Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 22 novembre 2019
Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 22 novembre 2019

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel d’Aix-en-Provence

Thématique : Connexions abusives du journaliste : nécessité d’une preuve concrète

Résumé

Les connexions établies par un salarié sur l’ordinateur professionnel sont présumées avoir un caractère professionnel. Toutefois, en cas d’accusation d’utilisation abusive d’internet, il incombe à l’employeur de fournir des preuves concrètes. Dans cette affaire, les 73 pages de listings de connexions présentées étaient illisibles et ne permettaient pas de distinguer les usages personnels des professionnels. De plus, l’attestation d’une collègue, évoquant un comportement inapproprié du salarié, ne suffisait pas à établir une faute. En l’absence de preuves matérielles, le licenciement a été jugé sans cause réelle et sérieuse.

Les documents et fichiers détenus par un salarié sur l’ordinateur mis à sa disposition par l’employeur sont présumés professionnels et peuvent donc être ouverts et consultés par l’employeur en dehors de la présence de l’intéressé.  Par ailleurs les connexions établies par le salarié pendant son temps de travail sur des sites internet grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour l’exécution de son travail sont présumées avoir un caractère professionnel. Si l’utilisation personnelle et abusive d’internet à partir de l’ordinateur professionnel peut constituer une faute grave, il appartient à l’employeur d’en rapporter la preuve.

Preuve insuffisante par l’employeur

En l’espèce, l’employeur
a versé aux débats 73 pages de listings de connexions internet ne permettant
pas d’identifier (pages illisibles, nature des sites ou connexion non
identifiable…) ni de discriminer celles qui étaient de nature personnelle de
celles de nature professionnelle.

Le salarié
journaliste a justement observé que la nature de son activité de journaliste pouvait
impliquer des contacts par les réseaux
sociaux et la consultation de site permettant de s’informer. Ces listings
résultant de captures d’écran portaient un horaire de consultation mais pas de
date permettant de déterminer la période concernée. Aucun élément ne permettait
de quantifier la durée journalière de connexion internet.

L’employeur s’est
également appuyé en vain sur l’attestation d’une collègue selon laquelle «au
quotidien et par provocation il passait ses journées les pieds sur le bureau, à
surfer sur internet encore plus que d’habitude».

Faute de produire
des éléments matériellement vérifiables, ces deux éléments ne suffisaient pas à
rapporter la preuve d’une utilisation personnelle et abusive d’internet pendant
les horaires de travail, que le salarié était en outre libre d’organiser aux
termes de son contrat de travail.

Effacement des données par le salarié

L’employeur a
également reproché au salarié d’avoir effacé l’ensemble des données de
l’ordinateur et du téléphone portable mis à sa disposition. A l’appui de ce grief l’employeur ne s’appuyait
que sur l’attestation d’une collègue qui affirmait que «le jour de sa
mise à pied à titre conservatoire, il a immédiatement effacé le disque dur de
son ordinateur de bureau, ainsi que tous les contacts professionnels dans le
téléphone portable fourni par la société. La base de contact étant un outil
essentiel pour les journalistes». Cependant cette seule assertion, qui n’était
pas corroborée par des éléments objectifs, ne caractérisait pas la faute
alléguée.

Au total, faute pour la société de production d’avoir satisfait complètement à son obligation probatoire, le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse. Télécharger la décision

 


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