Validité du congé et enjeux d’indemnité dans le cadre d’un bail commercial

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Validité du congé et enjeux d’indemnité dans le cadre d’un bail commercial

L’Essentiel : Le 25 février 2022, Monsieur [T] [G] a délivré un congé à la S.A. NEXITY STUDEA, refusant le renouvellement du bail commercial. En réponse, la S.A. a assigné Monsieur [T] [G] devant le tribunal, contestant la validité du congé et demandant une indemnité d’éviction. Le tribunal a jugé le congé valable, ordonnant à la S.A. NEXITY STUDEA de libérer le local sans indemnité d’éviction, tout en condamnant la société à verser une indemnité d’occupation à Monsieur [T] [G]. Une expertise a été ordonnée pour évaluer les indemnités, et une médiation a été proposée pour résoudre le litige.

Contexte du Bail Commercial

Par un acte sous seing privé daté du 1er avril 1998, la S.N.C. NETTER CHEVREUIL a consenti un bail commercial à la S.A. S.G.R.S. pour un local situé à [Adresse 5], pour une durée de 9 ans, avec un loyer annuel de 16.998,30 Francs, destiné à l’exploitation d’une « Résidence Étudiants ». Monsieur [T] [G] a acquis ce local par acte notarié le 9 mars 1999.

Renouvellement et Modifications du Bail

Le bail a été renouvelé le 20 octobre 2006 pour une nouvelle période de 9 ans, prenant effet le 1er avril 2007. Un avenant signé le 29 décembre 2008 a stipulé que le loyer serait révisé chaque année en fonction de l’IRL publié par l’INSEE.

Congé et Litige

Le 25 février 2022, Monsieur [T] [G] a délivré un congé à la S.A. NEXITY STUDEA, refusant le renouvellement du bail sans indemnité d’éviction, avec effet au 30 septembre 2022. En réponse, la S.A. NEXITY STUDEA a assigné Monsieur [T] [G] devant le tribunal, demandant la nullité du congé et le paiement d’une indemnité d’éviction.

Demandes de la S.A. NEXITY STUDEA

Dans ses conclusions, la S.A. NEXITY STUDEA a demandé au tribunal de juger que les motifs du congé étaient mal fondés, de déclarer le bail en tacite prorogation, et de désigner un expert pour évaluer l’indemnité d’éviction. Elle a également demandé le paiement d’une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Réponse de Monsieur [T] [G]

Monsieur [T] [G] a contesté les demandes de la S.A. NEXITY STUDEA, demandant le rejet de sa demande de nullité du congé et de l’indemnité d’éviction, ainsi que la désignation d’un expert judiciaire.

Décision du Tribunal

Le tribunal a déclaré le congé valable et régulier, ordonnant à la S.A. NEXITY STUDEA de libérer le local sans indemnité d’éviction. Il a également condamné la S.A. NEXITY STUDEA à payer une indemnité d’occupation à Monsieur [T] [G] à compter du 30 septembre 2022.

Motifs de la Décision

Le tribunal a jugé que les motifs invoqués par Monsieur [T] [G] justifiaient le refus d’indemnité d’éviction, notamment en raison de manquements contractuels de la S.A. NEXITY STUDEA. Il a également constaté que la S.A. NEXITY STUDEA avait droit à une indemnité d’éviction, mais que le congé était mal fondé.

Expertise et Indemnité d’Occupation

Le tribunal a ordonné une mesure d’expertise pour évaluer le montant de l’indemnité d’éviction et d’occupation, tout en fixant une provision pour la rémunération de l’expert. Il a également proposé une médiation pour faciliter une résolution rapide du litige.

Conclusion et Prochaines Étapes

Le tribunal a réservé les dépens et les demandes sur l’article 700 du Code de Procédure Civile, tout en rappelant que le jugement est exécutoire de droit. L’affaire a été renvoyée à une audience de mise en état pour contrôle du versement de la consignation.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature juridique de la promesse unilatérale de vente dans cette affaire ?

La promesse unilatérale de vente est un acte par lequel une partie, le promettant, s’engage à vendre un bien à une autre partie, le bénéficiaire, qui a la faculté d’accepter ou de refuser cette vente.

Selon l’article 1589-1 du Code civil, la promesse unilatérale de vente est un contrat qui engage le promettant à vendre, mais ne crée pas d’obligation pour le bénéficiaire d’acheter.

Dans cette affaire, la Sarl La Foncière du Rhin a reçu une option d’achat, mais n’a pas levé cette option, ce qui signifie qu’elle n’était pas définitivement engagée dans la vente.

Il est important de noter que, pour qu’une promesse unilatérale de vente soit valable, elle doit respecter certaines conditions, notamment en matière de forme et d’enregistrement, comme le stipule l’article 1589-2 du Code civil.

Quelles sont les conséquences du décès de M. [X] [P] sur l’instance ?

Le décès d’une partie à un procès entraîne l’interruption de l’instance, conformément à l’article 2241 du Code civil, qui dispose que l’instance est interrompue par le décès d’une partie.

Dans cette affaire, le juge de la mise en état a constaté l’interruption de l’instance à l’égard de M. [X] [P] et a invité les héritiers à régulariser la procédure.

Les héritiers, M. [A] [P] et M. [D] [P], ont ensuite intervenu volontairement dans la procédure, ce qui a permis la reprise de l’instance.

Il est essentiel que les héritiers soient régulièrement substitués dans le procès pour que les droits et obligations de la partie décédée soient respectés, conformément à l’article 720 du Code civil.

La Sarl La Foncière du Rhin peut-elle demander la nullité de la promesse unilatérale de vente ?

Oui, la Sarl La Foncière du Rhin peut demander la nullité de la promesse unilatérale de vente. Selon l’article 1589-2 du Code civil, une promesse unilatérale de vente est nulle si elle n’est pas constatée par un acte authentique ou par un acte sous seing privé enregistré dans le délai de dix jours suivant son acceptation.

Dans cette affaire, la Sarl soutient que la promesse unilatérale de vente du 17 mars 2022 n’a pas été enregistrée dans le délai imparti, ce qui pourrait entraîner sa nullité.

De plus, l’absence de mention d’un bornage, conformément aux articles L. 115-4 et L. 115-5 du Code de l’urbanisme, pourrait également justifier la demande de nullité.

Il est à noter que la nullité d’un acte peut être soulevée par toute partie intéressée, et dans ce cas, la Sarl La Foncière du Rhin a un intérêt légitime à agir.

Quelles sont les implications de l’absence d’enregistrement de la promesse unilatérale de vente ?

L’absence d’enregistrement de la promesse unilatérale de vente a des conséquences juridiques significatives. Selon l’article 1589-2 du Code civil, une promesse unilatérale de vente est nulle si elle n’est pas enregistrée dans le délai de dix jours suivant son acceptation.

Dans cette affaire, les consorts [P] n’ont pas prouvé que la promesse unilatérale de vente du 17 mars 2022 a été enregistrée, ce qui entraîne sa nullité.

De plus, l’enregistrement d’un avenant ne peut pas régulariser l’absence d’enregistrement de l’acte principal, car un avenant ne peut produire d’effet que si l’acte auquel il se rapporte est valide.

Ainsi, la nullité de la promesse unilatérale de vente entraîne le rejet de la demande en paiement d’une indemnité d’immobilisation fondée sur cet acte.

Quelles sont les conséquences financières pour les consorts [P] suite à la décision du tribunal ?

Les consorts [P] sont condamnés aux dépens de l’instance, conformément à l’article 696 du Code de procédure civile, qui stipule que la partie perdante doit supporter les frais de la procédure.

De plus, Mme [P] est condamnée à verser à la Sarl La Foncière du Rhin la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, qui prévoit la possibilité d’une indemnisation pour les frais non compris dans les dépens.

Cette décision souligne la responsabilité financière des consorts [P] en raison de leur échec dans la procédure, ce qui est une conséquence classique dans le cadre des litiges civils.

Il est également important de noter que le tribunal a rappelé l’exécution provisoire du jugement, ce qui signifie que la décision est immédiatement exécutoire, sauf disposition contraire.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] C.C.C.
délivrées le :
à Me BRIAND (C2525)
Me VERGNAUD (B0565)
M. [Y]
Mme [W]

18° chambre
3ème section

N° RG 22/12950

N° Portalis 352J-W-B7G-CX6JX

N° MINUTE : 5

Assignation du :
27 Octobre 2022

EXPERTISE

[V] [Y]
[Adresse 4]
[Localité 10]
[XXXXXXXX01]
[Courriel 12]

JUGEMENT
rendu le 26 Novembre 2024

DEMANDERESSE

S.A. NEXITY STUDEA (RCS de Paris 342 090 834)
[Adresse 8]
[Localité 10]

représentée par Me Emmanuelle BRIAND, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C2525

DÉFENDEUR

Monsieur [T] [G]
[Adresse 6]
[Localité 9]

représenté par Me Lucas VERGNAUD, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #B0565

Décision du 26 Novembre 2024
18° chambre 3ème section
N° RG 22/12950 – N° Portalis 352J-W-B7G-CX6JX

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Sandra PERALTA, Vice-Présidente, statuant en juge unique, assistée de Henriette DURO, Greffier.

DÉBATS

A l’audience du 24 Septembre 2024 tenue en audience publique.

Après clôture des débats, avis a été donné aux avocats, que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 26 Novembre 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement
Contradictoire
En premier ressort
_________________

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 1er avril 1998 la S.N.C. NETTER CHEVREUIL a donné à bail commercial à la S.A. S.G.R.S. un local, sis [Adresse 5], désigné lot n°7à [Localité 10] pour une durée de 9 ans à compter du 1er avril 1998 moyennant un loyer principal annuel de 16.998,30 Francs, aux fins d’y exploiter une activité de « Résidence Étudiants ».

Monsieur [T] [G] a acquis le local, objet du bail par acte notarié en date du 9 mars 1999.

Le présent bail, désormais conclu entre Monsieur [T] [G] et la S.A. GESTRIM CAMPUS, venant aux droits de la S.A. S.G.R.S., a été renouvelé le 20 octobre 2006 pour une nouvelle durée de 9 ans à compter du 1er avril 2007.

Par avenant en date du 29 décembre 2008, Monsieur [T] [G] et la S.A. LAMY RÉSIDENCE, venants aux droits de la S.A. GESTRIM CAMPUS ont convenu notamment que le loyer serait révisé de plein droit le 1er avril de chaque année en fonction de la variation de l’IRL publié par l’INSEE.

Par acte extrajudiciaire du 25 février 2022, Monsieur [T] [G] a fait délivrer à la S.A. NEXITY STUDEA, venant aux droits de la S.A. LAMY RÉSIDENCE, un congé portant refus de renouvellement sans offre d’indemnité d’éviction avec effet au 30 septembre 2022.

Par acte extrajudiciaire du 27 octobre 2022 , la S.A. NEXITY STUDEA a assigné Monsieur [T] [G] devant la présente juridiction, aux fins essentielles de juger nul le congé comportant refus de renouvellement et refus d’indemnité d’éviction délivré par Monsieur [T] [G], de dire qu’elle est bien fondée à demander le paiement d’une d’indemnité d’éviction et de désigner un expert afin de faire déterminer le montant de l’indemnité d’éviction due.

Dans ses dernières conclusions notifiées au greffe par voie électronique le 16 novembre 2023, la S.A. NEXITY STUDEA demande au tribunal, aux visas des articles L.145-14, L.145-17 et L.145-28 du code de commerce, R.145-10 du code de commerce, 232 et 263 du code de procédure civile, de :
« – JUGER les motifs légitimes et sérieux allégués dans le congé comportant refus de renouvellement et refus d’indemnité d’éviction délivré par Monsieur [G] à la société NEXITY STUDEA portant sur le lot 7 de la Résidence NEXITY STUDEA située [Adresse 5] en date du 25 février 2022 à effet du 30 septembre 2022 et dans ses conclusions récapitulatives n° 4 sont mal fondés,
En conséquence :
– JUGER nul le congé comportant refus de renouvellement et refus d’indemnité d’éviction délivré par Monsieur [G] à la société NEXITY STUDEA portant sur le lot 7 de la Résidence NEXITY STUDEA située [Adresse 5] en date du 25 février 2022 à effet du 30 septembre 2022,
– JUGER que le bail est actuellement en tacite prorogation,
A titre subsidiaire :
– JUGER que la société NEXITY STUDEA est bien fondée à demander le paiement d’une indemnité d’éviction sur le lot 7 susvisé,
– DESIGNER tel expert qu’il lui plaira, avec pour mission de :
o Se faire communiquer tous documents et pièces utiles,
o Visiter les locaux loués situés [Adresse 5], constituant le lot de copropriété n° 7.
o Rechercher, en tenant compte de l’activité autorisée par le bail, en l’espèce l’exploitation d’une résidence étudiants, consistant en la sous-location meublée des logements situés dans la Résidence pour un usage d’habitation, accompagné de la fourniture de services para-hôteliers, de la situation et de l’état des locaux, tous éléments permettant de déterminer, conformément aux dispositions de l’article L.145-14 du code de commerce, l’indemnité d’éviction due à la société NEXITY STUDEA,
o Déterminer le montant des frais de remploi, lesquels incluent tous les coûts relatifs à l’acquisition d’un fonds de même valeur, droits d’enregistrement, frais d’agence, frais et honoraires de rédaction…,
o Déterminer l’indemnité due au titre du trouble commercial, des frais de réinstallation et de manière générale sur tous les éléments du préjudice né de l’éviction.
– DIRE que l’expert effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu’il déposera son rapport au greffe du Tribunal de judiciaire de PARIS dans les six mois de sa désignation, sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile auprès du juge chargé du contrôle des expertises.
– DEBOUTER Monsieur [G] de sa demande au titre de l’indemnité d’occupation.
En tout état de cause :
– CONDAMNER Monsieur [G] à payer à la Société NEXITY STUDEA la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile outre aux entiers dépens de l’instance, qui seront recouvrés par Maître Emmanuelle BRIAND, conformément à l’article 699 du Code de procédure civile. »
Par conclusions en réponse notifiées au greffe par voie électronique le 15 janvier 2024, Monsieur [T] [G] demande au tribunal, aux visas des articles L.145-17 et 145-31 du code de commerce, de :
« A TITRE PRINCIPAL :
– DÉBOUTER la société NEXITY STUDEA de sa demande en nullité du congé ;
– DÉBOUTER la société NEXITY STUDEA de sa demande de voir fixer une indemnité d’éviction ;
– DÉBOUTER la société NEXITY STUDEA de sa demande de désignation d’un expert judiciaire;

Décision du 26 Novembre 2024
18° chambre 3ème section
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– DÉCLARER valable, régulier et présentant des motifs graves et légitimes le congé délivré sur le fondement de l’article L.145-17 du Code de commerce par Monsieur [G] à la société NEXITY STUDEA concernant le lot n°7 de la résidence Netter-Chevreuil ;
EN CONSÉQUENCE
– ORDONNER à la société NEXITY STUDEA de libérer le lot n°7 de la résidence étudiante Netter-Chevreuil sans le bénéfice d’une indemnité d’éviction à compter de la signification du jugement à intervenir ;
– CONDAMNER la société NEXITY STUDEA de payer à Monsieur [G] la somme de 656,50 € mensuelle au titre de l’indemnité d’occupation à compter du 30 septembre 2022 jusqu’à la libération effective des lieux ;
A TITRE SUBSIDIAIRE :
– REJETER la demande de NEXITY STUDEA de désignation d’un expert judiciaire à défaut de justifier d’un excédent brut d’exploitation concernant le lot n°7 ;
À TITRE INFINIEMENT SUBSIDIAIRE :
– DESIGNER aux frais avancés du Preneur professionnel, la société NEXITY STUDEA, tel expert qu’il vous plaira inscrit sur les listes, avec pour mission :
o De déterminer le montant des loyers dont NEXITY est redevable à l’égard de M. [G] sur les 5 dernières années au regard de l’évolution des différents indices d’indexation depuis la conclusion du bail et de la juste application de la Taxe sur la Valeur Ajoutée ;
o D’obtenir communication des éléments permettant de déterminer la comptabilité exacte des sous-locations du lot n°7 de la résidence Netter-Chevreuil (dont les baux de sous-location) ;
o De déterminer l’incidence économique que constitue l’éviction du lot n°7, propriété de Monsieur [G], sur le fonds de commerce de NEXITY STUDEA ;
o De déterminer le chiffre d’affaires réalisé sur les trois années sur le lot n°7, propriété de Monsieur [G], de la résidence Netter-Chevreuil objet de l’éviction ;
o De déterminer eu égard aux prestations fournies aux sous-locataires la perte de bénéfice sur deux ans, relative pour le local considéré eu égard à ce qu’était le chiffre d’affaires et le bénéfice pour ce local dans les deux dernières années précédant le congé ;
o D’estimer l’indemnité d’éviction eu égard à l’absence de perte ou la perte partielle de fonds de commerce ;
o D’estimer le montant de l’indemnité d’occupation due par NEXITY STUDEA à Monsieur [G].
EN TOUT ÉTAT DE CAUSE :
– DÉBOUTER la société NEXITY STUDEA de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions
– CONDAMNER NEXITY STUDEA à payer à Monsieur [G] une somme de 6.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
– CONDAMNER NEXITY STUDEA aux entiers dépens ».

Il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des moyens de fait et de droit développés au soutien des prétentions.

Par ordonnance du 8 février 2024, le juge de la mise en état a clôturé l’instruction. A la suite d’une réorganisation de la 18ème chambre, l’audience de juge unique initialement fixée au 12 mai 2025 a été avancée à l’audience de juge unique du tribunal de céans du 24 septembre 2024.

MOTIFS

Sur la validité du congé avec refus de renouvellement

La S.A. NEXITY STUDEA soutient qu’elle n’a manqué à aucune de ses obligations contractuelles et que le congé avec refus de renouvellement sans paiement d’une indemnité d’éviction est nul.
Décision du 26 Novembre 2024
18° chambre 3ème section
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Monsieur [T] [G] soutient qu’il existe des motifs graves et légitimes justifiant l’absence d’indemnité d’éviction. Il indique que la S.A. NEXITY STUDEA n’a pas respecté la clause d’indexation annuelle du bail et la charge de la TVA, qu’elle ne lui aurait pas communiqué les comptes-rendus d’assemblée générale des copropriétaires entre 2017 et 2020, ni les contrats de locations conclus par la S.A. NEXITY STUDEA avec les occupants de la résidence.

En vertu des articles L.145-14, L.145-17 et L.145-28 du code de commerce, le bailleur est toujours en droit de refuser le renouvellement du bail, et ce refus met fin au bail. S’il est fondé sur des motifs graves et légitimes, le preneur devient occupant sans droit ni titre à compter de la date d’effet du refus, mais si les motifs invoqués par le bailleur sont jugés insuffisants, le preneur a droit à une indemnité d’éviction et au maintien dans les lieux aux clauses et conditions du bail expiré jusqu’au paiement de l’indemnité. Ce titre légal d’occupation peut être résilié en cas de manquement du preneur à ses obligations, celui-ci étant alors déchu de tout droit à indemnité d’éviction.

L’article L.145-17 du code de commerce exige en outre, si le bailleur invoque l’inexécution d’une obligation, que la délivrance du congé soit précédée ou accompagnée d’une mise en demeure de faire cesser l’infraction dans le délai d’un mois, cet acte devant, à peine de nullité, être réalisé par acte extrajudiciaire et reproduire les termes dudit article.

En l’espèce, Monsieur [T] [G] a adressé à la S.A. NEXITY STUDEA une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 10 septembre 2021 laquelle fait injonction au preneur dans un délai d’un mois :
– de payer sur le compte bancaire utilisé pour la perception des loyers, la somme de 3.467,49 euros hors taxes, soit 3.814,24 euros toutes taxes comprises,
– d’appliquer la révision du loyer selon les taux contractuels,
– de lui communiquer les comptes-rendus d’assemblées générales des exercices 2017 à 2020 inclus,
– de lui communiquer l’ensemble des contrats de location de l’appartement depuis 2016.

Par acte extrajudiciaire du 25 février 2022, Monsieur [T] [G] a fait délivrer à la S.A. NEXITY STUDEA, venant aux droits de la la S.A. LAMY RÉSIDENCE, un congé portant refus de renouvellement sans offre d’indemnité d’éviction avec effet au 30 septembre 2022.

Il n’est pas contesté que le refus de renouvellement délivré le 25 février 2022 a été délivré dans les formes requises à l’article L.145-17 du code de commerce. Il a valablement mis fin au bail à compter du 30 septembre 2022 à 24h.

Sur les motifs graves et légitimes invoqués dans l’acte du 25 février 2022

* Sur l’application de la clause d’indexation et la charge de la TVA

Monsieur [T] [G] soutient que la S.A. NEXITY STUDEA, professionnel des baux commerciaux, procède à une auto-facturation à trimestre échu pour le paiement de ses loyers en qualité de preneur commercial, ne laissant ainsi aucun contrôle au bailleur sur les factures de loyer ; qu’il s’est aperçu que le montant des loyers qu’il percevait était en décorrélation avec ce qu’il devait percevoir ; que les montants dans le calcul sont erronés ; que cette erreur provient d’une mauvaise indexation, d’une charge de TVA indue ou des deux ; que la S.A. NEXITY STUDEA indique que lors de l’augmentation de la TVA de 7 à 10%, le loyer TTC est resté inchangé pour faire diminuer le loyer HT du bailleur et ainsi lui faire supporter cette augmentation de TVA ; qu’il est contraire aux stipulations contractuelles que le montant du loyer puisse baisser en raison de l’augmentation de la TVA qu’il ne fait que collecter ; que faire supporter au bailleur l’augmentation de la TVA revient à se soustraire à son obligation de prendre à sa charge les taxes relatives à son activité et à une diminution du loyer spécifiquement prohibée par l’article 5 du bail ; que ces manquements contractuels confinent au dol et justifient à eux seuls les motifs graves et légitimes privant le preneur de l’indemnité d’éviction.

La S.A. NEXITY STUDEA soutient que Monsieur [T] [G] s’est trompé d’indice dans son calcul d’indexation, de sorte que son calcul est inexact ; que le loyer a pris en compte l’augmentation du taux de TVA qui est passé de 7 à 10% au 1er janvier 2014 ; que le loyer était stipulé TTC ; que le montant du loyer à prendre en compte est donc le montant TTC, qui est celui dans la limite duquel le preneur s’est engagé, sous réserve de l’indexation ; que le montant du loyer TTC ne peut donc varier à la hausse en cas d’augmentation de la TVA, à défaut de stipulation expresse contenue dans le bail ; que le bail ne prévoit pas de prise en charge de la TVA par le preneur ; que le bail stipule un loyer TTC à charge pour le bailleur de reverser la TVA à l’administration fiscale ; que la clause selon laquelle « le PRENEUR acquittera l’ensemble des taxes fiscales ou para-hôtelières et impôts découlant de son activité » vise les taxes directement supportées par elle et ne s’applique pas à la TVA, qui s’applique sur le loyer perçu par le bailleur et doit être supportée par celui-ci, sauf clause expresse et non équivoque du bail, ce qui n’est pas le cas en, l’espèce ; que ces motifs ne figurent pas dans la mise en demeure ; que la demande de Monsieur [T] [G] se heurte à la prescription quinquennale ; que de tels motifs, même s’ils existaient, seraient insuffisants pour justifier le refus de paiement de l’indemnité d’éviction

Vu les articles 1134, 1156 et 1157 du code civil ainsi que l’article L.145-34 et suivants du code de commerce dont il ressort notamment, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et que par ailleurs, on doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractants, plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes.

En l’espèce, le contrat de bail stipule à l’article 10 au paragraphe 1 intitulé « LOYER » que « le présent bail est consenti et accepté moyennant un loyer annuel de 17.933,21 Francs TOUTES TAXES COMPRISES, soit au taux en vigueur ce jour, 16.998,30 Francs hors taxes ».

Le paragraphe 2 du même article intitulé « RÉVISION DU LOYER » stipule que « les parties conviennent expressément que le loyer sera réévalué chaque année à la date d’anniversaire de l’entrée en jouissance du présent bail en fonction de la variation annuelle, en plus ou en moins, de l’indice national du coût de la Construction, tel qu’il est établi par l’Institut National de la Statistique et des Etudes Économiques (INSEE). Pour le calcul de cette variation, il est expressément convenu que l’indice de base à prendre en considération sera le dernier indice connu au 1er Octobre 1997. L’indexation prendra effet sans que les parties soient tenues à aucune notification préalable. Le BAILLEUR et le PRENEUR entendent soumettre le loyer du présent bail au régime de la TVA par dérogation aux articles 293 B et suivants du Code Général des Impôts. Le BAILLEUR conformément à l’article 293 F du Code Général des Impôts, déclare expressément opter pour l’assujettissement à la TVA et renonce à la franchise de base (actuellement 100.000 Frs). »

Par avenant en date du 29 décembre 2008, les parties ont convenu qu’à compter du 1er avril 2009 le loyer serait révisé de plein droit le 1er avril de chaque année en fonction de la variation de l’indice de référence des loyers (IRL) et que l’indice de base serait celui du 1er trimestre 2007, l’indice à utiliser pour la fixation du loyer au 1er avril 2009 étant celui du 1er trimestre 2008.

Ainsi, aux termes de ces stipulations claires et dépourvues d’équivoque, les parties sont convenues du paiement d’un loyer charges comprises et ont convenu de soumettre le loyer au régime de la TVA.

Monsieur [T] [G] est donc mal fondé à réclamer à sa locataire le paiement, en plus du loyer contractuel l’augmentation de la TVA. En effet, en vertu des stipulations du bail, le loyer toutes charges comprises ne pouvait augmenter qu’en cas de révision du loyer.

Par ailleurs, Monsieur [T] [G] allègue, sans le démontrer, une mauvaise indexation du loyer.

* Sur la communication des comptes-rendus des assemblées générales des copropriétaires depuis 2017

Monsieur [T] [G] soutient que la S.A. NEXITY STUDEA refuse de lui rendre compte de l’exécution de son mandat ; que la S.A. NEXITY STUDEA ne lui a jamais adressé les convocations aux assemblées lui permettant de donner pouvoir spécial à la S.A. NEXITY STUDEA ; que la S.A. NEXITY STUDEA est syndic de l’immeuble ; qu’il n’est pas normal qu’aucune assemblée générale n’ait été tenue en 2019 et 2020 ; qu’il s’agit d’un manquement contractuel.

La S.A. NEXITY STUDEA soutient que si le bail prévoit la possibilité pour elle de représenter Monsieur [T] [G] aux assemblées générales des copropriétaires, ce n’est qu’à la condition qu’il lui donne un pouvoir spécial pour ce faire ; que Monsieur [T] [G], copropriétaire, était seul habilité à assister aux assemblées générales des copropriétaires ; que la S.A. NEXITY STUDEA n’est pas syndic de l’immeuble ; que Monsieur [T] [G], en tant que copropriétaire, a nécessairement été destinataire des convocations aux assemblées générales et des procès-verbaux dressés par le Syndic à tous les copropriétaires.

Le contrat de bail stipule à l’article 11 intitulé « CLAUSE PARTICULIERE – MANDAT » que « comme condition essentielle et déterminante du présent bail, sans laquelle il n’aurait pas été accepté, le BAILLEUR donne mandat irrévocable au PRENEUR de le représenter aux Assemblées Générales.
A cet effet, il devra, lors de chaque convocation aux assemblées, donner un pouvoir spécial au représentant que le PRENEUR lui indiquera avec mandat de prendre part aux délibérations en ses lieu et place, dans l’intérêt commun du mandant et du mandataire, afin de conserver à l’immeuble sa destination et prendre les différentes décisions utiles à la bonne gestion de l’immeuble.
Toutefois, ce mandat ne jouera exclusivement que pour les décisions relevant de l’article 24 de la Loi du 10 Juillet 1965.
Le mandataire devra rendre compte de l’exécution de son mandat à première réquisition du mandant qui ne pourra révoquer son mandat qu’en cas de faute, dans l’exercice de sa mission de mandataire. A défaut, pour le bailleur, de consentir pareil mandat et 15 jours après sommation de ce faire, contenant mention de la présente clause, restée sans effet, le présent bail sera résilié de plein droit si bon semble au PRENEUR, le BAILLEUR devant supporter toutes les conséquences qui en résulteraient ».

En l’espèce, cette stipulation prévoit que Monsieur [T] [G] est tenu à chaque convocation aux assemblées générales, de donner un pouvoir spécial à la S.A. NEXITY STUDEA pour le représenter aux assemblées générales. Ce texte ne prévoit en revanche pas que les convocations sont adressées directement au preneur et que c’est à ce dernier de les adresser au bailleur afin qu’il lui adresse un mandat spécial. Au demeurant, Monsieur [T] [G], ne démontre pas, qu’en tant que copropriétaire, les convocations aux assemblées générales des copropriétaires ne lui étaient pas adressées et étaient adressées directement à son preneur. Il ne démontre pas davantage que la S.A. NEXITY STUDEA est syndic de l’immeuble.

Dès lors, faute d’avoir adressé de mandat spécial à la S.A. NEXITY STUDEA, il ne peut être reproché au preneur de ne pas avoir rendu compte de son mandat de représentation aux assemblées générales et par conséquent de ne pas avoir communiqué les comptes-rendus des assemblées générales depuis 2017.

* Sur la communication des contrats de sous-location

Monsieur [T] [G] soutient qu’il n’a jamais été en mesure de vérifier la destination du bail ; que la S.A. NEXITY STUDEA a procédé à des sous-locations irrégulières dans l’immeuble ; que la S.A. NEXITY STUDEA ne lui pas transmis en cours de procédure le contrat de location de l’occupant effectif alors que l’administration fiscale lui en a fait directement la demande ; que la S.A. NEXITY STUDEA persiste à ne pas l’appeler à concourir à l’acte de sous-location en violation de l’article L.145-31 du code de commerce ; que le droit donné de sous-louer au preneur au bail commercial ne la dispensait pas de faire concourir le bailleur à l’acte et ainsi de ne pas le priver de son droit de contrôle.

La S.A. NEXITY STUDEA soutient que l’article L.145-31 du code de commerce ne s’applique pas en l’espèce ; qu’il ne s’applique pas lorsque la sous-location du logement à usage d’habitation constitue l’activité même du preneur, ce qui est le cas en l’espèce ; que le bail stipule que le preneur est autorisé de plein droit à sous-louer ; qu’elle n’avait donc aucune obligation d’appeler le bailleur à concourir à l’acte, ni même de lui communiquer les contrats de sous-location ; qu’elle a communiqué au bailleur le 31 mai 2023 les coordonnées de l’occupant afin qu’il puisse se conformer à la nouvelle obligation fiscale.

L’article 4 du contrat de bail intitulé « DESTINATION » stipule que « la destination exclusive est l’exercice par le PRENEUR dans les locaux constituant la Résidence, dont celui objet des présentes, d’une activité d’exploitation de Résidence Étudiants, consistant en la sous-location meublée des logements situés dans ladite Résidence pour un usage d’habitation.
Le PRENEUR est, en conséquence, de plein droit autorisé à consentir toutes sous-locations, sous la réserve qu’il respecte les obligations résultant du présent paragraphe et celles stipulées sous le paragraphe « SOUS-LOCATION » ci-après.
En outre, le PRENEUR s’oblige expressément, dans le cadre de la destination ci-dessus fixée à meubler les logements, à assumer, vis-à-vis des futurs résidents, les services et prestations para-hôtelières suivants :
– Nettoyage des locaux privatifs et communs
– La distribution de petits-déjeuners
– La fourniture du linge de maison
– L’accueil gardiennage
Certaines de ces prestations pourront être offertes « à la carte » tels que les petits-déjeuners ou le linge de maison et le nettoyage des parties privatives.
Et plus spécialement, il s’oblige à rendre ces services et prestations au moins conformément aux prescriptions de l’instruction administrative du 11 avril 1991, n° 3 A 9 91 de manière à ce que la présente location soit passible de la TVA ».

L’article 7 du contrat de bail intitulé « SOUS-LOCATIONS » stipule que « comme il a été dit ci-dessus, le PRENEUR est autorisé de plein droit à sous-louer sous les réserves qui suivent :
Décision du 26 Novembre 2024
18° chambre 3ème section
N° RG 22/12950 – N° Portalis 352J-W-B7G-CX6JX

– cette autorisation ne vaut que pour une sous-location conforme à la destination définie plus haut
– Les sous-locataires n’auront aucun lien juridique avec le BAILLEUR, le PRENEUR restant seul responsable vis-à-vis des résidents à quelque titre que ce soit
Enfin, il est spécialement insisté sur l’obligation qu’aura le PRENEUR, notamment par l’établissement d’un règlement intérieur, d’imposer aux futurs résidents le respect de certaines règles pour le maintien du standing de la Résidence (calme, propreté, sécurité…). Ce règlement intérieur devra être communiqué pour information au BAILLEUR ».

Il est de jurisprudence constante que lorsque les lieux loués sont destinés à une activité de résidence hôtelière consistant à mettre à disposition de la clientèle outre un hébergement, des prestations de services telles qu’énumérés au bail comme définies par l’article 261 D 4° du code général des impôts, la sous-location étant l’objet même de l’activité du locataire, le bailleur n’a pas à être appelé à concourir aux actes de sous location.

Or, en l’espèce, la destination du bail est décrite comme une « activité d’exploitation de Résidence Étudiants, consistant en la sous-location meublée des logements situés dans ladite Résidence pour un usage d’habitation ». En outre, il est prévu par le bail que le preneur doit mettre à la disposition des étudiants des prestations de service telles que :
« – Nettoyage des locaux privatifs et communs
– La distribution de petits-déjeuners
– La fourniture du linge de maison
– L’accueil gardiennage ».

L’article 4 du bail précise que le preneur « s’oblige à rendre ces services et prestations au moins conformément aux prescriptions de l’instruction administrative du 11 avril 1991, n° 3 A 9 91 de manière à ce que la présente location soit passible de la TVA ». Or, cette instruction est venue commentée les dispositions de l’article 261-D-4° du code général des impôts.

En outre, il résulte de l’article 7 que le preneur est autorisé de plein droit à sous louer dès lors que la sous location est conforme à la destination. Il est en outre précisé : » les sous locataires n’auront aucun lien juridique avec le bailleur, le preneur restant seul responsable vis à vis des résidents à quelque titre que ce soit ».

Dès lors, les lieux loués étant destinés à une activité de résidence étudiante consistant à mettre à disposition de la clientèle outre un hébergement, des prestations de services telles qu’énumérés au bail comme définies par l’article 261 D 4° du code général des impôts, la sous-location étant l’objet même de l’activité du locataire, le bailleur n’avait pas à être appelé à concourir aux actes de sous location.

Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les motifs du congé sont mal-fondés. Le caractère mal-fondé du congé avec refus de renouvellement n’entraîne pas sa nullité, mais ouvre droit à une indemnité d’éviction. En conséquence, la S.A. NEXITY STUDEA sera déboutée de sa demande de nullité du congé.

En conséquence, le droit à indemnité d’éviction de la S.A. NEXITY STUDEA sera constaté.

Sur l’indemnité d’éviction et l’indemnité d’occupation

Aux termes de l’article L.145.28 du code de commerce « aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue. Jusqu’au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. Toutefois, l’indemnité d’occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections 6 et 7, compte tenu de tous éléments d’appréciation ».

Pour chiffrer le montant de l’indemnité d’éviction due par les bailleurs au locataire évincé, en l’absence d’éléments suffisants d’appréciation des conséquences de l’éviction, il y a lieu de recourir à une mesure d’expertise dans les termes du dispositif ci-après et aux frais avancés par la S.A. NEXITY STUDEA demanderesse à l’indemnité d’éviction.

Il apparait prématuré de donner un avis sur la méthode d’évaluation à retenir par l’expert. L’expert sera ainsi inviter à donner son avis sur les différentes méthodes proposées par les parties (référence aux usages en matière d’hôtels et de résidences para-hôtelières ou à l’excédent brut d’exploitation), au regard des usages de la profession, notamment en matière de résidence étudiante, et des caractéristiques qu’il aura relevées du local considéré, du fonds de commerce du locataire et du fonctionnement de la résidence considérée, afin de donner au tribunal tous les éléments d’appréciation pour évaluer le préjudice causé par l’éviction.

Au regard de la nature du litige il est de l’intérêt des parties de recourir, dans le cadre de l’expertise, à une mesure qui leur offre la possibilité de parvenir à une solution rapide et négociée par la médiation ; il convient en conséquence de la leur proposer. Afin que les parties bénéficient des explications nécessaires à une décision éclairée sur l’acceptation d’une telle mesure, un médiateur sera commis pour recueillir leur avis, selon les modalités prévues au présent dispositif.

Par ailleurs, au vu des développement précédent sur l’indexation du loyer et la charge de la TVA, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de Monsieur [T] [G] de demander à l’expert de déterminer le montant des loyers dont le preneur est redevable sur les 5 dernières années au regard de l’évolution des différents indices d’indexation depuis la conclusion du bail et de la juste application de la TVA.

Le droit à indemnité d’éviction valant droit de maintien dans les lieux jusqu’au paiement effectif de ladite indemnité, la demande d’expulsion formée par Monsieur [T] [G] sera rejetée.

L’expert aura également pour mission d’évaluer l’indemnité d’occupation due par le preneur au bailleur à compter du 1er octobre 2022.

Une indemnité d’occupation provisionnelle égale au montant du dernier loyer pratiqué est justifiée pendant la durée de l’instance. La demande de Monsieur [T] [G] visant à voir fixer l’indemnité d’occupation due par le preneur à la somme de 656,50 suros sera donc rejetée.

Il y a lieu de réserver les dépens et les demandes formées sur l’article 700 du code de procédure civile.

La présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire en vertu de l’article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

REJETTE la demande formée par la S.A. NEXITY STUDEA tendant à la nullité du congé avec refus de renouvellement et refus de paiement d’indemnité d’éviction du 25 février 2022,
CONSTATE l’extinction du bail conclu entre Monsieur [T] [G] et la S.A. NEXITY STUDEA portant sur les locaux commerciaux sis situés[Adresse 5], à [Localité 10], lot n° 7 au 30 septembre 2022 à minuit,

DÉCLARE mal-fondé le congé avec refus de renouvellement du 25 février 2022 comportant refus de paiement d’indemnité d’éviction,

CONSTATE que la S.A. NEXITY STUDEA a droit à une indemnité d’éviction,

AVANT DIRE DROIT sur le montant de l’indemnité d’éviction et de l’indemnité d’occupation, tous droits et moyens des parties demeurant réservés à cet égard, ordonne une mesure d’expertise judiciaire et commet en qualité d’expert :

Monsieur [V] [Y]
[Adresse 4]
[Localité 10]
[XXXXXXXX01]
[Courriel 12]

avec mission, les parties ayant été convoquées et dans le respect du principe du contradictoire :
* de se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l’accomplissement de sa mission,
* visiter les lieux occupés situés[Adresse 5], à [Localité 10], lot n° 7, les décrire, et dresser le cas échéant la liste du personnel employé par le locataire,
* rechercher, en tenant compte de la nature des activités professionnelles autorisées par le bail, de la situation et de l’état des locaux, tous éléments permettant :
1° de déterminer le montant de l’indemnité d’éviction dans le cas :
– de la perte totale ou partielle de fonds : valeur marchande déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, des frais et droits de mutation afférents à la cession de fonds d’importance identique, de la réparation du trouble commercial,
– du transfert de fonds, sans perte conséquente de clientèle, sur un emplacement de qualité équivalente, et, en tout état de cause, le coût d’un tel transfert, comprenant : acquisition d’un titre locatif ayant les mêmes avantages que l’ancien, frais et droits de mutation, frais de déménagement et de réinstallation, réparation du trouble commercial,
2° d’apprécier si l’éviction a entraîné la perte totale ou partielle du fonds ou son transfert,
* à titre de renseignement, dire si, à son avis, le loyer aurait été ou non plafonné en cas de renouvellement du bail et préciser, en ce cas, le montant du loyer calculé en fonction des indices qui aurait été applicables à la date d’effet du congé,
A cet effet,
* donner son avis sur l’incidence qu’aura l’éviction du local, objet du bail, sur le fonctionnement de la résidence,
* donner son avis sur l’applicabilité de la méthode hôtelière et para-hôtelière ou de la méthode de l’excédent brut d’exploitation rattaché au seul lot n°7 et, de façon générale, sur les méthodes d’évaluation proposées par les parties,

DIT que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu’il déposera l’original de son rapport au greffe de la 18ème Chambre – 3ème section du tribunal judiciaire de Paris avant le 30 novembre 2025,

FIXE à la somme de 6.000 (six mille) euros la provision à valoir sur la rémunération de l’expert, somme qui devra être consignée par la S.A. NEXITY STUDEA à la Régie du tribunal judiciaire de Paris (Tribunal de Paris – Atrium Sud 1er étage – Parvis du tribunal de Paris – Paris 17ème), avec copie de la présente décision, au plus tard le 28 février 2025,

DIT que, faute de consignation de la provision dans ce délai, la désignation de l’expert sera caduque et privée de tout effet,

DIT que le juge de la mise en état conservera le contrôle de cette expertise,

Vu l’article 131-4 du code de procédure civile ;

DONNE injonction aux parties de rencontrer un médiateur, en la personne de :

[U] [W]
[Adresse 7]
[Localité 10]
[XXXXXXXX02]
[XXXXXXXX03]
[Courriel 11]

DIT que le médiateur n’interviendra qu’après que l’expert l’aura informé qu’il a adressé aux parties sa note de synthèse,

DIT qu’après avoir apporté cette information au médiateur, et en attendant que celui-ci ait mené à bien sa mission, l’expert suspendra ses opérations d’expertise,

DIT que le médiateur ainsi informé par l’expert aura pour mission :
* d’expliquer aux parties le principe, le but et les modalités d’une mesure de médiation,
* de recueillir leur consentement ou leur refus de cette mesure,

DIT qu’à l’issue de ce premier rendez-vous d’information, dans l’hypothèse où au moins l’une des parties refuserait le principe de la médiation, ou à défaut de réponse d’au moins l’une des parties dans le délai fixé par le médiateur, ce dernier en aviser l’expert et le juge chargé du contrôle des expertises ; le médiateur cessera alors ses opérations, sans défraiement, et l’expert reprendra le cours de sa mission,

DIT que dans l’hypothèse où les parties donneraient leur accord à la médiation :
* le médiateur pourra commencer immédiatement les opérations de médiation,
* le médiateur en informera l’expert, et le cours de l’expertise demeurera suspendu, sauf si des investigations complémentaires sont nécessaires à la solution du litige,

DIT qu’au terme de la médiation, le médiateur informera l’expert et le juge chargé du contrôle des expertises, soit que les parties sont parvenues à un accord, soit qu’elles n’y sont pas parvenues,

DIT que si les parties sont parvenues à un accord, l’expert déposera son rapport en l’état de la dernière note aux parties qu’il aura établie, et pourra solliciter la taxation de ses honoraires correspondant,

DIT que si les parties ne sont pas parvenues à un accord, les opérations d’expertise reprendront,

FIXE l’indemnité d’occupation provisionnelle due pendant la durée de l’instance au montant du dernier loyer en cours à la date du présent jugement,

REJETTE la demande d’expulsion formée par Monsieur [T] [G],

REJETTE la demande formée par Monsieur [T] [G] visant à demander à l’expert de déterminer le montant des loyers dont le preneur est redevable sur les 5 dernières années au regard de l’évolution des différents indices d’indexation depuis la conclusion du bail et de la juste application de la TVA,

REJETTE la demande formée par Monsieur [T] [G] visant à voir fixer l’indemnité d’occupation due par le preneur à la somme de 656,50 euros,

RENVOIE l’affaire à l’audience de mise en état dématérialisée du 19 mars 2025 à 11h30 pour contrôle du versement de la consignation,

RAPPELLE que sauf convocation spécifique à l’initiative du juge de la mise en état ou d’entretien avec ce dernier sollicité par les conseils, les audiences de mise en état se tiennent sans présence des conseils, par échange de messages électroniques via le RPVA ; que les éventuelles demandes d’entretien avec le juge de la mise en état doivent être adressées, par voie électronique, au plus tard la veille de l’audience à 12h00 en précisant leur objet, l’entretien se tenant alors le jour de l’audience susvisée à 11h00,

RÉSERVE les dépens et les demandes formées sur l’article 700 du code de procédure civile,

RAPPELLE que le présent jugement est assorti de l’exécution provisoire de droit.

Fait et jugé à Paris le 26 Novembre 2024

Le Greffier Le Président
Henriette DURO Sandra PERALTA


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