Droit du logiciel : 31 mars 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/00177

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Droit du logiciel : 31 mars 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/00177

ARRÊT DU

31 Mars 2023

N° 414/23

N° RG 21/00177 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TN6M

VC/CH

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LANNOY

en date du

27 Janvier 2021

(RG F20/00153 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 31 Mars 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANT :

M. [R] [D]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Florence GARDEZ, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

S.A.S. SONAUTO LILLE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Jean-Luc HAUGER, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Sophie BONNEVALLE, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l’audience publique du 12 Janvier 2023

Tenue par Virginie CLAVERT

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Nadine BERLY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Virginie CLAVERT

: CONSEILLER

Laure BERNARD

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 31 Mars 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Séverine STIEVENARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 22 décembre 2022

EXPOSE DU LITIGE ET PRETENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES :

La société SONAUTO LILLE a engagé M. [R] [D] par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 8 décembre 2016 en qualité de «Genius Product», statut employé, échelon 3, fiche Z.3.1 «Opérateur» du RNQSA (Répertoire National des Qualifications des Services de l’Automobile) issu de la Convention Collective Nationale des services de l’automobile.

Suivant avenant du 16 octobre 2017, le salarié a été promu au poste de Conseiller des ventes, statut cadre, niveau I degré A, fiche n° C.C.I.1 «Conseiller des ventes» du RNQSA. Ce contrat prévoyait l’application d’un forfait de 218 jours travaillés par an ainsi qu’une rémunération composée d’une partie fixe de 1.200 € bruts mensuels et d’une partie variable sous la forme de primes basées sur les ventes réalisées, fixées par un pay-plan révisé annuellement. Un avenant du même jour déterminait la rémunération de l’intéressé pour l’année 2017 (partie fixe/partie variable).

Des avenants ont, de la même façon, déterminé pour chaque année civile les modalités de rémunération de M. [D].

Le 2 août 2019, la société SONAUTO a notifié à M. [R] [D] un rappel à l’ordre.

Par lettre recommandée du 26 août 2019, M. [R] [D] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur en lien avec :

– le non-respect de ses jours de repos,

– les astreintes sécurités qui lui auraient été imposées,

– le non-paiement de commissions au titre des mois de juin 2018, mai et juin 2019,

– la détérioration de ses conditions de travail, caractérisée en particulier par le retrait de son bureau individuel et son installation avec un ordinateur portable au sein de la surface de vente, le fait de se voir proposer une mutation vers une autre concession et, par mesure de rétorsion de se voir infliger une diminution de moitié de ses commissions, le fait de voir son travail confié à deux nouveaux commerciaux, ces agissements étant constitutifs de harcèlement moral.

Sollicitant la reconnaissance de ce que sa prise d’acte s’analyse en un licenciement nul et réclamant divers rappels de salaire et indemnités consécutivement à la rupture de son contrat de travail, M. [R] [D] a saisi le 18 novembre 2019 le conseil de prud’hommes de Lannoy qui, par jugement du 27 janvier 2021, a rendu la décision suivante :

– dit que la prise d’acte de la rupture de M. [R] [D] produit les effets d’une démission,

– déboute M. [R] [D] de l’ensemble de ses demandes,

– condamne M. [R] [D] à payer à la société SONAUTO LILLE :

– 7655,14 euros au titre du préavis non effectué,

– 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– déboute les parties de toutes autres demandes, plus amples et contraires,

– condamne M. [R] [D] aux éventuels dépens de l’instance.

M. [R] [D] a relevé appel de ce jugement, par déclaration électronique du 11 février 2021.

Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 11 mai 2021 au terme desquelles M. [R] [D] demande à la cour de :

– juger recevable et fondé Monsieur [D] en son appel et prononcer l’infirmation totale du jugement rendu le 27 janvier 2021 par le Conseil de prud’hommes de LANNOY,

En conséquence,

– Juger recevable et fondé Monsieur [D] en sa demande de rappel de salaire au titre des commissions dues pour la période de juin à décembre 2019,

– Condamner de ce fait la SAS SONAUTO au paiement d’une somme de 11 128,29€ au titre des commissions impayées de juin à décembre 2019, ainsi qu’à une somme de 1112,82€ au titre des congés payés afférents.

– Juger établie l’existence d’un harcèlement moral à l’encontre de Monsieur [D],

– Condamner de ce fait la SAS SONAUTO au paiement d’une somme de 20 000 € au titre des dommages et intérêts dus en réparation du préjudice subi du fait de ce harcèlement,

– Juger établis les manquements graves commis par la SAS SONAUTO LILLE à l’encontre de Monsieur [D] ;

– Juger que ces manquements, évoqués le 23 août 2019 par Monsieur [D] au fondement de la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail, rendaient impossible la poursuite dudit contrat,

En conséquence

-Faire produire à la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de Monsieur [D] les effets suivants :

‘ À titre principal, les effets d’un licenciement nul et condamner la société SONAUTO LILLE, sur la base d’une rémunération de 4 851,85€ brute, au paiement des sommes suivantes :

– Dommages et intérêts pour licenciement nul : 29 111,10€ (six mois de salaire)

-Indemnité compensatrice conventionnelle de préavis : 9 703,70€ (deux mois)

– Congés payés sur préavis : 970,37€

– Indemnité légale de licenciement : 3 226,48€ (article R 1234-2 du Code du Travail)

‘ À titre subsidiaire, les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et condamner la société SONAUTO LILLE, sur la base d’une rémunération de 4 851,85€ brute, au paiement des sommes suivantes :

– Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse : 29 111,10€ (six mois de salaire)

– Indemnité compensatrice conventionnelle de préavis : 9 703,70€ (deux mois)

– Congés payés sur préavis : 970,37€

– Indemnité de licenciement : 3 226,48€ (article R 1234-2 du Code du Travail)

‘ À titre infiniment subsidiaire, et si le rappel de salaire au titre des commissions n’est pas accordé au salarié, les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et condamner la société SONAUTO LILLE, sur la base d’une rémunération de 3 827,57€ brute, au paiement des sommes suivantes :

– Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse : 22 965,42€ (six mois de salaire)

– Indemnité compensatrice conventionnelle de préavis : 7 655,14€ (deux mois)

– Congés payés sur préavis : 765,51€

– Indemnité de licenciement : 2 545,33€ (article R 1234-2 du Code du Travail)

‘En tout état de cause, juger non fondée la société SONAUTO LILLE en sa demande reconventionnelle tendant à voir la prise d’acte de rupture requalifiée en une démission, et la débouter de ses demandes de condamnation au paiement d’une indemnité pour non-respect du préavis ainsi qu’à celle formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la SAS SONAUTO LILLE au paiement de 3000 euros au titre de l’indemnité visée à l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, M. [R] [D] expose que :

– La société SONAUTO ne lui a pas payé l’intégralité des commissions qui lui étaient dues, conformément à son contrat de travail et aux avenants annuels déterminant les modalités de calcul de la part variable de la rémunération.

– Un solde de commissions impayées lui reste dû pour la période de juin à décembre 2019, en vertu du décompte produit, l’employeur ayant finalement validé les commissions réclamées pour le mois de juin 2018 et les ayant versées en septembre 2019.

– La société SONAUTO s’abstient de verser les tableaux de vente que le salarié a, toutefois, pu obtenir et qui confortent le décompte produit par ses soins à hauteur de 11 128,29 euros, outre les congés payés y afférents.

– Son salaire moyen doit, par suite, être fixé à 4851,85 euros.

– Il a également subi des agissements de harcèlement moral de la part de son employeur en lien avec le fait de s’être vu proposer une mutation sur une autre concession du groupe contraire à son contrat de travail, de s’être vu infliger une mesure de rétorsion face à son refus avec une baisse de moitié du montant de ses commissions, le fait d’avoir subi des pressions pour revenir sur ce refus en étant convoqué à plusieurs entretiens par la direction, de se voir reprocher de refuser de travailler durant ses jours de repos, d’être informé de l’arrivée de deux nouveaux commerciaux destinés à prendre sa place et son volume de ventes, de se voir retirer son bureau individuel attribué à l’un des nouveaux arrivants, et le fait de s’être vu notifier un rappel à l’ordre infondé. Ces agissements ont, en outre, eu un impact sur sa santé.

– Contrairement à ses allégations, la SAS SONAUTO ne justifie ni de la réduction par moitié des commissions de juin 2018 pour l’ensemble des commerciaux, ni du fondement contractuel du nombre de véhicules à vendre par mail et non par avenant au contrat de travail pour la période de mai à juillet 2019, ni du fondement contractuel de la mutation imposée au sein de la concession voisine Audi, ni de ce que le retrait de son bureau constituait une mesure d’accompagnement professionnel accordée à tous les commerciaux afin d’améliorer les performances, ni, enfin, du nombre d’offres de reprise réalisées par chaque commercial entre juillet 2018 et juillet 2019.

– La prise d’acte de la rupture du contrat de travail est bien fondée et doit produire les effets d’un licenciement nul, compte tenu des faits précités de harcèlement moral.

– Subsidiairement, elle produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce d’autant que le salarié a également subi un non-respect de ses jours de repos et des astreintes sécurité non rémunérées.

– La société SONAUTO sera, enfin, déboutée de sa demande en paiement d’une indemnité de préavis.

Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 20 juillet 2021, dans lesquelles la société SONAUTO, intimée, demande à la cour de :

-Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de LANNOY le 27 janvier 2021,

Y ajoutant,

– Condamner M. [R] [D] à verser à la société SONAUTO LILLE la somme de 3.000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

– Condamner M. [R] [D] aux entiers frais et dépens de l’instance, en ce compris les frais d’exécution de la décision à intervenir.

A l’appui de ses prétentions, la société SAS SONAUTO soutient que :

– Concernant les commissions de juin à décembre 2019, il appartient à M. [D] de prouver que des commissions lui sont dues tant au regard de la réalisation de ventes que de la réunion des conditions ouvrant droit au paiement de primes.

– Or, les documents fournis par le salarié ne sont signés ni par lui ni par l’employeur, ne comportent pas l’indication de la période concernée et ne correspondent pas à une vente mais à une livraison. Par ailleurs, l’intéressé n’a pas atteint au cours des périodes concernées les objectifs de vente, notamment de véhicules neufs, décidés par la marque constructeur, des objectifs mensuels ayant toujours été fixés aux vendeurs et non sur l’ensemble de l’année. Ces objectifs n’avaient pas non plus à être fixés par avenants, dès lors que les modalités de rémunération étaient contractuellement prévues. M. [D] n’a pas non plus atteint les pré-requis déterminés dans le pay plan annuel.

– Elle a, toutefois, accepté de s’acquitter des commissions réclamées au titre du mois de juin 2018, n’étant pas en mesure, du fait du changement de direction, de s’assurer du respect à l’époque des dispositions contractuelles en matière de commissions.

– Concernant le harcèlement moral allégué, le fait d’avoir proposé à M. [D] une mutation dans une concession d’une autre société du groupe n’est pas constitutif de tels agissements, dès lors que ce changement ne lui a pas été imposé, qu’il consistait en une mesure temporaire de formation qu’il a refusée, aucune mesure de rétorsion financière ne lui ayant, en outre, été infligée et seule l’absence de réunion des conditions d’obtention des commissions et des pré-réquis ayant conduit à la baisse de celles-ci comme pour les autres commerciaux dans la même situation.

– M. [D] n’a pas été convoqué à plusieurs reprises à des entretiens mais a uniquement été alerté par sa hiérarchie de l’insuffisance de son volume de ventes, ses objectifs étant pourtant plus faibles que l’ensemble des vendeurs VN, justifiant, ainsi, le rappel à l’ordre qui lui a été adressé.

– L’arrivée de deux nouveaux commerciaux n’avait pas pour objectif de faire pression sur les salariés mais de permettre à l’équipe de vente de réaliser les objectifs collectifs annuels croissants imposés par le constructeur Porsche.

– M. [D] n’a jamais été menacé de ne plus être commissionné ni soumis à un travail durant ses jours de congés et le fait de mettre fin provisoirement à son bureau individuel s’analysait comme une mesure d’accompagnement destinée à lui permettre d’améliorer sa performance commerciale.

– Concernant le rappel à l’ordre du 2 août 2019, l’employeur avait demandé au salarié dans le cadre du plan d’action mis en place de mettre en oeuvre plusieurs actions, ce qu’il n’a jamais fait.

– Concernant les traitements humiliants allégués, les attestations produites par M. [D] ne sont pas conformes, comportent pour certaines une date suspecte, compromettant, ainsi, leur valeur probante, ce d’autant que le salarié ne s’est jamais plaint de comportements humiliants de la part de M. [U].

– Faute de harcèlement moral, la prise d’acte ne peut être requalifiée en licenciement nul.

– Elle ne peut pas non plus être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, dès lors que le non-respect des congés n’est pas établi, seules quelques formations ponctuelles organisées par la société PORSCHE ayant conduit le salarié à travailler lors de son jour de repos, avec possibilité de compenser avec une récupération ou un jour de RTT. Il en va de même des journées exceptionnelles d’ouverture le dimanche.

– Concernant les astreintes sécurité, du fait du changement de direction, le nouveau directeur n’en était pas informé, M. [D] n’ayant émis aucune plainte à cet égard et n’ayant pas été soumis à des appels réguliers.

– Le fait pour M. [D] de ne pas avoir pris suffisamment de congés ne saurait être reproché à son employeur.

– En l’absence de manquement de l’employeur, la prise d’acte du salarié doit être requalifiée en démission et l’intéressé condamné au paiement à la société SONAUTO des deux mois de préavis qui lui étaient dus, outre une indemnité procédurale.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 22 décembre 2022.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la demande de rappel de commissions :

Conformément aux dispositions de l’article 1353 du code civil, «Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation».

En application de ces dispositions, il incombe, dès lors, au salarié de prouver que des commissions lui sont dues au regard de la réalisation des opérations ouvrant droit à commission dans les conditions requises pour leur bénéfice et à l’employeur d’établir qu’il a effectivement payé à son salarié les commissions qu’il lui doit. Lorsque le calcul de la rémunération dépend d’éléments détenus par l’employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d’une discussion contradictoire.

En l’espèce, il résulte de l’article V de l’avenant au contrat de travail du 16 octobre 2017 ayant promu M. [R] [D] au poste de conseiller des ventes que la rémunération de celui-ci se décomposait en un salaire fixe mensuel de 1200 euros bruts ainsi que des «primes basées sur le montant des ventes et fixées selon le Pay Plan en vigueur. Les parties conviennent de manière expresse que le Pay Plan fera l’objet d’un avenant annuel qui sera caduc à la fin de sa durée d’application».

M. [R] [D] produit également les différents avenants établissant le Pay Plan annuel et signé entre les parties pour les années 2017, 2018 et 2019.

Plus précisément concernant l’année 2019 sur laquelle porte la demande de rappel de commissions (période de juin à décembre 2019), le Pay Plan prévoyait notamment :

– des pré-requis obligatoires pour prétendre à la commission VN (véhicule neuf) et notamment des essais rentrés et 8 activités à réaliser par jour sur C@P, l’activation systématique d’un compte myPorsche pour chaque véhicule neuf vendu, un RGPD compliant avec fiche téléchargée dans le logiciel, un plan de formation réalisé à 100 % et surtout «vendre un VD ou SLC par mois (rattrapable au trimestre), vendre un 718 VN ou une panamera thermique VN par mois (rattrapable au trimestre) et estimation FREVO sur fiche de reprise le cas échéant conforme aux frais de remise en état réels»,

– le montant de la rémunération forfaitaire brute fixée par type de véhicule vendu et en fonction de la «pénétration Fi sur Liv» inférieure ou supérieure à 55 %,

– des pré-requis nécessaires pour prétendre à la commission VO (véhicule d’occasion) comme réaliser trois commandes VOP sur le mois (rattrapable au trimestre), 80 % de forfait livraison facturés (rattrapable au trimestre),

– le montant de la commission forfaitaire exprimée en brut en fonction du taux de pénétration Fi sur Liv.

Il ne résulte ni du contrat de travail ni des Pay Plan annuels la subordination du salarié à d’autres conditions ouvrant droit à la perception de commissions.

Dans ces conditions, si des objectifs mensuels pouvaient être définis unilatéralement par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, le non-respect de ces objectifs mensuels non contractualisés ne pouvait conduire à la suppression de toutes commissions ou à leur réduction de moitié, dès lors que les objectifs annuels ouvrant

droit au paiement de commissions et les pré-requis avaient été atteints. Il convient, en effet, de distinguer les objectifs annuels ouvrant droit au versement de commissions et les objectifs mensuels individuels donnés par la direction à ses commerciaux et relatifs aux performances professionnelles des intéressés dont certaines ouvraient également droit à une prime complémentaire, conformément aux mails versés aux débats adressés par le directeur à son équipe.

Il y a, par suite, lieu de vérifier si les ventes effectivement réalisées par M. [R] [D] répondaient aux objectifs du Pay Plan annuel et aux pré-requis afin d’ouvrir droit au versement de commissions.

A l’appui de sa demande en paiement des commissions pour la période de juin à décembre 2019, M. [R] [D] produit les éléments suivants :

– l’intégralité de ses bulletins de salaire desquels il résulte que jusqu’en mai 2019, il percevait systématiquement des commissions bien supérieures à 2000 euros par mois et qu’à compter de juin 2019, plus aucune commission ne lui a été versée (à l’exception de 833,32 euros en juillet 2019).

– les fiches de commissions vendeur renseignées par ses soins entre juin et août 2019 (concernant des ventes finalisées avec véhicules livrés avant son départ de l’entreprise) et entre fin août et décembre 2019 (concernant des ventes finalisées avec des véhicules livrés après son départ de l’entreprise), lesdites fiches mentionnant toutes le nombre de pré-requis remplis (à savoir 12/12), le nombre de livraisons VN du mois, le nombre de financement du mois, le taux de pénétration, la liste des modèles vendus, le nom du client, le financement éventuel et le montant de la commission due, ce tant pour les véhicules neufs que les véhicules d’occasion.

– le tableau des ventes et commandes de véhicules neufs et de véhicules d’occasion pour la période d’octobre 2018 à septembre 2019 listant pour la concession la date, le véhicule vendu, le nom du client et le nom du vendeur, documents issus du logiciel informatique de la société SONAUTO LILLE et obtenu par l’intermédiaire d’un salarié de la société.

M. [R] [D] démontre, par suite, l’effectivité des ventes réalisées par ses soins au cours de la période litigieuse ainsi que le respect des pré-requis, étant précisé que les tableaux de synthèse réalisés par ses soins sont corroborés par des documents extraits du logiciel de la société SONAUTO LILLE.

Par ailleurs, concernant les pré-requis, l’analyse de leur contenu conduit à constater que la plupart d’entre eux, au-delà des quantum de ventes, résultent d’éléments détenus exclusivement par l’employeur notamment concernant les renseignements apportés sur le logiciel C@P ou encore l’inscription au compte myPorsche, ensemble d’éléments que ce dernier s’abstient de produire. La société SONAUTO ne peut, par suite, se prévaloir de l’absence de justification par M. [R] [D] du respect des pré-requis à la production desquels il s’oppose.

Concernant les montants dus à M. [R] [D] à titre de rappel de commissions, il est établi que :

– au cours du mois de juin 2019 : l’intéressé a vendu 7 véhicules neufs dont 1 VD (véhicule de démonstration) et 1 un véhicule 718 et avec un taux de pénétration supérieur à 55 %, atteignant, ainsi, les pré-requis obligatoires et ouvrant droit à une commission de 5433,29 euros. Concernant les véhicules d’occasion, seules deux ventes sont intervenues, ce qui exclut toute commission à cet égard.

– au cours du mois de juillet 2019 : l’intéressé a vendu 2 véhicules neufs dont 2 véhicules de démonstration mais aucune 718 VN ni Panamera thermique, ce qui exclut le versement de la commission. Il a également vendu 3 véhicules d’occasion avec un taux de pénétration supérieur à 50 %. Les pré-requis à cet égard sont atteints ouvrant droit à une commission de 945 euros soit un solde restant dû de 111,68 euros, compte tenu du versement d’une commission de 833,32 euros sur le bulletin de paie de juillet 2019.

– au cours du mois d’août 2019 : le salarié a vendu deux véhicules neufs dont 1 véhicule de démonstration et 1 véhicule Panamera thermique, ouvrant droit au paiement d’une commission de 1225 euros. L’unique vente de véhicule d’occasion n’ouvrait, pour sa part, droit à aucune commission.

– pour la période de septembre à décembre 2019, suite au départ du salarié, la seule livraison de deux véhicules modèle Macan n’ouvrait pas non plus droit au paiement d’une commission.

Il résulte, par conséquent, de l’ensemble de ces éléments que M. [R] [D] a droit au paiement de 6769,97 euros à titre de rappel de commissions, outre 676,99 euros au titre des congés payés y afférents.

La société SONAUTO LILLE est condamnée au paiement desdites sommes et le jugement entrepris est infirmé.

Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l’article L. 1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, M. [R] [D] démontre, au regard des développements repris ci-dessus que le montant de ses commissions a été divisé par deux en juin 2018 puis a été totalement supprimé à compter de juin 2019. A cet égard, le salarié produit un mail qui lui a été adressé par M. [Y] du 1er août 2018 au terme duquel il était indiqué «vos commissions du mois de juin 2018 versées sur la paie de juillet ont été réduites de moitié. Conformément à votre Pay Plan 2018, les commissions sont versées pour leur totalité lorsque les différents pré-requis obligatoires sont validés. Pour la paie de ce mois ci, certains voire la plupart de ces derniers n’ont pas été validés. Par conséquent, vous ne devriez toucher aucune commission. Toutefois, par mesure de tolérance, la direction vous octroie la moitié de vos commissions VN et VO».

Il communique également plusieurs mails mensuels fixant les objectifs individuels des vendeurs de la concession au terme desquels il était mentionné que «si vos volumes VN ne sont pas atteints alors pas de commission sur la vente VO» (mail de mai 2019), «si vos volumes VN avec les items Panamera et stocks ne sont pas atteints et que vous n’avez pas réalisé 50 % de pénétration financement alors vous ne serez pas rémunéré sur les livraisons VN VD VO» (mail de juin 2019), alors que les Pay plan n’établissaient pas de lien entre les commissions perçues au titre des véhicules neufs et des véhicules d’occasion.

M. [R] [D] démontre, par ailleurs, que la société SONAUTO lui a proposé en juillet 2018 de quitter sa place au sein de l’équipe commerciale Porsche pour rejoindre une autre concession du groupe d’une autre marque (Audi), ce alors que son contrat de travail ne permettait pas de changement de lieu de travail (mail du 15 juillet 2018).

M. [R] [D] produit également un courrier de rappel à l’ordre dont il a fait l’objet le 2 août 2019 au motif que le mercredi 27 juillet 19, M.[U] lui a envoyé un mail pour rappeler les animations sur juillet et août avec demande de faire une offre de reprise sur chaque rentrée atelier jour, des propositions d’essai VN VO VD, 10 relances par jour via fichier marketing client et lui reprochant de ne pas avoir respecté ces directives. Il communique, par ailleurs, deux propositions de reprise réalisées sur cette période.

De la même façon, il est justifié de ce que l’appelant s’est vu retirer son bureau individuel, à l’arrivée de deux nouveaux commerciaux, étant alors amené à travailler dans l’espace de vente, contrairement aux autres vendeurs, ce qui n’est pas contesté par la société SONAUTO LILLE.

Le salarié communique également plusieurs attestations témoignant d’humiliations infligées à M. [R] [D] mais également à d’autres salariés, faisant régner un climat de pression et de harcèlement. Il n’y a pas lieu de rejeter lesdites attestations au motif que l’une d’elle serait dactylographiée ou encore qu’une autre ne comporterait pas de copie de la pièce d’identité, dès lors que les modes de preuve ne se limitent pas aux attestations et que lesdits témoignages présentent des garanties suffisantes et se trouvent corroborés par d’autres pièces.

Ainsi, M. [E] [I], commercial, relate avoir été témoin de plusieurs humiliations de la part de M. [T] [U] envers M. [R] [D] «lors des rapports commerciaux devant l’équipe commerciale par exemple le mettre au bord des larmes, le comparer à un présentateur télé. Ce comportement de la part du directeur concerne plusieurs personnes dans la concession, moi-même je suis en arrêt maladie pour dépression burn-out notamment suite aux pressions et humiliations de la part de M. [T] [U]». Il indique, ainsi, avoir été victime de harcèlement moral et de non-paiement de commissions : «Nous étions sans cesse menacés de ne pas être payés sur les véhicules que nous vendions. (…) Plusieurs fois SONAUTO m’a versé un salaire de 700 euros alors que je devais toucher entre 4 et 5000 euros», évoquant alors un management «catastrophique et destructeur».

De la même façon, Mme [M] [H], secrétaire commerciale, décrit les humiliations de M. [R] [D] et d’autres commerciaux notamment lors des rapports journaliers ou hebdomadaires de la façon suivante : «Généralement, le directeur demandait à [R] d’inscrire sur un tableau les résultats des vendeurs. Pendant ce temps, le directeur riait en disant que [R] se prenait pour un présentateur télé. Au

moment d’inscrire ses propres résultats, le directeur riait toujours en disant à [R] : pourquoi je te paie tu fais quoi de tes journées. Un silence devenait alors glacial. Le ton était moqueur et méprisant. On avait tous peur de parler et on devait regarder [R] tremblant, rouge avec les larmes aux yeux. Le directeur donnait également des surnoms aux employés : le mien était «la cas soc’». Au sein de SONAUTO règne une ambiance morose il y a énormément de pression sur les épaules des commerciaux et de la secrétaire. Il s’agit d’un management dictatorial ou personne n’ose répondre aux critiques et aux humiliations. J’ai d’ailleurs été en dépression à cause du stress du 1er au 21 octobre 2019».

Enfin, Mme [N] [W] indique, pour sa part, avoir effectué une mission au sein de la concession et avoir été prise à partie et humiliée délibérément par le directeur devant clients et collègues pour n’avoir pas été assez rapide pour accueillir les clients, M. [T] [U] lui disant alors « tu les gagnes les 3000 euros que tu me coûtes chaque mois. En pleurs j’ai pris la décision de quitter mon poste le jour même en demandant de changer de site». Elle expose également avoir été témoin à plusieurs reprises de scènes humiliantes envers ses collègues qu’il appelait notamment «en claquant des doigts».

M. [R] [D] justifie, par ailleurs, par un certificat médical de son médecin traitant d’un suivi à plusieurs reprises d’août à octobre 2019 pour un syndrome d’épuisement réactionnel, ayant nécessité la prise d’un traitement médicamenteux (prescription du 13 août 2019).

Il résulte, par suite, de ces éléments pris dans leur ensemble, que M. [R] [D] rapporte la preuve de faits matériellement établis qui permettent, eu égard à leur caractère répété et à leurs répercussions sur l ‘état de santé de l’intéressé, de présumer ou laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail.

De son côté, la société SONAUTO LILLE à qui il incombe de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement, se prévaut, tout d’abord, de ce que le fait d’avoir proposé à M. [D] d’intégrer une concession d’une autre société du groupe ne lui a pas été imposé et consistait en une mesure temporaire de formation qu’il a refusée.

Néanmoins, au-delà du contenu même du contrat de travail qui ne prévoyait pas une possibilité de mutation dans un autre lieu d’une concession d’une autre référence du groupe, l’employeur ne verse aucune pièce de nature à justifier de la «formation» envisagée dont les modalités juridiques ne sont pas non plus justifiées et alors que M. [R] [D] exprime clairement dans son mail en réponse un refus de la mutation proposée.

La société SONAUTO LILLE ne démontre, dès lors, pas que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Concernant les commissions non versées, si la société intimée soutient que ses commissions n’étaient pas dues, au regard de l’absence d’atteinte par le salarié de ses objectifs annuels et mensuels, il résulte des développements repris ci-dessus que, si des objectifs mensuels pouvaient être définis unilatéralement par l’employeur dans le cadre

de son pouvoir de direction, le non-respect de ces objectifs mensuels non contractualisés ne pouvait conduire à la suppression de toutes commissions ou à leur réduction de moitié, dès lors que les objectifs annuels ouvrant droit au paiement de commissions et les pré-requis avaient été atteints. Il est, par ailleurs, démontré qu’au prétexte du défaut d’atteinte de ses objectifs, M. [R] [D] n’a pas été rémunéré de la somme de 6769,97 euros. Il a également été rémunéré plus d’une année après des commissions dues pour le mois de juin 2018 qui ne lui ont été réglés qu’en septembre 2019, après réclamations.

A cet égard, la société SONAUTO LILLE ne peut se retrancher derrière une acceptation exceptionnelle de s’acquitter des commissions réclamées au titre du mois de juin 2018, n’étant pas en mesure, du fait du changement de direction, de s’assurer du respect à l’époque des dispositions contractuelles en matière de commissions, alors même que la société disposait de tous les éléments comptables et des listings de vente par commercial, nonobstant le changement de directeur à la tête de la concession.

Et le fait pour M. [R] [D] de n’avoir pas été le seul à faire l’objet d’une baisse importante du montant de ses commissions n’est pas de nature à conforter le bien-fondé de cette pratique et son caractère étranger à tout harcèlement, ce d’autant que plusieurs mails adressés à l’ensemble des commerciaux de la concession avait pour objet de les soumettre à une forte pression liée à la baisse ou à la disparition prévisible de leurs commissions.

Il en résulte que, concernant les commissions, la société SONAUTO LILLE ne démontre pas que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Concernant le rappel à l’ordre, la société SONAUTO LILLE soutient que cette sanction se trouve fondée sur l’insuffisance du volume de ventes de M. [R] [D], alors que ses objectifs étaient plus faibles que l’ensemble des vendeurs de véhicules neufs, justifiant, ainsi, le rappel à l’ordre qui lui a été adressé, l’intéressé n’ayant pas mis en place les actions souhaitées par son employeur et qui lui avaient été notifiées le 27 juillet 2019.

Or, si le résultat des ventes du salarié était jugé insuffisant par son employeur, ce qui se trouve repris dans l’entretien d’évaluation de l’année 2018, il n’en reste pas moins que cette sanction se trouve, en réalité exclusivement motivée par le non-respect des actions données moins de 5 jours avant et à une période de faible activité (fin juillet-début d’août), rendant lesdits objectifs inatteignables en seulement quelques jours.

Là encore, la société SONAUTO LILLE ne démontre pas que ses agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Concernant le retrait du bureau individuel à l’arrivée de deux nouveaux commerciaux, il n’est pas contesté par l’employeur que celui-ci a mis fin à l’octroi d’un bureau individuel au bénéfice de M. [D], ce que la société intimée retient comme s’analysant en une mesure d’accompagnement destinée à lui permettre d’améliorer sa performance commerciale.

Néanmoins, la société SONAUTO LILLE ne justifie pas que cette mesure a été étendue à d’autres commerciaux en difficulté, alors même que les menaces de diminution ou de perte de commissions étaient également dirigées à l’encontre de deux autres vendeurs.

Elle ne démontre pas non plus en quoi le fait pour le salarié de ne plus disposer de bureau individuel pour recevoir les potentiels acheteurs de véhicule haut de gamme, le contraignant à se positionner au milieu de l’espace commercial pour négocier la vente, était de nature à améliorer ses performances.

La société SONAUTO LILLE ne démontre, ainsi, pas non plus que le retrait du bureau individuel n’est pas constitutif de harcèlement et se trouve justifié par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Enfin, concernant les méthodes de management basées sur les humiliations, les pressions devant l’ensemble des salariés et les menaces de ne pas être rémunéré de ses commissions adressées chaque mois par mail par la direction, la société SONAUTO LILLE ne fournit aucune explication concernant les pratiques adoptées tant à l’égard de M. [D] qu’à l’égard des autres salariés en lien avec le fait de mettre le salarié au bord des larmes lors de réunions hebdomadaires, de le menacer de ne pas être rémunéré de ses ventes, de lui demander en public «pourquoi je te paye» face à une insuffisance de résultats, de le comparer à un présentateur de télévision ou de lui parler sur un ton moqueur et méprisant

L’employeur ne démontre, dès lors, pas que ces propos tenus et ces méthodes de «management» ne sont pas constitutives de harcèlement et se trouvent justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, une insuffisance de résultats ne pouvant pas légitimer de tels agissements.

Par conséquent, au regard des éléments produits pris dans leur ensemble, l’employeur ne prouve pas que les agissements invoqués par M. [R] [D] ne sont pas constitutifs de harcèlement. Il ne démontre pas non plus que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le harcèlement moral subi par M. [R] [D] est donc établi.

Compte tenu du préjudice subi attesté notamment par les éléments médicaux produits, la société SONAUTO LILLE est condamnée à payer à M. [R] [D] 5000 euros à titre de dommages et intérêts du fait du harcèlement moral subi.

Le jugement entrepris est infirmé à cet égard.

Sur la prise d’acte :

La prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.

Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit d’un licenciement nul si les manquements reprochés à l’employeur sont de nature à entraîner la nullité du licenciement, soit dans le cas contraire, d’une démission.

C’est au salarié qu’il incombe de rapporter la preuve des faits qu’il reproche à son employeur, s’il subsiste un doute, celui-ci profite à l’employeur.

La prise d’acte ne produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou d’un licenciement nul qu’à la condition que les faits invoqués, non seulement, soient établis, la charge de cette preuve incombant au salarié, mais constituent un manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.

A l’appui de la prise d’acte, le salarié est admis à invoquer d’autres faits que ceux avancés dans le courrier de rupture.

En l’espèce, il résulte des développements antérieurs que M. [R] [D] rapporte la preuve de ce qu’il n’a plus été payé des commissions qui lui étaient pourtant dues au cours des derniers mois de la relation contractuelle occasionnant un rappel de commission de 6769,97 euros. Il justifie également avoir été soumis à une très forte pression, à des menaces de ne plus être rémunéré de ses ventes, à des humiliations et surtout, de manière générale, à des agissements de harcèlement moral de la part de la direction de la concession.

Seule la prise d’acte a permis de mettre un terme à ces manquements graves et réitérés de l’employeur, lesdits manquements ayant empêché la poursuite du contrat de travail.

Il convient, par suite, de dire que la prise d’acte de M. [R] [D] est intervenue aux torts de la société SONAUTO LILLE et produit les effets d’un licenciement nul.

Le jugement entrepris est infirmé.

Sur les conséquences financières de la prise d’acte produisant les effets d’un licenciement nul :

En premier lieu, le salaire mensuel brut moyen de M. [R] [D] est fixé à 4488,66 euros, ce compte tenu du rappel de commissions sus-évoqué.

Compte tenu de son ancienneté (pour être entré au service de la société à compter du 8 décembre 2016, M. [R] [D] est fondé à obtenir le paiement d’une indemnité compensatrice conventionnelle de préavis de deux mois soit 8977,32 euros, outre 897,73 euros au titre des congés payés y afférents.

Le salarié a également droit au paiement d’une indemnité légale de licenciement de 3142,06 euros.

Par ailleurs, concernant les dommages et intérêts pour licenciement nul, en application de l’article L1235-3-1 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce, si un licenciement intervient pour une des causes de nullité prévues au deuxième alinéa et notamment en cas de harcèlement moral subi par le salarié et si celui-ci ne sollicite pas la poursuite de l’exécution du contrat de travail ou si sa réintégration dans l’entreprise est impossible, il est octroyé à celui-ci, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Ainsi, compte tenu de l’effectif de l’entreprise, de l’ancienneté de M. [R] [D] (pour être entré au service de la société le 8 décembre 2016), de son âge (pour être né le 25 septembre 1994) ainsi que du montant de son salaire brut mensuel (4488,66 euros) et de l’absence de justificatif de situation suite au licenciement, le montant des dommages et intérêts pour licenciement nul est fixé à 27 000 euros.

Le jugement entrepris est infirmé à cet égard.

Sur la demande reconventionnelle en paiement d’une indemnité au titre du préavis non exécuté :

La prise d’acte aux torts de l’employeur produisant les effets d’un licenciement nul étant jugée justifiée, la société SONAUTO LILLE n’est pas en droit de réclamer le paiement d’une indemnité au titre du préavis non exécuté.

Le jugement entrepris est infirmé sur ce point.

Sur l’application de l’article L1235-4 du code du travail :

La prise d’acte de M. [D] produisant les effets d’un licenciement nul, il y a lieu de faire application des dispositions de l’article L1235-4 du code du travail.

En conséquence, la cour ordonne le remboursement par la SAS SONAUTO LILLE aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à M. [R] [D], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé dans la limite de six mois d’indemnités de chômage.

Sur les autres demandes :

Les dispositions du jugement entrepris afférentes aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance sont infirmées.

Succombant à l’instance, la SAS SONAUTO LILLE est condamnée aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à payer à M. [R] [D] 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Lannoy le 27 janvier 2021, dans l’ensemble de ses dispositions ;

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

DIT que M. [R] [D] a subi des faits de harcèlement moral ;

DIT que la prise d’acte de M. [R] [D] produit les effets d’un licenciement nul ;

CONDAMNE la SAS SONAUTO LILLE à payer à M. [R] [D] :

– 6769,97 euros à titre de rappel de commissions pour la période de juin à décembre 2019,

– 676,99 euros au titre des congés payés y afférents,

– 8977,32 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 897,73 euros au titre des congés payés y afférents,

– 3142,06 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

– 27 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

DEBOUTE la SAS SONAUTO LILLE de sa demande en paiement d’une indemnité au titre du préavis non exécuté ;

ORDONNE le remboursement par la SAS SONAUTO LILLE aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à M. [R] [D], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé dans la limite de six mois d’indemnités de chômage ;

CONDAMNE la SAS SONAUTO LILLE aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à payer à M. [R] [D] 2500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

LE GREFFIER

Séverine STIEVENARD

LE PRESIDENT

Pierre NOUBEL

 


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