Conflit sur la responsabilité contractuelle et la diffamation en ligne

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Conflit sur la responsabilité contractuelle et la diffamation en ligne

L’Essentiel : Par ordonnance du 14 novembre 2023, le tribunal judiciaire de Paris a condamné Mme. [V]-[P] à verser 69,77 euros à la société Eclats d’Arômes, ainsi que 50 euros pour frais accessoires. En opposition, Mme. [V]-[P] a contesté la validité de l’ordonnance, arguant que la société n’avait pas prouvé la casse des verres. Lors de l’audience du 15 octobre 2024, Eclats d’Arômes a réclamé 2 500 euros pour préjudice dû à des avis dénigrants. Le tribunal a finalement statué en faveur de la société, ordonnant à Mme. [V]-[P] de payer 1 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice commercial.

Ordonnance du Tribunal

Par ordonnance du 14 novembre 2023, le tribunal judiciaire de Paris a ordonné à Mme. [V]-[P] de verser à la société Eclats d’Arômes la somme de 69,77 euros, ainsi que 50 euros pour les frais accessoires. Cette décision a été signifiée à Mme. [V]-[P] sur son lieu de travail le 25 mars 2024.

Opposition de Mme. [V]-[P]

Le 23 avril 2024, Mme. [V]-[P] a formé opposition à l’ordonnance. Lors de l’audience du 15 octobre 2024, la société Eclats d’Arômes a maintenu sa demande de paiement, affirmant que la somme réclamée correspondait à la casse de 10 verres lors d’une réception pour laquelle elle avait assuré le service traiteur. Elle a également dénoncé des avis dénigrants publiés par Mme. [V]-[P] sur Google.

Arguments de la Société Eclats d’Arômes

La société Eclats d’Arômes a demandé des dommages et intérêts de 2 500 euros pour le préjudice causé par les avis négatifs, ainsi que 7 000 euros en vertu de l’article 1240 du code civil. Elle a produit une facture détaillant la casse des verres, ainsi qu’un bon de retour de son sous-traitant.

Réponse de Mme. [V]-[P]

Mme. [V]-[P] a contesté la validité de l’ordonnance d’injonction de payer, arguant qu’elle visait un autre débiteur et un autre tribunal. Elle a également soutenu que la société Eclats d’Arômes n’avait pas prouvé la détérioration des verres, n’ayant pas effectué d’inventaire. En réponse, elle a demandé des dommages et intérêts pour procédure abusive.

Contexte de la Réception

Mme. [V]-[P] avait commandé un cocktail dînatoire pour 45 personnes, incluant le matériel et le personnel, pour un montant total de 3 486,18 euros. Après la réception, elle a exprimé sa satisfaction par écrit, mais a ensuite contesté la facture pour la casse des verres.

Éléments de Preuve

La société Eclats d’Arômes a fourni des preuves de la casse, y compris des relances restées sans réponse et des avis négatifs publiés sur Internet par des personnes liées à Mme. [V]-[P]. Ces avis critiquaient la société et ont été considérés comme ayant causé un préjudice commercial.

Décision du Tribunal

Le tribunal a statué que la société Eclats d’Arômes avait prouvé la casse des verres et a ordonné à Mme. [V]-[P] de payer la somme de 69,77 euros, ainsi que 50 euros de frais et 1 000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice commercial. Les demandes reconventionnelles de Mme. [V]-[P] ont été rejetées, et elle a été condamnée aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la validité de la signification de l’ordonnance d’injonction de payer ?

La signification de l’ordonnance d’injonction de payer est régie par l’article 654 du Code de procédure civile, qui stipule que « la signification est faite à personne, à domicile ou au siège social ».

En l’espèce, l’ordonnance a été signifiée à Mme. [V]-[P] sur son lieu de travail, ce qui est conforme aux exigences de l’article précité.

Il est important de noter que, même si Mme. [V]-[P] conteste la régularité de la signification en arguant qu’elle vise une ordonnance rendue par le tribunal de commerce de Versailles, l’article 1417 du même code précise que « l’opposition à l’injonction de payer remet les parties dans l’état antérieur à l’injonction ».

Ainsi, la question de la validité de la signification devient secondaire, car l’opposition permet au tribunal de statuer sur le fond de la demande, rendant l’injonction non avenue.

Quelles sont les conséquences de l’opposition à l’injonction de payer ?

L’article 1417 du Code de procédure civile énonce que « lorsque le débiteur forme opposition, le tribunal statue sur la demande en recouvrement ».

Cela signifie que l’opposition a pour effet de suspendre l’exécution de l’injonction de payer et de permettre au tribunal d’examiner le bien-fondé de la demande de paiement.

Dans le cas présent, même si Mme. [V]-[P] a formé opposition, cela ne l’exonère pas de sa responsabilité de prouver que la somme réclamée n’est pas due.

Le tribunal a donc le pouvoir d’examiner les éléments de preuve fournis par les parties et de rendre une décision sur le fond, indépendamment de la régularité de la signification de l’ordonnance.

Quels sont les éléments constitutifs de la responsabilité délictuelle en vertu de l’article 1240 du Code civil ?

L’article 1240 du Code civil stipule que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Pour engager la responsabilité délictuelle, il faut établir trois éléments :

1. **Un fait générateur** : En l’espèce, les avis dénigrants publiés par Mme. [V]-[P] sur Google constituent un fait générateur de responsabilité.

2. **Un dommage** : La société Eclats d’Arômes a subi un préjudice commercial en raison de ces avis, ce qui constitue un dommage.

3. **Un lien de causalité** : Il doit être prouvé que le dommage est directement lié à la faute commise par Mme. [V]-[P].

Le tribunal a constaté que les avis négatifs, émanant de personnes liées à Mme. [V]-[P], ont causé un préjudice à la société, justifiant ainsi la demande de dommages et intérêts.

Quelles sont les obligations contractuelles de Mme. [V]-[P] concernant la casse de matériel ?

Les obligations contractuelles de Mme. [V]-[P] sont régies par les conditions générales du devis accepté, qui stipulent que « le matériel manquant ou détérioré sera facturé au tarif de remplacement ».

Cela signifie que Mme. [V]-[P] est responsable de la casse, quelle qu’en soit la cause, et doit donc assumer les coûts associés.

Le tribunal a relevé qu’il n’est pas nécessaire de réaliser un inventaire contradictoire pour établir la responsabilité de Mme. [V]-[P].

Elle aurait dû vérifier l’intégrité de la vaisselle lors de la livraison et du retour, ce qu’elle n’a pas fait, ce qui l’engage à payer la somme réclamée pour la casse des verres.

Quelles sont les conséquences d’une procédure abusive en matière de dommages et intérêts ?

La procédure abusive est définie par l’article 32-1 du Code de procédure civile, qui permet au juge de condamner la partie qui agit de manière dilatoire ou abusive à verser des dommages et intérêts.

Dans le cas présent, Mme. [V]-[P] a demandé des dommages et intérêts pour procédure abusive, mais le tribunal a jugé que sa demande était infondée.

En effet, le comportement de Mme. [V]-[P], qui a diffusé des avis dénigrants, a été qualifié de malicieux et a causé un préjudice à la société Eclats d’Arômes.

Ainsi, le tribunal a condamné Mme. [V]-[P] à verser des dommages et intérêts à la société, tout en déboutant sa demande reconventionnelle.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Le :

Copie conforme délivrée
à : Mme [V]

Copie exécutoire délivrée
à : SARL ECLATS

Pôle civil de proximité

PCP JTJ proxi requêtes

N° RG 24/03654 – N° Portalis 352J-W-B7I-C5HPK

N° MINUTE :
2/2024

JUGEMENT
rendu le mardi 19 novembre 2024

DEMANDERESSE
S.A.R.L. ECLATS D’AROMES, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par M.[S] [N]

DÉFENDERESSE
Madame [D] [V]-[P], demeurant [Adresse 1]
comparante en personne ayant pour avocat Maître Florent SCHAPIRA de la SELARL ADRIEN & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #C1145, non comparant

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Cécile THARASSE, Juge, statuant en juge unique
assistée d’Arjun JEYARAJAH, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 15 octobre 2024

JUGEMENT
contradictoire, en dernier ressort, prononcé par mise à disposition le 19 novembre 2024 par Cécile THARASSE, Juge assistée d’Arjun JEYARAJAH, Greffier
Décision du 19 novembre 2024
PCP JTJ proxi requêtes – N° RG 24/03654 – N° Portalis 352J-W-B7I-C5HPK

EXPOSÉ DU LITIGE

Par ordonnance du 14 novembre 2023 le tribunal judiciaire de Paris a enjoint à Mme. [V]-[P] de payer à la société Eclats d’Arômes la somme de 69,77 euros en principal outre 50 euros au titre des frais accessoires.

Cette ordonnance a été signifiée à personne sur son lieu de travail, selon les modalités de l’article 654 du code de procédure civile le 25 mars 2024.

Le 23 avril 2024 Mme. [V]-[P] a formé opposition.

A l’audience du 15 octobre 2024 la société Eclats d’Arômes a maintenu sa demande en paiement. Elle fait valoir que la somme de 69,77 euros correspond au coût de 10 verres cassés lors de la réception organisée pour le compte de Mme. [V]-[P], réception au cours de laquelle elle avait assuré les prestations de traiteur.

Elle ajoute que Mme. [V]-[P] lui a causé un préjudice important en faisant diffuser sur le site Google des avis dénigrants et diffamatoires sur sa prestation.

Elle sollicite en outre la condamnation de Mme. [V]-[P] à lui verser 2 500 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 7 000 euros au titre de l’article 1240 du code civil.

Mme. [V]-[P] a conclu au débouté des demandes et fait principalement valoir que la signification de l’ordonnance d’injonction de payer était nulle, comme visant une ordonnance rendue par le tribunal commerce de Versailles et non le tribunal judiciaire de Paris et concernant un autre débiteur, que la demanderesse ne rapporte nullement la preuve de la détérioration de verres lors de la réception, puisqu’aucun inventaire du matériel n’a été effectué et que l’origine de la casse est ignorée.

Elle sollicite à titre reconventionnel la condamnation de la société Eclats d’Arômes à lui verser la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive outre 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu la requête introductive d’instance et les conclusions déposées par chacune des parties à l’audience du 15 octobre 2024 développées oralement lors des débats ;

Il résulte des pièces versées aux débats que Madame [V] a commandé auprèsde la société Eclats d’Arômes, pour le 3 juin 2023, un cocktail dînatoire pour 45 personnes moyennant le prix de 3 486,18 euros, en ce inclus le matériel, la vaisselle et le personnel.

Les conditions générales du devis accepté prévoyaient que le matériel manquant ou détérioré serait facturé au tarif de remplacement.

Par courrier adressé le 8 juin 2023 à l’exploitant de la péniche sur laquelle se déroulait la réception, Mme. [V]-[P] a fait état de sa satisfaction pour cette soirée qu’elle a qualifiée d’ “exceptionnelle”.

Le même jour, la société Eclats d’Arômes a adressé à Mme. [V]-[P] une facure faisant état d’un solde de 69,77 euros pour la casse de verres intervenue lors de la réception, soit 3 flûtes, 4 verres à vin, 3 verres à jus de fruit.

Plusieurs relances ont été adressées les 30 juin, 11 juillet, 21 août, toutes restées sans réponse et le 14 novembre 2023 la société Eclats d’Arôme a déposé une demande d’injonction de payer à laquelle il a été fait droit.

Néanmoins, le 12 juillet 2023, Mme. [V]-[P] a effectué un signalement sur le site Conso.gouv de la direction de la concurrence et des fraudes pour indiquer qu’elle n’avait pas la preuve de la détérioration des verres et solliciter des conseils.

Enfin le 26 mars 2024, lendemain de la signification de l’injonction de payer, trois avis négatifs ont émis sur le Site Google de la société, émanant de personnes dont le lien avec Mme. [V]-[P] sur les réseaux sociaux est démontré. Ces personnes, M. [T], Mme. [K] et M. [X] y mettaient en exergue le” manque de courtoisie et d’honnêteté de la société Eclats d’Arômes dans les démarches administratives et une approche relation client agressive soulevant des doutes sur son intégrité” ainsi que le “sentiment plus d’un comptable que d’un traiteur”, M. [X] ayant finalement modifié son message pour indiquer “ excellent traiteur et excellent détective privé” reconnaissant par là-même ses liens avec Mme. [V].

A l’appui de sa demande en paiement, la société Eclats d’Arômes produit le bon de retour de l’entreprise “Sur un plateau”, à laquelle elle sous-traite la fourniture et la livraison de la vaisselle, bon faisant état dans la rubrique “ Perte et casse” de trois flûtes 4 verres à vin et 3 verres droits dont elle a demandé le paiement à la société Eclats d’Arômes.

Il résulte de l’article 1417 du code de procédure civile qu’en cas d’opposition à une injonction de payer, le tribunal statue sur la demande en recouvrement. En l’espèce il importe donc peu que la signification de l’injonction de payer ait été ou non régulière dès lors que l’opposition a pour effet de remettre les parties dans l’état antérieur à l’injonction et de permettre au tribunal de statuer sur le bien fondé de la demande, l’injonction étant désormais non avenue du seul fait de l’opposition.

Il n’est pas contestable que la société Eclats d’Arômes, qui produit la facture qui lui a été adressée par son sous-traitant en charge de la vaisselle, facture qui fait foi entre commerçants, est redevable envers ce dernier d’une somme de 69,77 euros pour la casse de 10 verres, soit 6,97 euros le verre.

Mme. [V]-[P] ne saurait, pour échapper au paiement, se retrancher derrière l’absence d’inventaire contradictoire, alors qu’un tel inventaire n’est pas d’usage et qu’il lui appartenait en cas de doute et dès lors qu’elle était informée de la mise à sa charge de la casse, de vérifier l’intégrité de la vaisselle lors de la livraison et du retour, ce qu’elle n’a pas fait.

Elle ne démontre aucune collusion frauduleuse entre la société Eclats d’Arôme et son sous-traitant, l’objet d’une telle collusion pour une somme minime au regard de la prestation paraissant d’ailleurs peu crédible.

Elle ne saurait par ailleurs invoquer l’absence de démonstration d’une faute de ses invités, alors que la clause du contrat met à sa charge la casse quelle qu’en soit la cause.

Il n’apparaît d’ailleurs nullement invraisemblable que sur un total de 280 verres fournis, une dizaine ait été détériorée lors de la soirée, ce qui correspond au cours normal des choses.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, la preuve de la casse apparît suffisamment établie et il convient par conséquent de faire droit à la demande de paiement de la somme modique de 69,77 euros, outre 50 euros au titre des frais.

Mme. [V]-[P], en utilisant, outre les moyens de droit qui lui sont ouverts, des procédés déloyaux visant à dénigrer la société Eclats d’Arômes trahissant un esprit de vengeance a fait preuve d’une intention malicieuse caractérisée. Ce comportement a causé à la société Eclats d’Arômes un préjudice commercial certain au regard de la diffusion importante des avis formulés sur internet, préjudice qu’il convient de réparer en condamnant la défenderesse à lui verser la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Mme. [V]-[P], qui succombe, sera déboutée de ses demandes reconventionnelles.

Les dépens, ainsi que les frais de l’exécution, sont à la charge de la partie perdante à savoir Mme. [V]-[P].

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en dernier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe,

Condamne Mme. [V]-[P] à payer à la société Eclats d’Arômes la somme de 69,77 euros ( soixante sept euros et soixante dix sept centimes) en principal, celle de 50 ( cinquante) euros au titre des frais et celle de 1 000 (mille ) euros à titre de dommages et intérêts,

Condamne Mme. [V]-[P] aux dépens,

Rappelle que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire.

Fait à PARIS, le 19 novembre 2024

le greffier le Président


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