Délivrance d’un Certificat complémentaire de protection
Délivrer un Certificat complémentaire de protection doit aussi répondre aux objectifs du règlement n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments qui vise, afin d’encourager la recherche et de permettre un amortissement des investissements effectués dans ladite recherche, à rétablir une durée de protection effective suffisante du brevet de base en permettant à son titulaire de bénéficier d’une période d’exclusivité supplémentaire à l’expiration de ce brevet.
Objectifs de l’extension de durée
Cette extension de durée est destinée à compenser, au moins partiellement, le retard pris dans l’exploitation commerciale de l’invention du déposant en raison du laps de temps qui s’est écoulé entre la date du dépôt de sa demande de brevet et celle de l’obtention de la première AMM dans l’Union.
Affaire Merck / Dana
Si le temps nécessaire au dépôt d’un brevet peut constituer un indice de la complexité des recherches et venir corroborer l’existence d’une activité inventive, la découverte d’un anticorps ne fait pas l’objet d’une activité inventive lorsque l’antigène ciblé est déjà connu à moins que soit démontré un effet technique surprenant, outre qu’en l’espèce la société Merck a conclu avec la société Dana G un contrat de licence le 22 janvier 2008 relativement à plusieurs brevets en ce compris, contrairement aux allégations de l’INPI, le brevet européen litigieux EP 424 qui est identifié sous son numéro d’enregistrement 955878.4, de sorte que c’est à partir de cette date que la société Merck a commencé ses démarches pour identifier l’avélumab couvert par le brevet
US9624298 qu’elle a déposé le 28 novembre 2011, et qu’elle n’a donc pas mis onze années, contrairement aux allégations du directeur de l’INPI, pour développer l’avélumab.
Il se déduit de ces éléments, sur la base des connaissances générales de l’homme du métier et de l’état de la technique à la date de priorité du brevet EP 464, que l’anticorps monoclonal humain avélumab était spécifiquement identifiable à la lumière des enseignements dudit brevet par l’homme du métier, par des essais de routine connus et maîtrisés, qui peuvent être longs et fastidieux, mais ne procèdent pas d’une activité inventive autonome.
Enfin, il n’est pas contesté que l’invention couverte par le brevet EP 424 est une invention de rupture à l’origine de la commercialisation de plusieurs anti-corps tel que l’avélumab ayant un impact décisif en matière de santé publique dans la lutte contre le H ; la société Dana G, dont le brevet EP 424 a expiré le 23 août 2020, n’a pu recevoir de redevances qu’à compter du 18 septembre 2017 (date de l’AMM) soit pendant une période de moins de trois ans, étant observé qu’il n’est pas allégué qu’elle a déjà obtenu un CCP pour ce brevet.
Conditions de délivrance du certificat complémentaire
Pour rappel, l’article 3 du règlement CE n° 469/2009 prévoit que ‘Le certificat est délivré si, dans l’Etat membre où est présentée la demande (…) et à la date de cette demande :
a) le produit est protégé par un brevet de base en vigueur (…)’.
Dans l’arrêt Eli Lilly du 12 décembre 2013 (C-493/12), la CJUE a posé le principe selon lequel un principe actif peut être protégé par un brevet de base au sens de l’article 3 a) du règlement lorsqu’il est défini de façon seulement fonctionnelle, mais à la condition que les revendications du brevet, interprétées à la lumière de la description de l’invention, ainsi que le prescrivent l’article 69 de la convention sur la délivrance des brevets européens (CBE) et le protocole interprétatif de celui-ci, visent ‘implicitement mais nécessairement, le principe actif en cause, et ce de manière spécifique, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier’.
Dans l’arrêt Royalty Pharma du 30 avril 2020 (C-650/17), qui précise les conditions posées dans l’arrêt Eli Lilly pour qu’un produit défini de façon seulement fonctionnelle puisse être protégé par un brevet de base, la Cour de justice a dit pour droit :
‘1) L’article 3, sous a), du règlement (CE) n°’469/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 6’mai 2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, doit être interprété en ce sens qu’un produit est protégé par un brevet de base en vigueur, au sens de cette disposition, lorsqu’il répond à une définition fonctionnelle générale employée par l’une des revendications du brevet de base et relève nécessairement de l’invention couverte par ce brevet, sans pour autant être individualisé en tant que mode concret de réalisation à tirer de l’enseignement dudit brevet, dès lors qu’il est spécifiquement identifiable, à la lumière de l’ensemble des éléments divulgués par le même brevet, par l’homme du métier, sur la base de ses connaissances générales dans le domaine considéré à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base et de l’état de la technique à cette même date.
2)’L’article 3, sous a), du règlement n°’469/2009 doit être interprété en ce sens qu’un produit n’est pas protégé par un brevet de base en vigueur, au sens de cette disposition, lorsque, bien que relevant de la définition fonctionnelle donnée dans les revendications de ce brevet, il a été développé après la date de dépôt de la demande du brevet de base, au terme d’une activité inventive autonome’.
Il en résulte qu’un produit peut être protégé par le brevet de base au sens de l’article 3a) du règlement lorsqu’il répond à une définition fonctionnelle générale employée par l’une des revendications du brevet et relève nécessairement de l’invention, sans pour autant être individualisé en tant que mode concret de réalisation dès lors qu’il est spécifiquement identifiable, à la lumière de l’ensemble des éléments divulgués par le même brevet, et qu’il n’a pas été développé après la date de dépôt de la demande du brevet de base, au terme d’une activité inventive autonome.
Le es règles devant servir à déterminer ce qui est ‘protégé par le brevet de base en vigueur’ au sens de l’article 3 sous a) du règlement sont celles relatives à l’étendue de l’invention faisant l’objet d’un tel brevet, et que lorsqu’il s’agit d’un brevet délivré par l’Office européen des brevets (OEB) ces règles sont celles tirées de la convention européenne des brevets (CBE) et du protocole interprétatif de l’article 69 de cette convention, ainsi que le rappelle de façon constante la CJUE (notamment § 31 et 32 des arrêts Eli Lilly C493-12 et Teva C121-17).
L’INPI ne peut dès lors prétendre que l’appréciation de la portée des revendications du brevet de base à la lumière de la description et des exemples contenus dans ledit brevet, sur le point de savoir si le produit avélumab est spécifiquement identifiable pour l’homme du métier à la lecture du brevet sans faire preuve d’une activité inventive autonome au sens de la jurisprudence Royalty Pharma susvisée, ne devrait pas tenir compte des critères de l’activité inventive tels qu’ils résultent de la CBE, ainsi que des directives et de la jurisprudence de l’OEB, lesquels ne lient pas la cour, mais doivent être prises en considération au titre de l’application de la CBE pour tendre vers une protection harmonisée en Europe.
Il résulte des directives de l’OEB relatives à ‘l’activité inventive des anti-corps’, ainsi que le fait valoir le requérant sans être contesté sur ce point, que ‘L’objet d’une revendication définissant un nouvel anticorps qui se lie à un antigène connu n’implique pas d’activité inventive à moins qu’un effet technique surprenant ne soit démontré dans la demande. Des exemples d’effets techniques surprenants (…) sont : (…) une réactivité croisée inattendue entre espèces ou un nouveau type de format d’anticorps ayant une activité de liaison avérée’.
Ainsi, dans une décision en date du 23 février 1999 (T 431/96) relative à un brevet dont la date de priorité est le 17 mars 1983, soit plus de quinze ans avant la date de priorité du brevet de base litigieux, la Chambre de recours de l’OEB a considéré ‘the skilled person seeking to reproduce the invention will have to produce monoclonal antibodies by routine methods and test them singly in an assay. This may possibly involve some tedious and time-consuming work, but nothing out of the ordinary since the techniques for the production and selection of hybridomas were common routine techniques at the priority date of the patent in suit’, librement traduit comme ‘l’homme du métier cherchant à reproduire l’invention aurait dû produire des anticorps monoclonaux par des méthodes de routine et les tester individuellement dans un essai. Bien que cela puisse éventuellement impliquer un travail fastidieux et chronophage, cela n’avait rien d’extraordinaire puisque les techniques de production et de sélection d’hybridomes étaient des techniques de routine courantes à la date de priorité du brevet en cause (i.e. 17 mars 1983)’.
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRET DU 25 MAI 2022
Numéro d’inscription au répertoire général :21/08514 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDTHU
Décision déférée à la Cour : Décision du 03 Février 2021 -Institut National de la Propriété Industrielle – Brevets n° national et réf : 17C1046
DÉCLARANTE AU RECOURS
Société DANA-G H I J
Société de droit américain sans but lucratif de l’état du Massachusetts
Agissant poursuites et diligences de son Président et A B C (CEO), Madame D H. F, docteur en médecine et/ou tous représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[…]
BOSTON MA 02215, ETATS-UNIS
Représentée par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
Assistée de Me François JONQUERES de SIMMONS & SIMMONS, avocat au barreau de PARIS, toque J021
EN PRESENCE DE :
M O N S I E U R L E D I R E C T E U R G É N É R A L D E L ‘ I N S T I T U T N A T I O N A L D E L A PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE
[…]
[…]
[…]
Représenté par Mme Virginie LANDAIS, chargée de mission, munie d’un pouvoir général
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 29 mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Françoise BARUTEL, conseillère et Mme Déborah BOHÉE, conseillère.
Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre
Mme Françoise BARUTEL, conseillère
Mme Déborah BOHÉE, conseillère.
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
L’affaire a été communiquée au ministère public en la personne de Mme X d’ONOFRIO, avocat Général
ARRÊT :
Contradictoire•
• par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
• signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu la décision du 3 février 2021 par laquelle le directeur général de l’Institut National de la Propriété Industrielle a rejeté la demande de certificat complémentaire de protection (CCP) n°
17C1046 (n°046) fondée sur le règlement CE n°469/2009, portant sur le produit ‘Avélumab’ ;
Vu le recours en annulation formé le 29 avril 2021 contre cette décision par la société Dana G H I J (Dana G) et son dernier mémoire reçu au greffe le 24 mars 2022;
Vu les observations écrites récapitulatives déposées par le directeur de l’INPI au greffe le 18 mars 2022 ;
La société Dana G, la représentante de l’INPI entendues dans leurs observations orales reprenant leurs écritures,
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
Sur la recevabilité des pièces 6, 8, 9, 10 et 16 de la société Dana G
Le directeur de l’INPI soutient que ces pièces sont nouvelles, et qu’elles doivent être écartées des débats s’agissant d’un recours en annulation dans le cadre duquel la cour doit statuer au vu des pièces produites lors de la procédure administrative devant l’INPI.
La société Dana G oppose que les articles scientifiques étaient nécessairement connus des ingénieurs brevet de l’INPI et que les opinions et attestations de professeurs ne font que rendre accessibles à la cour des notions scientifiques bien connues de l’homme de l’art. Elle soutient que la communication de pièces nouvelles n’est interdite par aucune disposition légale et que l’interdiction de soumettre de nouveaux éléments destinés à éclairer la cour contreviendrait au droit à un procès équitable au sens de l’article 6 de la CEDH.
La cour rappelle qu’en application des articles L.411-4 alinéa 1 et R.411-19 du code de la propriété intellectuelle, le recours formé à l’encontre d’une décision de délivrance, rejet ou maintien d’un titre de propriété industrielle est un recours en annulation, de sorte que le présent recours à l’encontre d’une décision de rejet d’une demande de CCP est bien un recours en annulation.
Elle rappelle en outre qu’un tel recours privé d’effet dévolutif ne porte que sur l’appréciation de la validité de la décision au regard des éléments qui ont été soumis dans le cadre de la procédure administrative et sur le fondement desquels la décision litigieuse a été prise, de sorte que la requérante n’est pas recevable à invoquer au soutien de son recours des pièces qu’elle n’a pas produites au cours de la procédure devant l’INPI, l’irrecevabilité de pièces nouvelles devant la cour d’appel ne méconnaissant pas les exigences de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales au regard du droit à un procès équitable et du principe de la contradiction.
En l’espèce, il est constant que la société Dana G n’a pas produit les pièces 6 et 16 (attestations des professeurs Y Z et Rodolphe Noelle), 8, 9 et 10 (articles scientifiques) devant l’INPI, ni au moment du dépôt de la demande, ni au soutien de ses arguments après avoir reçu notification motivée le 31 octobre 2018 de ce que la demande serait susceptible d’être rejetée, ni lorsqu’elle a fait valoir des arguments additionnels en réponse au projet de décision de rejet qui lui a été notifié le 19 décembre 2019.
Il s’ensuit que les pièces 6, 8, 9, 10 et 16 doivent être écartées des débats.
Sur le bien-fondé de la décision
La société Dana G, société de droit américain sans but lucratif de l’Etat du Massachusetts, se présente comme l’un des meilleurs centres de recherche sur le H au monde à l’origine de 35 des 75 médicaments utilisés aujourd’hui pour traiter les cancers de toutes sortes. Elle a déposé le 14 novembre 2017 la demande de CCP n°046, fondée sur le Règlement (CE) n° 469/2009, portant sur le produit ‘Avelumab’.
Cette demande mentionne le brevet de base européen déposé le 23 août 2000, sous priorité d’un brevet US 19990150390P du 23 août 1999, publié sous le n° EP 1210424 (EP 424) et délivré le 7 février 2007 sous le titre ‘Nouvelles molécules B7-4 et leurs utilisations’. Ce brevet porte sur la découverte de nouvelles molécules, les protéines B7-4 (appelées plus tard PD-L1), qui sont utiles pour moduler la réponse immunitaire, menant à une nouvelle façon de traiter le H appelée ‘immunologie du H’.
Le brevet revendique également les anti-corps susceptibles de se lier avec lesdites protéines, et comprend notamment les revendications suivantes :
– la revendication 17 couvre un ‘anticorps qui se lie de manière sélective à un polypeptide selon la revendication 12« , laquelle renvoie à la revendication 13 qui couvre tout ‘polypeptide isolé selon la revendication 12 comprenant la séquence d’acides aminés de la SEQ ID n° 2 ou 4 », la séquence SEQ ID n° 4 identifiant les 290 acides aminés de PD-L1 humain, reproduite par la figure 4 du brevet ;
– la revendication 21 protège l »utilisation d’un anticorps qui se lie à un polypeptide B7-4 de la SEQ ID N° : 2 ou 4 pour la préparation d’un médicament pour moduler la réponse immunitaire chez un sujet’ ;
– la revendication 27 couvre un ‘anticorps qui se lie de manière sélective à un polypeptide de la SEQ
ID N° : 2 ou 4.’
La demande de CCP fait également référence à une autorisation de mise sur le marché (AMM) communautaire octroyée à la société Merck Serono Europe limited le 18 septembre 2017, sous le n°EU/1/17/1214 pour la spécialité pharmaceutique Bavencio, ayant pour principe actif l’avelumab.
La procédure d’examen de l’INPI a abouti, après notification d’un projet de décision de rejet du 19 décembre 2019 et observations de la société Dana G, à une décision, en date du 3 février 2021, de rejet de la demande de CCP n° 046 au motif que la demande de CCP ne satisfait pas aux conditions de l’article 3a) du Règlement n°469/2009.
Dans la décision contestée, le directeur général de l’INPI a considéré, à la lumière des décisions Eli Lilly du 12 décembre 2013 (C-493/12), Teva du 25 juillet 2018 (C-121/17) et Royalty Pharma du 30 avril 2020 (C-650-17) de la CJUE, que l’avélumab est implicitement couvert par la définition fonctionnelle figurant dans les revendications 17 et 27, et que le produit peut être considéré comme une caractéristique nécessaire pour la solution du problème technique divulguée par le brevet, mais en revanche, que le brevet ne contient aucune indication permettant de considérer que le produit est identifiable de manière spécifique par l’homme du métier à la date de priorité, les informations divulguées dans le brevet de base relatives notamment aux procédés d’évaluation fonctionnelle des anticorps et aux moyens pour humaniser un anticorps anti-B7-4 étant insuffisantes pour lui permettre d’identifier spécifiquement l’avélumab, lequel a été divulgué par le brevet n° US 9624298 déposé le 28 novembre 2011, postérieurement au brevet EP 424, par la société Merck, de sorte que le brevet EP 424 ne porte pas de manière spécifique sur l’avélumab et que le produit, objet du CCP, a été développé après la date de dépôt de la demande du brevet de base, au terme d’une activité inventive autonome.
Il ajoute que l’objectif du règlement des CCP est de permettre l’octroi d’un certificat au titre du brevet de base protégeant le principe actif d’un nouveau médicament, objet de l’AMM invoquée, et non d’un brevet constituant le point de départ du développement ultérieur de principes actifs. Il rappelle qu’il ressort de l’arrêt Lilly que dans la mesure où le titulaire du brevet de base en cause n’a pas entrepris de démarches tendant à identifier clairement le principe actif susceptible d’être exploité commercialement comme médicament, lui octroyer un CCP, alors que n’étant pas le titulaire de l’AMM du médicament développé, il n’a pas réalisé d’investissements dans la recherche portant sur ce volet de son invention initiale, reviendrait à méconnaître l’objectif du règlement, et qu’en l’espèce la société Dana G a déjà été récompensée des efforts de recherche fondamentale du fait des contrats de licence signés avec ses partenaires quand bien même ils intégraient une clause d’acceptation de l’avélumab par l’EMA.
Il en conclut que la demande de CCP porte sur un principe actif qui n’est pas protégé par le brevet de base invoqué et qu’elle ne satisfait donc pas à la condition de l’article 3a) du règlement.
La société Dana G soutient que l’avelumab est protégé par le brevet EP 424 au sens de l’article 3 a) du règlement tel qu’interprété par la jurisprudence de la CJUE. Elle rappelle que cette jurisprudence (notamment, arrêts Eli Lilly, Teva, Royalty Pharma) consacre le principe que le produit peut être revendiqué de façon exclusivement fonctionnelle, le produit n’ayant pas à être identifié en tant que tel dans le brevet, à condition que le produit soit implicitement couvert par la définition fonctionnelle, qu’il soit considéré comme une caractéristique nécessaire pour la solution du problème technique divulguée par le brevet, et que ce produit soit spécifiquement identifiable par l’homme du métier à la lecture du brevet et de ses connaissances générales. La requérante souligne que le directeur de l’INPI a considéré que les deux premiers critères étaient remplis en l’espèce, et que c’est à tort qu’il a considéré que le 3ème critère n’était pas rempli alors que l’avélumab est bien visé spécifiquement et identifiable grâce à des méthodes de routine sans que l’homme du métier, qui est un spécialiste de l’immunologie, ait à faire preuve d’activité inventive autonome. Elle rappelle qu’à la différence d’une molécule chimique un anti-corps se caractérise de manière fonctionnelle par sa capacité à se lier à un anti-gène ; que deux méthodologies générales, connues de l’homme du métier bien avant la date de priorité et exposées aux paragraphes [115] à [117] et [292] à [295] du brevet sont utilisées pour produire des anti-corps entièrement humains ; que cela permet l’identification d’un ou plusieurs anti-corps dont la découverte n’implique aucune activité inventive, ainsi que cela figure dans les directives de l’OEB, lorsque l’antigène est connu ; qu’en conséquence l’homme du métier qui mettra en oeuvre l’une de ces deux techniques équivalentes décrites dans le brevet EP 424 et pleinement maîtrisée de façon routinière, à partir de la protéine B7-4, sera capable d’identifier et de générer l’anti-corps avélumab sans activité inventive autonome ; qu’en effet selon les directives de l’OEB et sa jurisprudence constante, l’objet d’une revendication définissant un nouvel anti-corps qui se lie à un anti-gène connu n’implique pas d’activité inventive à moins qu’un effet technique surprenant soit démontré. Elle souligne que l’étendue de la protection conférée par un brevet de base ne peut être déterminée qu’au regard des règles qui régissent ce dernier, et en déduit que la description, les exemples et les revendications du brevet visent ‘implicitement mais nécessairement, le principe actif en cause, et ce de manière spécifique’, et qu’il n’a pas été développé après la date du dépôt de la demande du brevet de base ‘au terme d’une activité inventive autonome’, mais qu’il était identifiable au stade dudit titre en mettant en ‘uvre des méthodes de routine connues et parfaitement maîtrisées par l’homme du métier avant son dépôt, de sorte que l’avélumab est protégé par le brevet de base et que la décision doit être annulée.
Le directeur général de l’INPI répond dans ses observations récapitulatives que le brevet de base n’enseigne pas à l’homme du métier dans quelle direction il doit orienter ses recherches pour identifier l’avélumab ; qu’il doit expérimenter toutes sortes de techniques ; que la CJUE exige une déduction directe et sans équivoque du fascicule du brevet et non la mise en oeuvre de techniques multiples, complexes, longues et coûteuses telles que celles dont fait état la requérante, et qu’à supposer que le brevet invitait à privilégier deux méthodes pour parvenir à l’identification d’un anti-corps se liant à l’antigène PD-L1, à savoir la technique d’immunisation de mammifère et celle de phage-display, ces méthodes ne conduisaient pas à l’identification proprement dite de l’avélumab ; qu’ainsi les paragraphes [115] et [116] du brevet et l’exemple 9 se rapportent à des protocoles permettant d’isoler et de sélectionner des hybridomes contenant des anti-corps se liant à B7-4, mais ils n’identifient pas les anti-corps monoclonaux humains anti PD-L1 ou B7-4 ; qu’il reste à l’homme du métier un travail d’identification et de sélection, puis d’isolement et de purification ; qu’en effet les étapes 1, 2 et 3 de la technique d’immunisation de mammifère décrites dans le brevet conduisent à la cellule contenant des anti-corps monoclonaux anti B7-4 mais le brevet n’explique pas comment est opéré le travail d’isolement et de purification des anti-corps mono-clonaux au sein de l’hybridome ; que l’avélumab n’est donc pas identifiable directement et sans équivoque à partir de la technique d’immunisation de mammifère par l’homme du métier sur la base des revendications interprétées à la lumière de la description et des exemples ; que s’agissant de la méthode ‘phage display’, il faut procéder, après utilisation de cette technique, à des étapes supplémentaires telles que le criblage des clones, leur quantification, leur maturation pour les stabiliser, leur culture, leur purification, leur sélection, autant d’étapes qui ne sont pas décrites dans le brevet ni ne relèvent de la déduction directe pour l’homme du métier, de sorte que l’avélumab n’est pas visé de manière spécifique dans le brevet de base. L’INPI ajoute que l’avélumab a été développé 11 ans après le dépôt du brevet au terme d’une activité inventive autonome de la société Merck, ces 11 années étant un indice de la complexité et le contrat de licence produit par la société Dana G pour prétendre que la société Merck n’a pu travailler que trois ans avant le dépôt de son brevet, ne se rapportant pas au brevet litigieux; que la lecture du brevet Merck montre que la société Merck a réalisé toutes les étapes faisant défaut dans le brevet de base litigieux pour rendre l’avélumab identifiable conduisant notamment au test de réactivité croisée inter-espèces de l’anticorps avelumab ; qu’ainsi, bien que relevant de la définition fonctionnelle donnée dans les revendications, l’avélumab a été développé après la date du dépôt du brevet au terme d’une activité inventive autonome, raison pour laquelle la société Merck a obtenu des CCP pour l’avélumab dans un grand nombre d’offices européens.
L’Inpi soutient enfin que son application de l’article 3a) est conforme aux objectifs du règlement qui est de favoriser la recherche et le développement aboutissant à la commercialisation de nouveaux médicaments, de sorte que c’est la mise sur le marché de nouveaux médicaments et non la recherche fondamentale que la règlementation du CCP tend à renforcer, et qu’en l’espèce, c’est bien la société Merck qui a réalisé des investissements ayant abouti au développement de l’avélumab afin d’en permettre sa commercialisation dans un médicament, la société Dana G ne justifiant pas de retard pris dans l’exploitation de son brevet puisqu’elle a eu la possibilité de le concéder en licence à des laboratoires pharmaceutiques, la circonstance qu’elle n’aurait perçu de son licencié des redevances qu’à compter de la délivrance de la première AMM étant un choix de sa part, et le fait que les redevances qui lui ont été versées pendant ces trois années par la société Merck n’aient pas permis de rentabiliser ses efforts de recherche étant indifférent pour statuer sur la délivrance d’un CCP.
Ceci étant exposé, l’article 3 du règlement CE n° 469/2009 du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments prévoit que ‘Le certificat est délivré si, dans l’Etat membre où est présentée la demande (…) et à la date de cette demande :
a) le produit est protégé par un brevet de base en vigueur (…)’.
Dans l’arrêt Eli Lilly du 12 décembre 2013 (C-493/12), la CJUE a posé le principe selon lequel un principe actif peut être protégé par un brevet de base au sens de l’article 3 a) du règlement lorsqu’il est défini de façon seulement fonctionnelle, mais à la condition que les revendications du brevet, interprétées à la lumière de la description de l’invention, ainsi que le prescrivent l’article 69 de la convention sur la délivrance des brevets européens (CBE) et le protocole interprétatif de celui-ci, visent ‘implicitement mais nécessairement, le principe actif en cause, et ce de manière spécifique, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier’.
Dans l’arrêt Royalty Pharma du 30 avril 2020 (C-650/17), qui précise les conditions posées dans l’arrêt Eli Lilly pour qu’un produit défini de façon seulement fonctionnelle puisse être protégé par un brevet de base, la Cour de justice a dit pour droit :
‘1) L’article 3, sous a), du règlement (CE) n°’469/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 6’mai 2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, doit être interprété en ce sens qu’un produit est protégé par un brevet de base en vigueur, au sens de cette disposition, lorsqu’il répond à une définition fonctionnelle générale employée par l’une des revendications du brevet de base et relève nécessairement de l’invention couverte par ce brevet, sans pour autant être individualisé en tant que mode concret de réalisation à tirer de l’enseignement dudit brevet, dès lors qu’il est spécifiquement identifiable, à la lumière de l’ensemble des éléments divulgués par le même brevet, par l’homme du métier, sur la base de ses connaissances générales dans le domaine considéré à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base et de l’état de la technique à cette même date.
2)’L’article 3, sous a), du règlement n°’469/2009 doit être interprété en ce sens qu’un produit n’est pas protégé par un brevet de base en vigueur, au sens de cette disposition, lorsque, bien que relevant de la définition fonctionnelle donnée dans les revendications de ce brevet, il a été développé après la date de dépôt de la demande du brevet de base, au terme d’une activité inventive autonome’.
Il en résulte qu’un produit peut être protégé par le brevet de base au sens de l’article 3a) du règlement lorsqu’il répond à une définition fonctionnelle générale employée par l’une des revendications du brevet et relève nécessairement de l’invention, sans pour autant être individualisé en tant que mode concret de réalisation dès lors qu’il est spécifiquement identifiable, à la lumière de l’ensemble des éléments divulgués par le même brevet, et qu’il n’a pas été développé après la date de dépôt de la demande du brevet de base, au terme d’une activité inventive autonome.
En l’espèce, il n’est plus discuté que l’avélumab, principe actif objet de la demande de CCP, anticorps monoclonal humain qui se lie à un polypeptide B7-4 appelé aussi antigène PD-L1 pour moduler la réponse immunitaire et traiter le H, répond au problème technique posé par le brevet de base EP 424 et relève de la définition fonctionnelle contenue dans ses revendications 17 et 27 et qu’il est donc ‘implicitement et nécessairement’ visé par ce brevet.
Pour soutenir que cet anti-corps est également ‘spécifiquement identifiable’ par l’homme du métier à la date de priorité du brevet, la requérante fait valoir que deux méthodologies générales sont utilisées pour produire des anticorps entièrement humains, et que ces deux méthodes exposées aux paragraphes [115] à [117] et [292] à [295] du brevet, étaient parfaitement connues et maîtrisées par l’homme du métier pour la production d’anticorps à la date de priorité du brevet EP 424, de sorte que grâce à ces méthodes de routine l’avélumab était parfaitement identifiable sans aucune activité inventive.
Il est constant que le brevet EP 424 contient un exemple 9 intitulé ‘génération d’anti-corps entièrement humains contre B7-4″, présenté dans les paragraphes [292] à [295] qui décrivent la méthode des hybridomes, dont il est précisé au paragraphe [115] qu’il s’agit d’une technique standard décrite à l’origine par Kohler et Milstein (1975)’ et que ‘la technologie d’hybridomes d’anticorps monoclonaux est bien connue (voir généralement R.H. Kenneth, in Anticorps monoclonaux : une nouvelle dimension dans les analyses biologiques, Plenum publishing Corp, New York (1980)’.
Le brevet EP 424 présente aussi au paragraphe [117] ‘une alternative à la préparation d’hybridomes sécrétant des anticorps monoclonaux’ et précise ‘un anticorps monoclonal anti B7-4 peut être identifié et isolé en criblant une banque d’immunoglobulines combinatoires recombinantes (par exemple une banque de présentation de phages d’anti-corps) avec un B7-4 pour ainsi isoler des membres de la banque d’immunoglobulines qui se lient à un polypeptide B7-4. Des kits pour générer et cribler des bibliothèques de phage display sont disponibles dans le commerce (par exemple, la Pharmacie Système d’anticorps de phage recombinant n° catalogue 27-9400-01 (…) ; de plus, des exemples de procédés et de réactifs particulièrement adaptés à une utilisation dans la génération et le criblage d’une bibliothèque de présentation d’anticorps peuvent être trouvés, par exemple, dans Ladner et coll, brevet américain n° 5 223 409 ; Kang et coll Publication n° WO 92/18619 (…)’, suivi de nombreuses autres références.
L’INPI ne conteste pas que sont décrits des protocoles permettant d’isoler et de sélectionner des hybridomes contenant des anticorps se liant à B7-4, mais soutient que les différentes étapes d’isolement et de purification au sein de l’hybridome ne sont pas expliquées, pas plus que les étapes supplémentaires du ‘phage display’, méthode présentée à titre d’alternative dans le brevet, et qu’en conséquence l’identification de l’avélumab a nécessité une véritable activité inventive autonome laquelle a été effectuée par la société Merck et a permis à cette dernière de déposer un brevet pour l’avélumab onze années après le dépôt du brevet EP 424.
La cour rappelle que les règles devant servir à déterminer ce qui est ‘protégé par le brevet de base en vigueur’ au sens de l’article 3 sous a) du règlement sont celles relatives à l’étendue de l’invention faisant l’objet d’un tel brevet, et que lorsqu’il s’agit d’un brevet délivré par l’Office européen des brevets (OEB) ces règles sont celles tirées de la convention européenne des brevets (CBE) et du protocole interprétatif de l’article 69 de cette convention, ainsi que le rappelle de façon constante la CJUE (notamment § 31 et 32 des arrêts Eli Lilly C493-12 et Teva C121-17). L’INPI ne peut dès lors prétendre que l’appréciation de la portée des revendications du brevet de base à la lumière de la description et des exemples contenus dans ledit brevet, sur le point de savoir si le produit avélumab est spécifiquement identifiable pour l’homme du métier à la lecture du brevet sans faire preuve d’une activité inventive autonome au sens de la jurisprudence Royalty Pharma susvisée, ne devrait pas tenir compte des critères de l’activité inventive tels qu’ils résultent de la CBE, ainsi que des directives et de la jurisprudence de l’OEB, lesquels ne lient pas la cour, mais doivent être prises en considération au titre de l’application de la CBE pour tendre vers une protection harmonisée en Europe.
Il résulte des directives de l’OEB relatives à ‘l’activité inventive des anti-corps’, ainsi que le fait valoir le requérant sans être contesté sur ce point, que ‘L’objet d’une revendication définissant un nouvel anticorps qui se lie à un antigène connu n’implique pas d’activité inventive à moins qu’un effet technique surprenant ne soit démontré dans la demande. Des exemples d’effets techniques surprenants (…) sont : (…) une réactivité croisée inattendue entre espèces ou un nouveau type de format d’anticorps ayant une activité de liaison avérée’.
Ainsi, dans une décision en date du 23 février 1999 (T 431/96) relative à un brevet dont la date de priorité est le 17 mars 1983, soit plus de quinze ans avant la date de priorité du brevet de base litigieux, la Chambre de recours de l’OEB a considéré ‘the skilled person seeking to reproduce the invention will have to produce monoclonal antibodies by routine methods and test them singly in an assay. This may possibly involve some tedious and time-consuming work, but nothing out of the ordinary since the techniques for the production and selection of hybridomas were common routine techniques at the priority date of the patent in suit’, librement traduit comme ‘l’homme du métier cherchant à reproduire l’invention aurait dû produire des anticorps monoclonaux par des méthodes de routine et les tester individuellement dans un essai. Bien que cela puisse éventuellement impliquer un travail fastidieux et chronophage, cela n’avait rien d’extraordinaire puisque les techniques de production et de sélection d’hybridomes étaient des techniques de routine courantes à la date de priorité du brevet en cause (i.e. 17 mars 1983)’.
Il résulte de ces éléments et des paragraphes [115] à [117] et [292] à [295] du brevet de base que les méthodes pour la génération et l’identification d’un anticorps dirigé contre un antigène donné constituent des techniques de routine pour l’homme du métier à la date de priorité et qu’en conséquence, lorsque l’antigène ciblé est déjà connu, la découverte d’un anticorps se liant avec cet anti-gène ne relève pas d’une activité inventive.
Le fait que la société Merck a déposé un brevet américain US9624298 le 28 novembre 2011 concernant des anticorps anti PD-L1 couvrant notamment l’avélumab ne suffit pas à démontrer que l’avélumab, objet de l’AMM litigieuse, a été développé au terme d’une activité inventive autonome après la date de dépôt du brevet de base EP 424.
En effet, ainsi que le relève à juste titre la société Dana G, lors de la procédure d’enregistrement du brevet EP 2785375 correspondant au brevet américain US9624298, l’OEB a rappelé dans l’annexe à la notification d’examen dudit brevet en date du 24 juin 2016 que ‘La procédure pour obtenir, cribler et produire des anticorps monoclonaux reconnaissant spécifiquement des protéines bien connues telles que PD-L1 est considérée comme une procédure de routine pour l’homme du métier’ et a conclu à l’absence d’activité inventive. Le brevet Merck n’a finalement été considéré comme inventif qu’en raison d’une réactivité croisée inter-espèces de l’anticorps A09-246-2 (nom de code de l’avélumab) (paragraphes [109] à [132] du brevet), la réactivité croisée consistant en la capacité pour un même anti-corps à se combiner à des antigènes différents.
Or, ainsi que le soutient à juste titre la société Dana G, l’AMM obtenue le 18 septembre 2017 pour l’avélumab, sur la base de laquelle est formée la présente demande de CCP, renvoie au seul anti-corps ‘dirigé contre le ligand de la protéine PD-L1″, qui ‘se lie au PD-L1 et bloque l’interaction entre le PD-L1 et ses récepteurs’, et non à une réactivité croisée inter-espèces.
Enfin si le temps nécessaire au dépôt d’un brevet peut constituer un indice de la complexité des recherches et venir corroborer l’existence d’une activité inventive, il vient d’être démontré que la découverte d’un anticorps ne fait pas l’objet d’une activité inventive lorsque l’antigène ciblé est déjà connu à moins que soit démontré un effet technique surprenant, outre qu’en l’espèce la société Merck a conclu avec la société Dana G un contrat de licence le 22 janvier 2008 relativement à plusieurs brevets en ce compris, contrairement aux allégations de l’INPI, le brevet européen litigieux EP 424 qui est identifié sous son numéro d’enregistrement 955878.4, de sorte que c’est à partir de cette date que la société Merck a commencé ses démarches pour identifier l’avélumab couvert par le brevet
US9624298 qu’elle a déposé le 28 novembre 2011, et qu’elle n’a donc pas mis onze années, contrairement aux allégations du directeur de l’INPI, pour développer l’avélumab.
Il se déduit de ces éléments, sur la base des connaissances générales de l’homme du métier et de l’état de la technique à la date de priorité du brevet EP 464, que l’anticorps monoclonal humain avélumab était spécifiquement identifiable à la lumière des enseignements dudit brevet par l’homme du métier, par des essais de routine connus et maîtrisés, qui peuvent être longs et fastidieux, mais ne procèdent pas d’une activité inventive autonome.
Enfin, il n’est pas contesté que l’invention couverte par le brevet EP 424 est une invention de rupture à l’origine de la commercialisation de plusieurs anti-corps tel que l’avélumab ayant un impact décisif en matière de santé publique dans la lutte contre le H ; la société Dana G, dont le brevet EP 424 a expiré le 23 août 2020, n’a pu recevoir de redevances qu’à compter du 18 septembre 2017 (date de l’AMM) soit pendant une période de moins de trois ans, étant observé qu’il n’est pas allégué qu’elle a déjà obtenu un CCP pour ce brevet.
Ainsi, octroyer un CCP à la société Dana G dans les circonstances de l’espèce n’est pas contraire aux objectifs et à l’économie générale du règlement n° 469/2009 qui vise, afin d’encourager la recherche et de permettre un amortissement des investissements effectués dans ladite recherche ainsi que rappelé au considérant 4 du règlement, à rétablir une durée de protection effective suffisante du brevet de base en permettant à son titulaire de bénéficier d’une période d’exclusivité supplémentaire à l’expiration de ce brevet, destinée à compenser, au moins partiellement, le retard pris dans l’exploitation commerciale de son invention en raison du laps de temps qui s’est écoulé entre la date du dépôt de la demande de brevet et celle de l’obtention de la première AMM dans l’Union.
Il y a lieu en conséquence d’annuler la décision du directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle du 3 février 2021 portant rejet de la demande de CCP n° 17C1046.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Ecarte des débats les pièces 6, 8, 9, 10 et 16
Annule la décision du directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle du 3 février 2021 portant rejet de la demande de CCP n° 17C1046 ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées à ce titre ;
Dit que le présent arrêt sera notifié par le greffe aux parties et au directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle, par lettre recommandée avec accusé de réception.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE