Conditions du dénigrement publicitaire
La publicité commerciale est destinée à promouvoir un bien ou un service. Contrairement au droit des marques, le dénigrement y compris en matière publicitaire ne souffre pas d’exception de militantisme. Un annonceur ne peut ainsi, détourner de manière déloyale, un objectif de sensibilisation du public, en tirant à son profit, dans un but commercial, une question de société en diffusant des informations univoques destinées à jouer sur les peurs suscitées par les enjeux sanitaires et environnementaux, sans évoquer l’ensemble des mesures de gestion de ces enjeux.
Affaire Biocoop
A titre d’exemple, la société Biocoop (statut coopératif) a été condamnée pour avoir diffusé en 2014 et sur différents supports des visuels publicitaires intitulés « N’achetez pas de pommes ». Cette campagne a été jugée dénigrante du produit de la pomme et plus particulièrement des pommes dites « conventionnelles » non issues de l’agriculture biologique. La publicité en cause, présentant visuellement une « pomme pourrie » tendait à faire croire aux consommateurs que ces fruits présenteraient des risques sanitaires et environnementaux ; la campagne publicitaire présentait également un caractère trompeur pour exploiter, en les dénaturants, les résultats d’un rapport de l’INRA. La campagne publicitaire a été assimilée à un appel au boycott.
La société Biocoop n’a pu se retrancher derrière le caractère « militant » qu’elle a entendu donner au message en cause en y faisant figurer la mention « Achetons responsable », ni même derrière son engagement en faveur d’une agriculture plus respectueuse de la santé et de l’environnement, dès lors que la campagne poursuivie, même si elle interpelle de fait le public sur les risques propres aux produits phytosanitaires de synthèse, n’en revêt pas moins un caractère publicitaire et tend, par son contenu, à favoriser la vente de ses produits par le discrédit jeté publiquement sur ceux issus d’autres filières de production contre lesquelles il est expressément, sous la forme d’une injonction («N’achetez pas de pommes…»), appelé au boycott.
Responsabilité délictuelle de l’annonceur
Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer (article 1240 du code civil). Engage sa responsabilité délictuelle, sur le fondement de ces dispositions, celui qui dénigre l’image de marque d’une entreprise ou d’un produit désigné ou identifiable, afin de détourner la clientèle en usant de propos ou d’arguments répréhensibles ayant ou non une base exacte, diffusés ou émis en tout cas de manière à toucher les clients de l’entreprise visée.
Le dénigrement peut viser non pas une entreprise en particulier, mais un groupe de professionnels ou une catégorie professionnelle déterminée, ou encore un produit en tant que tel et d’une manière générale les entreprises qui le produisent et le commercialisent, auquel cas sont recevables à agir et demander réparation les organismes qui représentent les intérêts de la collectivité dénigrée.
Les limites de la caricature
Même si la campagne publicitaire revêtait à l’évidence, un caractère caricatural, à l’instar de tout message publicitaire qui vante un produit et tend naturellement à l’hyperbole ou à l’exagération, il n’en demeure pas moins que les visuels employés comportaient le même titre (« N’ACHETEZ PAS DE POMMES (traitées chimiquement) ») et la même image, dans laquelle une pomme, associée à la représentation imagée de toutes sortes de calamités sanitaires et environnementales (épandage et accumulation de produits toxiques, destruction de la vie végétale et animale), est désignée comme dissimulant ces catastrophes sous l’aspect avantageux d’un fruit parfaitement lisse et dépourvu de défauts apparents. L’association de cette image aux informations données, dans chaque visuel, sur l’indice maximal de fréquence des traitements herbicides, insecticides et fongicides reçus par les pommes de table françaises, désigne expressément ces fruits, à cause des traitements employés pour les produire, comme porteurs de risques mortels et désastreux pour l’environnement naturel. Dans ces circonstances, indépendamment du caractère exact des données chiffrées relatives aux traitements appliqués – circonstance qui indiffère pour la constitution du dénigrement –, il était établi que la campagne publicitaire Biocoop reposait non pas sur la valorisation des pommes issues de l’agriculture biologique, mais au contraire sur le dénigrement de celles issues des autres filières, aux fins de dissuader les consommateurs d’acheter ces fruits.
Laisser un commentaire