Connexions abusives du journaliste : nécessité d’une preuve concrète

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Connexions abusives du journaliste : nécessité d’une preuve concrète

L’Essentiel : Les connexions établies par un salarié sur l’ordinateur professionnel sont présumées avoir un caractère professionnel. Toutefois, en cas d’accusation d’utilisation abusive d’internet, il incombe à l’employeur de fournir des preuves concrètes. Dans cette affaire, les 73 pages de listings de connexions présentées étaient illisibles et ne permettaient pas de distinguer les usages personnels des professionnels. De plus, l’attestation d’une collègue, évoquant un comportement inapproprié du salarié, ne suffisait pas à établir une faute. En l’absence de preuves matérielles, le licenciement a été jugé sans cause réelle et sérieuse.

Les documents et fichiers détenus par un salarié sur l’ordinateur mis à sa disposition par l’employeur sont présumés professionnels et peuvent donc être ouverts et consultés par l’employeur en dehors de la présence de l’intéressé.  Par ailleurs les connexions établies par le salarié pendant son temps de travail sur des sites internet grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour l’exécution de son travail sont présumées avoir un caractère professionnel. Si l’utilisation personnelle et abusive d’internet à partir de l’ordinateur professionnel peut constituer une faute grave, il appartient à l’employeur d’en rapporter la preuve.

Preuve insuffisante par l’employeur

En l’espèce, l’employeur
a versé aux débats 73 pages de listings de connexions internet ne permettant
pas d’identifier (pages illisibles, nature des sites ou connexion non
identifiable…) ni de discriminer celles qui étaient de nature personnelle de
celles de nature professionnelle.

Le salarié
journaliste a justement observé que la nature de son activité de journaliste pouvait
impliquer des contacts par les réseaux
sociaux et la consultation de site permettant de s’informer. Ces listings
résultant de captures d’écran portaient un horaire de consultation mais pas de
date permettant de déterminer la période concernée. Aucun élément ne permettait
de quantifier la durée journalière de connexion internet.

L’employeur s’est
également appuyé en vain sur l’attestation d’une collègue selon laquelle «au
quotidien et par provocation il passait ses journées les pieds sur le bureau, à
surfer sur internet encore plus que d’habitude».

Faute de produire
des éléments matériellement vérifiables, ces deux éléments ne suffisaient pas à
rapporter la preuve d’une utilisation personnelle et abusive d’internet pendant
les horaires de travail, que le salarié était en outre libre d’organiser aux
termes de son contrat de travail.

Effacement des données par le salarié

L’employeur a
également reproché au salarié d’avoir effacé l’ensemble des données de
l’ordinateur et du téléphone portable mis à sa disposition. A l’appui de ce grief l’employeur ne s’appuyait
que sur l’attestation d’une collègue qui affirmait que «le jour de sa
mise à pied à titre conservatoire, il a immédiatement effacé le disque dur de
son ordinateur de bureau, ainsi que tous les contacts professionnels dans le
téléphone portable fourni par la société. La base de contact étant un outil
essentiel pour les journalistes». Cependant cette seule assertion, qui n’était
pas corroborée par des éléments objectifs, ne caractérisait pas la faute
alléguée.

Au total, faute pour la société de production d’avoir satisfait complètement à son obligation probatoire, le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse. Télécharger la décision

Q/R juridiques soulevées :

Quels sont les droits de l’employeur concernant les documents et fichiers d’un salarié ?

L’employeur a le droit d’ouvrir et de consulter les documents et fichiers détenus par un salarié sur l’ordinateur mis à sa disposition.

Cette présomption s’applique même en l’absence de la présence du salarié. Cela signifie que tout ce qui est stocké sur l’ordinateur professionnel est considéré comme étant à des fins professionnelles, sauf preuve du contraire.

De plus, les connexions internet établies par le salarié durant son temps de travail sont également présumées professionnelles.

Cependant, si l’employeur souhaite prouver une utilisation personnelle et abusive d’internet, il doit fournir des preuves tangibles et vérifiables.

Quelles preuves l’employeur a-t-il fournies pour justifier son accusation ?

L’employeur a présenté 73 pages de listings de connexions internet, mais ces documents étaient insuffisants pour établir une preuve solide.

Les listings étaient illisibles et ne permettaient pas d’identifier clairement la nature des sites visités ou de discriminer entre les connexions personnelles et professionnelles.

De plus, bien que les listings indiquaient des horaires de consultation, ils ne comportaient pas de dates, rendant impossible la détermination de la période concernée.

Aucun élément ne permettait non plus de quantifier la durée journalière de connexion internet, ce qui affaiblit considérablement la position de l’employeur.

Comment le salarié a-t-il réagi aux accusations de l’employeur ?

Le salarié, qui était journaliste, a fait valoir que son activité professionnelle pouvait nécessiter des contacts sur les réseaux sociaux et la consultation de sites d’information.

Il a souligné que ces activités étaient compatibles avec son rôle et ne constituaient pas nécessairement une utilisation abusive d’internet.

En outre, il a contesté l’attestation d’une collègue qui affirmait qu’il passait ses journées à surfer sur internet, arguant que cette affirmation était subjective et non corroborée par des preuves objectives.

Ainsi, le salarié a réussi à démontrer que les accusations de l’employeur manquaient de fondement solide.

Quelles accusations l’employeur a-t-il portées concernant l’effacement des données ?

L’employeur a accusé le salarié d’avoir effacé toutes les données de l’ordinateur et du téléphone portable qui lui avaient été fournis.

Cette accusation reposait uniquement sur l’attestation d’une collègue, qui affirmait que le salarié avait effacé le disque dur de son ordinateur et tous les contacts professionnels le jour de sa mise à pied.

Cependant, cette assertion n’était pas soutenue par des éléments matériels ou objectifs, ce qui a affaibli la crédibilité de l’accusation.

En conséquence, l’absence de preuves tangibles a conduit à la conclusion que le licenciement du salarié n’était pas justifié.

Quelle a été la conclusion finale concernant le licenciement du salarié ?

La conclusion finale a été que l’employeur n’avait pas réussi à satisfaire à son obligation probatoire.

En raison de l’absence de preuves concrètes pour soutenir les accusations d’utilisation abusive d’internet et d’effacement des données, le licenciement a été jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Cela souligne l’importance pour l’employeur de fournir des preuves solides et vérifiables lorsqu’il souhaite justifier un licenciement pour faute.

Ainsi, le salarié a été en mesure de défendre ses droits et de contester les accusations portées contre lui.


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