Droit du logiciel : 31 mars 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/01521

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Droit du logiciel : 31 mars 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/01521

ARRÊT DU

31 Mars 2023

N° 397/23

N° RG 21/01521 – N° Portalis DBVT-V-B7F-T36Y

PS / AA (MH)

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VALENCIENNES

en date du

06 Septembre 2021

(RG F21/00001 -section )

GROSSE :

Aux avocats

le 31 Mars 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANT :

M. [Z] [G]

[Adresse 1],

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Christian HANUS, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

SELARL SAFIGEC NORD

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Marie Hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI

asssisté de Me Olivier LACROIX, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Marie LE BRAS

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Alain MOUYSSET

: CONSEILLER

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

GREFFIER lors des débats : Valérie DOIZE

DÉBATS : à l’audience publique du 24 Janvier 2023

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 31 Mars 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Séverine STIEVENARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 03 janvier 2023

FAITS ET PROCEDURE

La société SAFIGEC, exerçant la profession d’expert comptable et de commissaire aux comptes, a recruté M.[G] le 20 juillet 2015 en qualité d’assistant comptable avant de lui confier en janvier 2019 un poste d’assistant confirmé moyennant une rémunération brute mensuelle de 2677 euros. Le 4 avril 2019 M.[G] lui a notifié sa démission avant de saisir le conseil de prud’hommes de réclamations salariales et indemnitaires au titre de sa démission constitutive selon lui d’une prise d’acte aux torts de l’employeur.

Vu l’appel formé par M.[G] contre le jugement ayant rejeté ses demandes

Vu ses conclusions du 16/5/2022 réclamant la condamnation de la société SAFIGEC comme suit:

« …dommages et intérêts, rupture par démission imputable à l’employeur (5 mois) 15374.45 €

Indemnité légale de licenciement (1/4 de mois x 4) 3074.89€

Indemnité forfaitaire pour travail dissimulé : 18 449.34 €

Rappel heures supplémentaires (limité à la prescription de 3 ans) antérieur au 31.12.18 ; 4485.92 €

Rappel heures supplémentaires 2019 ; 1850.43 €

Rappel congés payés sur heures supplémentaires (4485.92+1850.43 x10 %) 633.63 €

Dommages et intérêts non-respect égalité salariale 10 000.00 €

Rappel de salaire (différentiel de rémunération 6 mois par discrimination) 2886.00 €

Congés payés sur rappel de salaire 288.60 €

A titre subsidiaire (sur la base mensuelle brute de 2630.91 €) :

Dommages et intérêts, rupture par démission imputable à l’employeur (5 mois) 13 150.00 €

Indemnité légale de licenciement (1/4 de mois x 4) : 2630.91€

Indemnité forfaitaire pour travail dissimulé 15 785.46 €

Rappel heures supplémentaires (limité à la prescription de 3 ans) 6068.35 € outre 606.83 € de rappel congés payés

Dommages et intérêts non-respect égalité salariale : 10 000 euros

En tout état de cause,

Condamner la société SAFIGEC NORD au paiement de la somme de 5000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile»

Vu les conclusions du 5/7/2022 par lesquelles la société SAFIGEC demande la confirmation du jugement sauf en ce qu’il a rejeté sa demande d’indemnité de procédure, le rejet des demandes adverses ainsi qu’une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

MOTIFS

Les heures supplémentaires

Aux termes de l’article L 3171-2 du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées prétendument accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre en produisant ses propres éléments.

En l’espèce M.[G], soumis à l’horaire collectif en vigueur dans le cabinet, était astreint d’effectuer les 35 heures par semaine mentionnées au contrat de travail. Au soutien de sa demande il produit les éléments suivants:

– deux attestations d’anciens collègues décrivant une charge de travail importante

– des centaines de courriels reçus et envoyés à des clients avant et après l’horaire collectif

– un relevé détaillant les heures supplémentaires effectuées.

Sur ces éléments suffisamment précis l’employeur fait valoir en premier lieu que le décompte du salarié effectué à la journée n’est pas pertinent puisque le calcul des supplémentaires doit se faire en base hebdomadaire mais ce moyen est inopérant puisque une reconstitution hebdomadaire est aisément réalisable. Il indique en revanche à juste titre que les courriels adressés par des clients à des heures tardives ne laissent pas supposer que le salarié les a tous effectivement traités en soirée. De la masse des courriels versés aux débats la cour puise cependant de nombreux éléments étayant la thèse du salarié, ce quand bien même ses plannings de travail ne mentionnent aucune heure supplémentaire étant observé que les courriels envoyés par l’intéressé après la fermeture du cabinet, en soirée, attestent d’un travail soutenu.

L’employeur fait valoir que les heures étaient payées sur la base des relevés établis par son cocontractant, ne mentionnant aucune heure supplémentaire, mais il admet ne pas avoir contrôlé «l’effectivité de ses heures journalières ou hebdomadaires ». Il ajoute que M.[G] n’a jamais réclamé le paiement d’heures supplémentaires ce qui ne fait pas obstacle à sa réclamation. La société intimée affirme par ailleurs ne pas avoir donné l’autorisation d’effectuer des heures supplémentaires selon elle non nécessitées par la charge de travail mais la nature des missions confiées à l’intéressé, surtout à partir de sa nomination au poste d’assistant confirmé en janvier 2019 assortie de l’obligation d’utiliser un nouveau logiciel, rendait indispensable l’accomplissement de telle heures. Du reste, le contrat de travail obligeait le salarié à effectuer des heures supplémentaires en cas de nécessité. La société SAFIGEC indique que M.[G] bénéficiait de l’assistance d’une collègue ce dont ne peut être déduit l’absence de travail au-delà de la durée légale. Pour autant, dans un courriel du 3 avril 2019 M.[G] a fait savoir à sa direction qu’il terminait généralement ses journées à 17 heures 30 et qu’il ne travaillerait plus jusqu’à 19 heures 30.

Vu ce qui précède, attestant à la fois d’une absence de paiement par l’employeur de toutes les heures effectuées et d’une surévaluation par le salarié de leur nombre, la cour dispose d’éléments suffisants pour allouer à M.[G] la somme mentionnée au dispositif du présent arrêt augmentée de l’indemnité de congés payés afférente.

La demande d’indemnité pour travail dissimulé

Il ressort des bulletins de paie que toutes les rémunérations ont été assujetties aux cotisations sociales de sorte que n’est caractérisée aucune volonté de l’employeur d’échapper à ses obligations en la matière. Plus généralement, aucun élément ne caractérise une volonté de sa part de se soustraire à ses obligations alors même qu’il n’a été destinataire d’aucune invitation à régulariser la situation et que la créance d’heures supplémentaires n’est pas significative au regard du salaire de référence. Par ailleurs, il n’est ni établi ni même soutenu que l’emploi n’ait pas été régulièrement déclaré aux autorités compétentes ni que l’employeur ait méconnu ses obligations déclaratives. L’article L 8223-1 du code du travail réservant le bénéfice de l’indemnité pour travail dissimulé aux seuls salariés auxquels l’employeur a eu recours en violation des articles L 8221-3 et L 8221-5 du code du travail, ce qui dans la présente affaire n’est pas avéré faute de dissimulation intentionnelle, la demande sera rejetée.

Les demandes au titre de la différence de traitement salarial

S’il est de règle que tout travail égal suppose un salaire égal son application suppose une équivalence de situation suffisante entre celui qui s’en prévaut et celui à qui il se compare. application de l’article L 1134-1 du code du travail, lorsqu’une inégalité de traitement est alléguée l’employeur doit soumettre au juge les critères objectifs et pertinents, étrangers à toute discrimination, justifiant l’inégalité de traitement entre salariés, à charge pour ceux soutenant en être victime de lui communiquer préalablement les éléments de fait propres à en laisser supposer l’existence.

En l’espèce M.[G] se compare à son collègue [B] bénéficiaire sans conteste d’une rémunération brute supérieure à la sienne alors qu’il avait comme lui le statut d’assistant confirmé. Sur cet élément laissant présumer l’inégalité de traitement l’employeur justifie, pièces à l’appui, que M.[B] avait une ancienneté au poste d’assistant confirmé largement supérieure à celle de M.[G] (il est entré à son service en 2010 en disposant d’une importante ancienneté dans le métier), qu’il a eu celui-ci sous ses ordres jusqu’en 2019 et qu’il était en charge de dossiers plus complexes. Ce faisant la société SAFIGEC fournit des éléments pertinents, étrangers à toute discrimination, expliquant la différence de traitement entre M.[G] et son collègue plus ancien. Sans qu’il y ait lieu de s’arrêter à l’argumentation inopérante du salarié, n’apportant aucune contradiction utile aux éléments objectifs ci-dessus rapportés, les demandes de dommages-intérêts et de rappel de salaire seront rejetées.

La demande de qualification de la démission en prise d’acte aux torts de l’employeur

Il appert, vu les justificatifs, que la démission de M.[G] présente un caractère équivoque puisqu’elle est survenue après un entretien individuel lors duquel il a évoqué sa lourde charge de travail et l’inégalité de traitement avec un de ses collègues. Elle s’analyse donc en une prise d’acte dont les conséquences seront celles d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si l’employeur a commis des manquements à ses obligations rendant impossible la poursuite du contrat de travail.

Il vient d’être jugé que M.[G] n’avait été victime d’aucune inégalité de traitement salarial par rapport à son collègue. Le nombre des heures supplémentaires est par ailleurs non significatif au regard du salaire de référence. Le salarié, soumis à l’horaire collectif, n’a jamais adressé de réclamations sur l’accomplissement d’heures supplémentaires et n’est caractérisée aucune résistance indue de l’employeur. S’il peut lui être reproché de ne pas avoir procédé à un contrôle rigoureux des temps de travail, son manquement ne rendait pas impossible la poursuite des relations contractuelles. La prise d’acte produira donc les effets d’une démission et le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de ses demandes indemnitaires.

Les frais de procédure

Il n’est pas inéquitable de condamner la société SAFIGEC au paiement d’une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société SAFIGEC supportera les dépens d’appel et de première instance.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

CONFIRME le jugement sauf en ce qu’il a rejeté les demandes d’heures supplémentaires et congés payés afférents et en ce qui concerne les dépens de première instance ;

statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant

CONDAMNE la société SAFIGEC à payer à M.[G] les sommes suivantes:

‘heures supplémentaires: 4307,64 euros

‘indemnité de congés payés: 430,76 euros

‘indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile: 2800 euros ;

DEBOUTE M.[G] du surplus de ses demandes ;

CONDAMNE la société SAFIGEC aux dépens d’appel et de première instance.

LE GREFFIER

Séverine STIEVENARD

LE PRESIDENT

Marie LE BRAS

 


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