Question de la double qualification
La participation des mannequins recrutés pour une séquence publicitaire peut être qualifiée de prestation d’artiste-interprète ou de mannequin selon les cas. L’artiste participant à un film publicitaire se distingue du mannequin en ce qu’il ne se limite pas à prêter son image pour la présentation d’un produit au public, mais qu’il se livre par la voix ou par le geste à un jeu de scène impliquant une interprétation personnelle et relevant de l’activité du spectacle.
Aux termes de l’article L7121-2 du code du travail, sont considérés comme artistes du spectacle notamment, l’artiste dramatique, l’artiste de complément, l’artiste de variétés et selon l’article L7121-3, tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité qui fait l’objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce. Le mannequin est quant à lui défini par l’article L7123-2 du code du travail comme toute personne chargée de présenter au public, directement ou indirectement par reproduction de son image sur tout support visuel ou audiovisuel, un produit, un service ou un message publicitaire.
Position des juridictions
Dans une affaire opposant le LCL à l’URSSAF sur la qualification de mannequin ou d’artiste, la banque a obtenu gain de cause. En l’espèce, dès lors que le salarié du LCL, qui était un acteur professionnel connu, recruté précisément en raison de sa notoriété, exécutait un rôle parlé, cette prestation allait au-delà de l’utilisation de son image. Même s’il s’agissait d’un message publicitaire, le contenu de la prestation emportait application du statut d’artiste tel que défini par l’article L212-1 du code de la propriété intellectuelle et cela, quelle que puisse être la valeur artistique de la prestation (CA de Bordeaux, 15/1/2015)
Précédemment, les juges avaient déjà validé l’ancienne directive n°28-98 du 18 juin 1998 émanant de l’UNEDIC reconnaissance aux mannequins la qualité d’artiste interprète en présence d’un jeu de scène (CA de Paris, 16/1/2009 (1) ; CA de Paris, 16/1/2009 (2) :
« Il résulte d’un arrêt du Conseil d’État en date du 17 mars 1997 ( » Syndicat des producteurs indépendants « ) que les personnes qui tournent dans un film publicitaire ont la qualité d’artiste visé à l’article L.762-1 du code du travail. Cette décision est identique à celle retenue par les juridictions de l’ordre judiciaire privé qui ont reconnu à ces personnes soit : i) la qualité d’artiste interprète (Cass. Soc.10 février 1998, SARL Coccinelle c/Chaudat), ou ii) la qualité d’artiste de complément (CA Paris, 18 février 1993 Armbruster c/SA Téléma). Les artistes du spectacle visés à l’article L.762-1 du code du travail, engagés sous contrat à durée déterminée, relèvent de l’annexe X au règlement de l’assurance chômage. En conséquence, peuvent relever de l’annexe X, toutes personnes qui tournent dans un film publicitaire, en qualité d’artiste-interprète ou d’artiste de complément visés à l’article L.762-1 du code du travail. La présente instruction annule et remplace les dispositions des directives n°11-93 du 25 mars 1993 et n°04-95 du 17 janvier 1995 en ce qu’elles concernent les mannequins participant à un film publicitaire qui précisaient que, dans cette situation, ils continuaient à relever de l’annexe IV. ».
En conséquence, le mannequin qui tourne dans un film publicitaire a le statut d’artiste interprète sauf à l’agence de mannequins de démontrer qu’il n’a eu qu’un rôle passif consistant dans la seule reproduction de son image pour la présentation d’un produit au public (CA de Paris, 16/1/2009). Pour chaque hypothèse, il convient donc de se référer au critère du jeu de scène. Ainsi, la personne qui participe à un film publicitaire a la qualité d’artiste du spectacle et non de mannequin dès lors qu’elle s’est livrée à un jeu de scène impliquant une interprétation personnelle et ne s’est pas limitée à prêter son image (Cass. Soc., 10 février 1998, Bull. V, n° 82 ; V. également CE, 23 février 1998, n° 172735). Le Conseil d’Etat, dans son arrêt no 167585, 17 mars 1997, SPI, pose le principe que lorsqu’une personne se livre, dans le cadre d’un tournage d’un film publicitaire, à une prestation répondant aux conditions de l’article L. 212-1 du code de propriété intellectuelle qui ne se réduit pas à la seule utilisation de son image, elle ne se produit pas en qualité de mannequin au sens des dispositions de l’article L. 7123-2 du code du travail, mais en qualité d’artiste-interprète. La jurisprudence judiciaire procède selon la même logique pour définir le statut applicable :
« –la prestation fournie [un film publicitaire] relevait du registre du théâtre ou du cinéma avec des jeux de physionomie et interaction entre les partenaires, la cour d’appel a pu en déduire que Mlle Chaudat [comédienne] ne s’était pas bornée à présenter un produit, mais qu’elle avait interprété un rôle ; était justifié la qualification de « contrat d’artiste » donnée au contrat de travail conclu entre les parties. » (Cass. soc., no 95-43.510, 10 février 1998) ;
« –la participation de M. Delafoulhouze au film ayant pour objet de promouvoir les ventes d’un véhicule automobile n’a nullement correspondu à l’exécution d’une œuvre littéraire ou artistique ou d’une quelconque action visée à l’article L. 212-1 du code de la propriété intellectuelle, mais qu’elle a seulement consisté en une présentation au public d’un message publicitaire dans le cadre duquel son image a été reproduite ; s’étant borné à prêter son image sans se livrer à un authentique jeu de scène, il est infondé à se voir reconnaître le statut d’artiste interprète, seul celui de mannequin pouvant être admis. » (Cour d’appel de Paris, 4e chambre, 21 janvier 2005)
La détermination du statut applicable repose donc sur la nature de la prestation et non sur son objet. En tout état de cause, la personne dont la prestation de présentation d’un produit ne répond pas aux critères de l’article L. 121-1 du code de propriété intellectuelle est un mannequin et se trouve soumis au régime juridique des articles L. 7123-1 et suivants du code du travail.
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