REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 12
SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT
ORDONNANCE DU 13 JUIN 2023
(n°280, 5 pages)
N° du répertoire général : N° RG 23/00278 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHU34
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 25 Mai 2023 -Tribunal Judiciaire de PARIS (Juge des Libertés et de la Détention) – RG n° 23/01689
L’audience a été prise au siège de la juridiction, en audience publique, le 12 Juin 2023
Décision réputée contradictoire
COMPOSITION
Agnès MARQUANT, président de chambre à la cour d’appel, agissant sur délégation du Premier Président de la cour d’appel de Paris,
assisté de Roxane AUBIN, greffier lors des débats et du prononcé de la décision
APPELANT
Monsieur [T] [S] [B] (Personne faisant l’objet de soins)
né le 21/08/1977 à [Localité 4] (CONGO)
demeurant [Adresse 2]
Actuellement hospitalisé au GHU [Localité 6] psychiatrie et neurosciences site [Localité 5]
comparant en personne, assisté de Me Marie-Laure MANCIPOZ, avocat commis d’office au barreau de Paris,
INTIMÉ
M. LE PRÉFET DE POLICE
demeurant [Adresse 3]
non comparant, non représenté,
PARTIE INTERVENANTE
M. LE DIRECTEUR DU GHU [Localité 6] PSYCHIATRIE ET NEUROSCIENCES SITE [Localité 5]
demeurant [Adresse 1]
non comparant, non représenté,
MINISTÈRE PUBLIC
Représenté par Mme M.-D. PERRIN, avocate générale,
DÉCISION
Par arrêté du préfet de police de [Localité 6] en date du 16 mai 2023, M. [T] [S] [B] été admis en soins psychiatriques sans consentement à l’hôpital GHU [Localité 6] Psychiatrie et neurosciences, site [Localité 5].
Par requête du 19 mai 2023, le préfet de police de [Localité 6] a saisi le juge des libertés et de la détention de [Localité 6] en poursuite de la mesure dans le cadre du contrôle obligatoire prévu à l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique.
Par ordonnance du 25 mai 2023, le juge des libertés et de la détention de Paris a rejeté les irrégularités soulevées et ordonné la poursuite de la mesure d’hospitalisation complète de M. [T] [S] [B].
Par courrier du 30 mai 2023 transmis et enregistré au greffe de la cour le 1er juin 2023, M. [T] [S] [B] a interjeté appel de la dite ordonnance qui lui a été notifiée le 31 mai 2023
Les parties ont été convoquées à l’audience du 08 juin 2023, date à laquelle l’affaire a été renvoyée à l’audience du 12 juin 2023 pour production du certificat médical de situation.
L’audience s’est tenue au siège de la juridiction, en audience publique.
Suivant observations écrites transmises le 05 juin 2023, le représentant de M le préfet de police de [Localité 6] a demandé la confirmation de l’ ordonnance.
M. [T] [S] [B] indique qu’il veut rentrer chez lui, faisant valoir qu’il n’a pas dégradé volontairement son domicile et qu’il y a été victime de faits délictueux de la part de son entourage familial.
Suivant conclusions valant déclaration d’appel transmises le 6 juin à 15h29 au greffe de la cour et reprises oralement, le conseil de M. [T] [S] [B] soulève les moyens suivants:
1 la notification tardive de la décision d’admission
2 l’absence d’atteinte à la sûreté des personnes et de troubles à l’ordre public
3 la violation des dispositions de l’article L.3213-1-II du CSP
4 le non-respect des dispositions de l’article L3212-5 du CSP.
Le ministère public sollicite oralement le rejet des moyens soulevés et la confirmation de l’ ordonnance.
M. [T] [S] [B] a eu la parole en dernier.
Le directeur de l’hôpital GHU [Localité 6] Psychiatrie et neurosciences, site [Localité 5] n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter.
MOTIFS,
L’article L. 3213-1 du Code de la santé publique dispose que le représentant de l’Etat dans le département prononce par arrêté, au vu d’un certificat médical circonstancié, l’admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public.
Selon l’article L. 3211-12-1 du même Code, en sa rédaction applicable à l’espèce, l’hospitalisation complète d’un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le représentant de l’Etat dans le département ou par le directeur de l’établissement de soins, n’ait statué sur cette mesure, avant l’expiration d’un délai de douze jours à compter de l’admission.
En cas d’appel, le premier président ou son délégataire statue dans les douze jours de sa saisine.
Sur le moyen tiré de la tardiveté de la notification de la décision d’admission
Il résulte de l’article L. 3211-3, b) du code de la santé publique que toute personne faisant l’objet de soins psychiatriques contraints est informée le plus rapidement possible, d’une manière appropriée à son état de la décision d’admission et dès l’admission ou aussitôt que son état le permet, de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et des garanties qui lui sont offertes en application de l’article L. 3211-12-1.
L’article L. 3216-1 du code de la santé publique prévoit que l’irrégularité affectant une décision administrative d’admission en soins psychiatriques sans consentement n’entraîne la mainlevée de la mesure que s’il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l’objet.
En l’espèce, la notification à la date du 23 mai 2023 de la décision d’admission du 16 mai 2023 auprès de M. [T] [S] [B] qui a refusé de signer l’acte est effectivement intervenue tardivement.
L’acte de notification du certificat des 24 heures prévu à l’article 3211-2-2 du code de la santé publique figurant au dossier de la procédure, daté du 17 mai 2023 à 12h10, mentionne que M. [T] [S] [B] a été informé de son hospitalisation sans consentement et a pu effectuer des observations. Il ne résulte toutefois pas de ce document qu’il aurait reçu à cette occasion une information sur les droits et voies de recours attachés à sa situation.
S’agissant de l’atteinte alléguée à son droit de contester la décision d’admission, il résulte des déclarations du patient devant le premier juge que celui-ci a fait valoir qu’il se sentait mieux depuis son entrée à l’hôpital ce qui revient à admettre son effet bénéfique.
Ainsi, l’appelant ne démontre pas que cette irrégularité avérée a pu porter atteinte à ses droits, au sens de l’article L3216-1 du code de la santé publique.
Il convient de rejeter le moyen.
Sur le moyen tiré de la violation des dispositions de l’article L.3213-1-II du CSP
L’article L. 3213-1, II, du code de la santé publique dispose que dans un délai de trois jours francs suivant la réception du certificat médical mentionné au dernier alinéa de l’article 3211-2-2 [certificat des 72 heures], le représentant de l’État dans le département décide de la prise en charge prévue à l’article L. 3211-2-1 et des exigences liées à la sûreté des personnes et à l’ordre public.
Ne constitue pas une irrégularité, le fait pour le représentant de l’État de ne pas formaliser sa décision de prise en charge de l’intéressé en hospitalisation complète à l’issue du délai de 72 heures. Il n’est en effet pas résulté de cette absence de formalisation et de notification formelle de cette décision, une atteinte aux droits de l’intéressé dès lors que d’une part, celui-ci a été informé dans le certificat médical des 72h du 19 mai 2023 à 11h37 par le médecin, de manière adaptée à son état, de ce que la mesure de soins sous contrainte en hospitalisation complète devait être maintenue et d’autre part, la 23 mai 2023 lors de la notification de la décision initiale que celle-ci était prise pour une durée maximum d’un mois alors qu’en l’absence de décision modificative, la mesure d’hospitalisation complète a bien été maintenue à l’issue de la période d’observation.
Il n’est pas justifié de l’atteinte au droit du patient résultant de la perte d’une chance de contester la décision dès lors que l’état de santé tel que décrit pas le certificat médical des 72h confirme la persistance des troubles mentaux du patient et notamment d »idées délirantes de persécution polymorphes, intuitives et imaginatives, non critiquées et centrées pour certaines sur l’équipe soignante, une désorganisation comportementale le rendant imprévisible, un déni des troubles, une ambivalence vis-à-vis des soins’.
En l’état, il y a en conséquence lieu de considérer que cette autre irrégularité n’a pas porté atteinte à ses droits au sens de l’article L3216-1 du code de la santé publique, en ce que son droit à la santé et à la sécurité méritaient en l’espèce d’être protégées, par priorité par la mesure de maintien de l’hospitalisation.
Il convient de rejeter le moyen
Sur le moyen tiré de la violation des dispositions de l’article L3212-5 du CSP
Il convient de constater que l’article L3212-5 du code précité sur lequel le conseil de l’appelant fonde son moyen n’est pas applicable à la procédure d’admission sur décision du représentant de l’Etat.
-Concernant la préfecture,
En application de l’article L3213-9 3° du code précité, il appartient au représentant de l’Etat dans le département d’ aviser dans les vingt-quatre heures de toute admission en soins psychiatriques prise en application du présent chapitre ou du chapitre IV du présent titre ou sur décision de justice, de toute décision de maintien et de toute levée de cette mesure la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l’article L. 3222-5.
En l’espèce, la préfecture de police de [Localité 6] a versé aux débats par courriel du 07 juin 2023 à 13h16 son courrier non daté à la CDSP l’informant de l’admission de que M. [T] [S] [B] par arrêté du 16 mai 2023 avec la précision que l’envoi de ce courrier a été effectué à la date du 17 mai 2023.
Cette information donnée dans le délai de 24 heures est conforme aux exigences légales.
-Concernant le directeur d’établissement,
Lorsque l’ admission en hospitalisation complète est décidée par la préfecture, l’article L3213-1 du code précité qui trouve à s’appliquer impose au directeur de l’établissement d’accueil de transmettre sans délai à la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l’article L. 3222-5 :
1° Le certificat médical mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 3211-2-2 ;
2° Le certificat médical et, le cas échéant, la proposition mentionnés aux deux derniers alinéas du même article L. 3211-2-2.
En l’espèce, le représentant de l’hôpital psychiatrique GHU a précisé par courriel du 07 juin 2023 à 12h10 que l’information de la CDSP de tous les éléments du dossier comprenant la transmission des pièces médicales exigées avait été effectuée par voie numérique via le logiciel Planipsy permettant à la CDSP de disposer des mêmes documents que les établissements grâce à des transmissions quotidiennes.
Il convient de donner acte à l’appelant de ce qu’il renonce à ce moyen.
Sur le moyen tiré de l’absence d’atteinte à la sûreté des personnes et de troubles à l’ordre public
Il appartient au juge de constater qu’il résulte des certificats médicaux et de la décision du préfet que les troubles mentaux compromettent la sûreté des personnes ou portent gravement atteinte à l’ordre public. Ainsi, les décisions préfectorales de maintien doivent être motivées au regard des critères d’admission prévus par la loi (Cass. 1re civ., 15 oct. 2020, n° 20-15.691, F-P : JurisData n° 2020-016235).
De même, les certificats médicaux doivent faire ressortir non seulement la nécessité de faire suivre au patient un traitement sous la forme d’une hospitalisation complète, mais également la permanence des troubles du comportement de nature à compromettre la sûreté des personnes ou à porter atteinte, de façon grave, à l’ordre public (1re Civ., 31 janvier 2019, pourvoi n° 18-23.781).
En revanche, les articles L. 3213-1, L. 3213-3 et R. 3213-3 du code de la santé publique n’exigent pas la mention, dans les certificats médicaux circonstanciés que les troubles nécessitant des soins « compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public », une telle qualification relevant, sous le contrôle du juge, des seuls pouvoirs du préfet. (1re Civ., 28 mai 2015, pourvoi n°14-15.686)
Il ressort des pièces de la procédure que l’hospitalisation de M. [T] [S] [B] fait suite à l’intervention des forces de l’ordre dans son logement, inondé suite à sa dégradation volontaire des canalisations, dans un contexte de rupture de traitement et d’état délirant. Il a été retouvé assis dans son appartement avec plusieurs centimètres d’eau et des fils électriques dénudés, refusant les soins et exigeant du voisinage une remise en état de son logement sous peine de représailles.
Il ressort du certificat médical de situation établi le 9 juin 2023 par le Docteur [V] que le patient bénéficie d’une amélioration de son état. S’il se comporte bien dans le service, il est relevé la persistance d’idées de grandeur et de persécution centrées sur le voisinage.Il accepte les soins mais la conscience des troubles reste médiocre. Le médecin préconise le maintien en la forme des soins.
Ainsi, les conditions d’application de l’article L. 3213-1 demeurent réunies
Le maintien des soins psychiatriques contraints avec hospitalisation complète constitue une mesure adaptée, nécessaire et proportionnée à l’état de M. [T] [S] [B] lequel présente des troubles mentaux, en particulier des idées délirantes de persécution se traduisant par des actes qui compromettent la sûreté des personnes et portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public.
Ces éléments justifient la poursuite de cette mesure d’hospitalisation complète sous contrainte.
Il convient de confirmer l’ordonnance entreprise.
PAR CES MOTIFS,
Le magistrat délégataire du premier président de la cour d’appel, statuant publiquement, après débats en audience publique, par décision contradictoire,
CONFIRMONS l’ordonnance du juge des libertés et de la détention de Paris du 25 mai 2023,
LAISSONS les dépens à la charge de l’Etat.
Ordonnance rendue le 13 JUIN 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGATAIRE
Une copie certifiée conforme notifiée le 13/06/2023 par fax / courriel à :
X patient à l’hôpital
ou/et ‘ par LRAR à son domicile
X avocat du patient
X directeur de l’hôpital
‘ tiers par LS
X préfet de police
‘ avocat du préfet
‘ tuteur / curateur par LRAR
X Parquet près la cour d’appel de Paris
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