Néanmoins, la faute lourde, caractérisée par l’intention de nuire, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise, peut mettre en cause la responsabilité civile du salarié à l’égard de l’employeur. La charge de la preuve repose sur l’employeur (Soc., 25 janvier 2017, pourvoi n° 14-26.071).

En l’espèce, la Mutualité Française Centre Val de Loire invoque, au soutien de sa demande en paiement de dommages et intérêts, des manquements déontologiques de M. [P], un manque de ponctualité, un manque de soin et de diligence dans la pratique de son art, un manque de respect et de considération envers son entourage, une absence de remise en cause, et l’abandon de sa clientèle après sa démission.

La cour relève qu’elle n’a, pendant la relation de travail, engagé aucune procédure disciplinaire à l’égard de son salarié, ni n’a estimé nécessaire de le licencier pour faute lourde.

Par conséquent, en l’absence de démonstration possible d’une faute lourde, l’employeur est mal fondé à invoquer une mauvaise exécution de son contrat de travail par le salarié, de nature à nuire à l’ image et à au bon fonctionnement de la société. Le jugement critiqué sera donc confirmé en ce qu’il a débouté la Mutualité Française Centre-Val de Loire de ses demandes indemnitaires.

2) Sur la demande en paiement de dommages et intérêts du salarié pour procédure abusive

Il résulte des dispositions de l’article 1240 du code civil qu’une indemnisation au titre d’une procédure abusive ne peut être allouée que lorsqu’est caractérisée une faute faisant dégénérer en abus le droit d’exercer le recours.

Arrêt n° 84 – page 5

9 juin 2023

En effet, l’exercice d’une action en justice constitue un droit et ne peut dégénérer en abus qu’en cas de faute que le juge est tenu de caractériser au regard de circonstances particulières révélant la mauvaise foi, l’intention de nuire, des manoeuvres malicieuses ou dilatoires, ou encore une légèreté blâmable équipollente au dol.

Rappelant que l’employeur l’a d’une part assigné devant la juridiction prud’homale en paiement de dommages et intérêts sans jamais l’avoir sanctionné auparavant, sans être en capacité de démontrer une faute lourde et en ayant connaissance ou en étant à l’origine de l’ensemble des éléments reprochés, et d’autre part en portant abusivement plainte devant la chambre disciplinaire, M. [P] sollicite la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts.

C’est néanmoins de manière parfaitement fondée que les premiers juges ont rejeté la demande de l’appelant de ce chef, considérant que le débouté de l’employeur ne caractérisait pas l’absence de sérieux de la procédure intentée dans le seul but de nuire. Le jugement sera confirmé.

3) Sur la demande de requalification de la démission

Lorsqu’un salarié démissionne en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit d’un licenciement nul si les manquements reprochés à l’employeur sont de nature à entraîner la nullité du licenciement, soit dans le cas contraire, d’une démission.

C’est au salarié qu’il incombe de rapporter la preuve des faits qu’il reproche à son employeur, s’il subsiste un doute, celui-ci profite à l’employeur.

L’écrit par lequel le salarié démissionne en raison de faits qu’il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige ; le juge est tenu d’examiner les manquements de l’employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

En l’espèce, dans son courrier de démission daté du 22 juin 2020, M. [P] reproche à son employeur une rémunération non conforme à son contrat, un changement de logiciel d’exploitation ayant entraîné une modification des modalités de facturation et ses conditions de travail quotidiennes.

Son courrier de démission était ainsi rédigé :

(…) Cette démission fait suite à de nombreux manquements que j’ai pu relever et de la persistance de surcharges chaotiques de travail quotidienne qui a été la mienne depuis la signature de mon contrat de travail.

En effet, la rémunération stipulée à mon contrat de travail était proportionnelle aux actes accomplis et facturés au patient le mois précédent selon les tarifs pratiqués par la caisse de mutualité française centre Val de Loire.

Et comme les factures émises par mes prédécesseurs ne correspondaient pas au stade d’avancement des soins pratiqués (trop facturés). De la sorte, il avait été convenu que mes actes seraient pris en compte dans le calcul de ma rémunération jusqu’à leur aboutissement et sur la base des tarifs pratiqués.

Cet accord a été partiellement exécuté, ce qui n’est pas convenable dans la mesure où pour chacun des soins réalisés j’engageais du temps supplémentaire et ma responsabilité professionnelle non seulement à l’égard de mes patients mais également à votre encontre et envers la sécurité sociale.

Je me suis ému à plusieurs reprises de cette difficulté qui engendrait un lourd préjudice financier.

À compter de 2019, le changement de logiciel d’exploitation a entraîné une modification des modalités de facturation de telle sorte que malgré l’importance de mes rendez-vous, ma rémunération était réduite de plus de la moitié, et ce pendant plusieurs mois, atteignant même parfois un montant inférieur au minimum prévu à l’article 9 de mon contrat de travail.

Enfin, ma démission est liée à mes conditions de travail quotidiennes. Je suis, en effet, confronté à une surcharge de travail totalement inconsidéré engendrant un stress très néfaste pour ma santé et incompatible à l’exercice responsable de ma profession.

Arrêt n° 84 – page 6

9 juin 2023

Vous n’êtes pas sans ignorer que je terminais régulièrement mes consultations vers 21h30, voire même parfois 22 heures, représentant des journées de travail atteignant souvent 12 heures, alors même que mon contrat de travail est à temps partiel.

De plus, je ne dispose pas d’assistante sur le temps du midi et après 18h30 alors que compte tenu du nombre de rendez-vous pris en même temps (parfois jusqu’à 17 rendez-vous par heure) j’étais contraint de dépasser ses horaires afin d’honorer convenablement les consultations prévues.

Je devais donc travailler sans assistante, sans matériel préparé, gérer la vive tension de la salle d’attente. Les patients étaient excédés par le temps d’attente due à la prise de rendez-vous. Je fais ainsi régulièrement l’objet d’agressions verbales ou d’impolitesse de la part des accompagnants et parents de mes clients, parfois même des menaces, encouragés souvent par des personnes de l’accueil.

Ces conditions de travail ne sont plus supportables et engendrent des conditions néfastes pour ma santé.

Pour l’ensemble de ces raisons, je me vois contraint de vous présenter ce jour ma démission.

– Sur la rémunération

M. [P] soutient qu’un accord aurait été trouvé s’agissant de la rémunération des actes réalisés sur des patients dont les semestres avaient été achevés mais pas leur traitement, ce que conteste formellement l’employeur.

Le contrat de travail du salarié précise qu’il recevra une rémunération mensuelle brute proportionnelle aux actes accomplis et facturés au patient le mois précédent selon les tarifs pratiqués par la Mutualité française centre Val de Loire, correspondant à 30 % du chiffre d’affaires orthodontie (…).

Il était expressément convenu entre les parties que le praticien bénéficierait d’une rémunération brute minimum mensuelle correspondant à 2 000 € bruts sur la base d’un temps plein, calculé au prorata temporis de la date d’entrée de M. [P] si, par insuffisance de clientèle, sa part d’honoraires sur les actes dispensés n’atteignait pas cette somme.

Il était également convenu entre les parties qu’une avance sur salaire serait effectuée chaque mois à concurrence de 3 000 € bruts afin de lui assurer une rémunération brute globale mensuelle de 5 000 € durant trois mois dans le contexte de démarrage d’activité.

Le salarié verse aux débats un email du 10 décembre 2016 par lequel il s’inquiète du devenir de sa proposition de considérer les avances versées comme une rémunération des actes nécessaires pour amener les patients à une fin de traitement satisfaisante.

Ainsi que le soutient justement l’employeur, M. [P] ne démontre néanmoins l’existence d’aucun accord, ni même de la réalisation de travaux pour lesquels il n’aurait pas été rémunéré, l’e-mail du 3 avril 2017 émanant de Mme [I] [T] étant seulement relatif à la facturation qui aurait dû être faite avant le 31 mars et qui n’avait pas été réalisée, faute de temps.

– Sur la facturation

S’il ne peut être contesté en lecture des pièces 24 et 25 du salarié que des problèmes sont survenus s’agissant de la facturation TO45 et de l’établissement de devis pour M. [P] en février 2019, Mme [H], responsable secteur, atteste qu’à la demande de ce dernier, elle a fait vérifier toute sa facturation depuis son arrivée car il lui disait que des facturations devaient manquer, qu’elle n’a trouvé aucun manquement et lui a transmis l’état de vérification, qu’il n’a rien contesté et n’a pas su lui relater les manques qu’il évoquait.

Il s’en déduit que la demande de condamnation de l’employeur à communiquer sous astreinte les éléments nécessaires au calcul de sa rémunération ne peut prospérer en l’absence d’élément sur un éventuel manquement de ce chef.

En effet, contrairement à ce que soutient le salarié, les bulletins de salaire produits pour la période du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2019 ne démontrent l’existence d’aucune réduction

Arrêt n° 84 – page 7

9 juin 2023

de plus de la moitié de sa rémunération pendant plusieurs mois, celle-ci atteignant un montant de plus de 5 000 € et jusqu’à 11 928,59 €, sauf pour les mois de janvier 2018, avril 2019, septembre 2019 et novembre 2019, pour ne jamais être inférieure à la somme de 2 000 € contractuellement fixée comme rémunération brute minimum mensuelle.

– Sur les conditions de travail

Aux termes du contrat de travail, la Mutualité française Centre Val de Loire s’est engagée à mettre à disposition de M. [P], les locaux, le matériel opératoire, le personnel et, d’une manière générale, tous les moyens nécessaires pour lui permettre d’exercer son art dans les meilleures conditions. En retour, M. [P] s’est engagé à utiliser, selon les règles de bonnes pratiques professionnelles, le matériel et les produits mis à sa disposition par l’employeur et à respecter toutes les procédures mises en place par celui-ci.

M. [P] soutient que l’employeur ne lui a pas permis d’exécuter son travail puisqu’il lui prévoyait chaque jour plus de rendez-vous qu’il ne pouvait raisonnablement en absorber et qu’aucune assistante n’était mise à sa disposition sur les créneaux tardifs ou les créneaux des repas.

Il produit :

– un e-mail de Mme [I] [G] l’informant le 2 décembre 2016 d’un changement d’assistante dentaire à compter du 2 janvier suivant et de sa présence les lundis et jeudis de 08 heures à 12h30 et de 13h30 à 19 heures,

– un e-mail qu’il a adressé le 28 mars 2017 à Mme M [G] lui indiquant que malheureusement et malgré ses efforts son agenda et ses rendez-vous semblent toujours être d’une incohérence suspecte et tout le monde ignore la personne ou les personnes responsables de cette incohérence ce qui commence à lui peser lourdement et l’empêche de s’épanouir et d’évoluer sereinement au sein de la structure. Il lui demande que toute personne intervenant sur son agenda de rendez-vous indique ses initiales afin d’être connue,

– un planning du 19 octobre 2017,

– un e-mail qu’il a adressé le 7 février 2019 à Mme [G],

– des photos qu’il affirme être de l’état de son bureau,

– son planning du 12 décembre 2019,

– des attestations de patients selon lesquelles il recevait souvent seul et tardivement quelquefois après 20 heures,

– une capture d’images d’un ordinateur faisant apparaître le nombre de 1469 qu’il affirme être le nombre de ses patients,

– et une liste de patients.

L’employeur, qui affirme avoir tout mis en ‘uvre pour permettre à M. [P] d’exercer son activité dans les meilleures conditions, verse aux débats les attestations de deux assistantes dentaires ayant travaillé avec lui, Mmes [N] [F] et [V] [R], qui relatent leurs difficultés face au comportement de M. [P] qui arrivait régulièrement en retard, quelquefois d’une heure, pour prendre en charge son premier patient, décalant ainsi l’ensemble des rendez-vous de la journée, qui reportait sur des dates et des créneaux horaires déjà complets de nouveaux rendez-vous, surchargeant ainsi son emploi du temps et répondait à des appels personnels générant ainsi encore des retards. Mme [F] précise qu’à sa demande, M. [P] a été autorisé par la direction à finir ses journées plus tard le soir mais sans assistante dont les horaires se terminaient à 18h30.

Mme [B] [H], responsable de secteur, corrobore ces dires. Elle indique que des réunions ont été organisées, auxquelles le salarié arrivait également en retard ou ne se présentait pas, pour permettre d’organiser le service et d’éviter les débordements par la mise en place de planning de rendez-vous paramétrés en fonction des demandes du praticien par type de rendez-vous, mais que systématiquement, celui-ci demandait à en rajouter sur des plages déjà

Arrêt n° 84 – page 8

9 juin 2023

remplies. Elle précise avoir dû passer plusieurs jours dans son cabinet en observation pour pouvoir apporter des solutions sans y parvenir et avoir ainsi remarqué ces retards et ces reports.

Le salarié produit lui-même en sa pièce 52 un commentaire sur le cabinet dentaire mutualiste [Localité 3] dans lequel une patiente indique avoir été ‘la première patiente du docteur [P] dans ce cabinet et que celui-ci est arrivé avec deux heures de retard le premier jour’.

Dès lors, au regard de ces éléments, M. [P] échoue à démontrer que son employeur a commis des manquements d’une gravité telle qu’ils ont empêché la poursuite de la relation de travail. C’est donc exactement que les premiers juges ont dit que sa rupture s’analysait en une démission et l’ont débouté de ses demandes en paiement.

4) Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour mauvaise foi dans l’exécution du contrat de travail

L’article L. 1222-1 du code du travail dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

En l’espèce, M. [P] réclame devant la cour paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts au motif de la mauvaise foi de l’employeur qui ne lui aurait pas permis d’exécuter son travail, puisqu’il lui prévoyait chaque jour plus de rendez-vous que ce qui pouvait être raisonnablement fait, ne lui mettait aucune assistante à disposition sur les créneaux tardifs ou les créneaux des repas et qu’ainsi le logiciel défectueux, les facturations erronées, le turn- over des secrétaires débutantes permettent de justifier que l’employeur n’a pas mis son salarié en mesure de réaliser les soins de 73 patients par jour, qu’au surplus sa rémunération a baissé, que l’employeur a saisi le conseil de l’Ordre en imputant ces dysfonctionnements à l’orthodontiste.

Cependant, il résulte de ce qui précède que la preuve des manquements allégués n’est pas rapportée et que l’employeur a immédiatement cherché des solutions aux dysfonctionnements dénoncés, ce qui exclut toute mauvaise foi.

Par ailleurs, la saisine de la chambre disciplinaire de l’Ordre des chirurgiens dentistes par la Mutualité Française du Val de Loire, en date du 16 juillet 2021, est postérieure au courrier de démission du salarié.

Il s’ensuit que la demande en paiement de dommages et intérêts formée du chef de la mauvaise foi dans l’exécution du contrat de travail ne peut prospérer.

Le jugement critiqué sera confirmé.

5) Sur les autres demandes, les dépens et les frais irrépétibles

Compte tenu de ce qui précède, M. [P] n’est pas fondé à réclamer la remise des documents de fin de contrat et d’un bulletin de salaires conformes. Il doit dès lors en être débouté.

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Chacune des parties succombant en ses demandes, elles supporteront la charge de leurs dépens d’appel et seront déboutées de leur demande d’indemnité de procédure.

Arrêt n° 84 – page 9

9 juin 2023

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition du greffe :

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

REÇOIT les demandes indemnitaires formées par la Mutualité Française Centre- Val de Loire ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

LAISSE à chacune des parties la charge de ses dépens d’appel.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;

En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

S. DELPLACE C. VIOCHE

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon