Concurrence déloyale : enjeux de loyauté et de responsabilité professionnelle dans le secteur comptable.

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Concurrence déloyale : enjeux de loyauté et de responsabilité professionnelle dans le secteur comptable.

L’Essentiel : Mme [Y] a été engagée par AEC Conseil Développement en tant qu’expert-comptable le 18 septembre 2017. Le 20 mai 2019, elle a démissionné avec un préavis de trois mois. Peu après, la société BDS a manifesté son intention de l’intégrer. AEC a alors mis fin au préavis de Mme [Y], invoquant des violations contractuelles, et a engagé des procédures judiciaires contre BDS pour concurrence déloyale. Le tribunal de commerce a jugé la demande d’AEC mal fondée, condamnant AEC à verser 1 000 euros à BDS. AEC a interjeté appel, mais la cour a confirmé le jugement initial.

Embauche de Mme [Y]

Mme [W] [Y] a été engagée par la société AEC Conseil Développement en tant qu’expert-comptable par un contrat à durée indéterminée, signé le 18 septembre 2017.

Démission et préavis

Le 20 mai 2019, Mme [Y] a notifié sa démission à la société AEC, en respectant un préavis de trois mois. Ce jour-là, quatre autres salariés de la société ont également démissionné.

Intégration par la société BDS

Le 23 mai 2019, la société BDS a informé AEC de son intention d’intégrer Mme [Y].

Procédures judiciaires

La société AEC a mis fin au préavis de Mme [Y] en invoquant des violations de ses obligations contractuelles et a engagé une procédure en responsabilité devant le conseil de prud’hommes. Parallèlement, elle a assigné la société BDS devant le tribunal de commerce pour concurrence déloyale.

Jugement du tribunal de commerce

Le 30 mai 2023, le tribunal de commerce de Troyes a déclaré la demande de la société AEC mal fondée, l’a déboutée de toutes ses demandes et a condamné AEC à payer 1 000 euros à BDS au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Appel de la société AEC

La société AEC a interjeté appel du jugement le 4 juillet 2023, demandant l’infirmation de la décision et des dommages-intérêts pour concurrence déloyale, ainsi que d’autres mesures contre BDS.

Arguments de la société AEC

AEC reproche à BDS de ne pas avoir pris en compte des éléments de preuve concernant les communications entre Mme [Y] et BDS, ainsi que le non-respect des principes déontologiques. Elle accuse BDS de démarchage de ses clients et de débauchage de ses salariés.

Réponse de la société BDS

BDS a demandé la confirmation du jugement, arguant que le débauchage n’est fautif que s’il y a une démarche active de l’employeur. Elle conteste avoir mené des actions déloyales et souligne que les recrutements ont été effectués par le biais d’annonces publiques.

Éléments de preuve et jugement final

Le tribunal a conclu que la société AEC n’a pas prouvé l’existence d’actes de concurrence déloyale. Les communications de Mme [Y] ne démontraient pas de manœuvres déloyales de BDS, et la société AEC n’a pas prouvé une désorganisation significative suite aux départs de ses salariés.

Décision de la cour

La cour a confirmé le jugement du tribunal de commerce, condamnant la société AEC aux dépens d’appel et à verser 3 000 euros à BDS au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de la responsabilité pour concurrence déloyale selon le Code civil ?

La responsabilité pour concurrence déloyale est régie par les articles 1240 et 1241 du Code civil.

L’article 1240 stipule :

« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

Cet article établit le principe de la responsabilité délictuelle, qui nécessite la démonstration d’une faute, d’un dommage et d’un lien de causalité entre les deux.

L’article 1241 précise quant à lui :

« Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou son imprudence. »

Ainsi, pour engager la responsabilité d’une personne pour concurrence déloyale, il faut prouver qu’elle a commis une faute, que cette faute a causé un dommage à l’autre partie, et qu’il existe un lien de causalité entre la faute et le dommage.

Il est important de noter que l’embauche d’un salarié d’une entreprise concurrente ne constitue pas en soi une faute.

Il faut établir des manœuvres déloyales et prouver que ces manœuvres ont entraîné une désorganisation de l’entreprise concurrente, et non simplement une perturbation ou un déplacement de clientèle.

Quelles sont les implications de la démission d’un salarié sur la concurrence déloyale ?

La démission d’un salarié, comme dans le cas de Mme [Y], soulève des questions sur la légitimité des actions de l’ancien employeur.

L’article L1231-1 du Code du travail stipule que :

« Le contrat de travail peut être rompu à tout moment par l’une ou l’autre des parties, sous réserve du respect d’un préavis. »

Dans le cas présent, Mme [Y] a respecté son préavis de trois mois, ce qui est conforme à la législation.

Cependant, la société AEC a allégué que Mme [Y] avait engagé des discussions avec la société BDS avant la fin de son contrat, ce qui pourrait constituer une violation de ses obligations contractuelles.

L’article 1134 du Code civil précise que :

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. »

Cela signifie que les obligations contractuelles doivent être respectées, et toute violation peut entraîner des conséquences juridiques.

Il est donc essentiel de prouver que Mme [Y] a effectivement manqué à ses obligations avant de conclure à une concurrence déloyale.

Comment la preuve de la concurrence déloyale est-elle établie dans ce cas ?

La preuve de la concurrence déloyale repose sur la démonstration de manœuvres déloyales et de la désorganisation de l’entreprise concurrente.

Le tribunal a souligné que la société AEC devait prouver l’existence de telles manœuvres.

L’article 9 du Code de procédure civile stipule que :

« Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit prouver les faits qui lui donnent droit à cette exécution. »

Dans cette affaire, la société AEC a tenté de prouver que la société BDS avait incité Mme [Y] à démarcher ses clients et à débaucher ses salariés.

Cependant, le tribunal a constaté que les preuves fournies, notamment le procès-verbal de constat d’huissier, ne démontraient pas de manœuvres déloyales de la part de la société BDS.

Il a été établi que les recrutements avaient été effectués par la société BDS à travers des annonces publiques, et non par des démarches actives pour débaucher des salariés de la société AEC.

Quelles sont les conséquences d’un jugement confirmant l’absence de concurrence déloyale ?

Lorsque le tribunal confirme l’absence de concurrence déloyale, comme dans le cas de la société AEC, cela a plusieurs conséquences juridiques.

Tout d’abord, la société AEC est déboutée de ses demandes de dommages et intérêts, ce qui signifie qu’elle ne peut pas obtenir réparation pour les préjudices qu’elle prétend avoir subis.

L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que :

« La partie qui succombe peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Dans ce cas, la société AEC a été condamnée à verser une indemnité à la société BDS, ce qui souligne que la partie perdante doit supporter les frais de la procédure.

Enfin, la confirmation du jugement implique que la société AEC doit également supporter les dépens d’appel, ce qui peut avoir un impact financier significatif sur l’entreprise.

Cela démontre l’importance de fournir des preuves solides et convaincantes lors de la poursuite de réclamations pour concurrence déloyale.

ARRET N°

du 19 novembre 2024

R.G : 23/01074

N° Portalis DBVQ-V-B7H-FLJP

SAS AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT

c/

SARL CABINET BDS ASSOCIES

Formule exécutoire le :

à :

la SCP RCL & ASSOCIES

la SCP DELVINCOURT – CAULIER-RICHARD – CASTELLO AVOCATS ASSOCIES

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 19 NOVEMBRE 2024

APPELANTE :

d’un jugement rendu le 30 mai 2023 par le tribunal de commerce de TROYES

la SAS AEC Conseil Développement, société par actions simplifiée, au capital social de 71. 232 euros, immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de TROYES sous le numéro 428.603.914, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié de droit au siège :

[Adresse 3]

[Localité 1],

Représentée par Me Stanislas CREUSAT, avocat au barreau de REIMS (SCP RCL & ASSOCIES), postulant et par Me Evelyne PERSENOT-LOUIS, avocat au barreau d’AUXERRE (SCP BAZIN-PERSENOT-LOUIS-SIGNORET-CARLO VIGOUROUX), plaidant,

INTIMEE :

la SARL CABINET BDS ASSOCIES, société à responsabilité limitée, au capital de 1.500.000 euros, immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de TROYES sous le numéro 381.212.174, prise en la personne de son gérant domicilié de droit au siège :

[Adresse 4]

[Localité 2],

Représentée par Me Mélanie CAULIER-RICHARD, avocat au barreau de REIMS (SCP DELVINCOURT-CAULIER RICHARD-CASTELLO AVOCATS ASSOCIES), postulant, et par Me Fabien BLONDELOT, avocat au barreau de l’AUBE (SELAS FIDAL), plaidant,

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de la chambre, et Madame Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées. Elles en ont rendu compte à la cour dans son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre,

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de la chambre,

Madame Sandrine PILON, conseillère,

GREFFIER LORS DES DEBATS ET DE LA MISE A DISPOSITION :

Madame Jocelyne DRAPIER, greffier,

DEBATS :

A l’audience publique du 7 octobre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 19 novembre 2024,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2024 et signé par Madame Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre, et Madame Jocelyne DRAPIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Mme [W] [Y] a été embauchée par la société AEC Conseil Développement ( la société AEC) ayant une activité d’expertise-comptable, en qualité d’expert-comptable par contrat à durée indéterminée du 18 septembre 2017.

Par lettre recommandée du 20 mai 2019, elle a notifié à son employeur sa démission, en mentionnant le respect d’un délai de préavis de trois mois.

Quatre autres salariés de la société AEC ont démissionné le même jour ou dans les jours suivants.

Le 23 mai 2019, le cabinet d’expertise comptable BDS associés (la société BDS) a informé la société AEC qu’il allait intégrer Mme [Y].

Invoquant des violations manifestes de Mme [Y] à ses obligations contractuelles envers son employeur, la société AEC a mis un terme à son préavis et engagé contre elle une procédure en responsabilité devant le conseil de prud’hommes de Troyes.

Suivant exploit du 2 mars 2020, la société AEC a également fait assigner la société BDS devant le tribunal de commerce pour la voir condamner à l’indemniser de ses préjudices subis du fait d’actes de concurrence déloyale.

Par jugement du 30 mai 2023, le tribunal de commerce de Troyes a :

– reçu la société AEC en sa demande et l’a déclarée mal fondée,

– débouté la SARL AEC de l’ensemble de ses demandes,

– condamné la SARL AEC aux dépens et à payer à la SARL BDS la somme de 1 000 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

La société AEC a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 4 juillet 2023.

Par conclusions transmises par voie électronique le 24 septembre 2024, elle demande à la cour d’infirmer le jugement et, statuant à nouveau :

A titre principal, de :

– condamner la société BDS à lui payer une somme de 500 000 euros à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale, se décomposant comme suit : 300 000 euros au titre de la perte de clientèle et de valorisation, 150 000 euros au titre du personnel débauché formé qu’il a fallu remplacer et former et aux conditions de travail bouleversées nécessitant de multiples aménagements, démarches et travaux divers, 50 000 euros au titre du préjudice moral lié à la perte d’image du cabinet, ce outre intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir conformément aux dispositions de l’article 1231-7 du code civil,

– ordonner à la société BDS de cesser tout acte direct ou indirect de sollicitation des clients du cabinet AEC sous astreinte définitive de 5 000 euros par infraction constatée,

– débouter la société BDS de toutes ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire,

– juger que la société BDS a commis des actes de concurrence déloyale à son préjudice et doit l’indemniser de son préjudice,

– avant-dire- droit concernant le montant du préjudice,

– ordonner une mesure d’expertise judiciaire et à cette fin, désigner un expert inscrit sur la liste des experts dépendant de la cour d’appel de Reims avec la mission suivante :

– convoquer les parties et leurs conseils ;

– se faire assister le cas échéant et si besoin de tout sachant ;

– se faire remettre l’ensemble des pièces et documents contractuels et tous éléments nécessaires pour remplir la mission ;

– au vu des pièces communiquées, chiffrer les différents préjudices subis par la société AEC Conseil Développement en termes de perte de clientèle, de valorisation du cabinet AEC Conseil Développement, de coûts de formation et de temps passé pour faire face aux bouleversements induits par le départ des salariés démissionnaires en juin 2019, du préjudice moral lié à la perte d’image du cabinet,

– débouter la société BDS de toutes ses demandes, fins et conclusions,

En toutes hypothèses,

– ordonner à la société BDS de cesser tout acte direct ou indirect de sollicitation des clients du cabinet AEC sous astreinte définitive de 5 000 euros par infraction constatée,

– condamner la société BDS à payer à la société AEC une somme de 15 000 euros, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Cabinet BDS Associés aux entiers dépens de la procédure qui comprendront le coût du constat d’huissier en date du 5 juillet 2019.

Elle fait reproche au jugement de ne pas tenir compte des pièces produites concernant les conversations échangées entre Mme [Y] et les dirigeants de la société BDS, ni du caractère réglementé de la profession et des principes déontologiques, qui obligent d’autant plus à respecter les principes élémentaires de loyauté et d’honnêteté entre concurrents.

Elle invoque un démarchage de ses clients et un débauchage de ses salariés qu’elle impute à des agissements fautifs du cabinet BDS, commis au moyen de manquements de Mme [Y] à ses obligations professionnelles. Elle souligne notamment que cette dernière était en contact avec les responsables de la société BDS avant même la fin de son contrat de travail.

Elle ajoute que ces faits ont conduit à une désorganisation de ses services au regard des conditions de départ des salariés, expérimentés dans le domaine de la comptabilité agricole, dans lequel peu de salariés sont formés et de la nécessité de préparer les dossiers en partance au préjudice du travail sur les dossiers en cours, le tout à la veille des congés d’été. Elle précise que le dirigeant du cabinet AEC a finalement préféré quitter ses fonctions et que le cabinet a été vendu.

Elle soutient que ses demandes indemnitaires contre la société BDS ne sont pas redondantes avec celles présentées contre Mme [Y] dans le cadre de la procédure prud’homale, alors que les fondements desdites demandes ne sont pas les mêmes.

Par conclusions transmises par voie électronique le 24 septembre 2024, la société BDS sollicite la confirmation du jugement et, en conséquence, le rejet de l’ensemble des prétentions de la société AEC ainsi que sa condamnation à lui verser une somme de 12 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle rappelle le principe de la liberté de la concurrence, et dit que le débauchage n’est fautif qu’en présence d’une démarche active du nouvel employeur, engendrant une véritable désorganisation. Or elle conteste toute démarche proactive de sa part, expliquant que les recrutements en cause se sont faits à l’aune d’annonces qu’elle avait diffusées par différents moyens et que le personnel recruté se plaignait du climat social au sein de la société AEC. Elle nie l’existence d’une désorganisation de son concurrent au regard des effectifs et ressources dont il dispose et en l’absence de preuve que la société AEC n’aurait pas été en capacité de gérer les obligations déclaratives.

Elle conteste également toute faute dans le départ de clients de la société AEC expliquant que l’intuitu personae est primordial dans le secteur du conseil et que le départ d’un expert-comptable emporte nombre de clients à sa suite. Elle souligne que la société AEC ne formule pas ses critiques envers elle, ses griefs visant Mme [Y], à une époque où celle-ci n’avait pas intégré ses services. Elle soutient que les préjudices invoqués ne sont pas justifiés.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 30 septembre 2024, l’affaire étant renvoyée pour être plaidée le 7 octobre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Fondée sur les dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil, la responsabilité née d’une concurrence déloyale suppose la réunion de trois éléments : une faute commise par la personne dont la responsabilité est engagée, un dommage et un lien de causalité entre ce dommage et le comportement reproché. Il s’agit d’une responsabilité du fait personnel qui ne peut être dirigée que contre la personne ayant commis les actes fautifs.

L’embauche par un employeur d’un salarié ayant appartenu à une entreprise exerçant une activité dans le même secteur ne fait pas présumer, par elle même, de l’existence d’un acte de concurrence déloyale. Il doit être établi concrètement d’une part l’existence de manoeuvres déloyales et d’autre part que les faits invoqués ont entraîné la désorganisation du fonctionnement de l’entreprise concurrente et non une simple perturbation ou un déplacement de clientèle.

La société AEC reproche à la société BDS d’avoir utilisé Mme [Y] et les outils mis à la disposition de celle-ci dans le cadre de son contrat de travail pour conduire ses clients à rejoindre un concurrent et désorganiser sa société. Elle ajoute que la société BDS a mené une action concertée et délibérée en préparant le départ concomitant de 5 de ses salariés ainsi que des clients dont ils avaient la charge.

Il est constant que Mme [Y] a informé la société AEC, son employeur, de sa volonté de démissionner par courrier du 20 mai 2019.

Il ressort du procès verbal de constat d’huissier daté du 5 juillet 2019, qui retrace les communications et SMS de Mme [Y], que cette dernière a commencé dès le mois de février 2019 à envisager les conditions de sa future association au sein de la société BDS, en ‘apportant’ des clients de la société AEC pour environ 250 000 euros, clients qu’elle a activement démarchés jusqu’à la date de sa mise à pied pour qu’ils résilient leur contrat avec la société AEC au profit de la société BDS. Ces conversations établissent également qu’elle a participé au débauchage de 4 salariés de la société AEC, 3 d’entre eux ayant d’ailleurs envoyé leur démission le même jour que Mme [Y] au moyen de courriers rédigés selon le même modèle et le 4ème ayant envoyé sa lettre de démission le 3 juin 2019.

Contrairement aux affirmations de l’appelante, ce procès verbal ne contient aucun élément permettant d’établir la réalité des manoeuvres déloyales employées par la société BDS pour détourner les salariés de la société AEC vers elle alors qu’elle avait plusieurs postes à pourvoir dont les annonces figuraient sur son site internet et qu’elle les avaient également publiées sur les réseaux sociaux ainsi qu’auprès de l’agence pour l’emploi et ce dès le mois de février 2019 soit bien avant la démission de Mme [Y]. Les démarches effectuées par cette dernière avant de quitter son emploi et de s’enquérir d’une possibilité d’association avec d’autres sociétés d’expertise comptable, telles qu’elles ressortent du procès verbal de constat du 5 juillet 2019, ne peuvent être considérées comme des manoeuvres déloyales commises par la société BDS au préjudice de la société AEC. Au contraire les échanges de SMS, et notamment celui du 23 mai 2019 entre Mme [Y] et Mme [I] démontrent que le personnel de la société AEC s’était manifesté auprès de la société BDS pour y être recruté sans qu’il y ait une démarche active de la société BDS autre que la publication d’annonces d’emploi.

Les autres pièces versées aux débats ne sont pas non plus de nature à établir l’existence d’un quelconque acte de concurrence déloyale, la preuve d’une désorganisation de la société AEC après le départ de cinq de ses salariés n’étant pas non plus rapportée. Il sera à cet égard relevé que dans les jours suivant le départ de ces derniers la société AEC a communiqué qu’elle appartenait à un groupe ‘fort d’une équipe de 30 experts comptables, 30 bureaux et environ 400 collaborateurs’ et elle a ensuite rapidement recruté un nouvel expert-comptable en remplacement de Mme [Y].

La société AEC n’invoque nullement s’être trouvée dans l’incapacité de faire face notamment à ses obligations déclaratives auprès de l’administration fiscale. Les témoignages qu’elle verse aux débats ne font état que du temps supplémentaire qu’il a fallu dégager pour former le personnel nouvellement recruté pour palier les départs et pour rassurer les clients ainsi que de la gène occasionnée par le départ de plusieurs salariés dans un court laps de temps, une telle gêne étant inhérente à la vie d’une entreprise.

Enfin et ainsi que l’indique à juste titre le tribunal, la société AEC ne démontre pas l’existence d’actes de démarchage direct de la société BDS pour récupérer les clients de Mme [Y], les agissements fautifs invoqués par l’appelante concernant l’attitude de son ancienne salarié et non pas celle de la société qu’elle a rejoint à une période où elle faisait encore partie de son personnel.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le tribunal a rejeté les demandes de la société AEC faute pour cette dernière de rapporter la preuve des actes de concurrence déloyale qu’elle reprochait à la société BDS, le jugement étant confirmé en toutes ses dispositions.

La société AEC qui succombe, doit supporter les dépens d’appel et ne peut prétendre à une indemnité de procédure. Elle versera à la société BDS une indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile selon les modalités fixées au dispositif de la présente décision.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Condamne la société AEC Conseil Développement aux dépens d’appel ;

Condamne la société AEC Conseil Développement à payer à la société BDS Associés la somme de 3 000 euros au titre des dispositions prévues par l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente de chambre,


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