Droit du logiciel : 31 janvier 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 20/01540

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Droit du logiciel : 31 janvier 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 20/01540

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 20/01540 – N° Portalis DBVH-V-B7E-HXQG

CRL/EB

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’ORANGE

13 mars 2020 RG :18/00012

[W]

C/

S.C.A. COOPERATIVE AGRICOLE PROVENCE LANGUEDOC – CAPL

Grosse délivrée

le

à

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 31 JANVIER 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ORANGE en date du 13 Mars 2020, N°18/00012

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l’audience publique du 15 Novembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 24 Janvier 2023 prorogé à ce jour

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTE :

Madame [Z] [W] épouse [J]

née le 25 Juin 1978 à ST ETIENNE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Anne-france BREUILLOT de la SELARL BREUILLOT & AVOCATS, avocat au barreau de CARPENTRAS

INTIMÉE :

S.C.A. COOPERATIVE AGRICOLE PROVENCE LANGUEDOC – CAPL

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Olivier BAGLIO de la SCP BAGLIO-ROIG-ALLIAUME-BLANCO, avocat au barreau D’AVIGNON substitué par Me Camille GONTIER, avocat au barreau d’Avignon,

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 02 Novembre 2022

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 31 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Mme [Z] [W] épouse [J] a été engagée par la SCA Coopérative Agricole Céréalis à compter du 1er septembre 2014 suivant contrat de travail à durée indéterminée en qualité de responsable commerciale statut cadre, coefficient 540, niveau 11 de la convention collective 5 branches.

Par lettre du 21 octobre 2016, elle était convoquée à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement qui s’est tenu le 28 octobre 2016.

Par lettre du 7 novembre 2016, elle était licenciée pour insuffisance professionnelle.

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre, le 15 janvier 2018, Mme [W] saisissait le conseil de prud’hommes d’Avignon en paiement d’indemnités de rupture pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, lequel, par jugement contradictoire du 13 mars 2020, a :

– dit que le licenciement de Mme [Z] [W] épouse [J] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

– débouté Mme [Z] [W] épouse [J] de toutes ses autres demandes,

– débouté la SCA Coopérative Agricole Céréalis de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mme [Z] [W] épouse [J] aux entiers dépens de l’instance.

Par acte du 02 juillet 2020, Mme [Z] [W] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance en date du 16 août 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 02 novembre 2022 à 16 heures. L’affaire a été fixée à l’audience du 15 novembre 2022 à 14 heures.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 27 octobre 2022, Mme [Z] [W] épouse [J] demande à la cour, infirmant le jugement dont appel, de :

– dire sans cause réelle et sérieuse le licenciement notifié par la société Céréalis, aux droits de qui intervient la Coopérative Agricole Provence Languedoc (CAPL) ;

– voir condamner la CAPL, venant aux droits de la société Céréalis à lui payer les sommes suivantes :

* 60.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire et abusif ;

* 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– voir condamner la CAPL, venant aux droits de la société Céréalis à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de 6 mois en application de l’article L 1235-4 du code du travail ;

– la condamner aux dépens.

Mme [Z] [W] épouse [J] soutient que :

– son action est totalement recevable et entachée d’aucune prescription, puisque soumise aux dispositions transitoires de l’ordonnance du 22 septembre 2017, la tardiveté de sa saisine du conseil de prud’hommes s’expliquant pas le fait qu’elle a d’abord tenté de trouver une solution amiable,

– l’insuffisance professionnelle qui lui est reprochée n’existe pas et vient masquer les réels motifs de son licenciement, soit la fermeture du magasin  » Vignes et jardins » de [Localité 6] pour la gestion duquel elle avait été spécifiquement embauchée, et des résultats en déclin pour la coopérative en raison de la chute du cours du blé en 2016,

– en choisissant de la licencier pour insuffisance professionnelle, la SCA Coopérative Agricole Céréalis a évité le coût d’un licenciement pour motif économique et la nécessité d’expliquer à ses adhérents l’échec de ses choix stratégiques,

– elle a interrogé à plusieurs reprises le directeur général sur la pérennité de son emploi avant d’envisager un déménagement familial sur Orange, au printemps 2015 puis en juin2016, lequel ne lui a jamais dit qu’elle ne donnait pas satisfaction, et elle a perçu en juin 2016 une importante prime sur objectifs,

– il ne lui a jamais été fait de remarques ou donné d’avertissement sur ses compétences, et il n’est produit aucun élément matériel pour justifier de l’insuffisance professionnelle qui lui est reprochée,

– contrairement à ce que retient le conseil de prud’hommes, elle n’a jamais reconnu l’insuffisance professionnelle qui lui est reprochée et l’a contestée à tous les stades de la procédure,

– lors de son entretien d’évaluation, il a été acté qu’elle avait atteint 90% de ses objectifs, et les besoins qu’elle a pu exprimer concernait un manque de temps et non un manque de compétence, en raison de la multiplicité et la diversité des taches qui lui ont été confiées,

– pris isolément ou dans leur globalité, les griefs formulés ne résistent pas à l’analyse et ne sont étayés par aucun élément,

– la SCA Coopérative Agricole Céréalis a exécuté le contrat de travail de manière déloyale, en la mettant en situation non pas de développer mais de construire l’activité du magasin de Sainte Cécile des Vignes, en la laissant gérer la crise du changement de système informatique, et assumer la suppléance de plusieurs techniciens tout en lui assurant à plusieurs reprises qu’il n’y avait aucun doute sur la pérennité de son poste,

– elle subit du fait de ce licenciement infondé un préjudice financier et moral important, outre le caractère vexatoire et infondé de la dispense d’exécution du préavis.

En l’état de ses dernières écritures en date du 14 décembre 2020, la SCA Coopérative Agricole Provence Languedoc (CAPL) venant aux droits de la SCA Coopérative Agricole Céréalis demande à la cour de :

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

– débouter Mme [Z] [W] épouse [J] de l’ensemble de ses demandes,

– condamner Mme [Z] [W] épouse [J] au versement d’une somme de 2500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

La SCA Coopérative Agricole Provence Languedoc (CAPL) venant aux droits de la SCA Coopérative Agricole Céréalis fait valoir que :

– contrairement à ce que soutient Mme [Z] [W] épouse [J] sans le démontrer, le motif de son licenciement n’est en rien économique mais est fondé sur les termes clairs, précis et justifiés de la lettre de licenciement,

– par courrier du 28 novembre 2016, Mme [Z] [W] épouse [J] lui a adressé un courrier aux fins de transaction pour voir modifier le motif de son licenciement en licenciement économique,

– malgré la patience dont elle a fait preuve pendant les deux premières années de prise de poste de Mme [Z] [W] épouse [J], elle a dû se rendre à l’évidence que cette dernière, malgré son diplôme d’ingénieur horticole ne maîtrisait pas la partie technique des produits qu’elle commercialisait, et ne parvenait pas à mener à leur terme les missions qui lui ont été confiées,

– l’entretien professionnel du 26 août 2016 a permis de mettre en avant les différentes insuffisances professionnelles de la salariée, tant au plan technique, qu’au plan du management, et au plan commercial, qui les a également reconnues,

– l’effondrement sur les marges des produits phytosanitaires sur la période d’exercice de Mme [Z] [W] épouse [J] vient confirmer ses carences,

– si comme elle le soutient, ces chiffres s’expliquent par des hausses de tarif, elle aurait dû envisager une action corrective pour maintenir le résultat,

– subsidiairement, Mme [Z] [W] épouse [J] ne peut se voir allouer une indemnité correspondant à 18 mois de salaires alors qu’elle n’a été sa salariée que pendant 2 ans, et ce d’autant moins qu’elle ne justifie pas de la réalité de son préjudice,

– la dispense de préavis n’est aucunement vexatoire mais correspond au contraire à une pratique courante en pareille hypothèse.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l’audience.

MOTIFS :

– sur l’existence d’une cause réelle et sérieuse fondant le licenciement

Mme [Z] [W] épouse [J] a été licenciée pour insuffisance professionnelle selon courrier en date du 7 novembre 2016 rédigé dans les termes suivants :

«Madame,

* Nous faisons suite à notre entretien du 28 octobre au cours duquel vous étiez assistée par un conseiller extérieur.

Au cours de cet entretien, nous vous avons exposé les motifs d’un éventuel licenciement, à savoir votre insuffisance professionnelle au poste de responsable commercial, statut cadre, que vous occupez depuis le 1er septembre 2014.

Selon les clauses contractuelles, vous aviez pour mission de mettre en ‘uvre la politique commerciale de l’entreprise et de participer à son élaboration en étroite collaboration avec la direction générale. « A ce titre, vous étiez notamment chargée de :

Prendre en charge l’activité « PHYTOS » vignes et grandes cultures :

– Gestion de l’agrément « PHYTOS »,

– Gestion des achats des produits « vignes et grandes cultures » avec le fournisseur principal, Interrapro ainsi que la recherche de nouveaux fournisseurs pour les produits spécifiques et le matériel de palissage,

– Définition de la gamme « PHYTOS » avec l’équipe commerciale et les fournisseurs,

– Définition des supports commerciaux et de communication (catalogues, dossiers’),

– Gestion des stocks et des emballages (Adivalor).

Prendre en charge le secteur magasin « vignes et jardins » à [Localité 6] :

– Prendre en charge la gestion commerciale du magasin, en relation avec la centrale de référencement INEDIS, effectuer le contrôle de gestion (marges, vitesse, de rotation des produits, stocks’),

– Mise en place d’une politique « communication » sur le point de vente,

– Reprendre progressivement les achats,

– Préparer l’arrivée d’un département « irrigation professionnelle ».

Management de l’équipe commerciale :

– Gestion de l’activité commerciale sur les secteurs et organisation du travail (rapports d’activité, contrats de progrès, objectifs’),

– Gestion de l’animation « terrain» : formation des juniors, appui culture’

– Installer durablement le dossier « conseil » avec le logiciel « Terr@conseil »,

– Coordonner sur le terrain la politique technique et commerciale de la coopérative

‘»

Or, nous ne pouvons que constater votre incapacité à remplir les fonctions confiées au terme de deux ans de collaboration. Ainsi, nous relevons les carences suivantes :

1-Insuffisance qualitative

o Difficultés à gérer les challenges proposés et manque de force de proposition sur les dossiers et les développements de CÉRÉALIS.

Ex : Notre convention avec Canal de Provence et le développement de l’irrigation, ce dossier n’avance pas, alors qu’il s’agit d’un dossier important sur lequel la direction a insisté.

o Méconnaissance du métier d’agriculteur, et des produits pour apporter du soutien à votre équipe. Après deux ans d’entrée dans notre structure, vous ne maîtrisez toujours pas l’aspect technique du métier, les produits et les problèmes des adhérents.

Pour pallier ces difficultés, des interventions régulières sur terrain étaient effectuées et en particulier avec nos techniciens qui vous ont accompagnée.

Vous avez également pu participer aux réunions techniques.

Nous avons enfin prévu de décharger Madame [G], responsable semences, d’interventions terrain à votre profit, afin que vous puissiez être encore davantage confrontée aux problèmes du terrain.

Au terme de deux ans, nous constatons que vous n’avez pas su vous imprégner de la technicité de la mission confiée, que nous pensions vous voir maîtriser au regard de votre formation d’ingénieur.

o Aucune analyse, ni reporting sur l’activité des ATC « juniors » : les rapports d’activité ne sont pas analysés en terme d’efficacité (nombre de visites/jour, Chiffres d’affaires par visite, Nombre de visites par adhérent’.) malgré nos multiples demandes verbales. Lors de notre entretien, vous avez reconnu cette carence.

o En conséquence absence de tout objectif déterminé (à notre connaissance)

o Aucun plan d’action commerciale relayée auprès des ATC lors des réunions : synthèse de la réunion, choix des produits, argumentation, support technique et commercial.

Dernier exemple lors de la réunion du 13 Octobre 2016, pas de synthèse, pas de support proposé suite à la réunion, de type programme et coût/ ha par exemple.

o Réponse tardive ou absence de réponse aux problèmes posés par les collaborateurs.

o Difficulté à affirmer votre « leadership », voire des difficultés à gérer les conflits qui sont sous-jacents, Ex. : altercation avec Mr [V].

o Collaboration parfois difficile avec les autres responsables de l’entreprise, notamment

avec les responsables administratives et des semences.

S’ajoutent des carences concernant les marges des produits « PHYTOS ».

2-Insuffisance quantitative

Sur la campagne 2015/2016, nous constatons une nette dégradation de la marge « PHYTOS ».

Compte tenu de vos fonctions de gestionnaire de la gamme « PHYTOS », des achats et des stocks, nous relevons votre incapacité à gérer cette activité.

A plusieurs reprises lors de nos entretiens, nous avons attiré verbalement votre attention concernant les difficultés rencontrées, sans constater d’actions correctrices.

Face à l’absence de toute amélioration, en dépit du temps d’adaptation imparti, des mesures d’accompagnement sur le terrain et de soutien par nos techniciens, le maintien de nos relations devient préjudiciable aux intérêts de notre structure, en particulier au regard de la nature de vos fonctions et du coût de votre poste pour notre petite structure.

Par conséquent, nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour insuffisance professionnelle.

Votre prévis est fixé par la convention collective à trois mois, débutant à la première présentation de cette lettre. Nous vous dispensons de son exécution. Vous percevrez bien évidemment la rémunération correspondante aux échéances normales de la paye.

En application de l’article L 911-8 du code de la sécurité sociale, vous bénéficiez à compter de la date de cessation de votre contrat de travail, du maintien à titre gratuit des garanties frais de santé et prévoyance aux conditions en vigueur dans l’entreprise.

Au terme de ce préavis, nous tiendrons à votre disposition l’ensemble des documents légaux ainsi que l’intégralité des indemnités vous revenant au titre de ce licenciement. A cette date, vous devrez nous restituer le véhicule confié ainsi que l’ensemble des dossiers, tarifs, …. et matériels restés en votre possession.

Nous vous prions d’agréer, Madame, l’expression de nos salutations distinguées».

Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Pour constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, l’insuffisance professionnelle doit être caractérisée par des faits objectifs et matériellement vérifiables. Si la preuve est partagée en matière de licenciement pour cause réelle et sérieuse, il incombe à l’employeur d’apporter au juge des éléments objectifs à l’appui des faits qu’il invoque comme propres, selon lui, à caractériser l’insuffisance professionnelle dont il se prévaut.

L’insuffisance professionnelle se définit comme l’incapacité objective, non fautive et durable, d’un salarié à accomplir correctement la prestation de travail pour laquelle il est employé, c’est-à-dire conformément à ce qu’on est fondé à attendre d’un salarié moyen ou ordinaire, employé pour le même type d’emploi et dans la même situation.

L’insuffisance professionnelle doit être établie par des éléments objectifs imputables au salarié.

En l’espèce, il ressort des termes de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, que les griefs invoqués à l’encontre de la salariée, pour caractériser l’insuffisance professionnelle qui lui est reprochée, sont les suivants:

* Difficultés à gérer les challenges proposés et manque de force de proposition sur les dossiers et les développements de CÉRÉALIS.

La SCA Coopérative Agricole Provence Languedoc ne verse aucun élément concret au soutien de ce grief, la lettre de licenciement visant à titre d’exemple : « Notre convention avec Canal de Provence et le développement de l’irrigation, ce dossier n’avance pas, alors qu’il s’agit d’un dossier important sur lequel la direction a insisté », sans apporter d’élément concret au soutien de celui-ci.

Pour remettre en cause cet exemple, Mme [Z] [W] épouse [J] renvoie sans être utilement contredite par l’employeur au « rapport aux associés du conseil d’administration de la coopérative Céréalis pour l’exercice 2015/2016, daté du lundi 10 octobre 2016 et établi par son directeur, qui mentionne dans la rubrique  » évolution prévisible et perspectives d’avenir » en page 2  » la signature de l’accord cadre avec la société [Adresse 5] signé en octobre 2014, commence à porter ses fruits en 2016″.

Force est de constater que la SCA Coopérative Agricole Provence Languedoc ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la réalité de ce grief.

* Méconnaissance du métier d’agriculteur, et des produits pour apporter du soutien à votre équipe

La SCA Coopérative Agricole Céréalis énonce à ce sujet dans la lettre de licenciement : « Après deux ans d’entrée dans notre structure, vous ne maîtrisez toujours pas l’aspect technique du métier, les produits et les problèmes des adhérents.

Pour pallier ces difficultés, des interventions régulières sur terrain étaient effectuées et en particulier avec nos techniciens qui vous ont accompagnée.

Vous avez également pu participer aux réunions techniques.

Nous avons enfin prévu de décharger Madame [G], responsable semences, d’interventions terrain à votre profit, afin que vous puissiez être encore davantage confrontée aux problèmes du terrain.

Au terme de deux ans, nous constatons que vous n’avez pas su vous imprégner de la technicité de la mission confiée, que nous pensions vous voir maîtriser au regard de votre formation d’ingénieur » mais n’apporte aucun élément au soutien de ses affirmations.

Le fait que Mme [Z] [W] épouse [J] dans son entretien d’évaluation ait indiqué dans la rubrique  » les compétences que je maîtrise le moins bien » « la méconnaissance du métier d’agriculteur » ne signifie pas qu’elle est incompétence sur le sujet mais qu’elle considère qu’il s’agit d’un domaine dans lequel elle peut progresser. Le fait que ce point n’ait pas été repris en conclusion de son entretien d’évaluation signifie que son évaluateur a considéré qu’il n’y avait pas de manque sur ce point, et n’a pas estimé utile de devoir lui demander de progresser sur le sujet.

La SCA Coopérative Agricole Provence Languedoc venant aux droits de la SCA Coopérative Agricole Céréalis ne verse aux débats aucun élément qui vient objectiver ses affirmations tels que des observations qu’il aurait formulées à Mme [Z] [W] épouse [J] ou des retours négatifs d’adhérents, clients, fournisseurs ou collaborateurs déplorant une carence de l’appelante sur ce sujet.

La réalité du grief ainsi formulé n’est pas démontrée.

* Aucune analyse, ni reporting sur l’activité des ATC « juniors » et absence de tout objectif déterminé (à notre connaissance) – Aucun plan d’action commerciale relayée auprès des ATC lors des réunions

La nécessité d’un reporting hebdomadaire le lundi est mentionnée dans l’entretien d’évaluation d’août 2016.

Force est de constater que la SCA Coopérative Agricole Provence Languedoc ne démontre pas que Mme [Z] [W] épouse [J] ne se serait pas conformée à cette demande et qu’elle lui aurait fait des rappels en ce sens, ou l’aurait alertée sur le fait qu’elle manquait à cette procédure.

La réalité du grief ainsi formulé n’est pas démontrée.

* Réponse tardive ou absence de réponse aux problèmes posés par les collaborateurs.

La SCA Coopérative Agricole Provence Languedoc (CAPL) venant aux droits de la SCA Coopérative Agricole Céréalis ne verse aux débats aucun élément qui vient objectiver ses affirmations tels que des observations qu’elle aurait formulées à Mme [Z] [W] épouse [J] ou des retours négatifs de collaborateurs déplorant une carence de l’appelante sur ce sujet.

La réalité du grief ainsi formulé n’est pas démontrée.

* Difficulté à affirmer son « leadership », voire des difficultés à gérer les conflits qui sont sous-jacents

La SCA Coopérative Agricole Provence Languedoc (CAPL) venant aux droits de la SCA Coopérative Agricole Céréalis ne verse aux débats aucun élément qui vient objectiver ses affirmations tels que des observations qu’elle aurait formulées à Mme [Z] [W] épouse [J] ou des retours négatifs de collaborateurs déplorant une carence de l’appelante sur ce sujet.

La réalité du grief ainsi formulé n’est pas démontrée.

* Collaboration parfois difficile avec les autres responsables de l’entreprise, notamment

avec les responsables administratives et des semences.

La SCA Coopérative Agricole Provence Languedoc (CAPL) venant aux droits de la SCA Coopérative Agricole Céréalis ne verse aux débats aucun élément qui vient objectiver ses affirmations tels que des observations qu’elle aurait formulées à Mme [Z] [W] épouse [J] ou des retours négatifs de responsable concernés déplorant une carence de l’appelante sur ce sujet.

La réalité du grief ainsi formulé n’est pas démontrée.

* carences concernant les marges des produits « PHYTOS »sur la campagne 2015/2016

Au soutien de ce grief, la SCA Coopérative Agricole Provence Languedoc produit un tableau succinct, dont il n’est donné aucun élément sur son origine, les sites concernés, et qui mentionne « Phytos marge sur 4 ans » et décline sur les 4 exercices de 2013 à 2016 le volume de produit achetés, les ventes, les marges avec et sans ristourne dont il résulte que :

– le volume des ventes a plus que doublé entre 2013 et 2016,

– la marge a progressé de « 70588 » à « 121156 »

– le pourcentage de marge hors ristourne est passé de 13,90% en 2013 à 17,06% en 2014, 22,18% en 2015 et 9,96% en 2016.

Il résulte de ce tableau que si le pourcentage de marge a chuté sur l’année 2016, il était en progression les deux années précédentes, soit sur une période où Mme [Z] [W] épouse [J] occupait déjà son poste, et le volume de vente a continué son évolution positive.

Par ailleurs, elle n’apporte aucun élément permettant de connaître la possibilité d’initiative dont disposait Mme [Z] [W] épouse [J] pour intervenir sur les négociations avec les fournisseurs ou fixer les prix de vente afin de maintenir un taux de marge constant.

Le fait que Mme [Z] [W] épouse [J] ait mentionné dans son entretien d’évaluation  » manque de connaissance sur les produits phytos ( Vignes et grandes cultures ) et engrais grandes cultures » ne signifie pas qu’elle n’était pas en capacité de vendre ces produits, ni d’en gérer les stocks. Au surplus, ce point n’a pas été repris en conclusion de son entretien d’évaluation ce qui signifie que son évaluateur a considéré qu’il n’y avait pas de manque sur ce point, et n’a pas estimé utile de devoir lui demander de progresser sur le sujet.

La réalité du grief ainsi formulé n’est pas démontrée.

Ainsi, la SCA Coopérative Agricole Provence Languedoc (CAPL) venant aux droits de la SCA Coopérative Agricole Céréalis ne rapporte pas la preuve qui lui incombe des griefs formulés à l’encontre de Mme [Z] [W] épouse [J] pour démontrer l’insuffisance professionnelle fondant son licenciement qui sera par suite requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La décision déférée sera réformée en ce sens.

– sur les conséquences indemnitaires

L’article L1235-3 du code du travail dispose, dans sa version applicable jusqu’au 24 septembre 2017, que si le licenciement d’un salarié survient pour

une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l’employeur, ne peut être inférieur aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice le cas échéant de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L 1234-9.

Mme [Z] [W] épouse [J] présentait à la date de son licenciement une ancienneté dans l’entreprise de deux années et percevait un salaire mensuel, en incluant prime de treizième mois et prime d’objectif de 4.068,08 euros. Le fait qu’elle ait fait le choix suite à son licenciement d’une réorientation professionnelle qui lui procure des revenus moindre est sans incidence sur le montant de l’indemnité auquel elle peut prétendre et sera justement indemnisée par la somme de 25.000 euros.

En revanche, Mme [Z] [W] épouse [J] ne rapporte pas la preuve que la dispense d’exécution de son préavis décidée par l’employeur avait pour objectif de la placer dans une situation humiliante équivalente à celle d’un salarié licencié pour faute grave et elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Infirme le jugement rendu le 13 mars 2020 par le conseil de prud’hommes d’Orange,

Et statuant à nouveau,

Juge que le licenciement pour insuffisance professionnelle notifié à Mme [Z] [W] épouse [J] par la SCA Coopérative Agricole Céréalis le 7 novembre 2016 est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la SCA Coopérative Agricole Provence Languedoc aux droits de la SCA Coopérative Agricole Céréalis à verser à Mme [Z] [W] épouse [J] la somme de 25.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Déboute Mme [Z] [W] épouse [J] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

Condamne la SCA Coopérative Agricole Provence Languedoc venant aux droits de la SCA Coopérative Agricole Céréalis à verser à Mme [Z] [W] épouse [J] la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Ordonne le remboursement par l’employeur à Pôle Emploi de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de la présente décision, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage, et dit qu’une copie certifiée conforme de la présente sera adressée à cet organisme conformément aux dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne la SCA Coopérative Agricole Provence Languedoc venant aux droits de la SCA Coopérative Agricole Céréalis aux dépens de première instance et de la procédure d’appel.

Arrêt signé par le président et par la greffière.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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