AFFAIRE PRUD’HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 19/07203 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MUUH
[J]
C/
SARL MEWA COMMERCIALE
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON
du 23 Septembre 2019
RG : F 18/00241
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 31 MARS 2023
APPELANTE :
[D] [J] épouse [U]
née le 24 Décembre 1978 à [Localité 5]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Stéphane TEYSSIER de la SELARL TEYSSIER BARRIER AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Erika COUDOUR, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
SARL MEWA COMMERCIALE
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Véronique FONTAINE de la SCP BCF AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Céline FLOTARD, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 26 Janvier 2023
Présidée par Régis DEVAUX, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Rima AL TAJAR, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
– Béatrice REGNIER, président
– Catherine CHANEZ, conseiller
– Régis DEVAUX, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 31 Mars 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Béatrice REGNIER, Président et par Rima AL TAJAR, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
La société MEWA Commerciale exerce son activité dans le secteur de la commercialisation de contrats de location de lavettes et autres articles de nettoyage industrielle. Elle appliquait la convention collective inter-régionale de la blanchisserie, teinturerie et nettoyage du 17 novembre 1997 (IDCC 2002), étendue par arrêté du 10 août 1998, et emploie plus de dix salariés. Elle a embauché Mme [J] [U] à compter du 10 mars 2010, en qualité d’assistante commerciale, dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à partiel. Par avenant du 15 décembre 2010, le contrat de travail de Mme [U] est devenu à temps complet.
A compter de l’année 2013, Mme [U] était placée en congé maternité, lequel a été suivi d’un congé parental. Elle a repris le travail le 1er avril 2017.
Par courrier du 1er juin 2017, Mme [U] a été convoquée à un entretien fixé au 12 juin 2017, préalable à un éventuel licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Par lettre recommandée avec accusé réception du 6 juillet 2017, elle a été licenciée, pour avoir manqué à son obligation de loyauté envers son employeur, dans le seul but de se voir octroyer des primes sur objectifs injustifiées, et ce à travers trois comportements distincts.
Le 26 janvier 2018, Mme [D] [U] a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon d’une contestation de ce licenciement.
Par jugement du 23 septembre 2019, le conseil des prud’hommes de Lyon a :
– fixé le salaire moyen de Mme [D] [J] épouse [U] à 2 059,26 euros ;
– dit et jugé le licenciement de Mme [D] [J] épouse [U] repose sur une cause réelle et sérieuse ;
– débouté Mme [D] [J] épouse [U] de l’ensemble de ses demandes ;
– débouté Mme [D] [J] épouse [U] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté la SAS Hôtel de la Résidence de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné Mme [D] [J] épouse [U] aux éventuels entiers dépens.
Le 21 octobre 2019, Mme [D] [U] a interjeté appel, critiquant le jugement en ce qu’il l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes, qui sont expressément rappelées.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions notifiées le 8 décembre 2022, Mme [D] [U] demande à la Cour de :
– infirmer intégralement les chefs du jugement du conseil de prud’hommes ayant dit et jugé que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, et l’ayant débouté de l’ensemble de ses demandes ;
Statuer à nouveau sur ces chefs du jugement,
Sur le licenciement :
– rejeter la demande de voir déclarer irrecevable sa demande en nullité de son licenciement formulée en appel,
– à titre principal, prononcer la nullité du licenciement pour discrimination fondée sur sa situation de famille, et à titre subsidiaire, déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement,
Sur le contrat de travail :
– dire et juger que l’employeur a commis les manquements suivants à ses obligations lors de l’exécution du contrat de travail :
– non versement de tout ou partie d’un élément de salaire,
– exécution fautive du contrat de travail,
Sur l’indemnisation des préjudices subis :
– condamner la société MEWA Commerciale à lui payer les sommes suivantes, outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes :
– 37 062 euros nets de dommages et intérêts pour licenciement nul ou tout le moins sans cause réelle et sérieuse,
– 371,22 euros à titre de rappels de salaire, outre 3,71 euros au titre des congés payés afférents,
– 10 000 euros nets de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,
– ordonner la capitalisation des intérêts en vertu de l’article 1343-2 du code civil,
– condamner la société MEWA Commerciale à lui remettre des documents de rupture et des bulletins de salaire rectifiés conformes à la décision, dans les 15 jours de la notification de l’arrêt et passé ce délai sous astreinte de 150 euros par jour de retard,
– se réserver le contentieux de la liquidation de l’astreinte,
– condamner la société MEWA Commerciale à lui payer une indemnité de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société MEWA Commerciale aux dépens.
Au soutien de la contestation de son licenciement, Mme [J] fait valoir que son licenciement est intervenu pour un motif discriminatoire lié à sa situation familiale. Elle affirme qu’à son retour de congé parental, l’employeur lui a reproché ses absences dans le cadre de sa grossesse ainsi que son congé parental, qu’en outre il a procédé à son remplacement par l’embauche d’une salariée en contrat de travail à durée indéterminée. Elle ajoute que l’employeur avait organisé son licenciement bien avant l’engagement de la procédure de licenciement.
Subsidiairement et s’agissant du motif de son licenciement, Mme [J] fait valoir que la société est défaillante dans la démonstration de manquements de sa part, et affirme qu’elle a respecté les process de l’entreprise ainsi que les consignes qui lui ont été données.
S’agissant de sa demande de rappel de salaire, Mme [J] fait valoir que la société ne lui a pas payé plusieurs éléments de salaire et l’a rémunérée à un taux horaire de 5,40 euros, soit un taux horaire inférieur au SMIC. Elle ajoute que la société lui a rémunéré ses heures supplémentaires sur la base de ce taux horaire sans prendre en compte les autres éléments de son salaire.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 8 décembre 2022, la société MEWA Commerciale demande à la cour de :
– déclarer irrecevable la demande de nullité du licenciement formée dans les conclusions récapitulatives en cause d’appel, en violation du principe de concentration des prétentions au fond,
Subsidiairement,
– débouter Mme [U] de ses demandes tendant à la nullité du licenciement, faute de preuve d’une quelconque discrimination,
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Lyon du 23 septembre 2019 en ce qu’il a déclaré la procédure de licenciement qu’elle mise en ‘uvre à l’encontre de Mme [U] régulière et bien fondée,
A titre infiniment subsidiaire,
– limiter les dommages et intérêts accordés à Mme [U] à l’équivalent de 6 mois de salaires bruts,
– déclarer irrecevable la demande de rappel de salaire de Mme [U] au titre du taux applicable aux heures supplémentaires, comme étant nouvelle en cause d’appel,
Subsidiairement,
– rejeter les demandes de rappels de salaire au titre du taux appliqué aux heures supplémentaires, comme incluant des éléments ne relevant pas du travail exclusif du salarié,
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Lyon en ce qu’il a considéré qu’elle avait loyalement exécuté le contrat de travail de Mme [J] et en ce qu’il l’a déboutée cette dernière de l’ensemble de ses demandes de dommages et intérêts, rappels de salaires, et congés payés afférents à ce titre,
– limiter les dommages et intérêts accordés à Mme [J] à ce titre dans les plus notables proportions,
En tout état de cause,
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Lyon du 23 septembre 2019 en ce qu’il a débouté Mme [J] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [J] à lui verser une somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens.
La société MEWA Commerciale fait valoir que la demande en nullité du licenciement présentée par la salariée est irrecevable car la demande est nouvelle en cause d’appel. Subsidiairement, elle soutient que la salariée est défaillante dans la démonstration d’une discrimination à son encontre. Elle soutient qu’il est reproché à la salariée d’avoir pris des rendez-vous non conformes, avoir refusé de transmettre les reportings quotidiens et d’avoir pris de faux rendez-vous, que ces faits sont précis, datés et justifiés. S’agissant de l’exécution du contrat de travail, la société MEWA Commerciale soutient que la rémunération de la salariée a toujours été supérieure au SMIC, s’il est pris en compte les parts fixe et variable. Concernant les heures supplémentaires, elle soutient que cette demande est irrecevable car nouvelle en cause d’appel. Subsidiairement, elle affirme que les éléments pris en compte dans le taux de majoration des heures supplémentaires sont liés au travail individuel du salarié, alors que le versement des primes suppose une interaction entre salariés et ne doit donc pas être pris en compte.
La clôture de la procédure a été ordonnée le 13 décembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de la demande de l’appelante en nullité du licenciement
L’art. 910-4 du code de procédure civile pose le principe de concentration des prétentions, en énonçant qu’à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leur prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
En l’espèce, dans ses premières conclusions d’appel, notifiées le 20 janvier 2020, Mme [J] ne demandait pas la nullité de son licenciement.
Dès lors, cette demande sera déclarée irrecevable, conformément au moyen développé par la société MEWA Commerciale.
Sur la recevabilité de la demande de l’appelante en paiement d’un rappel de salaire
Il résulte des articles 564 et 565 du code de procédure civile qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait, et encore que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
En l’espèce, en première instance, Mme [J] réclamait la somme de 2 423,77 euros à titre de rappel de salaire, outre 242,37 euros au titre des congés payés afférents, au motif que les salaires versés par la société MEWA Commerciale ont été calculés sur la base d’un taux horaire de 5,408 euros, et non pas d’un taux correspondant au SMIC.
En instance d’appel, Mme [J] demande la somme de 371,22 euros à titre de rappel de salaire, outre 37,12 euros au titre des congés payés afférents, au motif que la majoration des salaires versés pour les heures supplémentaires effectuées d’avril à juillet 2017, ont été calculés sur la base d’un taux horaire de 5,408 euros.
Ainsi, Mme [J] n’allègue pas que l’employeur n’a pas payé toutes les heures supplémentaires mais qu’il n’a pas payé intégralement les heures supplémentaires effectuées. Elle n’a fait que préciser, en appel, l’objet de sa demande ; il ne s’agit pas d’une demande nouvelle et, dès lors, celle-ci sera déclarée recevable.
Sur la demande de l’appelante en paiement d’un rappel de salaire
Les majorations pour heures supplémentaires portent sur le salaire de base effectif réel du salarié (Cass. Soc., 14 novembre 2012 ‘ pourvoi n° 11-20.776). Le texte conventionnel ne précise pas l’assiette de calcul des heures supplémentaires.
En l’espèce, il résulte des bulletins de paie versés aux débats par Mme [J] (pièces n° 2 de l’appelante) que :
– en avril 2017, elle a effectué 17,33 heures, payées avec une majoration de 25 %, soit au taux horaire de 6,760 euros (le taux horaire non majoré étant de 5,408 euros)
– en mai 2017, elle a effectué 17,33 heures, payées avec une majoration de 25 %, soit au taux horaire de 6,760 euros (le taux horaire non majoré étant de 5,408 euros)
– en juin 2017, elle a effectué 17,33 heures, payées avec une majoration de 25 %, soit au taux horaire de 6,760 euros (le taux horaire non majoré étant de 5,408 euros)
– en juillet 2017, elle a effectué 3,47 heures, payées avec une majoration de 25 %, soit au taux horaire de 6,760 euros (le taux horaire non majoré étant de 5,408 euros).
Il s’en déduit que l’employeur a alors appliqué, pour le paiement des heures supplémentaires, une majoration de 25% (cette valeur étant conforme à la loi) au taux horaire pris en compte pour la part fixe du salaire de base de Mme [J].
Or, Mme [J] a reçu, en plus de son salaire de base, d’un montant fixe :
– en avril 2017, une commission de 250 euros et un complément de salaire de 504,43 euros
– en mai 2017, une commission de 256 euros et un complément de salaire de 498,43 euros
– en juin 2017, une commission de 566 euros et une prime d’équipe de 388,95 euros
– en juillet 2017, une commission de 46 euros
tous ces montants étant exprimés en but.
A l’analyse, les commissions et compléments de salaire, ainsi que la prime d’équipe n’ont pas un caractère forfaitaire et correspondent à la contrepartie directe du travail effectué par Mme [J]. Dès lors, ces éléments de rémunération doivent être intégrés dans la base de calcul des majorations pour heures supplémentaires.
Mme [J] a ainsi procédé dans ses conclusions, ses calculs sont exacts. En conséquence, sa demande de rappel de salaire est fondée et justifiée, la société MEWA Commerciale lui doit à ce titre : 107,75 euros pour le mois d’avril 2017, 107,75 euros pour le mois de mai 2017, 131,69 euros pour le mois de juin 2017 et 24,02 euros pour le mois de juillet 2017, soit un total de 371,22 euros. Elle a droit en outre à la somme de 37,12 euros au titre des congés payés afférents mais il lui sera accordé dans la limite du montant réclamé à ce titre, soit 3,71 euros. Le jugement déféré sera infirmé en ce sens.
Il y a lieu en outre d’ordonner la capitalisation des intérêts en vertu de l’article 1343-2 du code civil.
Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale de l’exécution du contrat du travail par l’employeur
Mme [J], dans ses conclusions, soutient que la société MEWA Commerciale a commis plusieurs manquements graves dans l’exécution du contrat de travail, qu’elle ne précise nullement, pour réclamer la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts, en réparation d’un préjudice dont la consistance n’est pas même caractérisée.
En conséquence, le rejet de cette demande, qui est infondée, mérite d’être confirmée.
Sur le bien-fondé du licenciement
En application de l’article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.
La cause réelle du licenciement est celle qui présente un caractère d’objectivité. Elle doit être exacte. La cause sérieuse suppose une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles.
Aux termes de l’article L. 1232-6 alinéa 2 du code du travail, la lettre de licenciement comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur. Ces motifs doivent être suffisamment précis et matériellement vérifiables. La datation dans cette lettre des faits invoqués n’est pas nécessaire. L’employeur est en droit, en cas de contestation, d’invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier des motifs. Si un doute subsiste, il profite au salarié, conformément aux dispositions de l’article L. 1235-1 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce.
Si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l’encontre du salarié et les conséquences que l’employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.
En l’espèce, la lettre de licenciement, datée du 6 juillet 2017, détaille les griefs articulés par la société MEWA Commerciale à l’encontre de Mme [J]. L’employeur reproche précisément à Mme [J] les comportements suivants :
« – la prise de rendez-vous qui ne correspondaient pas aux process MEWA
– le refus de transmettre les reportings quotidiens
– la prise de faux rendez-vous. »
S’agissant du premier grief, l’employeur affirme que Mme [J] n’a pas respecté les critères de prise de rendez-vous et les critères d’encodage MM à l’occasion de prise de rendez-vous effectuée les 18 avril, 24 avril, 25 avril, 9 mai, 10 mai, 19 mai et 22 mai 2017, et encore qu’elle n’a pas signé ses commentaires les 26 avril, 28 avril 5 mai, 23 mai, 24 mai et 29 mai 2017.
Mme [J] réplique qu’il s’agit d’affirmations péremptoires de la part de l’employeur.
La société MEWA Commerciale verse aux débats une série de courriels, rédigés entre le 25 avril 2017 et le 5 juin 2017 par Mme [F] [R], chef d’équipe, et adressés à Mme [J], avec pour certains les réponses de cette dernière (pièces n° 5-1 à 5-16 de l’intimée). Il en résulte que Mme [R] a régulièrement rappelé à Mme [J] les critères de prise de rendez-vous et les règles d’encodage, ayant constaté que celle-ci ne les respectait pas parfois.
Toutefois, la société MEWA Commerciale ne produit pas les documents établis par Mme [J], à l’occasion de son travail, à l’exception d’une prise de rendez-vous programmé pour le 25 avril 2017, pour lequel Mme [R] soulignait que Mme [J] n’avait pas signé le commentaire.
La seule preuve que la responsable hiérarchique a rappelé les consignes de travail plusieurs fois à Mme [J] ne suffit pas à démontrer que cette dernière ne les respectait pas, de manière aussi fréquente que la lettre de licenciement le mentionne : il appartenait à la société MEWA Commerciale de verser aux débats copie des mentions enregistrées par Mme [J] dans le logiciel de l’entreprise, seules pièces de nature à apprécier la réalité des reproches formulés concernant la qualité de son travail.
La réalité du premier grief n’est donc pas établie.
S’agissant du deuxième grief, la société MEWA Commerciale se réfère à un seul mail de Mme [R], du 19 mai 2017, qui indique à Mme [J] que « le reporting de fin de journée est obligatoire » (pièce n° 5-7 de l’intimée).
Ce faisant, la société MEWA Commerciale ne démontre pas quel était alors le comportement de Mme [J] au regard de cette obligation d’effectuer un reporting quotidien tant avant qu’après le 19 mai 2017.
La réalité du deuxième grief n’est donc pas établie.
S’agissant du troisième grief, la société MEWA Commerciale reproche à Mme [J] de ne pas avoir reporté des rendez-vous qui n’avaient pas pu être honorés les 5 et 11 mai 2017, malgré une demande en ce sens le 9 mai 2017, réitérée le 10 mai 2017.
Toutefois, d’une part, la société MEWA Commerciale ne rapporte pas la preuve que Mme [J] n’a pas, suite à la demande du 10 mai 2017, reporté les rendez-vous litigieux ; d’autre part, elle ne peut pas reprocher à Mme [J] d’avoir enregistré faussement un rendez-vous, alors même que l’enregistrement des rendez-vous des 5 et 11 mai 2017 correspondait à la réalité et qu’en réalité, la salariée n’a pas immédiatement reporté ceux-ci.
La société MEWA Commerciale reproche encore à Mme [J] d’avoir enregistré neuf rendez-vous pour le 31 mai 2017, alors que quatre des clients ont indiqué n’avoir jamais été contactés, quatre autres avoir été contactés mais avoir refusé une visite et que le dernier client, n’employant que deux salariés, n’aurait pas dû se voir fixer un rendez-vous. Elle produit une unique pièce à l’appui de cette assertion, à savoir un courriel daté, établi par Mme [M] [Y], une collègue de Mme [J], qui indique qu’elle a rappelé ces clients pour reporter les rendez-vous (pièce n° 5-14 de l’intimée).
La société MEWA Commerciale ne précise pas l’identité des clients concernés, alors que Mme [J] produit des écrits, rédigés par quatre gérants d’entreprises, qui affirment avoir été contactés par Mme [J] et avoir accepté un rendez-vous avec la société MEWA, fixé au 31 mai 2017, auquel le commercial de cette dernière n’est pas venu (pièces n° 7 de l’appelante).
Dans ces conditions, le doute profitant à la salariée, la société MEWA Commerciale ne démontre pas que Mme [J] a faussement enregistré des rendez-vous avec des personnes qu’elle n’aurait en réalité pas contactées ou bien qui auraient refusé ce rendez-vous.
La réalité du troisième grief n’est donc pas établie.
En définitive, le licenciement de Mme [J] est sans cause réelle et sérieuse, le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
S’agissant de l’indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, au visa des articles L. 1235-3 et L. 1235-5 du code du travail, dans leur rédaction applicable au 6 juillet 2017, donc antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, le montant de celle-ci ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, soit en l’espèce 6 177 euros (cumul des montants bruts des salaires cumulés de janvier à juin 2017).
En considération de l’âge de la salariée (38 ans) et de son ancienneté dans l’entreprise (3 ans, compte tenu des périodes de suspension du contrat de travail) au moment du licenciement, de son aptitude à retrouver un travail, le préjudice subi par Mme [D] [J] sera justement indemnisée par le versement de la somme de 10 000 euros.
Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu, en application des dispositions de l’article L. 1235-4 du même code qui l’imposent et sont donc dans le débat, d’ordonner d’office à l’employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées au salarié, dans la limite de six mois d’indemnités.
Sur la remise de documents de fin de contrat de travail
Il y a lieu d’ordonner à la société MEWA Commerciale de remettre à Mme [J] une attestation Pôle emploi et des bulletins de salaire, pour les mois d’avril, mai, juin et juillet 2017, rectifiés conformément au présent arrêt, dans le mois qui suit la notification de ce dernier, sans qu’il soit nécessaire de prévoir une astreinte.
Sur les dépens
La société MEWA Commerciale, partie perdante, sera condamnée aux dépens.
Sur l’article 700 du code de procédure civile
La demande de la société MEWA Commerciale au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
La société MEWA Commerciale sera condamnée à payer à Mme [J] 3 000 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour
Déclare irrecevable la demande de Mme [D] [J] tendant à voir prononcer la nullité du licenciement ;
Déclare recevable la demande de l’appelante en paiement d’un rappel de salaire ;
Infirme le jugement rendu 23 septembre 2019 par le conseil de prud’hommes de Lyon, en ses dispositions déférées, sauf en ce qu’il a débouté Mme [D] [J] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, ;
Statuant sur les dispositions infirmées et ajoutant,
Condamne la société MEWA Commerciale à payer à Mme [D] [J] 371,22 euros, à titre de rappel de salaires pour les heures supplémentaires effectuées en avril, mai, juin et juillet 2017, ainsi que 3,71 euros au titre des congés payés afférents, outre intérêts au taux légal dus à compter du 29 janvier 2018, avec application de la capitalisation à ceux-ci ;
Dit que le licenciement de Mme [D] [J] est dépourvu d’une une cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société MEWA Commerciale à payer à Mme [D] [J] 10 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt ;
Ordonne à la société MEWA Commerciale de remettre à Mme [J] une attestation Pôle emploi et des bulletins de salaire, pour les mois d’avril, mai, juin et juillet 2017, rectifiés conformément au présent arrêt, dans le mois qui suit la notification de celui-ci ;
Ordonne à la société MEWA Commerciale de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à Mme [D] [J], dans la limite de six mois d’indemnités ;
Condamne la société MEWA Commerciale aux dépens de première instance et de l’instance d’appel ;
Rejette la demande de la société MEWA Commerciale au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société MEWA Commerciale à payer à Mme [D] [J] 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier La Présidente
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