ARRÊT DU
03 Mai 2023
JYS / NC
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N° RG 21/00845
N° Portalis DBVO-V-B7F -C5UI
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SARL LA MIE DE PAIN
SAS LA PORTEUSE DE PAIN
C/
SAS DIMATICA
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GROSSES le
aux avocats
ARRÊT n° 203-23
COUR D’APPEL D’AGEN
Chambre Civile
Section commerciale
LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,
ENTRE :
SARL LA MIE DE PAIN pris en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège RCS MONTAUBAN 435 126 842
[Adresse 2]
[Localité 5]
SAS LA PORTEUSE DE PAIN pris en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège RCS MONTAUBAN 405 199 217
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentées par Me Elodie DRIGO, SELARL ALPHA CONSEILS, avocate postulante au barreau d’AGEN
et Me Hélène PUERTOLAS, SELARL SPBS Avocats, substituée à l’audience par Me Stéphane BESSOU, avocate plaidante au barreau de TARN-ET-GARONNE
APPELANTES d’un jugement du tribunal de commerce d’AGEN en date du 28 juillet 2021, RG 2019 007479
D’une part,
ET :
SAS DIMATICA pris en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège
RCS AGEN 300 881 737
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Sophie DELMAS, avocate au barreau d’AGEN
INTIMÉE
D’autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 02 novembre 2022, sans opposition des parties, devant la cour composée de :
Président : Dominique BENON, Conseiller
Assesseur : Jean-Yves SEGONNES, Conseiller qui a fait un rapport oral à l’audience
qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée outre eux-mêmes de :
Claude GATÉ, Présidente de Chambre
en application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, et après qu’il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés,
Greffière : Lors des débats : Charlotte ROSA , adjointe administrative faisant fonction
Lors de la mise à disposition : Nathalie CAILHETON
ARRÊT : prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
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FAITS
M. [T] [S], boulanger-pâtissier, a créé une EURL ‘[T] [S]’ à [Localité 6], mère des deux SARL ‘La mie de pain’ et ‘La porteuse de pain’ à [Localité 5]. Durant plusieurs années, la société Dimatica, système d’encaissement, a placé en location des caisses enregistreuses dans divers établissements de la chaîne ‘La mie de pain’ dans tout le sud de la France et en décembre 2018 deux caisses enregistreuses à [Localité 5]. En avril 2019, [T] [S] a demandé à Dimatica de reprendre les matériels en invoquant des dysfonctionnements du logiciel de caisse ‘crisalid’ et les deux factures d’achat du 29 avril 2019 à 45 000 euros HT n’ont jamais été payées.
Suivant acte d’huissier délivré le 25 novembre 2019, la SAS Dimatica a fait assigner la SARL ‘La mie de pain’ et la SARL ‘La porteuse de pain’ devant le tribunal de commerce d’Agen en paiement au principal de, chacune, 27 000 euros TTC pour chacune des caisses enregistreuses.
Par jugement contradictoire du 28 juillet 2021, le tribunal a :
– condamné solidairement la SARL ‘La mie de pain’ et la SARL ‘La porteuse de pain’ à payer à la société Dimatica la somme principale de 52 000 euros,
– ordonné l’exécution provisoire à charge pour Dimatica de fournir une caution bancaire de 50 % de la somme due solidairement par les associés de ‘La mie de pain’ et ‘La porteuse de pain’, en cas d’exigibilité de leur remboursement éventuel, toutes les sommes versées en exécution du présent, (sic)
– condamné solidairement ‘La mie de pain’ et ‘La porteuse de pain’ à payer à Dimatica 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté les parties de leurs autres demandes,
– condamné solidairement ‘La mie de pain’ et ‘La porteuse de pain’ aux entiers dépens,
– liquidé les dépens dont frais de greffe à 94,34 euros.
Pour condamner les deux SARL aux paiements, le tribunal a retenu que sur la base de loyers de 950 euros durant 60 mois, M. [S] a signé avec Dimatica plusieurs contrats de location de caisses en France en 2018 ; il a jugé que sur ces bases, [T] [S] a consenti à l’achat des deux caisses enregistreuses, au même prix final global de 57 000 euros.
PROCÉDURE
Par déclaration au greffe, les SARL ‘La mie de pain’ et ‘La porteuse de pain’ ont fait appel de tous les chefs du présent jugement, le 23 août 2021 et ont intimé la SAS Dimatica.
Selon dernières conclusions visées au greffe le 9 mai 2022, la SARL ‘La mie de pain’ et la SARL ‘La porteuse de pain’ demandent, en réformant le jugement en toutes ses dispositions, de :
– déclarer irrecevable la prétention nouvelle de Dimatica de la condamner à la prise en charge du constat d’huissier de Me [P],
– débouter Dimatica de toutes ses demandes,
– ordonner à Dimatica de récupérer les caisses enregistreuses à ses frais,
– condamner Dimatica à leur payer 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Dimatica à tous les dépens.
Les appelantes exposent que le précédent logiciel adjoint ‘crisalid’ ne donnait pas satisfaction sur les différents calculs de taux de TVA des différents produits vendus en boulangerie, boissons ou petite restauration, comme l’a montré un constat d’huissier du 19 novembre 2018 : Dimatica leur a donc mis ses caisses à disposition à titre probatoire, avec le nouveau logiciel ‘one touch’ expérimental mais ce logiciel n’a pas fonctionné non plus.
Elles font valoir qu’il n’y a pas eu d’accord sur le prix ni même de devis de revente ; il n’y a donc pas eu non plus de vente tacite, ce que Dimatica reconnaît en se plaignant que les sociétés se comportent en propriétaires des machines, alors que le gérant M. [S] leur a demandé de les reprendre. Il n’y a non plus aucune solidarité entre leurs engagements respectifs.
Selon conclusions visées au greffe le 15 février 2022, la SAS Dimatica demande, en rejetant les demandes de la SARL ‘La mie de pain’ et la SARL ‘La porteuse de pain’, de :
– confirmer le jugement, sauf sur le montant à régler solidairement et, statuant à nouveau, de :
– condamner la SARL ‘La mie de pain’ à lui payer 27 000 euros correspondant à la facture n° 471900090 :
– condamner la SARL ‘La porteuse de pain’ à lui payer 27 000 euros correspondant à la facture n° 471900089,
– condamner les SARL à lui payer 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner les SARL aux dépens, en ce compris les frais de constat d’huissier de Me [P].
L’intimée expose que le gérant qui connaissait le prix de location des caisses n’a pas voulu contracter avec option d’achat pour pouvoir cesser la collaboration et adapter un autre logiciel de TVA mais elle-même n’a jamais envisagé de les donner et ne peut intervenir sur le nouveau logiciel.
Elle fait valoir que l’accord sur la chose et le prix est formé et le silence n’est pas équivoque dans l’expression du consentement de par la connaissance de ces éléments dans les relations passées. Le constat d’huissier du 19 novembre 2018 ne concerne pas les deux sociétés en cause car les caisses enregistreuses ne leur ont été livrées que le 3 décembre suivant alors que le constat du 10 janvier 2020 montre que les deux caisses enregistreuses sont encore utilisées.
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions et moyens des parties, fait expressément référence à la décision entreprise et aux dernières conclusions déposées en application de l’article 455 du code de procédure civile.
La procédure a été clôturée le 28 septembre 2022.
MOTIFS
1/ sur la vente :
La société Dimatica ne fondait son assignation sur aucune action du code civil ; elle a comblé cette lacune dans le dispositif de ses conclusions de première instance à l’audience du 27 janvier 2020 devant le tribunal de commerce d’Agen en visant les articles du code civil 1583 sur la vente et 1103 sur la force obligatoire du contrat.
Les articles 1582 et 1583 du code civil disposent :
» La vente est une convention par laquelle l’un s’oblige à livrer une chose, et l’autre à la payer. Elle peut être faite par acte authentique ou sous seing privé. »
et
» Elle est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé. »
et
» Le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties. »
A l’appui, la société Dimatica produit dans les pièces suivantes à son bordereau du 11 février 2022 conformément à sa communication en première instance, notamment :
– n°1) et 2) : factures n°47/1900089 et n° 2 47/1900090 du 29 avril 2019 libellées » 1 pack caisse sharp 35C avec glory CI-10 SN 6338/8961 logiciel crisalid, afficheur, imprimante, tickets, douchette, mat, tiroir, onduleur, matériel livré le 3 décembre 2018 au prix unitaire de 22 500 euros ht – tva 20 – escompte 0 euro – total tva 4 500 euros – total ttc 27 000 euros « .
Me [P], huissier de justice à [Localité 5], a constaté le 10 janvier 2020 à six reprises sur les sites de ‘la mie de pain’ et ‘la porteuse de pain’, le bon fonctionnement de la remise du ticket de caisse au client avec clichés desdites notes : articles, quantités et prix hors taxes et tva comprise.
Mme [R], directrice financière de l’Eurl [T] [S], a alors attesté le 2 février 2020 que courant septembre 2018, la société Dimatica a proposé une phase de test pour l’usage du logiciel de caisse ‘one touch’ suite aux réserves sur son utilisation qu’elle-même a émises et que ladite phase n’a pas été concluante, notamment sur le calcul de tva des boissons chaudes et salées et que le 4 avril 2019, [T] [S] leur a demandé de reprendre les matériels.
Par suite, Dimatica a refusé d’intervenir sur les caisses enregistreuses en réponse aux demandes qui continuaient d’être faites, jusqu’au règlement des factures des prix des deux caisses qu’elle a immédiatement émises en réponse à cette demande de reprise.
Sur le fondement de l’article 1120 du code civil, le premier juge ne pouvait transposer ces consentements de [T] [S] aux locations à la double vente sur les deux sites de [Localité 5] aux mêmes conditions.
L’article 1120 nouveau du code civil dispose :
» Le silence ne vaut pas acceptation, à moins qu’il n’en résulte autrement de la loi, des usages, des relations d’affaires ou de circonstances particulières. « .
Dans le louage de choses, une personne remet un bien à une autre pour l’utiliser durant un temps moyennant un loyer ; dans la vente, un vendeur cède définitivement à un acheteur tous ses droits sur une chose lui appartenant.
En l’espèce, en pièce n°5) de son bordereau, Dimatica présente trois documents similaires : » CONTRAT CLASSIQUE – CONTRAT DE LOCATION POUR PROFESSIONNEL – caisse automatique – loyer mensuel 950 € durée initiale de location 60 mois – les 21 février, 4 avril et 14 septembre 2018 avec les fournils ‘Petit [Localité 10]’ à [Localité 7], ‘[Localité 9]’ à [Localité 8] et ‘Matras’ à [Localité 5] « . La relation d’affaires exposée ne suffit pas à renverser la présomption légale. Ces trois contrats de location n’ont pas pu emporter le consentement de [T] [S] à acheter la pleine propriété de tous les droits sur les deux machines fournies par Dimatica même à des conditions identiques aux loyers de 950 euros durant les 60 mois suivants à ‘la mie de pain’ et ‘la porteuse de pain’ à [Localité 5] le 3 décembre 2018. La demande est mal fondée.
En vertu du principe dispositif du droit processuel que les parties délimitent souverainement l’étendue du litige, le juge ne se prononce que sur le fondement de l’action dont il est saisi. Le jugement sera infirmé.
2/ sur les autres demandes :
En vertu de ce qui précède :
– la cour n’a pas compétence pour statuer sur le sort des deux biens au statut indéfini entre les parties. En conséquence, la demande de récupération des caisses enregistreuses sera rejetée ;
– la demande de déclarer irrecevable, en ce qu’elle est nouvelle, la prétention de Dimatica à mettre à la charge de ‘la mie de pain’ et ‘la porteuse de pain’ les frais de constat de Me [P], est sans objet.
3/ sur les dépens :
En application de l’article 696 du code de procédure civile, la société Dimatica qui succombe entièrement en l’instance d’appel, les supportera intégralement.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition et en dernier ressort,
Infirme le jugement,
jugeant à nouveau,
Rejette les demandes de la SAS Dimatica contre les SARL ‘la mie de pain’ et ‘la porteuse de pain’ en paiement de 27 000 euros chacune,
Condamne la SAS Dimatica aux dépens,
y ajoutant,
Déboute les SARL ‘la mie de pain’ et ‘la porteuse de pain’ de leurs demandes envers la SAS Dimatica en récupération des deux caisses enregistreuses,
Condamne la SA Dimatica aux dépens d’appel et à payer aux SARL ‘la mie de pain’ et ‘la porteuse de pain’ 1 500 à chacune en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Vu l’article 456 du code de procédure civile, le présent arrêt a été signé par Dominique BENON, conseiller ayant participé au délibéré en l’absence de Mme la présidente de chambre empêchée, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, Le Conseiller,
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