Droit du logiciel : 9 mai 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 22/01302

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Droit du logiciel : 9 mai 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 22/01302

COUR D’APPEL

D’ANGERS

CHAMBRE A – COMMERCIALE

CC/IM

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 22/01302 – N° Portalis DBVP-V-B7G-FBC4

Ordonnance du 17 Juin 2022

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP du Mans

n° d’inscription au RG de première instance 22/00188

ARRET DU 09 MAI 2023

APPELANTE :

SCPA [T] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Nathalie GREFFIER, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 22137

INTIMEE :

S.A.S. CM-CIC LEASING SOLUTIONS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Inès RUBINEL, avocat postulant au barreau d’ANGERS, en qualité d’administratrice provisoire de Me Benoît GEORGE, associé de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, avocat au barreau d’ANGERS- N° du dossier 225458, et Me Mathieu BOLLENGIER-STRAGIER, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 06 Mars 2023 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, présidente de chambre qui a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, présidente de chambre

Mme ROBVEILLE, conseillère

M. BENMIMOUNE, conseiller

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 09 mai 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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FAITS ET PROCÉDURE

Suivant acte sous seing privé non daté, la SCPA [T], cabinet d’avocat, a souscrit auprès de la société Flexsi un contrat de location de matériels informatiques portant sur les ‘configurations’ d’un PC fixe HP PRO DESK 400 G3, d’un PC portable HP PROBOOK 450 G3 et d’un serveur HP DL 350, pour une durée de 60 mois, moyennant 20 loyers trimestriels d’un montant de 1 185 euros hors-taxes, soit 1 422 euros TTC.

Le 13 novembre 2017, la société Flexsi a signé un bon de livraison du serveur à la SCPA [T]. Le même jour était établie une attestation de mise en route du matériel.

Suivant facture du 15 novembre 2017, la société Flexsi a vendu à la société CM-CIC Leasing solutions le serveur HP DL 350 au prix de 20 466,32 euros HT.

Courant 2019, la SCPA [T] a fait connaître à la société Flexsi les difficultés rencontrées dans l’utilisation de son système informatique.

Des échanges ont eu lieu entre M. [T] et la société Flexsi sur l’inadéquation du serveur donné en location avec le logiciel de gestion du cabinet utilisé, qui fonctionne selon un mode Saas (sofftware-as-a-service).

La SCPA [T] a cessé de payer les loyers à compter du 1er juillet 2021.

Par lettre recommandée du 25 juin 2021 avec avis de réception du 29 juin suivant, la société CM-CIC Leasing solutions a informé la SCPA [T] que la société Flexsi, bailleur d’origine, lui avait cédé le serveur HP DL 350 et le contrat y afférent en lui précisant que nonobstant cette cession, le bailleur d’origine avait continué à percevoir les loyers sur mandat de facturation qui lui avait été consenti et lui a notifié qu’il a été mis fin à ce mandat à compter du 1er janvier 2021.

Par lettre du 4 février 2022, la société CM-CIC Leasing solutions a vainement mis en demeure la SCPA [T] de lui payer la somme de 8 307,69 euros TTC représentant le montant de l’arriéré en principal, frais et intérêts puis, par lettre du 17 mars 2022, lui a notifié la résiliation de plein droit du contrat de location.

Le 4 mai 2022, la société CM-CIC Leasing solutions a fait assigner la SCPA [T] devant le juge des référés du tribunal judiciaire du Mans en constatation de la résiliation du contrat, restitution des matériels donnés en location, paiement à titre provision des sommes dues au titre du contrat.

Par ordonnance de référé réputée contradictoire du 17 juin 2022, le président du tribunal judiciaire a :

– constaté la résiliation du contrat de location n°BM7183600 aux torts de la SCPA [T] et ce à compter du 17 mars 2022 ;

– ordonné à la SCPA [T] de restituer les matériels objets de la convention ; lui accorde pour ce faire un délai de huit jours à compter de la signification de la présente décision et dit que passé ce délai il courra contre elle une astreinte de cent euros par jour de retard ;

– dit que cette restitution sera effectuée aux frais du locataire et sous sa responsabilité ;

– condamné la SCPA [T] à payer à la société CM-CIC Leasing solutions les sommes provisionnelles suivantes :

*loyers impayés : sept mille cent dix euros (7 110,00 euros) ;

* pénalités (art. 4.5) : quarante-cinq euros (45,00 euros) ;

* loyers à échoir : quatre mille deux cent soixante-six euros (4 266,00 euros) ;

soit un total de : onze mille quatre cent vingt-et-un euros (11 421,00 euros) ;

avec intérêts au taux contractuel de trois fois le taux d’intérêt légal capitalisé à compter de la mise en demeure en date du 08 février 2022 ;

– condamné la SCPA [T] à payer à la société CM-CIC Leasing solutions la somme de huit cents euros (800 euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la SCPA [T] aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 22 juillet 2022, la SCPA [T] a interjeté appel de cette ordonnance.

Les parties ont conclu.

Une ordonnance du 27 février 2023 a clôturé l’instruction de l’affaire.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions remises le 27 février 2023, la SCPA [T] demande à la cour de :

– infirmer l’ordonnance de référé ;

et statuant à nouveau :

– juger qu’il existe des contestations sérieuses ;

– dire n’y avoir lieu à référé ;

– débouter la SAS CM-CIC Leasing solutions en toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires ;

– la condamner à payer à la SCPA [T] 1 500 euros en application de l’article 700 code de procédure civile ;

– la condamner aux entiers dépens et accorder à Me Greffier le droit prévu à l’article 699 code de procédure civile.

Par conclusions remises le 8 décembre 2022, la SAS CM-CIC Leasing solutions prie la cour de :

– confirmer dans toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise ;

et rejetant toute demande contraire comme irrecevable et en toute hypothèse mal fondée :

– condamner la SCPA [T] à payer à la SAS CM-CIC Leasing solutions une somme de 2 000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– la condamner aux entiers dépens avec distraction au profit de l’avocat soussigné aux offres de droit.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la contestation relative à la validité de la cession du contrat de location

Pour s’opposer aux demandes de la CM-CIC Leasing solutions, la SCPA [T] invoque en premier lieu une contestation tenant à la nullité de la cession de contrat à défaut d’avoir été constatée par écrit.

La société CM-CIC Leasing solutions se prévaut de la clause du contrat par laquelle le locataire a donné son accord à cette cession par avance pour en déduire que la SCPA [T] a bien donné son accord à la substitution de bailleur. Elle fait valoir que dès lors qu’aucune signature de la SCPA [T] n’était requise, que la cession du contrat a été régulièrement notifié à celle-ci et que, pour sa part, elle est devenue propriétaire du serveur pris en location par la SCPA [T] pour l’avoir financé, elle est en droit de requérir de sa locataire défaillante le règlement des loyers et, à défaut de l’obtenir, de se prévaloir de la résolution du contrat dans les conditions fixées à celui-ci.

Il ressort des éléments du dossier et des écritures des parties que le contrat de location a été conclu dans le courant de l’année 2017.

Aux termes de l’article 1216 du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige :

‘Un contractant, le cédant, peut céder sa qualité de partie au contrat à un tiers, le cessionnaire, avec l’accord de son cocontractant, le cédé. Cet accord peut être donné par avance, notamment dans le contrat conclu entre les futurs cédant et cédé, auquel cas la cession produit effet à l’égard du cédé lorsque le contrat conclu entre le cédant et le cessionnaire lui est notifié ou lorsqu’il en prend acte.

La cession doit être constatée par écrit, à peine de nullité’.

La cession de contrat réalise une substitution de personne dans le lien contractuel, sans rupture de ce lien.

L’article 1216 du code civil pose essentiellement deux conditions à la cession de contrat, à savoir, un écrit et le consentement du cédé, sauf disposition légale ou convention contraires.

S’agissant de la seconde de ces conditions, il y a lieu de constater que le contrat conclu entre les parties comporte une clause prévoyant que ‘le locataire reconnaît irrévocablement au bailleur initial (le bailleur cédant), le droit de transférer la propriété du matériel et/ou de le céder à tout moment le contrat de location ou tout ou partie de ses droits, en particulier de créance, à tout tiers, établissement de crédit ou société de location financière avec faculté de substitution (ci-après le cessionnaire). Une telle cession est d’ores et déjà acceptée par le locataire qui s’engage à signer tout document nécessaire à sa mise en oeuvre et dispense par avance le bailleur cédant et le cessionnaire de toute notification de la cession’.

Et il résulte de l’article 1216, alinéa 2, du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016, que lorsqu’un contractant, le cédant, cède sa qualité de partie au contrat à un tiers, le cessionnaire, et que son cocontractant, le cédé, a donné son accord à cette cession par avance, la cession ne produit effet à l’égard du cédé que si le contrat conclu entre le cédant et le cessionnaire lui est notifié ou lorsqu’il en prend acte.

En l’espèce, il n’est pas discuté par la SCPA [T] que cette condition a été remplie après la notification qui lui a été faite par lettre du 25 juin 2021.

Reste la première des conditions à la cession de contrat, à savoir l’existence d’un contrat de cession écrit. Cet écrit est exigé à titre de validité, ad validitatem, ce qui fait du contrat de cession un contrat solennel.

Dans le cas présent, aucun écrit portant cession du contrat n’est versé aux débats. Il n’est d’ailleurs pas prétendu par la société CM-CIC Leasing solutions qu’un écrit ait été établi. Seule la facture relative à la vente est produite, ce qui ne vaut pas écrit de cession de contrat.

Et il ressort des écritures des parties que la SCPA [T] n’a payé aucun loyer directement entre les mains de la CM-CIC Leasing solutions ni même à la société Flexsi après avoir reçu de la CM-CIC Leasing solutions la notification de la cession du contrat.

Il en résulte que la SCPA [T] oppose aux prétentions de la société CM-CIC Leasing solutions émises en vertu du contrat de location financière une contestation sérieuse relative à la validité de la cession du contrat dont elle se prévaut, de sorte que l’ordonnance entreprise sera infirmée et la société CM-CIC Leasing solutions sera déboutée de toutes ses demandes.

La société CM-CIC Leasing solutions, partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel et sera condamnée à payer à la SCPA [T] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Infirme l’ordonnance entreprise.

Statuant à nouveau,

Rejette toutes les demandes de la société CM-CIC Leasing solutions.

La condamne aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La condamne à payer à la SCPA [T] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

S. TAILLEBOIS C. CORBEL

 


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