Les réseaux de distribution commerciale sélective sont-ils légaux ?

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Les réseaux de distribution commerciale sélective sont-ils légaux ?

Licéité de principe

Même s’ils influencent nécessairement la concurrence dans le marché commun (arrêt de la Cour de justice du 25 octobre 1983, AEG-Telefunken/Commission, 107/82, point 33), les accords dits de distribution sélective, par lesquels un producteur choisit, notamment, de diffuser ses produits ou ses services via des distributeurs préalablement sélectionnés par ses soins, peuvent néanmoins être conformes aux exigences des articles 101 paragraphe 1, TFUE et L. 420-1 du code de commerce. Leur licéité, de même que celle de leurs clauses contractuelles, est soumise au respect de certaines conditions.

Justification d’une interdiction totale de revente en ligne

S’agissant des clauses contractuelles, telles qu’une interdiction de toute forme de vente par Internet, il convient de vérifier si les restrictions de concurrence qu’elles impliquent poursuivent d’une manière proportionnée les objectifs légitimes de préservation de la qualité des produits et de sécurisation de leur bon usage (arrêt de la Cour de justice du 13 octobre 2011, Pierre Fabre Dermo-Cosmétique, C-439/09, point 41 ; arrêt de la cour d’appel de Paris du 31 janvier 2013, RG n° 2008/23812). Selon la Cour de justice, cette condition est satisfaite lorsque « l’interdiction [formulée par la clause en cause au principal] est proportionnée au regard de l’objectif [qu’elle] poursuit (…) et si elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif » (arrêt de la Cour de justice du 6 décembre 2017, Coty Germany GmbH, C-230/16, points 43 et suivants).

Triple preuve à apporter

Afin d’apprécier la réalité et la licéité de l’interdiction de vente des produits sur les sites Internet des distributeurs, il y a lieu d’établir tout d’abord l’existence d’un accord de volontés sur ce point entre le fabricant et ses distributeurs,  puis de déterminer si une telle interdiction constitue une restriction de concurrence qui revêt un degré de nocivité tel qu’elle puisse être qualifiée de restriction de concurrence par objet. Enfin, il convient d’apprécier si les conditions d’octroi d’une exemption par catégorie ou individuelle sont remplies.

Le seul fait que des documents contractuels ne comprennent pas de disposition interdisant expressément les ventes par Internet ne suffit pas pour exclure l’existence d’une telle interdiction (voir notamment, en ce sens, arrêt de la cour d’appel de Paris du 13 mars 2014, société Bang & Olufsen, n° 2013/00714).

Afin d’établir le caractère restrictif de concurrence de l’interdiction de vendre en ligne des produits, il convient aussi de vérifier si la prohibition erdiction ibition est proportionnée aux objectifs poursuivis par le fabricant, à savoir (par exemple), la préservation de i) de la sécurité et la haute technicité d’un produit ou ii) d’un modèle économique à forte valeur ajoutée.

Critère d’une réglementation préexistante

La Cour de justice a précisé que l’appréciation du caractère approprié, au regard de la nature des produits en cause, d’un système de distribution sélective nécessitait notamment de vérifier « s’il n’est pas déjà satisfait à ces objectifs par une réglementation nationale de l’accès à la profession de revendeur ou des conditions de vente du produit en cause » (arrêt de la Cour de justice du 11 décembre 1980, L’Oréal, 31/80).

Dans le cadre d’un réseau de distribution sélective de produits cosmétiques, le TPUE a relevé que « à la différence de la commercialisation des médicaments, la distribution des produits cosmétiques n’exige pas de précautions supplémentaires par rapport à celles prévues par les législations nationales et communautaire en matière de contrôle de l’innocuité des produits cosmétiques et, en particulier, à celles résultant de la directive 76/768/CEE du Conseil, du 27 juillet 1976, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques (JO L 262, p. 169), modifiée. Cette règlementation garantit déjà que les produits cosmétiques mis en vente ne présentent pas de danger pour la santé des consommateurs et que leur commercialisation n’exige pas de précautions supplémentaires, telles que celles qui existent pour les médicaments » (arrêt du Tribunal du 27 février 1992, Société d’hygiène dermatologique de Vichy, T-19/91).

Préservation d’un modèle économique

Par ailleurs, s’agissant de la préservation d’un modèle économique à forte valeur ajoutée, il convient également de vérifier si cet objectif pouvait être atteint autrement qu’en neutralisant le canal de distribution par Internet, notamment en imposant des obligations de service aux revendeurs, comme par exemple celle de fournir les conseils nécessaires pour bien choisir un produit ou l’utiliser de manière optimale, via un service d’assistance spécialisé en ligne (« hotline » ou « live chat »).

Nocivité de la restriction de concurrence

Concernant la nocivité de la restriction de concurrence résultant de l’interdiction de vente sur Internet, les juridictions européennes comme nationales considèrent que l’interdiction de vente sur Internet au sein d’un réseau de distribution sélective est susceptible de constituer une restriction de concurrence par objet, en ce qu’elle réduit la possibilité des distributeurs de vendre des produits aux clients situés hors de leur zone d’activité, limite le choix des acheteurs finaux désireux d’acheter sans se déplacer et restreint, par voie de conséquence, la concurrence dans le secteur considéré (voir en ce sens, notamment, arrêt de la Cour de justice du 13 octobre 2011, Pierre Fabre Dermo-Cosmétique, C‑439/09 ; décision de l’Autorité de la concurrence n° 12-D-23 du 12 décembre 2012 relative à des pratiques mises en œuvre par la société Bang & Olufsen, arrêt de la cour d’appel de Paris du 31 janvier 2013, société Pierre Fabre Dermo-cosmétique, n° 2008/23812).


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