Droit du logiciel : 28 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/02718

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Droit du logiciel : 28 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/02718

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 11

ARRET DU 28 MARS 2023

(n° , 14 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/02718 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBZF2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Décembre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 18/08469

APPELANTE

Madame [S] [X] épouse [I]

[Adresse 2])

[Localité 4]

Représentée par Me Cécile SERRANO, avocat au barreau d’ESSONNE

INTIMEE

S.E.L.A.R.L [R] [K]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,

Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [S] [M] [T] épouse [I], née en 1971, a été engagée par la SCP [R] [K], par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 6 janvier 2014 en qualité de comptable.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des personnels d’huissiers de justice du 10 avril 1996.

Par lettre datée du 27 octobre 2017, Mme [I] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 10 novembre 2017 avec mise à pied conservatoire avant d’être licenciée pour faute par lettre datée du 20 novembre 2017. Elle a été dispensée de l’exécution de son préavis de trois mois.

A la date du licenciement, Mme [I] avait une ancienneté de 4 ans et 1 mois et la société [K] occupait à titre habituel moins de onze salariés.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre des dommages et intérêts pour harcèlement moral, Mme [I] a saisi le 9 novembre 2018 le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement du 9 décembre 2019, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :

– déboute Mme [I] de l’ensemble de ses demandes’;

– déboute la société [K] de ses demandes reconventionnelles’;

– laisse les dépens à la charge de Mme [I].

Par déclaration du 20 mars 2020, Mme [I] a interjeté appel de cette décision notifiée le 4 mars 2020.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 15 juin 2020, Mme. [I] demande à la cour de :

– constater que Mme [I] a été harcelée par Mme [Z] durant l’année 2015 et jusqu’au 30 novembre 2015′;

– constater que la société [K] n’a pas respecté son obligation de sécurité à l’égard de sa salariée’;

– constater que Mme [I] a saisi le conseil de prud’hommes le 9 novembre 2018′;

– dire et juger que sa demande au titre de la reconnaissance du harcèlement moral n’est pas prescrite puisque les faits se sont poursuivis jusqu’au 30 novembre 2015′;

– constater que les faits reprochés dans la lettre d’avertissement du 16 mars 2017 ne sont pas fondés ;

– annuler l’avertissement du 16 mars 2017′;

– constater que les circonstances ayant entouré le licenciement ont un caractère vexatoire’;

– constater que l’employeur avait connaissance des faits qu’il reproche à Mme [I] dans la lettre de licenciement plus de deux mois avant l’engagement de la procédure de licenciement’;

– constater que Mme [I] n’a commis aucune faute’;

– constater qu’elle a subi un préjudice du fait de la rupture injustifiée de son contrat de travail’;

– dire et juger que le licenciement de Mme [I] est sans cause réelle ni sérieuse’;

– fixer la moyenne des rémunérations des douze derniers mois à 3.892,80 euros

En conséquence,

– condamner la société [K] à lui verser les sommes suivantes :

* 19.463,98 euros au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse’;

* 15.000 euros au titre des dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de s’assurer qu’aucun salarié ne subisse des agissements de harcèlement moral (article L.1152-1 du code du travail)’;

* 15.000 euros au titre des dommages et intérêts en raison du manquement de l’employeur à son obligation de prévention du harcèlement (article L. 1152-4 du code du travail)’;

* 1.200 euros au titre de rappel de cotisations salariales indûment prélevées que le bulletin de paie de janvier 2018′;

* 5.000 euros au titre des dommages-intérêts pour préjudice subi en raison du non-respect par l’employeur des termes de l’article R. 4228-23 du code du travail’;

* 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires du licenciement’;

* 4.000 euros au titre de l’article 700 du CPC’;

– ordonner la remise des documents de fin de contrat (attestation pôle emploi et bulletin de paie) conformes aux demandes’;

– dire que les condamnations seront soumises à intérêt au taux légal’;

– débouter la société [K] de ses demandes reconventionnelles’;

– condamner la société [K] aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 7 septembre 2020, la société [K] demande à la cour de’:

– confirmer le jugement du 9 décembre 2019 en ce qu’il a :

débouté Mme [I] de l’ensemble de ses demandes’;

condamné Mme [I] aux dépens ;

– infirmer le jugement du 9 décembre 2019 en ce qu’il a débouté la la société [K] de ses demandes reconventionnelles de condamnation de Mme [I] à lui verser 5.000 euros au titre des dispositions de l’article 32-1 du code de procédure civile et 5.000€ au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau :

– débouter Mme [I] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions à l’encontre de la la société [K] ;

– condamner Mme [I] à verser à la société [K] une somme de 5.000 euros pour procédure abusive’;

– condamner Mme [I] à verser à la société [K] une somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles de l’article 700 du code de procédure civile exposés en première instance devant le conseil de prud’hommes de Paris ;

– condamner Mme [I] à verser à la société [K] une somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles de l’article 700 du code de procédure civile exposés en cause d’appel devant la cour d’appel de Paris ;

– laisser la charge des dépens en cause d’appel à Mme [I].

L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 janvier 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 7 février 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le harcèlement moral

Pour infirmation de la décision entreprise, Mme [I] soutient en substance que la SELARL [K] a repris l’intégralité de son contrat de travail en succédant à la SCP [K]; que son action est donc parfaitement recevable ; qu’en outre elle n’est pas prescrite, les faits s’étant déroulés durant l’année 2015 jusqu’au 30 novembre 2015 ; que le conseil des prud’hommes ayant été saisi le 9 novembre 2018, le délai de trois ans prévu en matière délictuelle n’était pas expiré ; que les faits de harcèlement sont constitués par des agressions verbales et des insultes de la part de Mme [Z], secrétaire de l’étude, sans que l’employeur pourtant alerté, ne réagisse.

L’employeur réplique que la salariée ne dirige pas son action contre la bonne personne puisque jusqu’au 5 avril 2017, elle était salariée de la SCP [K], personne morale dissoute puis radiée le 3 août 2017, de sorte que la demande est irrecevable ; que la demande est prescrite ; qu’en tout état de cause, il a pris compte de la gravité du comportement de la collègue de travail de la salariée en lui notifiant une mise à pied conservatoire le 30 novembre 2015 puis son licenciement pour faute grave le 29 décembre 2015.

Selon l’article L.1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise.

Il s’ensuit que les contrats de travail de la SCP [K] ont été transférés dans leur intégralité à la SELARL [K] étant observé qu’il s’agit simplement d’une mise en société commerciale d’une société civile.

En conséquence, l’action de Mme [I] diligentée contre la SELARL [K] est recevable et le moyen tiré de la prescription ne peut être retenu.

En application de l’article 2224 du code civil, en matière de responsabilité civile, le point de départ du délai de prescription quinquennal est le jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

En l’espèce, Mme [I] soutient avoir été victime de faits de harcèlement durant l’année 2015 jusqu’au 30 novembre 2015. Elle a saisi le conseil de prud’hommes le 9 novembre 2018, soit dans le délai de 5 ans à compter du 30 novembre 2015 de telle sorte que son action n’est pas prescrite, la cour pouvant dès lors analyser l’ensemble des faits invoqués par la salariée permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral, quelle que soit la date de leur commission.

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Dès lors que sont caractérisés ces agissements répétés, fussent sur une brève période, le harcèlement moral est constitué indépendamment de l’intention de son auteur.

En application des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail dans sa rédaction applicable, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments présentés par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L.1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d’exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et si l’employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, à l’appui de sa demande, Mme [I] présente les éléments suivants :

– un courrier du 12 février 2015 que la salariée a adressé à son employeur, dénonçant l’agression verbale de la part de Mme [Z] qui l’a insultée ce jour à 12H alors que Mme [I] réceptionnait une livraison en disant ‘comptable de merde’ et précisant que ce n’est pas la première fois que Mme [Z] manifestait son agressivité à son encontre ou à l’égard d’autres salariés ;

– un courrier de la salariée du 18 mars 2015 adressé à son employeur, dénonçant une nouvelle agression verbale (‘comptable de merde’) de Mme [Z] le 17 mars vers 11H45 en présence de [R] [K] et demandant à celui-ci de faire cesser ses agissements ;

– les courriers de l’employeur à Mme [Z] des 20 février et 30 mars 2015.

Les faits matériellement établis, présentés ainsi par la salariée, pris dans leur ensemble permettent de présumer l’existence de harcèlement moral résultant des insultes répétées de Mme [Z] portant atteinte à la dignité de Mme [I].

Il appartient donc à l’employeur de prouver que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

A cet effet, la SELARL [K] fait valoir que les ‘allégations’ de la salariée sont ‘parfaitement mensongères’ et que dès le 20 février 2015, il a mis en garde Mme [Z] qui n’a pas pour autant modifié son comportement ; que le 30 mars 2015, un avertissement lui a été notifié en vain ; qu’à la suite de nouveaux faits, Mme [Z] a été licenciée pour faute grave le 29 décembre 2015.

Pour autant, la SELARL [K] n’établit pas que les agissement répétés de Mme [Z] à l’égard de Mme [I], que l’employeur ne conteste pas, ayant même été témoin des faits du 18 mars 2015, sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

En conséquence, les faits de harcèlement sont établis et par infirmation de la décision déférée, l’employeur devra verser à Mme [I] la somme de 1.000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

En outre, l’employeur est tenu envers ses salariés d’une obligation de sécurité en matière de harcèlement et doit prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

En l’espèce, il résulte des éléments du dossier que dès l’alerte de Mme [I] par courrier du 12 février 2015, l’employeur a adressé à Mme [Z] un courrier le 20 février 2015 lui rappelant ‘au sujet des faits du 12 février’ qui l’ont opposée à Mme [I], qu’elle devait avoir, comme les autres salariés, une attitude ‘irréprochable’ et que de ‘tels écarts’ ne doivent plus avoir lieu ; qu’à la suite de l’incident du 17 mars 2015 qui s’est déroulé en sa présence, il a notifié à Mme [Z] un avertissement ; que le comportement de Mme [Z] ayant perduré à l’encontre d’autres salariés, l’employeur l’a licenciée pour faute grave le 29 décembre 2015.

Il s’ensuit que l’employeur justifie avoir pris toutes les mesures immédiates propres à faire cesser les faits de harcèlement.

En conséquence, par confirmation de la décision critiquée, Mme [I] sera déboutée de la demande de dommages-intérêts de ce chef.

Sur l’avertissement du 16 mars 2017

Pour infirmation de la décision déférée, Mme [I] fait valoir qu’elle n’a commis aucune faute ou erreur dans l’exécution de son contrat de travail, justifiant l’avertissement du 16 mars 2017, de sorte que ce dernier doit être annulé.

L’employeur rétorque que la salariée a fait preuve d’une insubordination le 6 février 2017 en s’abstenant de faire valider ses commandes de fournitures de matériels par sa hiérarchie.

En application de l’article L.1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

L’article L.1333-1 du même code précise qu’en cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

L’avertissement du 16 mars 2017 est ainsi rédigé :

‘ Le 3 février dernier, je vous ai adressé un email au terme duquel je vous ai demandé de me transmettre, les bulletins pour chaque mois. Comme vous le savez, cela fait maintenant plusieurs mois que je suis contraint de vous demander de me transmettre chaque mois, copie pour mon information, des bulletins émis, ce dont je n’ai pas disposé avant un nouveau rappel le 23 février dernier. En outre, en prévision de l’intervention de l’expert-comptable, je vous avais demandé de m’adresser l’ensemble des bulletins de paie de l’année 2016.

Or j’ai été contraint de réitérer par email ma demande de l’ensemble des bulletins de salaire pour l’année 2016, le 6 février 2017 à 10 heures 51, demande restée vaine alors que vous n’ignoriez pas que Monsieur [G], notre expert-comptable devait procéder au contrôle de la comptabilité le 16 février 2017, date à laquelle vous seriez en congés ; cette demande a été enfin satisfaite le 23 février 2017.

Votre carence à m’adresser chaque mois les bulletins de paie ainsi que celle à répondre à mes demandes, doivent désormais cesser.

A cet égard, j’en profite pour répondre à votre mail du 6 février 2017 à 9 heurs 11 minutes, rédigé comme suit :

‘ Je vous ai adressé un email le 24 janvier 2017, l’état préparatoire de paie de janvier 2017, je n’ai pas reçu de retour ce jour pour confirmation.

J’ai fais quand même les paies de janvier 2017 pour ne pas pénaliser les salariés.

Merci de me confirmer l’état préparatoire de paie de janvier 2017 et je vous envoie les bulletins de paie de janvier 2017 en retour’.

Comme je vous l’ai indiqué, je n’ai pas compris cet email, et j’en ai été fort surpris, car plutôt que de m’adresser ce que je vous ai demandé, vous laissez sous-entendre que bien que je n’ai pas confirmé votre ‘état préparatoire’ des paies, vous avez néanmoins versé les salaires…et vous conditionnez ma demande originelle à la validation dudit ‘état préparatoire’, le 6 février, pour des salaires qui sont virés au plus tard le dernier jour du mois…

Je vous confirme que dans le cadre du fonctionnement habituel de l’Etude, je ne valide pas ces états, que vous qualifiez pour la première fois et à tort de préparatoires, puisqu’ils ne me sont transmis qu’à titre d’information et non pour validation.

En effet, dès lors que je ne vous transmets pas d’instructions particulières avant la préparation de la paie, les salaires sont à établir à l’identique mois après mois, hormis le décompte des congés payés, des absences maladie et des RTT à effectuer. Cette façon de faire jusque-là ne vous a jamais posé de problèmes pour procéder aux virements des salaires.

Par ailleurs, mercredi 8 février 2017, en sortant de mon bureau, je suis tombé sur un déballage de cartons renfermant des fournitures, pour certains collaborateurs et en l’occurrence, qui contenaient des poubelles de bureau pour chacun d’entre eux ; j’ai demandé qui avait commandé ces éléments; ce sans m’en informer.

Vous m’avez répondu que c’était vous ; je vous ai alors rappelé que vous aviez déjà à plusieurs reprises fait des achats de fournitures de votre propre chef dans m’en référer, alors que je vous ai déjà demandé de dresser avant toute commande, un état des fournitures nécessaires et de me le présenter afin que je valide.

Il semble donc que ce que je vous dis ne soit pas entendu par vous et que vous continuiez à faire comme bon vous semble.

Je vous rappelle à cet égard l’épisode des cartons de bouteilles d’eau que vous vous étiez permis de commander pour toute l’étude ce que j’ai découvert de façon fortuite, et aviez argué à l’époque que vous avez chaud et qu’il fallait vous hydrater…

Je vous avais alors répondu que je ne m’opposais pas à vous offrir des bouteilles d’eau, mais déjà qu’il aurait à tout le moins fallu me le demander et éviter de passer par un prestataire de fournitures de bureau chez qui les bouteilles d’eau sont d’un coût exagéré par rapport à un achat dans une moyenne surface, cet exemple étant mis en exergue pour le principe.

Ces agissements et attitudes doivent cesser et je me permets de vous rappeler que vous êtes salariée et ne disposez à ce titre d’aucune prérogative comme vous semblez vous les approprier.

Comme mes précédents rappels à l’ordre dispensés uniquement à l’oral ne semblent pas avoir d’effets, je me vois dans l’obligation de vous adresser ce courrier en recommandé avec avis de réception en vous indiquant que cette lettre constitue un avertissement’.

Il résulte des échanges de courriel produits pas l’employeur que la salariée a pu se méprendre sur la consigne portant sur la communication des bulletins de salaire tous les mois de telle sorte qu’il ne saurait lui être reproché d’avoir envoyé un état préparatoire avant validation. Ce grief ne peut donc être retenu.

S’agissant des fournitures, la salariée ne contredit pas les avoir commandées sans autorisation de son employeur et se prévaut d’une pratique existante avant sa prise de poste, sans cependant l’établir.

En conséquence, la cour retient que l’avertissement du 16 mars 2017 est justifié. La décision sera confirmée de ce chef.

Sur le licenciement pour faute

Pour infirmation de la décision critiquée, Mme [I] fait valoir que les faits reprochés sont prescrits comme ayant été connus de l’employeur dès le 22 février 2017, voire dès novembre 2016 ; qu’en outre, l’employeur lui a notifié un avertissement le 16 mars 2017, soit moins d’un mois après avoir reçu le courrier de l’expert-comptable du 22 février 2017; qu’en tout état de cause, les griefs ne sont pas établis.

La SELARL [R] [K] réplique que des faits antérieurs à 2 mois peuvent être pris en compte en matière disciplinaire dès lors que le comportement du salarié s’est poursuivi ou a été réitéré pendant ce délai ; que les faits constatés le 22 novembre 2016 suite à la réception de la lettre de l’expert-comptable se sont poursuivis comme relevé le 24 octobre 2017 ; que dans ces conditions, tant les faits du 22 novembre 2016 et ceux du 24 octobre 2017 ont justifié la procédure de licenciement de Mme [I] sans pouvoir opposer la prescription ; qu’il est également reproché à Mme [I] de nombreuses insuffisances professionnelles qui ne constituent pas une faute susceptible de prescription.

Selon l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles’; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

En application de l’article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

Il est constant que ce n’est pas la date des faits qui constitue le point de départ du délai mais celle de la connaissance par l’employeur des faits reprochés. Cette connaissance par l’employeur s’entend d’une ‘connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits’. Cette connaissance peut dépendre de la réalisation de vérifications auxquelles l’employeur doit procéder pour s’assurer de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés

En l’espèce, la lettre de licenciement qui circonscrit les limites du litige est ainsi rédigée :

‘ Nous faisons suite à notre entretien préalable du 10 novembre 2017 auquel vous vous êtes présentée, assistée d’un conseiller de votre choix.

Au cours de cet entretien, nous vous avons exposé l’ensemble des griefs qui vous sont reprochés.

En effet, à la suite de votre absence du mois de septembre dernier, nous avons été alertés par notre expert-comptable sur un certain nombre d’erreurs et manquements fautifs de votre part, qui nous ont conduit à procéder à des vérifications.

Au terme de celles-ci, nous avons pu constater que vous ne remplissiez pas avec la rigueur et le professionnalisme nécessaires, les fonctions et missions qui sont les vôtres, et qui impactent directement d’une part la bonne gestion financière et sociale de l’Etude et d’autre part la réputation de mon Etude, et sont susceptibles d’engager ma responsabilité.

Sur le plan social, nous nous permettons de rappeler que lors du changement de cabinet comptable, c’est vous qui, forte de vos « compétences et de votre expérience » en ce domaine, m’avez proposé de reprendre la gestion des paies.

Je vous ai donc fait confiance en acceptant votre proposition et en procédant à l’acquisition du logiciel que vous m’aviez indiqué.

Mais, contre toute attente, il s’avère que les bulletins de paie ne sont pas conformes, et ce malgré les très nombreuses heures que vous avez passées au téléphone avec les services d’assistance du logiciel.

En effet, alors que l’horaire de travail à l’Etude est de 169 heures mensuelles et que les heures supplémentaires sont rémunérées sous forme de RTT, aucun compteur de RTT n’apparaît sur les bulletins de paie et ne permet donc de suivre leur évolution.

En outre, vous n’avez pas tenu compte du courrier que nous avons reçu sur le changement du taux de la CARCOEHJ (Caisse de Retraite Complémentaire des Clercs et Employés des Huissiers de Justice) au 1er juillet 2017 (contribution additionnelle), de sorte qu’une cotisation patronale de 1,80 % est prélevée à tort.

De plus, les bulletins mentionnent une contribution de 0,58, % alors que ce taux n’est plus en vigueur depuis 2015 ; ces cotisations servant de base au calcul de la CSG-CRDS, le net à payer est dès lors erroné.

De surcroît, pour le calcul de la CSG-CRDS, malgré les indications déjà données par notre expert-comptable, la base appliquée est fausse car :

– l’abattement de 1,75 % sur le salaire brut n’est pas appliqué (règle de base),

– les cotisations CARCOEHJ et la mutuelle ne sont pas intégrées à la base CSG-CRDS, ce qui génère un net à payer erroné.

Le montant du net imposable figurant sur les bulletins de paie intègre à tort une cotisation additionnelle CARCOEHJ de 2,10 %, sans aucun fondement, rendant le montant imposable surévalué.

Par ailleurs, pour vous et pour [A] [D], qui bénéficiez d’une rémunération supérieure au plafond mensuel de la Sécurité sociale, vous avez calculé le plafond en proratisant sur 169 heures, alors que le plafond dans ce cas est invariable, d’où une cotisation sur une base supérieure à celle qu’elle devrait être.

Sans compter que vous avez omis d’appliquer, depuis le mois de juillet dernier, la cotisation CAVOM (Caisse de retraite et de prévoyance des huissiers de justice) sur le bulletin de paie de Madame [D] (huissier salariée), de sorte qu’elle ne cotise toujours pas à cette caisse depuis sa nomination.

Enfin, concernant Monsieur [E], [C] qui était en arrêt maladie, ses bulletins de paie sont erronés :

– ses arrêts maladie ne sont pas mentionnés,

– le salaire brut n’est pas conforme à la Convention Collective (1.847,76€ au lieu de 3..952,92€),

– le régime de la subrogation, obligatoire par la Convention Collective, n’apparaît pas correctement puisque les indemnités journalières ne sont pas reportées sur le bulletins, impliquant pour l’Etude une base supérieure de cotisations sociales, et donc un surcoût.

– les indemnités journalières ne sont pas perçues par l’Etude, ce qui représente un manque à gagner important.

Pour Monsieur [W], le taux horaire visé, soit 9,6%, est inférieur à celui de la Convention Collective (9,93 €) mais égaiement à celui du SMIC (9,76 1€), et les cotisations de retraite obligatoire HUMANIS et complémentaire (CARCOEHJ) sont manquantes.

S’agissant des formalités comptables, sociales et fiscales, les règles élémentaires de déduction de la TVA ne sont pas pratiquées, malgré les remarques répétées de l’Expert-comptable, puisque vous continuez à déduire de la TVA sur les assurances et sur les frais de véhicules de tourisme.

Les déclarations sociales de fin d’exercice et d’activité (URSSAF – HUMANIS – CARCO) liées à la dissolution de la SCP, auxquelles je vous avais demandé de procéder et que vous m’aviez indiqué avoir effectuées, n’ont en réalité pas été réalisées, malgré les relances de ces organismes.

Nous avons donc reçu des appels de cotisations et des mises en demeure de payer, ce qui a entraîné une procédure pré contentieuse avec l’URSSAF, et les paiements auprès des organismes sociaux n’ont pas été effectués, ou de façon partielle, sans tenir compte de la transformation de la SCP en SELARL.

Vous n’avez pas davantage procéder au paiement des droits de Chambre départementale (payables au plus tard les 20 avril et 20 juin 2017 pour environ 1000€) et appel de cotisation de la Chambre régionale des Huissiers de justice (payable au plus tard le 20 juin 2017 pour 2200€), malgré les relances de ces deux organes de tutelle.

Nous avons donc reçu une lettre recommandée, valant mise en demeure de payer et convocation devant le Bureau de la Chambre départementale, pour le 04 octobre dernier, afin que j’apporte toutes explications et me fasse rappeler à l’ordre; j’ai donc été contraint de payer la totalité de ces sommes en urgence absolue, et en une seule fois, ce qui a obéré sérieusement la trésorerie de l’Etude.

Concernant les droits d’enregistrement relatifs à la transformation de la SCP en SELARL, je vous avais demandé de faire le nécessaire, en suivant les indications de notre expert-comptable ; or, vous n’avez préparé ni le calcul, ni le règlement des droits dans les délais impartis, me contraignant à aller les régler également en urgence pour éviter les pénalités.

En outre, nous avons découvert qu’un virement de 13.628 € avait été effectué par vos soins le 28 juin 2017 sans m’en avoir averti et sans aucune pièce justificative ; vous n’avez placé dans le compte « SCP [K]  », considérant qu’il s’agissait d’une charge de la SCP.

Or, après recherches, il s’avère que dans le cadre de la procédure précontentieuse avec l’Urssaf, dont vous étiez informée par les nombreuses notifications par emails sur votre boîte de messagerie, dont vous ne m’avez jamais informé, cet organisme avait envoyé un décompte des sommes dues avec des majorations.

J’ai donc pu faire le lien avec le chèque que vous m’aviez demandé de signer, qui payait les majorations ; je vous avais alors demandé pour quelle raison l’Etude devrait des majorations et de faire le nécessaire pour en obtenir la levée, ce à quoi vous m’aviez répondu que vous l’aviez déjà fait et que l’organisme avait refusé.

Outre le fait qu’il n’y a aucune trace de votre demande de remise gracieuse, vous avez cru pouvoir procéder au paiement de cette somme (comprenant les majorations) par virement, sans m’en informer et sans instruction de ma part, ce qui paraissait pour le moins nécessaire compte tenu des pénalités en jeu et de la procédure précontentieuse en cours.

Et ce d’autant plus, qu’il apparaît en réalité que ces sommes ont déjà été payées de sorte qu’il sera donc difficile de se faire rembourser par l’URSSAF pour une société qui a été dissoute.

De plus, le 31 août 2017, de votre propre chef, vous avez passé des écritures comptables, qui débitaient le compte ‘affecté’ vers le compte de gestion, pour un montant total de 133.425,75€, alors que vous deviez passer une écriture entre les deux comptes affectés pour les équilibrer.

Cette erreur, que vous avez corrigée le 17 octobre 2617, signifie que durant toute cette période, l`Etude n’a pas été en mesure, en violation de ses obligations professionnelles, de représenter les fonds clients, sur simple demande de la Chancellerie ou des organes de tutelle de notre profession.

Le 27 octobre 2017, vous avez de nouveau effectué un virement en débitant du compte ‘ affecté’ la somme de 206.165,19 € en ne lisant pas correctement un email qui récapitulait les paiements qu’il convenait de faire, de sorte que le compte ‘affecté’ n’était plus créditeur que de la somme de 19.000 euros…, sans que cela ne suscite la moindre interrogation de votre part.

Je ne peux que constater et regretter que ces erreurs fautives ne font que s’accumuler puisque je vous rappelle, qu’il y a quelques mois, j’ai découvert que vous aviez procédé au paiement d’un créancier pour un montant de 50.000 euros en débitant le compte ‘affecté’, mais en omettant de passer l’écriture en comptabilité.

Au lieu de m’en informer, vous avez pris l’initiative de payer cette somme une seconde fois en débitant de nouveau le compte « affecté  » ; je n’ai pris connaissance de ces faits que longtemps après, par la réception d’une lettre m’informant que l’Etude détenait une créance dans le cadre d’un plan de sauvegarde dont faisait l’objet le créancier, et que la créance de l’Etude serait éventuellement payée sur 10 ans.

Votre erreur m’a donc contraint à devoir régulariser le compte clients par prélèvement sur les fonds propres de l’Etude, celle-ci n’ayant perçue à ce jour que deux annuités pour un total de 1.800 €.

J’ai également constaté qu’au mois de juillet dernier, vous avez effectué un virement de 141.000 €, mais en créditant un mauvais destinataire (COLIPOSTE (un de nos clients) au lieu de la BANQUE POSTALE (tiers saisi).

Par chance, la société Coliposte, qui connaît notre Etude, a accepté de rétrocéder les fonds, mais en ne manquant pas de souligner une erreur de destinataire.

Ces fautes ont, non seulement des conséquences directes sur la gestion du compte clients de l’Etude, et donc sur son obligation permanente de représentation de leurs fonds, pouvant des lors engager sa responsabilité, mais également s’agissant de sa réputation, notamment à regard des clients grands comptes.

Enfin, j’ai découvert très récemment que vous aviez cru pouvoir répondre aux questions posées par un organisme de logement concernant le statut de salarié et donc la solvabilité de Monsieur [E], salarié en longue maladie, alors qu’il s’agit de données personnelles, que vous n’êtes pas autorisée à divulguer à un tiers, et que vous auriez donc dû m’en informer.

Lors de l’entretien préalable, vous vous êtes contentée de répondre que vous ignoriez certaines règles ou n’étiez pas au courante, et que toutes les erreurs, que vous avez reconnues, notamment d’écritures comptables, n’étaient pas graves car pour certaines rectifiées (alors même qu’elles ont en réalité aggravé la situation).

Vos explications, qui ne nous ont pas convaincus, confirment finalement des erreurs nombreuses dans la gestion de la paie et de la comptabilité qui traduisent un manque de rigueur et de sérieux, une absence de conscience de leurs conséquences financières, notamment au regard des obligations professionnelles pesant sur l’Etude, et un déficit flagrant d’information à mon égard.

L’ensemble des faits fautifs, compte tenu de vos fonctions, mettent en cause la bonne marche de l’entreprise de sorte que nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour fautes.

Votre préavis d’une durée de deux mois, dont nous vous dispensons et qui vous sera toutefois payé, débutera à la première présentation de la présente lettre…’

Plusieurs griefs sont reprochés à la salariée :

– sur le plan social’: bulletins de paie non conformes en termes de compteur RTT, taux de cotisations divers, prise en compte des arrêts maladies, taux horaire applicable.

– sur le plan des formalités comptables, sociales et fiscales’: non application des règles de déduction de la TVA, absence de déclarations sociales de fin d’exercice et d’activités, absence de paiement des droits de chambre départementale, virement effectué sans avertissement à l’employeur, divulgation de données personnelles.

L’employeur ayant qualifié les faits reprochés de ‘fautifs’, les règles relatives au licenciement disciplinaire s’appliquent de telle sorte que c’est en vain qu’il tente de se prévaloir des dispositions relatives à l’insuffisance professionnelle de sa comptable pour justifier son licenciement.

Il résulte des éléments du dossier que le 22 novembre 2016, l’expert-comptable de l’Etude avait déjà relevé de nombreuses difficultés sur la tenue ‘laissant à désirer’ de la comptabilité par Mme [I], notamment quant aux rapprochements des comptes affectés et des comptes de gestion au sujet desquels elle s’est dite surprise et ignorait ce dont il s’agissait, quant à la tenue des salaires en visant en particulier l’absence de retenue sur le salaire brut pour maladie d’un salarié, ce qui entraîne un surcoût pour l’Etude, les charges sociales étant calculées sur le salaire complet, quant aux charges sociales des associés URSSAF et RSI non suivies, quant aux déclaration de TVA non conformes, l’expert-comptable de conclure qu’il convenait de remédier très rapidement aux manquements relevés.

Par courrier du 22 février 2017, le même expert comptable, suite à son passage à l’Etude pour effectuer la révision des comptes en vue de l’établissement de la déclaration fiscale et en complément de son courrier du 22 novembre 2016, informait la SCP [K] de ce que :

– le forfait social de 20% n’était pas inclus dans les cotisation sociales,

– URSSAF :

* les taux 2017 n’ont pas été mis à jour,

* la cotisation pénibilité nouvelle sur 2017 n’apparaît pas sur les bulletins de paye,

* la base CSG CRDS est totalement fausse : l’abattement de 1,75% sur le salaire brut n’est pas appliqué, c’est une règle de base, les cotisations CARCO et la mutuelle ne sont pas intégrées à la base CSG-CRDS, en conséquence le net est faux,

– CARCO :

* les taux 2017 (contribution additionnelle) n’ont pas été mis à jour non plus malgré le courrier adressé par l’organisme aux Etudes…le net à payer est erroné,

* une contribution de 0,58 % apparaît alors que ce taux n’est plus en vigueur depuis 2015,

– net imposable : le montant de la mutuelle n’est pas intégré à la base de calcul,

– bulletins [D] [N] et [I] [S] : leur salaire est supérieur au plafond de la sécurité sociale et toutes les cotisations sont assises sur le salaire brut alors qu’une partie doit être calculée sur le plafond,

– bulletin [E] [B] : ce salarié est en arrêt maladie avec mise en place de la subrogation par l’Etude, il manque sur le bulletin les cotisations de retraite obligatoire (Humanis) et complémentaire (CARCO) ce qui est une erreur flagrante, de plus il n’y a aucune correspondance entre le montant des indemnités journalières brutes (2.253 euros) et le montant des indemnités nettes (846,30 euros), ce bulletin est totalement erroné,

– bulletin [W] [F] : pour ce salarié en temps partiel, ne figurent pas non plus les cotisations de retraite obligatoire et complémentaire, ce qui est une erreur, ce plus le remboursement transport est calculé sur un montant incohérent.

Et l’expert-comptable conclut que de graves erreurs ont été relevées sur les bulletins de paye, le net à payer est erroné, et les cotisations reversées aux organismes sont inexactes.

Par courrier du 24 octobre 2017, le même expert-comptable constatait que les mêmes manquements s’étaient poursuivis de la part de Mme [I] malgré les remarques répétées alléguées par l’expert.

Pour autant, alors que l’employeur de Mme [I] avait connaissance de l’ensemble des manquements relevés par l’expert comptable par courriers des 22 novembre 2016 et 22 février 2017, considérés ensuite comme fautifs par lui, il a choisi de sanctionner par un avertissement le 16 mars 2017 que certains faits reprochés à la salariée et ne pouvait donc ultérieurement prononcer une nouvelle mesure disciplinaire pour sanctionner les autres faits antérieurs à la première sanction et dont il avait une parfaite connaissance, peu important que les manquements se soient poursuivis. Il s’ensuit que pour tous les faits révélés par l’expert-comptable les 22 novembre 2016 et 22 février 2017, l’employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire.

S’agissant des faits postérieurs, c’est en vain que l’employeur se prévaut de manquements de sa salariée à ses obligations alors que d’une part, il n’établit nullement avoir alerté sa comptable des difficultés relevées par l’expert-comptable depuis 2016, ni que ce dernier lui a ‘fait des remarques répétées’, que d’autre part, il résulte des courriers de ce même expert-comptable que certaines erreurs ont été rectifiées à sa demande, qu’enfin aux termes du document dit ‘circulaire n°3″ en date du 15 mai 2017, la SELARL [K] précise que ‘[S] [Mme [I]] assurera le traitement comptable quotidien, établissement des rapprochements bancaires hebdomadaires avec envoi de ces derniers à Me [K] le vendredi soir au plus tard, traitement des virements quotidiens avec leur imputation immédiate … traitement des créances acquises a minima une fois par semaine, en référer hebdomadairement à SVK le vendredi… ; tenue de la comptabilité générale, paiement des confrères et débours, clôture comptable des dossiers…’, confirmant ainsi la salariée dans ses tâches malgré les manquements allégués. En outre s’agissant du virement à La Poste et de l’absence de déclarations nécessaires à la cessation d’activité de l’Etude sous la forme de SCP, la salariée ayant cependant pris en charge les déclarations sociales et fiscales de début de l’activité sous la forme de la SELARL, il appert que cela ne ressort pas de la faute, mais davantage de l’insuffisance professionnelle étant relevé que l’employeur lui-même conclut qu’il est ‘également reproché de nombreuses insuffisances professionnelles’.

Et comme il soutient lui-même, sauf mauvaise volonté de la salariée qui n’est nullement alléguée en l’espèce, l’insuffisance professionnelle ne peut pas constituer une faute.

En conséquence, eu égard à l’ensemble de ces éléments, par infirmation de la décision déférée, la cour retient que les manquements fautifs ne peuvent pas être retenus et que le licenciement de Mme [I] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières

En application de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa version issue de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant, eu égard à l’ancienneté de la salariée, est compris entre 3 mois et 4 mois de salaire.

Au jour du licenciement, Mme [I] âgée de 45 ans, bénéficiait d’une ancienneté de plus de trois ans. Elle ne justifie pas de sa situation postérieurement à la rupture. Au vu de ses bulletins de salaire et en réparation du préjudice causé par la perte injustifiée de son emploi, il convient de lui allouer la somme de 11.000 euros.

Sur la demande de dommages-intérêts pour rupture vexatoire

Mme [I] sollicite des dommages-intérêts pour circonstances vexatoires du licenciement sans développer ni même préciser les moyens de fait et de droit à l’appui de sa demande dans la partie discussion de ses conclusions.

En conséquence, à défaut d’établir tant le caractère vexatoire de la rupture que le préjudice en résultant, il convient de la débouter de la demande de ce chef. La décision sera confirmée de ce chef.

Sur l’indemnité compensatrice de congés payés

Pour infirmation de la décision sur ce point, Mme [I] fait valoir que l’indemnité de congés payés a été soumise à cotisations sociales à deux reprises.

L’employeur rétorque que l’indemnité de congés payés a été soumise à cotisations sociales uniquement au titre du dernier bulletin de paye de février puisque l’erreur du 1er bulletin de paye du mois de janvier a été retenue en trop perçu, puis déduite.

En application de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver, celui qui se prétend libérer doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Le bulletin de salaire pour la période du 1er janvier au 21 janvier 2018 d’un montant total de 9.345,72 euros, porte mention du paiement du solde de congés payés pour un montant de 4.673 euros. L’employeur ayant à tort considéré que le préavis était de deux mois, a émis un second bulletin de salaire pour la période du mois de janvier jusqu’au 31 en mentionnant la somme de 9.345,72 euros comme retenue et la somme de 6.793,85 euros de ‘trop perçu sur mois en cours’ à titre de gain.

Le bulletin du mois de février 2018 porte mention d’une indemnité compensatrice de congés payés de 5.007 euros sur laquelle sont calculées des cotisations sociales alors que celles-ci avaient été également retenues sur le montant de 4.673 euros. Si la somme de 6.793,85 euros de trop perçu a été effectivement déduite sur le bulletin de février 2018, il n’en demeure pas moins que la déduction n’intervient sur le bulletin qu’après calcul des cotisations sociales sur la somme totale de 7.369,41 euros en ce compris les congés payés à hauteur de 5.007 euros.

Il s’ensuit que les cotisations sociales sur l’indemnité compensatrice de congés payés ont bien été prélevées à deux reprises.

En conséquence, il convient de condamner, par infirmation de la décision, la SELARL [K] à verser à Mme [I] la somme de 1.200 euros à titre de manque à gagner.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre de l’absence d’un emplacement pour prendre son repas

En application de l’article R. 4228-23 du code du travail dans sa version applicable, dans les établissements dans lesquels le nombre de travailleurs souhaitant prendre habituellement leur repas sur les lieux de travail est inférieur à vingt-cinq, l’employeur met à leur disposition un emplacement leur permettant de se restaurer dans de bonnes conditions de santé et de sécurité.

Par dérogation à l’article R. 4228-19, cet emplacement peut, sur autorisation de l’inspecteur du travail et après avis du médecin du travail, être aménagé dans les locaux affectés au travail, dès lors que l’activité de ces locaux ne comporte pas l’emploi de substances ou de préparations dangereuses.

Mme [I] n’établit pas et au demeurant, ne prétend pas, avoir émis le souhait auprès de son employeur de prendre habituellement son repas sur le lieu de travail. Dès lors elle ne saurait lui reprocher de ne pas avoir mis à disposition un emplacement lui permettant de se restaurer dans de bonnes conditions de santé et de sécurité.

C’est donc à juste titre qu’elle a été déboutée de la demande de dommages-intérêts à ce titre. La décision sera confirmée de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive

Vu l’article 32-1 du code de procédure civile

L’exercice d’une action en justice ne constitue un droit qui ne dégénère en abus qu’en cas d’intention malicieuse, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol.

En l’espèce, il n’est pas établi que le recours de Mme [I] procède d’une intention de nuire à la partie intimée qui sera par conséquent déboutée de sa demande de dommages-intérêts.

Sur les frais irrépétibles

La SELARL [K] sera condamnée aux entiers dépens et devra verser à Mme [I] la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

INFIRME partiellement le jugement déféré ;

Statuant à nouveau ;

JUGE que le licenciement de Mme [S] [M] [T] épouse [I] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la SELARL [R] [K] à verser à Mme [S] [M] [T] épouse [I] les sommes suivantes :

– 1.000 euros de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral ;

– 11.000 euros d’indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 1.200 euros de manque à gagner au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés;

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud’hommes, les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;

CONFIRME le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE la SELARL [K] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNE la SELARL [K] aux entiers dépens ;

CONDAMNE la SELARL [K] à verser à Mme [S] [M] [T] épouse [I] la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente.

 


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