AFFAIRE : N° RG N° RG 21/01181 – N° Portalis DBWB-V-B7F-FSQ5
Code Aff. :CF
ARRÊT N° 23/ CF
ORIGINE :JUGEMENT du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de SAINT DENIS en date du 01 Juin 2021, rg n° F 20/00155
COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS
DE LA RÉUNION
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 15 JUIN 2023
APPELANTE :
S.A.S. COMPTA OUEST La société COMPTA OUEST, société par actions simplifiée immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de Saint-Denis de La Réunion sous le numéro 487 938 342 dont le siège social est sis [Adresse 1] à [Localité 3], prise en la personne de son président en exercice,
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Sophie LE COINTRE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
INTIMÉ :
Monsieur [B] [R] [L] [U]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Alain ANTOINE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Clôture : 06/02/2023
DÉBATS : En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Mars 2023 en audience publique, devant Christian FABRE, magistrat temporaire à titre juridictionnel, chargé d’instruire l’affaire, assisté de Delphine GRONDIN, greffière, les parties ne s’y étant pas opposées.
Ce magistrat a indiqué à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 11 MAI 2023 , puis prorogé au 15 Juin 2023.
Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Laurent CALBO
Conseiller : Aurélie POLICE
Magistrat à titre temporaire : Christian FABRE
Qui en ont délibéré
ARRÊT : mis à disposition des parties le 11 MAI 2023 puis prorogé au 15 JUIN 2023
Gréffière lors de débats : Mme Delphine GRON DIN
Greffier lors du prononcé par mise à disposition : M. Jean-François BENARD
* *
*
LA COUR :
Exposé des motifs :
Engagé dans un processus d’obtention du diplôme d’expert-comptable, M. [B] [U] (le salarié) a été embauché comme assistant principal par la société Compta Ouest (la société) à compter du 17 mars 2014 pour une durée indéterminée à temps partiel, puis a été promu chef de service à temps plein.
Par courrier du 29 janvier 2020, M. [U] a été licencié pour faute grave.
Contestant son licenciement et sollicitant l’indemnisation de ses préjudices et le paiement de diverses sommes, M. [U] a saisi, par requête du 8 juin 2020, le conseil de prud’hommes de Saint-Denis de la Réunion qui, par jugement du 1er juin 2021, a notamment’:
– dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse’;
– condamné la société au paiement des sommes suivantes :
. 17 076,21 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
. 1 707,62 euros à titre de congés payés sur préavis,
. 8 347,61 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
. 34 152 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 2 538,40 euros au titre des heures supplémentaires du premier semestre 2019,
. 10 000 euros au titre du préjudice distinct,
. 1 500 euros au titre des frais irrépétibles’;
– ordonné la remise sous astreinte des documents de fin de contrat rectifiés’;
– condamné la société aux dépens.
Appel de cette décision a été interjeté par la société par acte du 1er juillet 2021.
Par ordonnance sur incident du 4 octobre 2022, le conseiller de la mise en état a notamment déclaré recevables les conclusions notifiées par M. [U].
L’ordonnance de clôture est intervenue le 6 février 2023.
* *
Vu les dernières conclusions déposées au greffe :
‘ le 9 mars 2022 par la société Compta Ouest,
‘ le 1er juin 2022 par M. [U].
Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu’aux développements à suivre.
Motifs’:
Sur la recevabilité des conclusions’:
Vu l’ordonnance du conseiller de la mise en état du 4 octobre 2022′;
La société reprend son argumentaire développé, sans succès, devant le conseiller de la mise en état tendant à l’irrecevabilité des premières conclusions de l’intimé.
Cependant, en l’absence de déféré élevé à l’encontre de l’ordonnance susvisée, les conclusions de l’intimé ont été définitivement déclarées recevables.
Sur la recevabilité des demandes nouvelles’:
Vu les articles 565 et 566 du code de procédure civile’;
La société conteste la recevabilité des demandes présentées pour la première fois par l’intimé en cause d’appel s’agissant du rappel de salaire attaché à la période de mise à pied conservatoire et les congés payés y afférents, et des heures supplémentaires de l’année 2019 et les congés payés y afférents.
Or, la demande de rappel de salaire constitue la conséquence nécessaire de la prétention relative à la contestation du licenciement pour faute grave.
Cette demande sera déclarée recevable, ainsi que celle relative aux congés payés y afférents qui en est l’accessoire.
De même, la demande de paiement d’heures supplémentaires au titre de l’année 2019 est le complément de celle formée de ce chef devant les premiers juges.
Elle sera également déclarée recevable, ainsi que celle relative aux congés payés y afférents qui en est l’accessoire.
Sur le défaut de motivation’des premiers juges’:
Vu l’article 455 du code de procédure civile’;
La société soulève le défaut de motivation du jugement sans toutefois en tirer des conséquences juridiques dans le dispositif de ses conclusions, en sorte que la cour n’est saisie d’aucune prétention sur ce point.
Sur l’inopposabilité du compte rendu d’entretien préalable’:
Vu les articles 16, 132 et 135 du code de procédure civile’;
La société conclut à l’inopposabilité du compte rendu d’entretien préalable (pièce 14 / intimé) en invoquant une rupture d’égalité des armes.
Cependant, la preuve étant libre en matière prud’homale, rien ne s’oppose à ce que le conseiller du salarié l’ayant assisté lors de l’entretien préalable au licenciement apporte son témoignage sur son déroulement.
En outre, cette pièce a été régulièrement communiquée au débat, la société ayant depuis sa communication un délai suffisant pour contester les éléments qui lui apparaissaient litigieux.
La demande sera rejetée.
Sur les heures supplémentaires’:
Aux termes de l’article L. 3121-28 du code du travail, toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.
En vertu de l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dernières dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. La preuve des heures de travail effectivement réalisées n’incombe donc spécialement à aucune des parties.
En l’espèce, en premier lieu, M. [U] produit un tableau récapitulatif «’calcul heures supplémentaires 2018’» au «’taux horaire 32,9663084’» à la date du «’20/05» comprenant six colonnes au sein desquelles sont listés, par semaine numérotée de 1 à 21, le volume horaire accompli, les heures excédant la «’base 35h’», le nombre d’heures majorées à «’0,25’» et à «’0,50’» puis le montant dû dénommé «’valorisation’».
Le courriel du 28 mai 2018 adressé par le salarié à M. [Z] (pièce 13 / intimé) fait état d’une demande d’information sur les heures supplémentaires payées sur son bulletin de salaire de mai 2018, sur la base de son propre décompte d’horaires concernant le premier semestre 2018.
Il s’évince de ces éléments que M. [U] a saisi l’employeur fin mai 2018 d’une demande de régularisation d’heures supplémentaires concernant la période du 1er janvier au 20 mai 2018 en produisant un décompte du temps de travail hebdomadaire.
C’est donc à tort que la société reproche au salarié de s’être abstenu de réclamer en temps utile les heures supplémentaires accomplies.
En outre, le fait que ces éléments aient été élaborés par le salarié ne suffit pas à leur ôter toute force probante. Ils constituent un commencement de preuve qu’il appartient à la société, sur qui pèse le contrôle effectif du temps de travail de ses salariés, de les contredire en produisant le décompte des heures effectuées par M. [U].
En l’absence de justification par la société des horaires effectivement accomplis par le salarié sur la période litigieuse, M. [U] est fondé à réclamer la somme de 8 351,19 euros tel qu’il en résulte de son calcul détaillé, qui n’est pas efficacement contredit par l’employeur.
Cependant, M. [U] ayant perçu la somme de 2 538,40 euros au mois de mai 2018 (pièce 13 / intimé) au titre de «’Regul HS 1er semestre 2018’» correspondant à 70 heures, sa demande sera ramenée au restant dû, soit 5 812,79 euros bruts outre 581,28 euros de congés payés y afférents au titre des heures supplémentaires du premier semestre 2018.
En deuxième lieu, M. [U] sollicite la confirmation du jugement en ce qui lui a été alloué la somme de 2 538,40 euros bruts au titre de l’année 2019.
Or, s’agissant d’une demande de paiement d’heures supplémentaires, il lui appartient de rapporter des éléments objectifs sur son temps de travail et non de solliciter, au titre d’heures supplémentaires accomplies au premier semestre de l’année 2019, le montant octroyé à ce titre pour le premier semestre de l’année 2018.
Force est de constater que M. [U] n’apporte aucun élément précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies au premier semestre 2019, tandis que l’employeur s’oppose à cette demande.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a condamné la société à payer la somme de
2 538,40 euros au titre des heures supplémentaires du premier semestre 2019, la société étant condamnée au paiement de la somme de 5 812,79 euros bruts au titre des heures supplémentaires du premier semestre 2018 outre celle de 581,28 euros au titre des congés payés y afférents, et M. [U] étant débouté du surplus de sa demande de ce chef.
Sur la rupture de la relation de travail’:
Aux termes de l’article L.1232-1 du code du travail, «’Tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse’». L’article L.1232-6 du même code ajoute que «’Lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.
Cette lettre comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur. (…)’».
La lettre de licenciement énonce les fautes graves retenues à l’encontre de M. [U] (pièce 6 / intimé) soit :
– un comportement intolérable vis-à-vis d’un client de la société,
– la recherche de son intérêt personnel au détriment du travail qu’il doit prester,
– des refus réitérés de loyalement collaborer dans l’exercice de ses fonctions,
– le climat délétère qu’il fait régner.
Le licenciement étant motivé par une faute grave du salarié, il appartient à la société de rapporter la preuve d’une violation par M. [U] d’une obligation découlant du contrat de travail ou d’un manquement à la discipline de l’entreprise, rendant impossible son maintien dans l’entreprise.
En premier lieu, s’agissant du comportement du salarié à l’égard d’un client, la société fait grief à M. [U] d’avoir rendu avec retard l’évaluation des parts sociales de la société La Gondole laquelle était entachée d’une erreur «’colossale’», puis d’avoir refusé la reprise de ce travail au motif que le client était «’un escroc’» et qu’il avait «’d’autres choses à faire’», ce qui a valu à l’employeur de recevoir un courrier de mécontentement de ce client.
M. [U] fait valoir à juste titre qu’aucune pièce ne vient démontrer le délai fixé par l’employeur pour assurer la mission dont il avait été chargé par courrier du 6 novembre 2019 sans que le client ne précise davantage de délais impératifs. Il est en outre relevé que le salarié a restitué ses travaux le 25 novembre 2019 sans que la société ne démontre en quoi ce délai aurait été manifestement excessif.
De surcroît, comme le fait remarquer M. [U], deux courriers distincts ont été produits par l’employeur l’un d’eux avec une date erronée au 23 décembre 2020. Dès lors qu’outre ces irrégularités, le salarié avance, sans être contredit efficacement, que le client est en fait un apporteur d’affaires nouant des relations commerciales avec la société depuis plus de vingt ans, la cour juge ce courrier dépourvu de force probante.
Sur le fond du grief, il est constaté que la société n’apporte aucun élément étayant l’erreur d’évaluation des parts sociales imputée à son salarié, M. [U] précise à ce propos, sur la base de l’acte de cession de parts sociales, que son évaluation était de 350 euros par part sociale tandis que celle effectivement retenue sera de 346,41 euros (pour 153 parts sur un total de 900) ce qui ne caractérise aucune erreur manifeste. La société ne peut reprocher sur ce point à son salarié la production de l’acte de cession de parts sociales du 2 janvier 2020, en ce qu’il est intervenu pendant sa mise à pied, puisque cet élément est le seul moyen pour M. [U] d’établir, face au grief élevé par l’employeur, que son évaluation des parts sociales ne comportait aucune erreur manifeste.
De même, les propos tenus par le client à l’endroit de M. [U] ne résultent que de son seul ressenti.
En revanche, le refus de M. [U] de procéder à une nouvelle évaluation «’pour cet escroc’» est confirmé par le témoignage de M. [I] (pièce 23 / appelante), ce qui constitue un comportement fautif dès lors que le salarié reconnaît lui-même qu’il s’agit d’un client de la société depuis plus de 20 ans, par ailleurs apporteur d’affaires du cabinet, et qu’il devait alors respecter ses obligations déontologiques ainsi que celles découlant du lien de subordination.
Le grief est donc établi uniquement en ce qu’il a opposé un refus à son employeur.
En deuxième lieu, s’agissant de la priorité donnée aux intérêts personnels du salarié, la société fait grief à M. [U] de s’adonner à la rédaction de son mémoire de diplôme d’expert-comptable durant son temps de travail. M. [I] atteste sur ce point avoir entendu à plusieurs reprises ce dernier évoquer la rédaction de son mémoire pendant ses heures de travail «’y compris lors de la deuxième quinzaine du mois de décembre 2019’».
En l’absence du moindre élément quant à l’insuffisance de quantité ou de qualité de travail de M. [U], à l’exception de l’évaluation des parts sociales dont il a déjà été fait état mais qui n’a pas été retenue par la cour, il n’est pas établi que le salarié aurait privilégié la rédaction de son mémoire au préjudice de son travail, le témoignage de M. [I] ne faisant en outre que rapporter les propos tenus par M. [U] sans avoir constater lui-même cet état de fait.
En outre, la société ne justifie d’aucune réclamation adressée à son salarié sur ce point, étant précisé que le rapport de l’analyse de l’ordinateur de ce dernier ne contient aucune donnée pertinente permettant de confirmer l’utilisation du matériel professionnel pour la rédaction du mémoire pendant ses horaires de travail.
Le grief n’est pas constitué.
En troisième lieu, s’agissant de l’absence ou du déficit de loyauté, la société fait grief au salarié d’avoir refusé de reprendre le rapport de valorisation des parts sociales, ce point ayant déjà été jugé.
Elle fait grief également à son salarié de refuser de renseigner les «’feuilles de temps’» sur l’outil informatique Quadratus, et d’adopter un «’comportement systématiquement désinvolte aux réunions hebdomadaires’» et «’en contradiction permanente sur les lignes de conduire à tenir quant aux règles et obligations fiscales et comptables demandées par la nouvelle direction’».
M. [I] précise sur ce point qu’il appartenait à chaque collaborateur de remplir des feuilles de temps sur le logiciel Quadatrus. Il confirme que M. [U] «’a toujours refusé de les remplir malgré les rappels à l’ordre’» du dirigeant.
Si ce dernier élude le problème en faisant valoir qu’il mettait systématiquement, en copie à sa direction, l’ensemble de ses correspondances internes et externes, il n’explique pas son refus de suivre les directives de l’employeur.
Il n’est pas contesté que M. [U] n’a saisi que 42 heures de travail sur l’outil informatique pour l’année 2019 ce qui est sans rapport avec le temps qu’il a passé sur les dossiers traités ce qui est préjudiciable pour la société qui ne peut facturer aux clients la prestation à hauteur du temps passé.
Le manquement de M. [U] est donc établi.
Par ailleurs, la société fait sienne le témoignage de Mme [M] (pièce 25 / appelante) selon lequel M. [U] aurait déclaré devant des collaborateurs et l’employeur que «’les comptes courants débiteurs dans les sociétés commerciales relèvent d’une décision de gestion et que l’expert-comptable signataire du dossier n’a pas d’observation à faire’», sans démontrer en quoi la position du salarié aurait caractérisé une faute professionnelle dans la tenue d’un ou plusieurs dossiers dont il avait la charge.
Aucun grief n’est établi sur ce point.
En dernier lieu, s’agissant du comportement délétère du salarié, la société fait état d’un déficit de loyauté, d’un refus d’acceptation de la nouvelle organisation, et de son opposition systématique à la nouvelle direction impactant ses collègues de travail. Certains points étant également développés à l’appui du précédent grief, il convient de les examiner ensemble.
La société produit, à l’appui de ses reproches, les attestations de Mmes [N] [O] (pièce 21 / appelante), [G] (pièce 22 / appelante), [H] (pièce 24’/ appelante), [M] (pièce 25 / appelante) ainsi que celle de M. [I] (pièce 23 / appelante).
Mme [N] [O] indique que, depuis son arrivée dans l’entreprise en septembre 2019, M. [U] «’a toujours eu attitude négative, il tenait ouvertement des propos désagréables à l’encontre de la direction… il disait que la nouvelle direction est incompétente’».
Mme [G] explique que, depuis l’arrivée de la nouvelle direction, M. [U] a eu un comportement «’exécrable’», qu’il était «’très désagréable et tenait des propos outranciers, vulgaires et déplacés’» et qu’il tenait le nouveau dirigeant pour un incompétent.
Mmes [H] et [M] confirment la teneur des témoignages précédents.
Il est également relevé que Mmes [G] et [H] imputent une mauvaise ambiance de travail au comportement de M. [U], tandis que M. [I] relate une attitude d’opposition systématique de ce dernier à l’encontre de la nouvelle direction.
Si M. [U] considère les faits rapportés comme étant mensongers, il n’apporte aucun élément contraire, le fait que ces témoignages émanent de salariés ne suffisant pas à les discréditer en l’absence de tout commencement de preuve de collusion entre ces derniers et la société.
Surtout, la concordance des témoignages conforte leur crédibilité.
Ainsi, la société établit les griefs tirés du déficit de loyauté du salarié à l’égard de l’employeur et de son attitude d’opposition systématique, ayant instauré un climat délétère au travail.
En conséquence, les manquements de M. [U] relèvent d’actes d’insubordination, de comportements déloyaux et d’opposition à l’égard de l’employeur, en suite de la cession de l’entreprise et donc du changement de gouvernance, à l’exclusion de toute faute dans la conduite des dossiers dont il avait la charge.
Compte tenu de son positionnement de chef de service, M. [U] a adopté un comportement fautif à l’égard de la nouvelle direction justifiant de la rupture de la relation de travail.
Pour autant, le comportement de M. [U] n’a appelé à l’évidence aucune critique jusqu’au changement de direction intervenue courant 2019.
Ses manquements concernent donc une période contemporaine au licenciement sans que l’employeur ne justifie de démarches préalables à cette sanction tendant à rappeler au salarié ses obligations.
En conséquence, l’impossibilité pour l’employeur de poursuivre la relation de travail ou de maintenir le salarié dans l’entreprise, n’est pas caractérisée.
Le licenciement repose donc uniquement sur une cause réelle et sérieuse, le jugement sera infirmé sur ce point et sur l’indemnité allouée au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences de la rupture de la relation de travail’:
C’est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont alloué à M. [U] les sommes de 17 076,21 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, 1 707,62 euros à titre de congés payés sur préavis et 8 347,61 euros à titre d’indemnité légale de licenciement.
Le jugement est confirmé sur ces points.
Sur les autres préjudices’:
Vu l’article 9 du code de procédure civile’;
En premier lieu, M. [U] réclame la somme de 50 000 euros en réparation d’un préjudice distinct résultant du comportement vexatoire de l’employeur à l’occasion du licenciement.
Il s’appuie sur le courriel reçu le 15 janvier 2020, soit le jour de son entretien préalable, aux termes duquel il est informé de l’annulation de son inscription à une formation du 4 février 2020 à la demande de l’employeur, et en déduit que la société avait pris sa décision avant le courrier de licenciement.
D’une part, la seule décision de l’employeur d’annuler la formation de son salarié mis à pied à titre conservatoire ne suffit pas à établir sa décision de le licencier.
D’autre part, cette décision de l’employeur ne caractérise aucun comportement vexatoire ou humiliant à l’égard du salarié.
Enfin, le salarié ne justifie d’aucun préjudice résultant de cette décision d’annulation de formation.
Le jugement sera infirmé en ce qu’il alloué la somme de 10 000 euros au titre d’un préjudice distinct.
En second lieu, M. [U] sollicite la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice résultant de l’absence d’organisation dans l’entreprise d’élections professionnelles.
Si le manquement de la société est établi, il est toutefois relevé que M. [U] a saisi la société d’une telle demande après notification de sa mise à pied conservatoire.
En outre, il ne justifie d’aucun préjudice en suite du manquement de la société.
Le jugement est alors confirmé pour avoir rejeté cette demande.
Sur le rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire’:
M. [U] sollicite la somme de 5 692,07 euros au titre du rappel de salaire pendant la période de mise à pied conservatoire, outre les congés payés y afférents.
En l’absence de faute grave retenue, la société sera condamnée au paiement de cette somme, qui n’est pas efficacement contredite par cette dernière, outre la somme de 569,20 euros au titre des congés payés y afférents.
Sur les autres demandes’:
Le jugement est confirmé sur la remise des documents de rupture rectifiés sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette obligation d’une astreinte, cette demande étant rejetée, le jugement étant infirmé sur ce point.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu en matière sociale et en dernier ressort,
Rappelle que les conclusions d’intimé’ont été déclarées recevables’;
Déclare recevables les demandes de rappel de salaire au titre de la période de mise à pied conservatoire et des heures supplémentaires, ainsi que des congés payés y afférents’;
Confirme le jugement sauf en ce qu’il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamné la société Compta Ouest à payer les sommes de 34 152 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, 2 538,40 euros au titre des heures supplémentaires du premier semestre 2019, 10 000 euros au titre du préjudice distinct, et ordonné une astreinte’;
Statuant sur les chefs de jugement infirmés,
Dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse’;
Déboute M. [U] de sa demande d’indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse’;
Condamne la société Compta Ouest à payer à M. [U] les sommes de 5 812,79 euros bruts au titre des heures supplémentaires du premier semestre 2018 et 581,28 euros au titre des congés payés y afférents’;
Déboute M. [U] du surplus de sa demande en paiement d’heures supplémentaires’;
Déboute M. [U] de sa demande indemnitaire au titre d’un préjudice distinct’;
Déboute M. [U] de sa demande d’astreinte assortissant la délivrance des documents de fin de contrat rectifiés’;
Y ajoutant,
Déboute la société de sa demande d’inopposabilité du compte rendu d’entretien préalable’;
Condamne la société Compta Ouest à payer à M. [U] les sommes de 5 692,07 euros au titre du rappel de salaire pendant la période de mise à pied conservatoire et 569,20 euros au titre des congés payés y afférents’;
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Compta Ouest à payer à M. [U] la somme de 1 500 euros au titre des frais non répétibles d’instance’;
Condamne la société Compta Ouest aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Laurent CALBO, Conseiller, et par M. Jean-François BENARD, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Laisser un commentaire