Droit du logiciel : 3 février 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/09460

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Droit du logiciel : 3 février 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/09460

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 03 FEVRIER 2023

N° 2023/036

Rôle N° RG 19/09460 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BENJ6

Association ADMR VALLEE DE L’UBAYE

C/

[S] [H]

Copie exécutoire délivrée le :

03 FEVRIER 2023

à :

Me Didier MIELLE, avocat au barreau d’ALPES DE HAUTE-PROVENCE

Me Loreleï CHEVREL, avocat au barreau d’ALPES DE HAUTE-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de DIGNE LES BAINS en date du 15 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/00124.

APPELANTE

Association ADMR VALLEE DE L’UBAYE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Didier MIELLE, avocat au barreau d’ALPES DE HAUTE-PROVENCE

INTIMEE

Madame [S] [H], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Loreleï CHEVREL, avocat au barreau d’ALPES DE HAUTE-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Madame Emmanuelle CASINI, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Février 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Février 2023

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Madame [S] [H] a été engagée par l’association ADMR VALLEE DE L’UBAYE en qualité d’employée de bureau, suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel (75 heures mensuelles) du 23 mars 2015.

Par avenant au contrat de travail du 1er octobre 2015, la durée de travail a été portée à 128 heures mensuelles.

Le 21 juillet 2016, Madame [H] a été victime d’un accident du travail dont le caractère professionnel a été reconnu par la CPAM, le 13 octobre 2016.

A l’issue de la visite médicale de reprise du 30 novembre 2016, le médecin du travail a conclu que Madame [H] était : ‘inapte au poste, apte à un autre : inapte sur le poste de travail tel que décrit par l’employeur et qui contient une grande majorité de temps de gestion de planning. Apte sur un poste de secrétaire sans gestion des plannings car ceux-ci impliquent des prises de décisions urgentes dans un contexte d’injonctions contradictoires.

Le reclassement est possible sur un poste de secrétaire comprenant de l’aide à la télégestion, aide à la paye, gestion des factures et autre comptabilité, gestion des variables, gestion des contrats, gestion des indemnités journalières SECU et assurances…’.

Par courrier du 22 décembre 2016, Madame [H] a été convoquée à un entretien préalable fixé le 30 décembre 2016 et par lettre du 4 janvier 2017, elle a été licenciée pour inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement.

Contestant la mesure de licenciement, Madame [H] a saisi le conseil de prud’hommes de DIGNE-LES-BAINS, lequel, par jugement de départage du 15 mai 2019, a :

– rejeté les demandes de Madame [H] tendant à voir dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse pour défaut de pouvoir de mise en oeuvre de la procédure de licenciement.

– condamné l’association ADMR VALLEE DE L’UBAYE à régler à Madame [H] la somme de 300 € de dommages-intérêts en lien avec la violation par l’employeur de son obligation formelle de faire connaître, par écrit, les motifs de reclassement.

– dit que l’association ADMR VALLEE DE L’UBAYE ne justifie pas avoir satisfait à son obligation de reclassement.

– dit en conséquence que le licenciement prononcé est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

– condamné l’association ADMR VALLEE DE L’UBAYE à régler à Madame [H] :

* 14.853.12 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

* 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– dit n’y avoir lieu à ordonner le remboursement par l’association ADMR VALLEE DE L’UBAYE à Pôle Emploi des indemnités de chômage.

– rejeté les autres demandes et en particulier celle liée à un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

– rappelé l’exécution provisoire de droit de l’intégralité de ce jugement dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculée sur la moyenne des trois derniers mois de salaire.

– condamné l’association ADMR VALLEE DE L’UBAYE aux entiers dépens.

L’association ADMR VALLEE DE L’UBAYE a interjeté appel de ce jugement.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 19 septembre 2022, elle demande à la cour de :

– recevoir l’association ADMR VALLEE DE L’UBAYE en son appel et le dire bien fondé,

Par conséquent,

– infirmer le jugement entrepris qui a dit que l’association ADMR VALLEE DE L’UBAYE ne justifiait pas avoir satisfait à son obligation de reclassement, que le licenciement prononcé serait dépourvu de cause réelle et sérieuse, qui l’a condamnée à ce titre à régler à Madame [H] 14. 853,12 € à titre de dommages-intérêts et 1.500 € au titre l’article 700 du code de procédure civile.

– le confirmer en ce qu’il a rejeté les autres demandes de Madame [H], notamment celle tendant à la condamnation de l’association ADMR VALLEE DE L’UBAYE à lui payer 5.000 € au motif d’un préjudice moral et celle liée à un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

Statuant à nouveau :

– rejeter la réclamation de Madame [H] tendant à faire juger que l’association ADMR VALLEE DE L’UBAYE aurait gravement méconnu son obligation de reclassement.

– confirmer le bien fondé et le sérieux du licenciement de Madame [H].

– débouter à ce titre Madame [H] de toutes ses demandes, fins et prétentions.

– condamner Madame [H] à 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– de la condamner aux entiers dépens.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 16 septembre 2022, Madame [H] demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que le licenciement de Madame [H] était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné l’association ADMR VALLEE DE L’UBAYE à payer à Madame [H] la somme de 14.853,12 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif sur le fondement des dispositions de l’article L.1226-15 du code du travail.

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné l’association ADMR VALLEE DE L’UBAYE à payer à Madame [H] la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

– réformer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Madame [H] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral.

Statuant à nouveau,

– condamner l’association ADMR VALLEE DE L’UBAYE à verser à Madame [H] la somme de 5.000 € en réparation de son préjudice moral.

– la condamner à verser à la salariée la somme de 2.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens au titre de la procédure d’appel.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 29 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient de relever que les dispositions du jugement qui ont rejeté les demandes de Madame [H] tendant à voir dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse pour défaut de pouvoir de mise en oeuvre de la procédure de licenciement, condamné l’association ADMR VALLEE DE L’UBAYE à régler à Madame [H] la somme de 300 € de dommages-intérêts en lien avec la violation par l’employeur de son obligation formelle de faire connaître, par écrit, les motifs de reclassement, dit n’y avoir lieu à ordonner le remboursement par l’association ADMR VALLEE DE L’UBAYE à Pôle Emploi des indemnités de chômage et rejeté la demande dommages-intérêts liée à un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, ne sont pas contestées dans le cadre de l’appel.

Sur le licenciement

Madame [H] conclut que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse au motif que l’employeur a manqué à son obligation de reclassement puisque l’association ADMR VALLEE DE L’UBAYE pouvait parfaitement aménager son poste et le temps de travail en supprimant la gestion des plannings de ses tâches habituelles et en réduisant proportionnellement son temps de travail.

Elle fait valoir que :

– son poste de travail ne consistait pas uniquement à établir les plannings (son contrat de travail, l’étude de poste réalisée par le médecin du travail et l’attestation de Madame [G] en attestent).

– la gestion des plannings n’est pas l’utilisation des plannings ou la télégestion et l’association ADMR VALLEE DE L’UBAYE tente de créer une confusion entre la gestion des plannings, tâche qui consiste à organiser le planning des différentes interventions des auxiliaires de vie chez les particuliers (tâche génératrice de stress) et l’utilisation des plannings et entre la gestion des plannings et la télégestion qui sont deux tâches distinctes et indépendantes, ce que confirment Madame [O] et Madame [M], une secrétaire pouvant s’occuper de la télégestion et non de la gestion des plannings.

– une réduction du temps de travail et un aménagement des tâches étaient parfaitement possibles dès lors que la gestion des plannings ne permettait pas à elle seule d’occuper un salarié à temps complet, et que, comme les autres salariés affectés à cette tâche, elle ne commençait à la réaliser qu’à la moitié du mois. Elle aurait ainsi pu accomplir les tâches suivantes : accueil clientèle, comptabilité, mise en place des interventions, renseigner et monter les dossiers, tenir le bureau, ce qui représentait 20 heures par semaine.

– il était parfaitement possible d’isoler la fonction de gestion des plannings des autres tâches qui lui avaient été confiées. L’association ADMR VALLEE DE L’UBAYE, qui prétend que l’aménagement de son poste ne pouvait se faire au détriment des autres salariés car un tel aménagement aurait nécessité de faire bouger le planning des autres salariés, n’a même pas envisagé cette solution et d’ailleurs, sa remplaçante a été embauchée uniquement le 10 octobre 2016 alors qu’elle était en arrêt depuis le 22 juillet 2016, ce qui confirme que les tâches qu’elle effectuait ont été confiées à une autre salariée, en l’occurrence Madame [M], entre le mois de juillet et le mois d’octobre 2016. Elle invoque la possibilité d’un glissement des tâches entre les salariés.

L’association ADMR VALLEE DE L’UBAYE fait valoir que :

– Madame [X], secrétaire au sein de l’association et Madame [G], qui tient le même poste que celui qui avait été confié à Madame [H], détaillent très exactement, dans leurs attestations, les raisons pour lesquelles elles sont amenées à effectivement travailler quasi constamment sur les plannings, dans l’urgence et dans la réaction.

– il n’existait aucun poste du type décrit par le médecin du travail sur lequel reclasser Madame [H]. A l’époque, en dehors des agents d’interventions, l’association n’employait de manière permanente qu’une responsable et deux agents de bureau, ce qui n’est pas contesté. Ces salariées travaillaient selon une organisation et des horaires bien particuliers (Madame [D], la secrétaire de direction, à raison de 28 heures par semaine, Madame [H], secrétaire à raison de 30 heures par semaine et dont les horaires ont été calqués sur ceux de son époux qui la véhiculait et Madame [B] qui partage son temps complet à hauteur de 50% comme animatrice et 50 % comme agent de bureau, celle-ci ayant suppléé dans la gestion quotidienne les absences de Madame [D] les mardis et mercredis et celles de Madame [H] dans la réalisation et la diffusion des plannings, les vendredis et les fins de journées après 16 heures30).

– il est faux de considérer que la gestion des plannings ne serait qu’une activité annexe alors que c’est une tâche centrale de l’activité de secrétariat qui est inhérente au poste et ne peut être détachée d’aucune autre mission qui incombe à l’agent de bureau. Ceci est établi par les attestations de Madame [G], de Madame [X], de Madame [Y] et de Madame [U]. Retirer à Madame [H] la gestion des plannings et la dispenser de toutes les tâches qui nécessitent d’être organisées ou réorganisées dans l’urgence, revient à vider de sa substance le poste de Madame [H].

– quand bien même on prétendrait contre la réalité qu’il est possible de dissocier la gestion des plannings des autres tâches de secrétariat, le reclassement de Madame [H] sur un poste conforme aux restrictions médicales ne pouvait pas se faire au détriment des autres salariés.

– il n’existait pas, en interne, de poste vacant conforme aux restrictions médicales et aux compétences de la salariée et sur lequel celle-ci aurait pu être reclassée.

– elle a effectué de nombreuses démarches auprès des autres structures locales et fédérales et de plusieurs organismes susceptibles d’être intéressés par le profil de Madame [H].

*

Aux termes de l’article L.1226-10 du code du travail, lorsque, à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise.

L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

Les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l’entreprise et le cas échéant, du groupe auquel elle appartient, parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu de travail permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

La recherche de reclassement doit être réelle, sérieuse et loyale. Elle s’apprécie au regard de la taille de l’entreprise ou du groupe auquel elle appartient et de la position prise par le salarié déclaré inapte par le médecin du travail.

C’est à l’employeur de démontrer qu’il s’est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyens, et de rapporter la preuve de l’impossibilité de reclassement qu’il allègue.

Pour en justifier, l’association ADMR VALLEE DE L’UBAYE produit :

– l’attestation de Madame [X] qui indique : (sic) ‘Je soussignée Mme [X] [T] secrétaire à l’ADMR de [Localité 3] depuis le 21/08/2017, atteste que les plannings sont à gérer quotidiennement mais aussi à M+ et souvent en même temps.

En effet, il est impossible d’accomplir correctement son travail sans prendre en compte les plannings des salariés, que ce soit pour la télégestion (donc la gestion des heures effectuées par les salariés quotidiennement), les arrêts maladie (qui peuvent survenir à tout moment et qui nécessitent une prise de décision dans l’urgence pour réorganiser les plannings), les paies et les factures (qui dépendent en totalité des heures réalisées par les salariés) ainsi que la gestion des accords clients (les plannings doivent être faits en respectant le nombre d’heures attribuées). Pour ne pas faire d’erreur, il faut faire un suivi permanent du planning. C’est au moins 90% du travail de secrétaire.

Le métier de secrétaire en ADMR est de fait un métier de gestion des urgences, il faut être réactif et ne pas se laisser paralyser par le stress. La gestion des plannings est l’élément central de notre activité. Mais avec une bonne organisation et grâce au logiciel PHILIA, s’il est bien utilisé, c’est un emploi qui n’est pas plus stressant que n’importe quel autre dans le secteur administratif et/ou social.

En conclusion, le travail effectué par le secrétariat de toutes les ADMR ne peut pas être dissocié de la gestion du planning et ce, peu importe la période’.

– l’attestation de Madame [G] qui indique : ‘Je suis actuellement en poste à temps plein dans l’association ADMR de Barcelonnette. Je m’occupe quasi-exclusivement des plannings. Les plannings sont prévus d’un mois sur l’autre, c’est à dire que je commence vers le 15 du mois à préparer le planning du mois suivant. Mais les plannings ne sont jamais figés car il y a beaucoup de facteurs au quotidien à prendre en compte tant du coté des bénéficiaires (rendez-vous médicaux, hospitalisations d’urgence, annulations de dernière minute, décès, demandes d’augmentation du nombre d’heures car dégradation de l’état de santé…) que du coté des intervenantes (enfants malades, arrêts de travail, accidents de travail, jours de congés de dernière minute pour rendez-médicaux, pannes de véhicules, problèmes familiaux) , cela m’oblige tous les jours à effectuer des changements sur les plannings et à devoir prévenir les bénéficiaires ainsi que les remplaçantes ce qui prend beaucoup de temps’.

– le contrat de travail de Madame [B], la fiche de poste de l’agent administratif et l’étude de poste du médecin du travail du 30 novembre 2016.

– l’attestation de Madame [Y] qui indique : (sic) ‘j’atteste avoir effectué plusieurs postes au sein du réseau ADMR comme agent de bureau, formatrice, secrétaire et assistante de secteur. J’affirme que le temps de travail sur les plannings est quotidien. En effet, nous avons besoin de travailler avec celui-ci tous les jours pour la gestion des salariés.

Ex type remplacement d’arrêt maladie ou impossibilité. Nous y intervenons également pour les bénéficiaires qui souhaitent des modifications pour des raisons personnelles ou médicaux. Nous utilisons le planning pour faire d’autres taches administratifs. Ex les contrats de travail, la télégestion, mise en place des nouveaux dossiers, suivi modulation.

En outre, la gestion des plannings est indispensable et occupe la majeure partie du temps sur le poste de secrétaire’.

– l’attestation de Madame [U] qui indique certifier que ‘ la gestion des plannings d’une association se gère au quotidien du 1er au dernier jour du mois. Ayant plusieurs fonctions au sein de l’ADMR comme employée de bureau, secrétaire, assistante technique et responsable de secteur, je suis en mesure de confirmer que l’utilisation du logiciel de planning est permanente. Tout est centré sur celui-ci. Il est récurent et impératif de l’utiliser chaque jour notamment lorsque des éléments ou événements tels que la maladie, les absences, nouveaux dossiers, modification de planning surviennent et très souvent en urgence’.

– le contrat de travail à durée déterminée de Madame [P] du 10 octobre 2016.

Selon l’avis du médecin du travail du 30 novembre 2016, Madame [H] a été déclarée : ‘inapte au poste, apte à un autre : inapte sur le poste de travail tel que décrit par l’employeur et qui contient une grande majorité de temps de gestion de planning. Apte sur un poste de secrétaire sans gestion des plannings car ceux-ci impliquent des prises de décisions urgentes dans un contexte d’injonctions contradictoires.

Le reclassement est possible sur un poste de secrétaire comprenant de l’aide à la télégestion, aide à la paye, gestion des factures et autre comptabilité, gestion des variables, gestion des contrats, gestion des indemnités journalières SECU et assurances…’.

S’il ressort des attestations produites au débat par l’employeur que les salariées intervenant au sein du secrétariat sont effectivement amenées à intervenir quotidiennement sur les plannings pour les élaborer mais également pour les modifier afin de faire face aux divers imprévus organisationnels – cette dernière tâche impliquant des prises de décisions urgentes et pour laquelle le médecin du travail a rendu un avis d’inaptitude concernant Madame [H] – il ressort également de l’étude de poste réalisée par le médecin du travail le 30 novembre 2016 que Madame [H] avait également comme attributions une aide à la télégestion, une aide à la paye, la gestion des variables, des factures des contrats de remplacement, des contrats bénéficiaires et des mails.

Selon l’avis du 30 novembre 2016, Madame [H] pouvait justement être reclassée sur un poste comprenant de l’aide à la télégestion, de l’aide à la paye, de la gestion des factures et autre comptabilité, de la gestion des variables, de la gestion des contrats, de la gestion des indemnités journalières SECU et assurances.

Alors que deux salariées intervenaient au secrétariat (Madame [H] et Madame [B]), l’association ADMR VALLEE DE L’UBAYE procède par affirmation lorsqu’elle prétend qu’il serait impossible de dissocier la gestion des plannings des autres tâches de secrétariat ou qu’une dissociation se ferait au détriment des autres salariées et aurait entraîné pour ces dernières des conséquences dommageables, les attestations produites ne démontrant pas ces points.

Au contraire les éléments du dossier attestent que Madame [H] accomplissait plusieurs tâches distinctes, dont une seule était concernée par l’avis d’inaptitude, et l’association ADMR VALLEE DE L’UBAYE ne démontre pas qu’elle a effectivement recherché toutes les mesures de transformation du poste de travail ou d’aménagement du temps de travail de la salariée, comme la loi l’y oblige.

L’association ADMR VALLEE DE L’UBAYE ne démontre donc pas qu’elle s’est acquittée de son obligation par la mise en oeuvre d’une recherche de reclassement réelle, sérieuse et loyale.

Le licenciement de Madame [H] est donc sans cause réelle et sérieuse.

En application des dispositions de l’article L.1226-15 du code du travail, dans sa version applicable au litige, et compte tenu de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (58 ans), de son ancienneté (un an et neuf mois ), de sa qualification, de sa rémunération (1.237,76 €), des circonstances de la rupture et d’un contrat de travail signé le 3 avril 2018 concernant un nouvel emploi, il convient d’accorder à Madame [H] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un montant de 14.853,12 €.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre d’un préjudice moral

Madame [H] invoque des conditions de travail déplorables pendant plusieurs mois qui ont eu des répercussions graves sur son état de santé, le stress auquel elle a été soumise qui est à l’origine de la crise cardiaque survenue sur le lieu de travail, l’absence de volonté de l’employeur de la reclasser et l’impossibilité de retrouver un emploi avant 2018, ce qui l’a plongée dans un état dépressif important. Elle produit le contrat de travail signé le 3 avril 2018, un courrier de Madame [E], psychologue et une attestation de Madame [V], animatrice de gymnastique.

L’association ADMR VALLEE DE L’UBAYE réplique que le préjudice lié aux difficultés de trouver un nouvel emploi est indemnisé par les sommes versées au titre d’un licenciement non causé ; que les éléments du dossier démontrent que ce retard tenait plutôt au caractère restrictif des recherches de Madame [H] ; que c’est sans fondement que Madame [H] invoque des conditions de travail déplorables alors qu’elle a échoué dans sa tentative de faire admettre la faute de l’employeur à son obligation de sécurité ; que si l’accident du travail a été reconnu comme s’étant produit sur le lieu de travail, il n’est pas établi que la cardiomyopathie dont a été victime Madame [H] serait due à ses conditions de travail.

*

Les préjudices résultant du manquement de l’employeur à son obligation de reclassement et des difficultés pour Madame [H] à retrouver un emploi sont liés à la rupture abusive du contrat de travail et ont été indemnisés par les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Alors même que les éléments produits par Madame [H] ne permettent pas de caractériser les conditions de travail dégradées qu’elle invoque, comme il est relevé par l’association ADMR VALLEE DE L’UBAYE et ainsi qu’il a été motivé par le juge départiteur, l’indemnisation d’un préjudice résultant d’un accident du travail, qu’il soit ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive de la juridiction des affaires de la sécurité sociale.

Dans ces conditions, la demande de dommages-intérêts sera rejetée.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées et il est équitable de condamner l’association ADMR VALLEE DE L’UBAYE à payer à Madame [H] la somme de 1.500 € au titre des frais non compris dans les dépens qu’elle a engagés en cause d’appel.

Les dépens d’appel seront à la charge de l’association ADMR VALLEE DE L’UBAYE, partie succombante, par application de l’article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud’homale,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne l’association ADMR VALLEE DE L’UBAYE à payer à Madame [S] [H] la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne l’association ADMR VALLEE DE L’UBAYE aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction

 


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