Résolution d’un contrat de vente pour manquement à l’obligation de délivrance d’un certificat d’immatriculation

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Résolution d’un contrat de vente pour manquement à l’obligation de délivrance d’un certificat d’immatriculation

Acquisition du véhicule

Le 29 septembre 2022, M. [E] [G] a acheté un véhicule Mitsubishi Pajero auprès de la SAS SL Automobile pour un montant de 11.500 euros, incluant la reprise de son ancien véhicule Mercedes Vito pour 6.500 euros. Un certificat d’immatriculation provisoire a été remis, valable jusqu’au 26 novembre 2022.

Transmission de la propriété

Après le décès de M. [E] [G] le 2 novembre 2022, sa fille, Mme [I] [G], est devenue propriétaire du véhicule. Elle a tenté à plusieurs reprises d’obtenir le certificat d’immatriculation définitif, mais sans succès. Le 30 octobre 2023, elle a mis en demeure la société SL Automobile de lui remettre ce certificat.

Assignation en justice

Le 22 décembre 2023, Mme [I] [G] a assigné la société SL Automobile devant le tribunal judiciaire de Béthune, demandant la résolution de la vente et la restitution du prix d’achat, ainsi que des dommages et intérêts pour divers préjudices. La société SL Automobile n’a pas comparu à l’audience.

Obligation de délivrance

Le tribunal a rappelé que la délivrance du certificat d’immatriculation est une obligation essentielle du vendeur. En l’absence de ce document, le véhicule ne peut être utilisé, ce qui constitue un manquement à l’obligation de délivrance de la part de la société SL Automobile.

Décision du tribunal

Le tribunal a prononcé la résolution de la vente, ordonnant à la société SL Automobile de restituer à Mme [I] [G] la somme de 11.500 euros, avec intérêts, et de reprendre possession du véhicule. Mme [I] [G] doit restituer le véhicule et les documents associés.

Indemnités et frais

La société SL Automobile a été condamnée à verser à Mme [I] [G] 1.000 euros pour préjudice de jouissance et 4.410 euros pour les frais de gardiennage. Des frais mensuels de 420 euros ont également été fixés jusqu’à la reprise du véhicule.

Frais de justice

La société SL Automobile a été condamnée aux dépens et à verser 850 euros à Mme [I] [G] au titre des frais de justice selon l’article 700 du code de procédure civile.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

5 novembre 2024
Tribunal judiciaire de Béthune
RG n°
24/00012
1ère chambre civile

[I] [G]

c/
Société SL AUTOMOBILE

copies et grosses délivrées
le

à Me COCKENPOT (DOUAI)
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BÉTHUNE

N° RG 24/00012 – N° Portalis DBZ2-W-B7H-H7DG
Minute: /2024

JUGEMENT DU 05 NOVEMBRE 2024

DEMANDERESSE

Madame [I] [G] née le 22 Mars 1983 à SAINTE CATHERINE, demeurant 8 Chemin des Noisetiers – 74500 EVIAN LES BAINS

représentée par Me Alain COCKENPOT, avocat au barreau de DOUAI

DEFENDERESSE

Société SL AUTOMOBILE, dont le siège social est sis 46 Bld Malik Oussekine – 62740 FOUQUIERES LES LENS

défaillant

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Présidente : LAMBERT Sabine, Vice-présidente, siègeant en Juge Unique

Assistée lors des débats de SOUPART Luc, greffier principal.

DÉBATS:

Vu l’ordonnance de clôture en date du 05 Juin 2024 fixant l’affaire à plaider au 03 Septembre 2024 à l’audience de juge unique.

A la clôture des débats en audience publique, l’affaire a été mise en délibéré et les parties ont été avisées que le jugement serait mis à la disposition au Greffe au 05 Novembre 2024.

Le tribunal après avoir délibéré, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort.

EXPOSE DU LITIGE

Le 29 septembre 2022, M. [E] [G] a acquis auprès de la SAS SL Automobile un véhicule Mitsubishi de type Pajero, immatriculé WW-613-TX, au prix de 11.500 euros, incluant la reprise de son ancien véhicule Mercedes Vito pour un montant de 6.500 euros, la carte grise étant offerte.

Lors de la cession, un certificat d’immatriculation provisoire valable du 27 juillet au 26 novembre 2022 lui a été remis.

Suite au décès de M. [E] [G] le 2 novembre 2022, le véhicule appartient désormais à sa fille, Mme [I] [G], laquelle après plusieurs relances, a mis en demeure par courrier recommandé avec accusé de réception du 30 octobre 2023 signé le 3 novembre 2023, la société SL Automobile de lui remettre le certificat définitif d’immatriculation avant le 7 novembre 2023 sous peine de résolution du contrat.

Par exploit en date du 22 décembre 2023, Mme [I] [G] a assigné la société SL Automobile devant le tribunal judiciaire de Béthune aux fins de voir celle-ci, au visa des articles 1604 et suivants du code civil :
ordonner la résolution de la vente du véhicule Mitsubishi de type Pajero immatriculé WW-613-TX moyennant le prix de 11.500 euros incluant la reprise d’un véhicule Mercedes Vito pour la somme de 6.500 euros ;
condamner en conséquence la société SL Automobile à restituer à Mme [I] [G] la somme de 11.500 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 30 octobre 2023 ;
condamner la société SL Automobile à payer à Mme [I] [G] la somme de 393,21 euros au titre des frais d‘assurance du véhicule avant résiliation de l’assureur ;
condamner la société SL Automobile à payer à Mme [I] [G] la somme de 4.410 euros au titre des frais de gardiennage du véhicule, somme arrêtée la date du 14 novembre 2023 ;
condamner la société SL Automobile à payer à Mme [I] [G] la somme de 420 euros mensuels au titre des frais de gardiennage postérieurs au 14 novembre 2023, somme à parfaire à la date de restitution du prix de vente du véhicule ;
condamner la société SL Automobile à payer à Mme [I] [G] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour trouble de jouissance et résistance abusive ;
condamner la société SL Automobile à payer à Mme [I] [G] la somme de 3.600 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Bien que régulièrement assignée par acte remis à personne morale, la société SL Automobile n’a pas comparu.

Au cours de l’audience d’orientation, le Président a ordonné la clôture de l’instruction de la procédure le 05 juin 2024 et il a fixé l’affaire pour plaidoiries à l’audience des débats du 3 septembre 2024, devant le juge unique. A l’issue des débats, le prononcé de la décision a été reporté pour plus ample délibéré au 5 novembre 2024.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens et prétentions de la demanderesse à son acte introductif d’instance en l’absence de conclusions signifiées postérieurement.

MOTIFS DU JUGEMENT

Sur non comparution de défendeur

En application de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

La présente décision étant susceptible d’appel, il sera statué par jugement réputé contradictoire conformément à l’article 473 de ce même code.

Sur l’obligation de délivrance

Aux termes de l’article 1604 du code civil, la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l’acheteur.

L’article 1615 du code civil précise que l’obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui est destiné à son usage perpétuel.

Le certificat d’immatriculation est un document obligatoire qui permet la mise en circulation du véhicule vendu. Sa remise constitue une obligation contractuelle essentielle pesant sur le vendeur.
Il s’agit d’une obligation de résultat et il incombe au vendeur de rapporter la preuve de sa délivrance.

Enfin, il résulte de l’article 1610 du code civil que si le vendeur manque à faire la délivrance dans le temps convenu entre les parties, l’acquéreur pourra, à son choix, demander la résolution de la vente, ou sa mise en possession, si le retard ne vient que du fait du vendeur.

En l’espèce, Mme [I] [G] démontre que le véhicule en litige a été acquis auprès de la société SL Automobiles par son père, M. [E] [G] suivant certificat de cession en date du 29 septembre 2022, étant précisé que le bon de commande comportait la mention « carte grise offerte ». Un certificat d’immatriculation provisoire valable du 27 juillet au 26 novembre 2022 a été remis lors de la cession.

Suivant acte de notoriété du 9 janvier 2023 délivré par maitre [F], notaire, Mme [I] [G], héritière de son père décédé, est désormais propriétaire de ce véhicule.

Il est justifié que malgré plusieurs relances, celle-ci n’a jamais pu obtenir le certificat d’immatriculation définitif malgré l’engagement du vendeur.

La société SL Automobile a en effet répondu par courriel en date du 14 septembre 2023 : « Au vu du contexte que nous rencontrons, c’est-à-dire le décès de ce dernier, nous ne sommes plus habilités à poursuivre les démarches de carte grise auprès de l’ANTS. Nous invitons donc Mme [G] [I] à venir récupérer le dossier complet afin de continuer de son côté les démarches étant donné qu’elle est titulaire. Si elle le souhaite, nous pouvons également lui envoyer par voie postale directement à son domicile. Dans ce cas veuillez nous transmettre son adresse postale. »

Dans un autre courriel daté du 13 octobre 2023, la société SL Automobile a indiqué : « Après étude de votre dossier, nous avons constaté que l’ANTS réclamait une DREAL afin que le véhicule soit homologué en France. Par conséquent, pourriez-vous s’il vous plaît nous déposer votre véhicule assez rapidement afin d’effectuer cette inspection auprès de la DREAL de Béthune. À votre arrivée nous vous ferons signer un mandat indiquant que vous donnez accord que la société SL Automobile effectuera ces démarches en votre nom. »

Mme [I] [G] justifie avoir vainement demandé l’original du retour de l’ANTS et le numéro de demande afin de vérifier la difficulté évoquée avec la DREAL.

Il n’est ainsi pas contestable que depuis le 26 novembre 2022, le véhicule ne dispose plus d’aucun certificat d’immatriculation, ce qui par définition le rend inutilisable dès lors qu’il n’est plus en qualité de rouler puisqu’il ne peut dans cette situation bénéficier d’une assurance.

Il est dès lors suffisamment démontré que le vendeur ne prouve avoir mis la chose vendue et ses accessoires à la disposition du propriétaire actuel du bien dans le délai convenu, ce qui caractérise un manquement à l’obligation de délivrance. Tel pourrait également être le cas, sous réserve de vérification, de l’absence d’homologation en France.

Au regard de ce qui précède, il convient de faire droit à la demande principale de Mme [I] [G] et de prononcer la résolution du contrat de vente pour inexécution par le vendeur de son obligation de délivrance.

La résolution du contrat emporte anéantissement de celui-ci. Les parties doivent être remises dans l’état où elles se trouvaient antérieurement à la vente.

La société SL Automobile sera donc condamnée à restituer à Mme [I] [G] la somme de 11.500 euros en remboursement du prix d’achat du véhicule incluant la reprise d’un véhicule Mercedes Vito pour la somme de 6.500 euros, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2023, date de l’assignation.

En application de la résolution, Mme [I] [G] sera tenue de restituer le véhicule, les clés et documents afférents, à charge pour société SL Automobile d’en reprendre possession à l’endroit où il est immobilisé et dont l’adresse lui sera communiquée au besoin par Mme [I] [G].

Sur les demandes indemnitaires

Aux termes de l’article 1611 du code civil, le vendeur doit dans tous les cas être condamné aux dommages et intérêts s’il résulte un préjudice pour l’acquéreur du défaut de délivrance au terme convenu.

L’article 9 du code de procédure civile dispose qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

L’existence du préjudice, son étendue et l’évaluation de la créance de réparation relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond.

La société SL Automobile, professionnel de la vente de véhicules, a manqué à son obligation de délivrance justifiant la résolution de la vente, de sorte que sa faute contractuelle est établie.

Sur les frais de gardiennage

Mme [I] [G] justifie d’une facture en date du 14 novembre 2023 correspondant à un gardiennage du véhicule depuis le 2 janvier 2023 moyennant un forfait mensuel de 350 euros HT par mois, soit un total de 3.675 euros HT (4.410 euros TTC).

Dès lors que le véhicule ne peut circuler et qu’aucun élément ne démontre qu’il était susceptible d’être remisé au domicile de Mme [I] [G], la réclamation à ce titre n’apparaît pas excessive, de sorte qu’il y a lieu de condamner la société SL Automobile à payer à Mme [I] [G] la somme de 4.410 euros TTC au titre du gardiennage du 2 janvier 2023 au 14 novembre 2023, puis à hauteur de 420 euros par mois à compter de cette date jusqu’à la reprise du véhicule à ses frais par la société SL Automobile.

Sur les frais de jouissance et la résistance abusive
L’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits et la défense à une action en justice introduite à son encontre, n’est pas en soi, constitutive d’une faute susceptible de justifier l’octroi d’une indemnité pour résistance abusive.

Il est en revanche établi que Mme [I] [G] n’a pas pu faire usage du véhicule en l’absence de certificat d’immatriculation. Elle a donc subi un préjudice de jouissance causé par la faute de la société SL Automobile depuis le 9 janvier 2023, date à laquelle elle a justifié auprès d’elle de ce que le véhicule lui appartenait par dévolution successorale.
Il convient toutefois de prendre en considération qu’elle ne justifie pas avoir été contrainte d’acquérir un autre véhicule pour son quotidien ou la nécessité de se rendre sur son lieu de travail.

Il convient de réparer le préjudice de jouissance subi en condamnant la société SL Automobile à lui payer une somme de 1.000 euros à ce titre.

Sur les frais d’assurance

Mme [I] [G] justifie de ce que la cotisation annuelle du véhicule auprès de la MACIF était de 393,21 euros pour la période du 1er avril 2023 au 31 mars 2024. Toutefois, selon courrier du 11 juillet 2023, ce contrat a été résilié à la date du 10 août 2023, la MACIF ayant indiqué que le compte présentait un avoir de 592,22 euros. Faute de pouvoir déterminer le montant de la cotisation réellement acquittée, la demande sera rejetée.

Sur les frais du procès

En vertu de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens.

En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou, à défaut la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

La société SL Automobile qui succombe à titre principal, sera condamnée aux dépens ainsi qu’à payer à Mme [I] [G] la somme de 850 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe et rendu en premier ressort ;

PRONONCE la résolution de la vente du véhicule de marque Mitsubishi de type Pajero, immatriculé WW-613-TX passée le 29 septembre 2022 pour un prix de 11.500 euros incluant la reprise d’un véhicule Mercedes Vito pour la somme de 6.500 euros entre d’une part M. [E] [G] et d’autre part la SAS SL Automobile ;

CONDAMNE la SAS SL Automobile à restituer à Mme [I] [G] la somme de 11.500 euros au titre du remboursement du prix augmentée des intérêts au taux légal à compter 22 décembre 2023;

ORDONNE la restitution par Mme [I] [G] à la SAS SL Automobile du véhicule de marque Mitsubishi de type Pajero, immatriculé WW-613-TX, et ce, aux frais exclusifs de la société défenderesse ;

CONDAMNE la société SL Automobile à verser à Mme [I] [G] à payer la somme de 1.000 euros au titre du préjudice de jouissance ;

CONDAMNE la société SL Automobile à verser à Mme [I] [G] la somme de 4.410 euros au titre des frais de gardiennage du 2 janvier 2023 au 14 novembre 2023, puis à hauteur de 420 euros par mois à compter de cette date jusqu’à la reprise du véhicule par la société SL Automobile à ses frais exclusifs ;

DEBOUTE Mme [I] [G] du surplus de ses demandes non satisfaites ;

CONDAMNE la SAS SL Automobile à verser à Mme [I] [G] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société SL Automobile aux dépens.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


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