Sur le terrain des pratiques trompeuses de consommation, une messagerie électronique est « insécable » dès lors que les documents de messagerie litigieux, issus d’un logiciel de messagerie électronique, sont stockés dans un fichier unique pour l’ensemble des services fournis à l’utilisateur et que la sélection message par message aurait pour effet de modifier les références électroniques des fichiers déplacés et d’en affecter l’authenticité.
Dans l’hypothèse où ont été appréhendés des documents protégés par le secret des correspondances avocat-client, la protection de la vie privée, ou étrangers aux besoins de l’enquête, la conséquence encourue n’est pas l’annulation de l’ensemble des opérations de visite et de saisies, mais simplement la restitution par destruction des seuls documents en question, avec interdiction d’en conserver une copie ou de les utiliser de quelque manière que ce soit. Si les correspondances échangées entre le client et son avocat sont, en toutes matières, couvertes par le secret professionnel, il demeure qu’elles peuvent notamment être saisies dans le cadre des opérations de visites prévues par la loi dès lors qu’elles ne concernent pas l’exercice des droits de la défense, de sorte que le premier président, statuant sur la régularité de ces opérations ne peut ordonner la restitution des correspondances entre l’occupant des lieux visités et un avocat en raison de leur confidentialité que si celles-ci sont en lien avec l’exercice des droits de la défense. Les saisis ne peuvent se contenter d’identifier les courriers concernés, mais doivent apporter les éléments de nature à établir que ces courriers étaient en lien avec l’exercice des droits de la défense. Un fichier de messagerie doit être regardé comme étant un fichier informatique indivisible qui peut être saisi dans son entier s’il est susceptible de contenir des éléments intéressant l’enquête, car il est difficilement envisageable d’individualiser sur place au cours des opérations les seuls messages pertinents, en les analysant un à un, au risque de paralyser le fonctionnement de l’entreprise et de réduire l’efficacité de l’enquête, la saisie globale de messageries garantissant l’intégrité et l’authenticité des éléments de preuve, en évitant d’altérer des métadonnées des fichiers. La copie intégrale des fichiers de messageries, sans individualisation de chaque message et leur saisie dans leur globalité, dès lors qu’ils contiennent des éléments pour partie utiles à la preuve des agissements présumés, ne méconnaissent pas les exigences de l’article 8 de la Convention de européenne des droits de l’homme, ces mesures étant prévues par la loi qui permet aux enquêteurs de saisir tous documents ou supports d’information en rapport avec les agissements prohibés visés par l’autorisation et n’étant pas en elles-mêmes disproportionnées. Tel est le cas des messageries de type Microsoft Outlook qui ont été saisies dans le cadre des OVS contestées, contenant des données qui n’étaient ni divisibles, ni étrangères au but de l’autorisation accordée. Il résulte de ce qui précède que les OVS contestées ne présentent pas de caractère massif et indifférencié. Toutefois, attention aux mentions des PV : une messagerie saisie doit être mentionnée au procès verbal car même s’il est plausible, comme le fait valoir la DGCCRF, que la messagerie désignée à l’inventaire se trouvait sur le réseau des sociétés concernées, il n’en demeure pas moins que l’absence au procès-verbal mentionné ci-dessus de toute mention de la saisie de la messagerie de l’intéressé a pour conséquence l’irrégularité de cette saisie, |
→ Résumé de l’affaireL’affaire concerne des opérations de visite et de saisie menées par la DGCCRF dans les locaux de plusieurs sociétés et associations liées au secteur de la porcelaine, suite à des soupçons de pratiques commerciales trompeuses. Les sociétés et associations concernées ont contesté la légalité de ces opérations, arguant d’une absence de justification et d’une atteinte aux droits de la défense. La DGCCRF a défendu la légitimité de ses actions, soulignant l’existence d’indices justifiant les opérations. L’avis de l’avocat général soutient la position de la DGCCRF. L’affaire est en attente d’une décision finale.
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→ Les points essentielsSUR LA JONCTIONLes affaires enregistrées sous les numéros de RG : 23/00034 ( appels de l’ordonnance du JLD ), et 23/00035, 23/00036, 23/00037, 23/00038, 23/00039, 23/00064 ( recours contre le déroulement des opérations de visite et de saisies autorisées par cette même ordonnance ) présentent un lien étroit, tel qu’il est de l’intérêt d’une bonne justice de les juger ensemble et d’en ordonner la jonction en application des dispositions de l’article 367 du code de procédure civile. SUR LES APPELS DE L’ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTES ET DE LA DETENTIONSur les moyens présentés par les sociétés [N], Limousine de fabrication de porcelaine (SLFP) et SCI de la grange batelière Concernant les éléments figurant au dossier Il est soutenu par ces sociétés que ceux-ci sont insuffisants à fonder l’ordonnance entreprise. CONCERNANT LE RISQUE DE DISSIMULATION OU DE DESTRUCTION DE PREUVESLe JLD a notamment retenu que « la mise en oeuvre de pratiques consistant à masquer la véritable origine des produits vendus est par nature occulte et que les documents nécessaire à la preuve des agissements répréhensibles sont vraisemblablement conservés dans des lieux et sous une forme qui facilitent leur dissimulation ou leur destruction en cas de vérification », que « le système de traçabilité et la complexité de l’organisation du groupe [N] ne permettent pas à l’administration, dans le cadre de l’utilisation de ses pouvoirs d’enquête ordinaires, de s’assurer de l’origine exacte des produits commercialisés sous une allégation d’origine France par la S.A. [N] », que « l’administration relève que l’organisme certificateur Certipaq, dans le cadre de sa mission de vérification de l’IG Porcelaine de Limoges, n’a pas observé d’anomalie lors de ses vérifications ni d’achat effectué à l’extérieur du groupe », et en a déduit « que l’utilisation des pouvoirs d’enquête ordinaires prévus à la section 2 du chapitre II du livre V du code de la consommation n’est pas adaptée pour permettre à l’administration de corroborer ses soupçons » et que « le recours aux pouvoirs issus des articles L513-51 à L512-65 du code de la consommation constitue donc le seul moyen d’atteindre les objectifs recherchés. » CONCERNANT L’EXAMEN DU BIEN-FONDE DE LA REQUETE PAR LE JUGE DES LIBERTES ET DE LA DETENTIONIl est soutenu que l’ordonnance du JLD contient des erreurs qui indiquent que ce magistrat n’a pas vérifié les informations et pièces soumises à son examen, lesquelles porteraient : – sur la durée de l’approvisionnement du groupe [N] en Malaisie, estimée « au minimum entre 2002 et 2013 » alors que l’arrêt de la cour d’appel de Paris relevait que les commandes avaient cessé en avril 2012, la dernière livraison étant annoncée le 25 mai 2012 ; – sur le calcul du poids total des importations de décalcomanies vitrifiables en provenance de Chine, qui devrait être de 97,5 tonnes, à raison de 3,9 millions de décalcomanies de 25 grammes chacune, et non d’une tonne comme mentionné dans la requête et l’ordonnance ; – sur la mention d’importations pour « 803 311,67 euros d’un pays d’Asie de l’est », alors que les données jointes à la requête révèlent que cette somme intègre des achats auprès de pays du continent indien (Sri-Lanka) ou d’Asie du sud-est ( Malaise et Thaïlande) ; CONCERNANT LA PROPORTIONNALITEIl est soutenu que l’ordonnance doit être annulée en ce qu’elle constitue une mesure manifestement disproportionnée au regard de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, car des moyens d’enquête ordinaires auraient été suffisants pour permettre à la DGCCRF de procéder aux vérifications souhaitées, et l’objet des opérations de visite et de saisie défini par cette ordonnance et son champ d’application dépassent les comportements visés par l’enquête et la requête. Les montants alloués dans cette affaire: – Indemnité globale de 3000 euros pour l’association pour l’indication géographique « porcelaine de Limoges », l’association pour l’inscription de la porcelaine de Limoges au patrimoine immatériel de l’Unesco et l’Union des fabricants de porcelaine de Limoges
– Dépens pour les sociétés [N] S.A, Limousine de fabrication de porcelaine et SCI de la grange batelière ainsi que la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes |
→ Réglementation applicable– Article 367 du code de procédure civile
– Article L512-51 du code de la consommation – Article L121-1 du code de la consommation – Article L121-2 du code de la consommation – Article L512-15 du code de la consommation – Article L512-59 du code de la consommation – Article L512-62 du code de la consommation – Article L512-53 du code de la consommation – Article L512-52 du code de la consommation – Article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – S.A. [N]
– S.A.S. SOCIETE LIMOUSINE DE FABRICATION DE PORCELAINE – S.C.I. LAGRANGE BATELIERE – Association POUR L’INDICATION GEOGRAPHIQUE ‘PORCELAINE DE LIMOGES’ – Association POUR L’INSCRIPTION DE LA PORCELAINE DE LIMOGES AU PATRIMOINE IMMATERIEL DE L’UNESCO – Association L’UNION DES FABRICANTS DE PORCELAINE DE LIMOGES |
→ Mots clefs associés & définitions– Motifs
– Jonction – Appels de l’ordonnance du Juge des Libertés et de la Détention – Moyens présentés par les sociétés [N], Limousine de fabrication de porcelaine (SLFP) et SCI de la grange batelière – Eléments figurant au dossier – Reportages télévisés – Auditions de témoins anonymes – Arrêt de la cour d’appel de Paris – Système de traçabilité des produits – Déclarations douanières – Rupture des relations commerciales – Risque de dissimulation ou de destruction de preuves – Examen du bien-fondé de la requête par le Juge des Libertés et de la Détention – Proportionnalité – Recours formés contre les opérations de visite et de saisies – Caractère massif et indifférencié des saisies – Opérations d’expurgation du scellé fermé provisoire et de constitution du scellé fermé définitif – Imprécisions et omissions des procès-verbaux d’OVS – Motifs: Raisons ou justifications pour une action ou une décision
– Jonction: Action de joindre ou de réunir des éléments ou des parties – Appels de l’ordonnance du Juge des Libertés et de la Détention: Recours contre la décision d’un juge concernant la liberté et la détention – Moyens présentés par les sociétés [N], Limousine de fabrication de porcelaine (SLFP) et SCI de la grange batelière: Arguments ou ressources utilisés par les entreprises pour défendre leur position – Eléments figurant au dossier: Informations ou documents inclus dans le dossier d’une affaire – Reportages télévisés: Émissions ou reportages diffusés à la télévision – Auditions de témoins anonymes: Interrogations de personnes dont l’identité n’est pas révélée – Arrêt de la cour d’appel de Paris: Décision rendue par la cour d’appel de Paris – Système de traçabilité des produits: Mécanisme permettant de suivre le parcours d’un produit de sa fabrication à sa vente – Déclarations douanières: Informations fournies aux autorités douanières concernant des marchandises importées ou exportées – Rupture des relations commerciales: Fin des liens commerciaux entre deux parties – Risque de dissimulation ou de destruction de preuves: Possibilité que des preuves soient cachées ou détruites – Examen du bien-fondé de la requête par le Juge des Libertés et de la Détention: Analyse de la légitimité de la demande par le juge – Proportionnalité: Correspondance entre une action et son objectif – Recours formés contre les opérations de visite et de saisies: Actions entreprises pour contester les perquisitions et les saisies – Caractère massif et indifférencié des saisies: Importante quantité de biens saisis sans distinction – Opérations d’expurgation du scellé fermé provisoire et de constitution du scellé fermé définitif: Processus de nettoyage et de scellage des biens saisis – Imprécisions et omissions des procès-verbaux d’OVS: Manque de précision ou d’informations dans les rapports d’opérations de visite et de saisies |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel de Limoges
RG n° 23/00034
N° RG 23/00034,
23/00035, 23/00036, 23/00037, 23/00038, 23/00039, 23/00064
* S.A.[N]
* S.A.S. SOCIETE LIMOUSINE DE FABRICATION DE PORCELAINE
* S.C.I. LAGRANGE BATELIERE
* Association POUR L’INDICATION GEOGRAPHIQUE ‘PORCELAINE DE LIMOGES’
* Association POUR L’INSCRIPTION DE LA PORCELAINE DE LIMOGES AU PATRIMOINE IMMATERIEL DE L’UNESCO
* Association L’UNION DES FABRICANTS DE PORCELAINE DE LIMOGES
C/
DIRECTION GENERALE DE LA CONCURRENCE DE LA CONSOMMATION ET DE LA REPRESSION DES FRAUDES
COUR D’APPEL DE LIMOGES
ORDONNANCE DU 22 MAI 2024
Nature de l’affaire : Appels de l’ordonnance rendue le 22 mars 2023 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Limoges ; recours contre des opérations de visites et de saisies.
Nous, Valéry Turcey, premier président de la cour d’appel de Limoges,
assisté de Laetitia Luzio Simoes, greffier présent lors des débats et du prononcé de la décision en audience publique le 22 mai 2024 ;
Avons rendu l’ordonnance ci-après :
ENTRE :
Société [N] S.A
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège [Adresse 3],
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Limoges n° 755 501 160,
Représentée par Me Philippe Chabaud, avocat au barreau de Limoges,
Ayant pour avocats plaidant Me Cédric de Kervenoael et Me Rémi BEYDON, avocats au barreau de Paris,
Société LIMOUSINE DE FABRICATION DE PORCELAINE S.A.S
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège [Adresse 3],
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Limoges n° 439 285 388,
Représentée par Me Philippe Chabaud, avocat au barreau de Limoges,
Ayant pour avocats plaidant Me Cédric de Kervenoael et Me Rémi BEYDON, avocats au barreau de Paris,
SCI DE LA GRANGE BATELIERE
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège [Adresse 4],
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Limoges n° 487 502 569,
Représentée par Me Philippe Chabaud, avocat au barreau de Limoges,
Ayant pour avocats plaidant Me Cédric de Kervenoael et Me Rémi BEYDON, avocats au barreau de Paris,
ASSOCIATION POUR L’INSCRIPTION DE LA PORCELAINE DE LIMOGES AU PATRIMOINE IMMATERIEL DE l’UNESCO
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège [Adresse 6],
Représentée par Me Philippe Chabaud, avocat au barreau de Limoges,
Ayant pour avocats plaidant Me Jonathan Farenc, avocats au barreau de Paris,
UNION DES FABRICANTS DE PORCELAINE DE LIMOGES
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège [Adresse 6],
Représentée par Me Philippe Chabaud, avocat au barreau de Limoges,
Ayant pour avocats plaidant Me Jonathan Farenc, avocats au barreau de Paris,
ASSOCIATION POUR L’INDICATION GEOGRAPHIQUE ‘PORCELAINE DE LIMOGES’
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège [Adresse 6],
Représentée par Me Philippe Chabaud, avocat au barreau de Limoges,
Ayant pour avocats plaidant Me Jonathan Farenc, avocats au barreau de Paris,
Appelantes
ET
LA DIRECTION GENERALE DE LA CONCURRENCE DE LA CONSOMMATION ET DE LA REPRESSION DES FRAUDES (DGCCRF)
[Adresse 13],
Représentée par Madame [S] [M], M. [V] [F] et M. [D] [U], munis chacun d’un pouvoir de représentation pour l’audience du 16 avril 2024,
Intimée
*
Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 16 avril 2024, les conseils des parties et les représentants de la direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes,
Vu l’avis du ministère public en date du 12 avril 2024,
Les débats ayant été clôturés avec l’indication que l’affaire était mise en délibéré au 16 mai 2024 pour prononcé en audience publique, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par la loi, le délibéré ayant été prolongé au 22 mai 2024 où la présente ordonnance a été prononcée en audience publique.
*
Rappel de la procédure
Le 22 mars 2023, le juge des libertés et de la détention de Limoges, a rendu, en application des dispositions des articles L512-51 à L512-65 du code de la consommation une ordonnance autorisant la DGCCRF à faire procéder à des opérations de visite et de saisie dans les locaux :
– de la société [N] (au siège social, et dans les établissements secondaires d'[Localité 12] et d'[Localité 9]) ;
– de la société Limousine de fabrication de Porcelaine (au siège social et dans l’établissement secondaire d'[Localité 12]) ;
– de la SCI De la grange batelière (au siège social et dans l’établissement secondaire de Limoges ) ;
ainsi que dans les locaux :
– de l’association pour l’indication géographique « porcelaine de Limoges » ;
– de l’association pour l’inscription de la porcelaine de Limoges au patrimoine immatériel de l’Unesco ;
– et de l’union des fabricants de porcelaine de Limoges, ces trois associations étant sises [Adresse 6] ;
Cette ordonnance a été prise sur requête présentée par la DGCCRF suite à l’enquête prescrite par le ministre chargé de l’économie le 15 mars 2023 concernant les pratiques des sociétés du groupe [N] dans le secteur des objets en porcelaine, afin de rechercher les preuves relatives à d’éventuelles pratiques commerciales trompeuses, au sens de l’article L121-1 du code de la consommation.
A l’appui de cette requête était fournie une liste des documents qui s’y trouvaient annexés, numérotés de 1 à 68.
La DGCCRF exposait, en substance, qu’une personne désireuse de garder l’anonymat, entendue par ce service, avait déclaré avoir observé à plusieurs reprises des livraisons en grande quantité de vaisselle en porcelaine en provenance d’Asie sur le site de l’entreprise [N] à [Localité 9], qu’il ressortait de deux reportages télévisés du magazine « envoyé spécial » que cette entreprise importerait d’Asie depuis le début des années 2000 des quantités importantes de pièces de vaisselle en porcelaine qui seraient ensuite revendues comme ayant été entièrement produites en France, et qu’elle sous-traiterait la décoration d’une importante partie de sa production à une usine située en République tchèque, alors que sa communication est entièrement axée autour de l’origine française de ses produits qu’elle présente comme entièrement fabriqués en Haute-Vienne, et que ceux-ci portent l’estampille « made in France ».
Elle ajoutait que la cour d’appel de Paris avait rendu le 29 juin 2022 un arrêt indiquant que la société Inhesion, sise en Malaisie, agissait dès le mois de décembre 2001 en qualité de sous-traitant de la société limousine de fabrication de porcelaine (SFLP) pour la fabrication de produits blancs et la décoration d’objets en porcelaine, les factures de la société malaisienne étant payées par le société SFLP agissant pour le compte de la société [N], laquelle n’aurait pas formalisé par écrit de procédure de traçabilité interne.
Elle relevait en outre que l’analyse des déclarations douanières de cette dernière pour la période du 1er janvier 2018 au 31 mai 2022 faisait apparaître des flux douaniers suspects, à savoir l’importation de 1 948 564,29 € de marchandises dont 803 311,67€ d’un pays d’Asie de l’est, celle de grandes quantités de décalcomanies vitrifiables en provenance de Chine, et qu’avait été constatée l’existence d’un courant d’affaires portant sur plus de 500 000€ entre 2018 et 2021 entre la société [N] et un porcelainier allemand.
Elle concluait que ces éléments pouvaient s’analyser en un faisceau d’indices permettant de suspecter un délit de pratique commerciale trompeuse au sens des articles L121-1 et suivants du code de la consommation, qu’en raison de la faible traçabilité des produits et de la complexité de l’organisation du groupe [N], l’utilisation de ses pouvoirs d’enquête ordinaires n’était pas adaptée pour lui permettre de corroborer ou non ses soupçons, et que le recours aux pouvoirs issus des articles L512-51 à L512-65 du code de la consommation constituait donc le seul moyen d’atteindre les objectifs recherchés, au moyen d’opérations de visite et de saisies aux sièges et dans les établissements des sociétés en cause, ainsi que dans la boutique parisienne de la société [N].
Soulignant que les trois associations susmentionnées partagent les mêmes locaux, dans lesquels M. [P] [N], président de la S.A [N], détiendrait un bureau où des documents et supports liés aux activités du groupe pourraient se trouver, elle sollicitait également l’autorisation de mener ces opérations dans leurs locaux.
Le juge des libertés et de la détention de Limoges a fait droit à la requête de la DGCCRF, par ordonnance du 22 mars 2023.
Cette ordonnance a été notifiée le 28 mars 2023, préalablement aux opérations de visite et de saisie du, qui ont débuté le même jour, aux sociétés [N], Limousine de fabrication de porcelaine, SCI de la grange batelière ainsi qu’à l’association pour l’indication géographique « porcelaine de Limoges », à l’association pour l’inscription de la porcelaine de Limoges au patrimoine immatériel de l’Unesco et à l’Union des fabricants de porcelaine de Limoges, par les agents de la DGCCRF qui y ont procédé.
Par déclaration en date du 7 avril 2023, les sociétés [N], Limousine de fabrication de porcelaine, la SCI de la grange batelière, l’association pour l’indication géographique « porcelaine de Limoges », l’association pour l’inscription de la porcelaine de Limoges au patrimoine immatériel de l’Unesco et l’Union des fabricants de porcelaine de Limoges ont relevé appel de cette ordonnance – Dossier n°RG 23/00034.
Par déclarations en date du 7 avril 2023,
– la société [N] a formé un recours à l’encontre des opérations de visite et de saisies effectuéesdans ses locaux sis [Adresse 11] et des procès-verbaux les relatant (PV 28032023/AIXE/NUM et PV 28032023/AIXE/PAP) – Dossier N°RG 23/00035 ,
– l’association pour l’indication géographique « porcelaine de Limoges », l’association pour l’inscription de la porcelaine de Limoges au patrimoine immatériel de l’Unesco et l’Union des fabricants de porcelaine de Limoges ont formé un recours à l’encontre des opérations de visite et de saisies effectuées dans leurs locaux et du procès-verbal les relatant ( PV 28032023/LIMOGES3)
UR/SFP) – Dossier N°RG 23/00036 ,
– les sociétés [N], Limousine de fabrication de porcelaine, et SCI La grange batelière ont formé des recours à l’encontre des opérations de visite et de saisies effectuées dans leurs locaux à l’angle du [Adresse 3] et du [Adresse 5] et des procès verbaux les relatant ( PV 28032023/LIMOGES1/PAP et PV 28032023/LIMOGES1/NUM) – Dossier N°RG 23/00037 ,
– les sociétés [N] et Limousine de fabrication de porcelaine ont formé des recours à l’encontre des opérations de visites et de saisies effectuées dans leurs locaux [Adresse 7] et des procès-verbaux les relatant ( PV 28032023/[Localité 12]/PAP et PV 28032023/ [Localité 12]/NUM) – Dossier n° RG 23/00038 ,
– la SCI de la grange batelière a formé un recours à l’encontre des opérations de visite et de saisies effectuées dans ses locaux à l’angle du [Adresse 8] et du [Adresse 1] et du procès-verbal les relatant (PV 28032023/LIMOGES2/PAP), – Dossier n°RG 23/00039 ,
Par déclaration en date du 9 juin 2023, les sociétés [N] et Limousine de fabrication de porcelaine ont formé des recours contre les opérations de visite et de saisies ( ouverture de scellés fermés provisoires, expurgation et constitution de scellés numériques définitifs ) en date du 1er juin 2023 et du procès-verbal procès-verbal les relatant ( PV 01062023/[Localité 12]/SFP ), Dossier n°RG 23/00064.
L’affaire, appelée à l’audience du 15 mai 2023, a été successivement renvoyée aux audiences des 12 décembre 2023, 20 février 2024 et 16 avril 2024 pour échange des écritures des parties.
Arguments des parties
Les sociétés [N], Limousine de fabrication de porcelaine (SLFP) et SCI de La grange batelière, aux termes de leurs prétentions et moyens présentés oralement à l’audience du 16 avril 2024, se référant à leurs écritures communes, estiment que les opérations de visite et de saisie sont totalement injustifiées au regard des éléments figurant au dossier soumis au juge des libertés et de la détention et qu’il n’existe pas de risque de dissimulation et de destruction justifiant ces mesures.
Elles font valoir que l’ordonnance dont appel doit être annulée en ce qu’elle repose sur une requête dont le JLD n’a manifestement pas examiné le bien-fondé, en violation de l’article L512-52 du code de la consommation, et en ce qu’elle constitue une mesure manifestement disproportionnée.
Elles sollicitent l’annulation de l’ordonnance déférée, que soit ordonnée la restitution par destruction de l’ensemble des documents et données saisies en leurs locaux avec interdiction pour la DGCCRF de les copier ou de les utiliser, et une indemnité de 20 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
A l’appui de leurs recours contre les opérations de visites et de saisies, elles estiment celles-ci ont gravement porté atteinte aux droits de la défense et doivent être annulées dans leur intégralité, en raison de leur caractère massif et indifférencié qui a privé ces sociétés du droit à un recours effectif et a conduit à la saisie de nombreux documents couverts par le secret des correspondances avocat-client, relevant de la vie privée de leurs salariés, ou ne correspondant pas au champ de l’enquête.
Elles ajoutent que les OVS conduites sur le site d'[Localité 12] doivent également être annulées en raison de violations répétées des droits de la défense lors de la procédure de mise sous scellés fermés provisoires ( SFP ) et de l’opération de constitution des scellés fermés définitifs ( SFD ), violations résultant de l’absence de délai raisonnable accordé pour identifier les documents protégés par le secret avocat-client et de contradictoire sur le traitement des éléments contenus dans les SFP faisant l’objet d’une demande d’expurgation, ainsi que du fait que l’OPJ s’est absenté pendant plus de 7 heures durant l’opération d’expurgation des SFP, et que ni le logiciel utilisé ni la copie n’ont pu être testés avant la signature du procès-verbal.
Elles indiquent que l’annulation des OVS est encourue en raison des imprécisions et omissions qui entachent le procès-verbal de visite et saisies, concernant les raisons permettant de justifier qu’un document ne relevait pas des correspondances avocat-client, la méthode et les mots-clés utilisés pour identifier les données entrant dans le champ de l’autorisation du JLD, et la saisie de la messagerie de M. [B].
Elle sollicitent à titre principal l’annulation des OVS menées dans leurs locaux et de l’opération d’expurgation du 1er juin 2023, l’annulation des procès-verbaux les relatant et du procès-verbal de constitution des scellés définitifs du 1er juin 2023, que soit ordonnée la restitution par destruction de l’ensemble des documents et données saisis en leurs locaux avec interdiction pour la DGCCRF de les copier ou utiliser de quelque manière que ce soit, et que soit constaté le désistement de la SCI De la grange batelière s’agissant des OVS réalisées à l’angle du [Adresse 8] et du [Adresse 2].
A titre subsidiaire, elles demandent que soit ordonnée la restitution par destruction des documents couverts par le secret des correspondances avocat-client, des documents relatifs à la vie privée, des documents saisis en dehors du champ de l’enquête, et de la messagerie de M. [B], avec interdiction pour la DGCCRF de les copier ou utiliser de quelque manière que ce soit.
Elles sollicitent également le versement d’une indemnité de 20 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
L’association pour l’indication géographique « porcelaine de Limoges », l’association pour l’inscription de la porcelaine de Limoges au patrimoine immatériel de l’Unesco et l’Union des fabricants de porcelaine de Limoges, aux termes de leurs prétentions et moyens présentés oralement à l’audience du 16 avril 2024, se référant à leurs écritures communes, soulignent que la requête de la DGCCRF n’avait trait qu’à des pratiques prétendument mises en oeuvre par le groupe [N], et non par ces associations, auxquelles aucune pratique illicite n’était imputée.
Elles relèvent que le seul motif pour lesquelles elles se trouvent visées par la requête est la circonstance alléguée que M. [P] [N] possèderait un bureau dans leurs locaux, affirmation qui n’est étayée par aucun élément de preuve et s’est avérée inexacte, de telle sorte que l’ordonnance dont appel encourt l’annulation.
Elles ajoutent que l’article L512-15 du code de la consommation exige du JLD la vérification du bien-fondé de la requête, ce qui n’a pas été le cas, et qu’aucun élément de nature à justifier la visite n’a été constaté dans l’ordonnance en cause, qui ne fait état d’aucun indice permettant de présumer leur participation aux pratiques imputées au groupe [N].
Elles sollicitent l’annulation de l’ordonnance dont appel, que soit ordonnée la restitution par destruction de l’ensemble des documents et données saisies en leurs locaux avec interdiction pour la DGCCRF de les copier ou de les utiliser, et une indemnité de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
A l’appui de leurs recours contre les opérations de visites et de saisies, elles font valoir que celles-ci ont méconnu les termes de l’autorisation délivrée et doivent être annulées, en ce que l’ordonnance du JLD retenait la nécessité de visiter le bureau de M. [N] au sein des locaux de ces associations pour les besoins d’une enquête qui ne les visait pas, et non de visiter l’intégralité de ceux-ci en procédant à des saisies dans le bureau et l’ordinateur de Mme [J] et en examinant le téléphone portable de M. [T].
Elles ajoutent que M. [P] [N] ne dispose d’aucun bureau dans leurs locaux.
Elles soulignent que les documents saisis par la DGCCRF n’ont pour la quasi-totalité d’entre eux aucun lien avec le groupe [N], qu’il s’agisse de documents sur support papier ou des messageries informatiques des trois associations qui ont fait l’objet d’une saisie massive et indifférenciée.
Elles sollicitent à titre principal l’annulation des opérations de visite et de saisies du 28 mars 2023 menées dans leurs locaux [Adresse 6], ainsi que du procès-verbal du 28 mars 2023 les relatant, que soit ordonnée la restitution par destruction des documents en dehors du champ de l’enquête, et en particulier les fichiers des messagerie saisies, avec interdiction pour la DGCCRF de les copier ou de les utiliser de quelque manière que ce soit, à titre subsidiaire la restitution par destruction des documents en dehors du champ de l’enquête, et une indemnité de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, aux termes de ses prétentions et moyens présentés oralement à l’audience du 16 avril 2024, se référant à ses écritures, soutient qu’il existe un faisceau d’indices qui fonde à la fois sa requête et l’ordonnance du JLD, à savoir : les déclarations anonymes qui ont été recueillies, l’arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 29 juin 2022, les défaillances de traçabilité des produits en porcelaine concernés, et l’analyse des données douanières qu’elle a pu rassembler.
Elle expose que le premier juge a bien exercé le contrôle prévu par la loi, les erreurs invoquées par les appelantes, s’agissant de la date du courant d’affaires avec la société Inhesion, du poids des importations de décalcomanies vitrifiables, et de la valeur des marchandises provenant d’un pays d’Asie du sud-est, étant discutables et revêtant en tout état de cause un caractère purement formel sans conséquence sur l’analyse juridique de ce magistrat.
Elle estime que la proportionnalité de l’ordonnance est établie, puisqu’il n’existe pas de subsidiarité entre les pouvoirs ordinaires et extraordinaires de cette administration, et que les motifs de la décision du JLD relèvent la nature occulte des pratiques suspectées comme l’insuffisance des pouvoirs d’enquête ordinaires en raison de la traçabilité insuffisante des produits et de la complexité du groupe [N].
Elle indique que M. [P] [N] ( propriétaire gérant de la SCI La grange batelière et président de la S.A. [N] ) ayant des fonctions dirigeantes dans les trois associations concernées était donc susceptible d’y avoir apporté des documents, y compris numériques, en rapport avec les pratiques suspectées du groupe [N], qu’il y détienne ou non un bureau, d’autant plus que la déclaration anonyme du 20 septembre 2022, annexée à la requête, soulignait que l’intéressé avait décidé que le rôle de l’IDG n’était pas de communiquer sur l’IG porcelaine de Limoges.
S’agissant des recours formés par les sociétés requérantes, elle fait valoir qu’il n’a pas été procédé en l’espèce à des saisies massives et indifférenciées, les opérations menées l’ayant été dans le champ de l’ordonnance d’autorisation du JLD, et le nombre des documents saisis ne suffisant pas à caractériser une absence de sélection ou un caractère disproportionné.
Elle indique que la saisie globale des messageries, sans tri préalable qui serait de nature à altérer les éléments concernés, est admise par une jurisprudence constante, et qu’aucune règle n’impose aux enquêteurs de remettre une copie des éléments saisis à l’entreprise ayant fait l’objet d’une OVS.
Elle souligne que la production devant le juge de l’ensemble des documents dont la restitution est demandée est indispensable, que la saisie, le cas échéant, de documents protégés n’entraine pas la nullité de l’ensemble des opérations mais seulement la restitution des pièces en cause, et que concernant la protection du secret professionnel de l’avocat, seuls sont concernés les documents se rapportant à l’exercice des droits de la défense, ce qui n’est pas le cas de ceux évoqués mais non produits par les requérantes.
S’agissant du respect de la vie privée ou de saisies qui auraient été pratiquées hors du champ de l’ordonnance du JLD, elle expose que la charge de la preuve repose sur les ces dernières, que le principe de l’insécabilité justifie la saisie d’une messagerie dans son intégralité dès lors que des éléments entrant dans le périmètre de l’ordonnance s’y trouvent, et que c’est au stade du recours devant le premier président, et non à celui de l’expurgation, que les documents concernés doivent être analysés.
Concernant l’opération d’expurgation du scellé fermé provisoire contenant les saisies numériques réalisées sur le site d'[Localité 12], elle relève que les requérantes admettent avoir bénéficié à leur demande d’un délai supplémentaire d’un mois, soit plus du double du délai initial, pour procéder à l’identification des documents concernés, délai largement suffisant en l’espèce, qu’il n’existe aucune obligation d’instaurer à ce stade de l’enquête un débat contradictoire qui aura lieu devant le premier président en cas de recours contre le déroulement des OVS, et que le procès-verbal relatant les opérations de constitution des scellés définitifs du 1er juin 2023 mentionne la présence de l’OPJ à l’ouverture des scellés provisoires puis à la constitution des scellés définitifs ainsi que l’accord préalable donné par le JLD pour son absence entre ces deux étapes, aucune observation n’ayant été émise par l’occupant des lieux. Elle ajoute qu’aucune règle n’imposait la vérification de la lisibilité de la copie des fichiers définitivement saisis remise aux requérantes, qui ont été informées des modalités d’ouverture et de consultation de la copie du scellé ainsi qu’il résulte du procès-verbal.
Concernant les imprécisions et omissions alléguées dans les procès-verbaux d’OVS, elle indique qu’aucune règle n’impose d’y exposer les raisons justifiant qu’un document ne relève pas de la relation avocat-client, ni la méthode et les mots-clés utilisés par les enquêteurs pour identifier les données entrant dans le champ de l’autorisation du JLD. Elle souligne au sujet de la saisie de la messagerie de M. [B] que celle-ci se trouvait sur le serveur/espace réseau des sociétés requérantes où, selon le PV 28032023/LIMOGES1/NUM,
a été constatée la présence de données entrant dans le champ de l’autorisation, que les éléments sélectionnés par les enquêteurs ont été placés sous scellés fermés définitifs, et que le procès-verbal de visites et de saisies a été relu et signé par le représentant de l’occupant des lieux sans que soient émises d’observations ou de réserves.
S’agissant des recours formés par l’association pour l’indication géographique « porcelaine de Limoges », l’association pour l’inscription de la porcelaine de Limoges au patrimoine immatériel de l’Unesco et l’Union des fabricants de porcelaine de Limoges, elle fait valoir soutient que la référence, dans les motifs de l’ordonnance, à un bureau de M. [N] avait seulement pour objet d’expliciter qu’ayant des fonctions dirigeantes dans chacune des associations, ce dernier était susceptible d’y avoir apporté des documents en rapport avec les pratiques suspectée du groupe [N], et que l’indifférenciation de leurs locaux justifiait qu’il soit procédé à la fouille de l’ensemble de leurs locaux communs, le dispositif de l’ordonnance du JLD ne contenant pas de restriction à cet égard.
Elle relève que les associations requérantes ne démontrent pas que les éléments saisis ne seraient pas en relation avec les pratiques et le secteur visé par l’ordonnance, ne produisent pas les documents saisis sous format numérique qui excéderaient selon elles le champ de l’enquête, et que la circonstance que certains éléments soient considérés comme hors du champ de l’ordonnance ne peut avoir pour effet d’invalider les saisies dans leur globalité.
Elle indique que les messageries des trois associations étaient accessibles à M. [N], qui pouvait le cas échéant les utiliser pour échanger des données relatives à l’activité du groupe de sociétés, que tous les documents saisis, dont la date est sans incidence, avaient trait aux enjeux, implications et conséquences de la protection de l’appellation « porcelaine de Limoges » et étaient susceptibles d’éclairer l’intentionnalité de pratiques commerciales trompeuses, qu’aucune règle n’impose à l’administration d’indiquer sur les procès-verbaux de visites et de saisies les raisons qui la conduisent à saisir tel ou tel document, et que le principe de l’insécabilité des messageries saisies dans le cadre d’OVS est reconnu de manière constante par la jurisprudence.
Elle conclut au mal-fondé des appels comme des recours et à la condamnation des requérantes aux dépens.
L’avis de l’avocat général, en date du 12 avril 2024, s’associe aux écritures de la DGCCRF et conclut au rejet des arguments des sociétés et associations appelantes et requérantes.
SUR LA JONCTION
Les affaires enregistrées sous les numéros de RG : 23/00034 ( appels de l’ordonnance du JLD ), et 23/00035, 23/00036, 23/00037, 23/00038, 23/00039, 23/00064 ( recours contre le déroulement des opérations de visite et de saisies autorisées par cette même ordonnance ) présentent un lien étroit, tel qu’il est de l’intérêt d’une bonne justice de les juger ensemble et d’en ordonner la jonction en application des dispositions de l’article 367 du code de procédure civile.
SUR LES APPELS DE L’ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTES ET DE LA DETENTION
Sur les moyens présentés par les sociétés [N], Limousine de fabrication de porcelaine (SLFP) et SCI de la grange batelière
Concernant les éléments figurant au dossier
Il est soutenu par ces sociétés que ceux-ci sont insuffisants à fonder l’ordonnance entreprise.
On rappellera qu’il appartient au juge des libertés et de la détention, saisi sur le fondement des dispositions de l’article L512-51 du code de la consommation, ainsi qu’au premier président statuant en appel de l’ordonnance du premier juge, de vérifier que la demande de visite et de saisie est fondée au regard des éléments d’information fournis par l’administration à l’appui de sa requête, qui doivent présenter des indices suffisants de l’existence des infractions et manquements visés par l’article L512-51 du même code.
En l’espèce, l’ordonnance déférée a retenu, au titre des éléments d’information fondant la demande de la DGCCRF, et de nature à faire suspecter que les sociétés du groupe [N] auraient mis en oeuvre une ou plusieurs pratiques constitutives d’infractions aux articles L121-1 et suivants du code de la consommation consistant notamment à faire faussement croire aux consommateurs que tous les objets en porcelaine commercialisés par la S.A. [N] sont fabriqués en France :
– l’existence de deux reportages télévisés du magazine Envoyé spécial diffusés en 2010 et 2013, produits par l’administration à l’appui de sa requête, et faisant ressortir, d’une part, que la société [N] importerait d’Asie et plus spécifiquement de Malaisie depuis le début des années 2000, des quantités très importantes de pièces de vaisselle en porcelaine, pour certaines déjà estampillées avec la mention « [N] [O] », qui seraient ensuite revendues avec une origine France, d’autre part, que cette société sous-traiterait la décoration d’une importante partie de sa production à une usine située en République Tchèque ;
– Les résultats des investigations menées par l’administration ayant comporté l’audition de deux personnes désireuses de garder l’anonymat, la première affirmant que de nombreux porcelainiers adhérant à l’indication géographique « porcelaine de Limoges » sous-traiteraient tout ou partie de leur production à l’étranger et utiliseraient deux estampilles entretenant une confusion dans l’esprit des consommateurs sur l’origine réelle des produits, l’autre disant avoir constaté la livraison de vaisselle en porcelaine en provenance d’Asie sur le site de l’entreprise [N] à [Localité 9] ;
– L’arrêt rendu le 29 juin 2022 par la cour d’appel de Paris portant sur la rupture des relations commerciales entre les sociétés [N]/SLFP et la société de droit malaisien Inhesion Industrial, indiquant que la S.A [N] s’est approvisionnée en pièces de vaisselle de porcelaine en Malaisie au minimum entre 2002 et 2013 ;
– L’analyse du système de traçabilité des produits de la société [N], non formalisé par écrit, et qui aurait mis en évidence des défaillances participant au doute sur l’origine des produits vendus comme fabriqués en France ;
– Celle des déclarations douanières de cette société entre 2018 et 2022 dont il résulterait qu’elle aurait importé pour 803 311, 67 € de marchandises d’un pays d’Asie de l’est, ainsi qu’une quantité importante de décalcomanies vitrifiables de la société chinoise Zhejiang concord ceramics du 1er janvier 2021 au 31 mai 2022, et entretenu un courant d’affaires significatif avec la société allemande König Porzellan GmbH du 1er janvier 2018 au 7 décembre 2021.
Le juge des libertés et de la détention en a conclu que l’ensemble de ces éléments pouvait s’analyser « comme un faisceau d’indices concordants permettant de présumer l’existence de pratiques commerciales trompeuses, notamment sur l’origine des produits vendus, prohibées par les articles L121-1 et suivants du code de la consommation. »
Les sociétés appelantes font valoir notamment que les reportages télévisés sont anciens, que les auditions de témoins anonymes émanent vraisemblablement de porcelainiers concurrents et malintentionnés, que les relations d’affaires ayant donné lieu à l’arrêt du 29 juin 2022 de la cour d’appel de Paris ont cessé il y a plus de 11 ans de cela, que la production du groupe [N] est parfaitement traçable et localisée en Haute-Vienne comme l’attestent des rapports d’audit de Certipaq, et que les flux douaniers prétendûment suspects portent sur des quantités faibles au regard du chiffre d’affaires du groupe [N].
Si les reportages télévisés en cause sont anciens, comme remontant à 2010 et 2013, il convient de relever que leur contenu est corroboré, s’agissant de l’importation de porcelaine de Malaisie, par l’arrêt du 29 juin 2022 de la cour d’appel de Paris concernant la rupture des relations commerciales entre les sociétés [N]/SLFP et la société de droit malaisien Inhesion Industrial, et qu’il est renforcé, s’agissant de présomptions relatives à l’existence et à la persistance de pratiques commerciales trompeuses, par les autres éléments exposés dans la requête de la DGCCRF.
La circonstance que les deux déclarations anonymes du 30 août 2022 et du 20 septembre 2022, consignées sur procès-verbal par les agents de l’administration aient été prises en compte par le juge des libertés et de la détention dans le faisceau d’indices qu’il a retenu est dépourvue de portée sur la validité de l’ordonnance, dès lors que celles-ci sont corroborées par d’autres éléments du dossier, en l’espèce l’analyse des déclarations douanières de la société [N], fabricant de porcelaine présentée comme produite en France, qui n’explique pas pour quelles raisons elle a importé de la porcelaine d’Asie et des décalcomanies vitrifiables de Chine.
Les rapports d’audit invoqués par les sociétés appelantes, réalisés par l’organisme privé Certipaq, et concluant à la traçabilité de toutes les étapes de la production de la porcelaine du groupe [N], ne privent pas pour autant de leur valeur les constatations de la DDETSPP 87 ayant précisément relevé, dans un procès-verbal du 21 septembre 2021 annexé à la requête de la DGCCRF, que la S.A. [N] n’a pas formalisé de procédure de traçabilité dans un document, que la traçabilité de trois objets (bol prince bleu, assiette émail écaille de tortue, assiette à pain prunus) n’a pu être réalisée et qu’il n’est pas possible d’assurer la traçabilité à tous les stades des matériaux mis sur le marché par elle.
L’argumentation des sociétés appelantes selon laquelle les flux douaniers d’importation prétendûment suspects portent sur des quantités faibles au regard du chiffre d’affaires du groupe [N] est inopérante, dès lors qu’existent des indices de pratiques commerciales trompeuses, qui ne dépendent pas du chiffre d’affaires des sociétés concernées.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, le premier président de la cour d’appel constate l’existence d’un faisceau d’indices de pratiques commerciales trompeuses, comme l’a fait à bon droit le premier juge, dont l’ordonnance n’encourt pas l’annulation et sera, au contraire, confirmée sur ce point.
Ce faisceau d’indices convergents laissant présumer la commercialisation par les sociétés du groupe [N] de pièces en porcelaine présentées faussement au consommateur comme entièrement réalisées en France, est constitué par : les deux reportages télévisés du magazine Envoyé spécial diffusés en 2010 et 2013 et les auditions sur procès-verbal de deux personnes désireuses de garder l’anonymat, reportages et auditions dont le contenu a été rappelé plus haut, et se trouve corroboré par l’arrêt rendu le 29 juin 2022 par la cour d’appel de Paris relatif à la rupture de relations commerciales entre les sociétés [N]/SLFP et la société de droit malaisien Inhesion Industrial, l’absence de formalisation par écrit d’un système de traçabilité des produits commercialisés par la S.A. [N], et l’analyse des déclarations douanières de cette société entre 2018 et 2022 révélant l’importation de marchandises d’Asie, de décalcomanies vitrifiables en provenance de Chine du 1er janvier 2021 au 31 mai 2022, et un courant d’affaires significatif avec la société allemande productrice de porcelaine König Porzellan GmbH du 1er janvier 2018 au 7 décembre 2021.
Concernant le risque de dissimulation ou de destruction de preuves
Le JLD a notamment retenu que « la mise en oeuvre de pratiques consistant à masquer la véritable origine des produits vendus est par nature occulte et que les documents nécessaire à la preuve des agissements répréhensibles sont vraisemblablement conservés dans des lieux et sous une forme qui facilitent leur dissimulation ou leur destruction en cas de vérification », que « le système de traçabilité et la complexité de l’organisation du groupe [N] ne permettent pas à l’administration, dans le cadre de l’utilisation de ses pouvoirs d’enquête ordinaires, de s’assurer de l’origine exacte des produits commercialisés sous une allégation d’origine France par la S.A. [N] », que « l’administration relève que l’organisme certificateur Certipaq, dans le cadre de sa mission de vérification de l’IG Porcelaine de Limoges, n’a pas observé d’anomalie lors de ses vérifications ni d’achat effectué à l’extérieur du groupe », et en a déduit « que l’utilisation des pouvoirs d’enquête ordinaires prévus à la section 2 du chapitre II du livre V du code de la consommation n’est pas adaptée pour permettre à l’administration de corroborer ses soupçons » et que « le recours aux pouvoirs issus des articles L513-51 à L512-65 du code de la consommation constitue donc le seul moyen d’atteindre les objectifs recherchés. »
Ces motifs sont pertinents, et le premier président les adopte expressément, en y ajoutant que le risque que l’utilisation par l’administration de ses pouvoirs d’enquête ordinaire, et en particulier celui de demander communication de documents – sans garantie de les obtenir -, en alertant les sociétés concernées sur l’existence d’investigations en cours, ne conduise à la dissimulation ou à la destruction de preuves, est en l’espèce sérieux compte tenu de l’importance des enjeux économiques attachés à l’origine exacte de la porcelaine commercialisée par le groupe [N].
Concernant l’examen du bien-fondé de la requête par le juge des libertés et de la détention
Il est soutenu que l’ordonnance du JLD contient des erreurs qui indiquent que ce magistrat n’a pas vérifié les informations et pièces soumises à son examen, lesquelles porteraient :
– sur la durée de l’approvisionnement du groupe [N] en Malaisie, estimée « au minimum entre 2002 et 2013 » alors que l’arrêt de la cour d’appel de Paris relevait que les commandes avaient cessé en avril 2012, la dernière livraison étant annoncée le 25 mai 2012 ;
– sur le calcul du poids total des importations de décalcomanies vitrifiables en provenance de Chine, qui devrait être de 97,5 tonnes, à raison de 3,9 millions de décalcomanies de 25 grammes chacune, et non d’une tonne comme mentionné dans la requête et l’ordonnance ;
– sur la mention d’importations pour « 803 311,67 euros d’un pays d’Asie de l’est », alors que les données jointes à la requête révèlent que cette somme intègre des achats auprès de pays du continent indien (Sri-Lanka) ou d’Asie du sud-est ( Malaise et Thaïlande);
On rappellera que l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention est réputée établie par le juge qui l’a rendue et signée, la circonstance qu’un projet d’ordonnance ait été préparé par l’administration étant en l’espèce indifférente, dès lors qu’en l’espèce, il résulte de l’examen des pièces du dossier que la requête de la DGCCRF a été reçue par ce magistrat le 20 mars 2023 et que l’ordonnance a été rendue le 22 mars 2023, de sorte que le juge a disposé du temps nécessaire pour examiner la pertinence de la requête et étudier les pièces jointes à celle-ci.
L’ordonnance dont appel retient « notamment que la cour d’appel de Paris a rendu le 29 juin 2022 un arrêt sous le numéro RG/2109701 pour rupture brutale des relations commerciales entre les sociétés [N]/SFLP et la société de droit malaisien Inhesion Industrial (‘) spécialisée dans les produits de table haut de gamme, qui fabrique et décore entre autres de la vaisselle en porcelaine ; que cet arrêt permet de confirmer que la S.A. [N] s’est approvisionnée en pièces de vaisselle en Malaisie au minimum entre 2002 et 2013 (cf annexe n° 54) .»
Si l’arrêt en question mentionne effectivement que la date de la dernière livraison de la société Inhesion à la S.A [N] était « annoncée le 25 mai 2012 », comme le relèvent les sociétés appelantes, il n’en résulte pas que le JLD n’ait pas pris connaissance de cette pièce annexée à la requête, dont il a exactement résumé le contenu et la portée, à savoir l’importation par la société [N], au minimum durant plus de 10 années (le point de départ fixé à 2002 n’étant pas contesté), de pièces de vaisselle fabriquées en Malaisie.
De même, s’agissant des décalcomanie chinoises vitrifiables, l’indication dans l’ordonnance « que les 898 kilogrammes ainsi importés en 2021 et les 115 kilogrammes importés en 2022 correspondent, selon les estimations de l’administration, à 3,5 millions de décalcomanies vitrifiables importées en 2021 et 400 000 entre janvier et mai 2022 » rappelle seulement les estimations de la DGCCRF, sans que le juge reprenne à son compte le poids unitaire de 25 grammes sur la base duquel les sociétés appelantes considèrent que celles-ci étaient entachées d’une erreur de calcul, de telle sorte qu’il n’est pas possible de conclure de ce simple rappel que le juge n’a pas vérifié les informations et pièces soumises à son examen.
Le motif de l’ordonnance selon lequel « en l’absence de précision sur la nature exacte de ces produits, il est possible de penser qu’il s’agisse de chromos utilisés par la S.A. [N] pour la décoration de sa vaisselle » est par ailleurs pertinent.
Enfin, la mention selon laquelle « l’administration a examiné les données contenues dans l’applicatif douanier Canopée pour la période allant du 1er janvier 2018 au 31 mai 2022 et qu’il en ressort que la S.A. [N] a importé pour 1 948 564,29 € de marchandises depuis 24 pays dans le monde dont 803 311,67 € d’un pays d’Asie de l’est (soit 41,23 % des importations) cf annexe n°58 » ne révèle nullement que le juge n’ait pas contrôle les pièces qui lui étaient soumises, l’argument des sociétés appelantes selon lequel les mots « Asie de l’est » ne sauraient s’appliquer au Sri-Lanka, à la Malaisie et à la Thaïlande étant géographiquement discutable – de sorte que le juge pouvait parfaitement inclure les pays en question dans cette dénomination dont l’emploi n’atteste aucun manque de diligence de sa part.
Il n’est donc pas démontré que le JLD n’ait pas examiné le bien-fondé de la requête et les pièces qui y étaient annexées, comme le soutiennent vainement les sociétés appelantes.
Concernant la proportionnalité
Il est soutenu que l’ordonnance doit être annulée en ce qu’elle constitue une mesure manifestement disproportionnée au regard de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, car des moyens d’enquête ordinaires auraient été suffisants pour permettre à la DGCCRF de procéder aux vérifications souhaitées, et l’objet des opérations de visite et de saisie défini par cette ordonnance et son champ d’application dépassent les comportements visés par l’enquête et la requête.
Aux termes de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, et il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.
Les articles L512-51 à L512-65 du code de la consommation, en application desquels le juge des libertés et de la détention de Limoges a rendu l’ordonnance autorisant la DGCCRF à faire procéder à des opérations de visite et de saisie dans les locaux des sociétés appelantes, dont il n’est pas contesté qu’elles appartiennent au même groupe, organisent une ingérence prévue par la loi, nécessaire au bien-être économique du pays et à la prévention des infractions pénales.
Contrairement aux affirmations des sociétés appelantes, le premier juge a bien procédé à un contrôle de proportionnalité des mesures sollicitées par la DGCCRF et autorisées par l’ordonnance, en y relevant que « que l’utilisation des pouvoirs d’enquête ordinaires prévus à la section 2 du chapitre II du livre V du code de la consommation n’est pas adaptée pour permettre à l’administration de corroborer ses soupçons » et que « le recours aux pouvoirs issus des articles L513-51 à L512-65 du code de la consommation constitue donc le seul moyen d’atteindre les objectifs recherchés », aux termes des motifs qui ont été rappelés plus haut s’agissant du risque de dissimulation ou de destruction de preuves, et que le premier président adopte, en y ajoutant que ce risque est en l’espèce sérieux compte tenu de l’importance des enjeux économiques attachés à l’origine exacte de la porcelaine commercialisée par le groupe [N].
Il n’y a donc pas lieu d’annuler l’ordonnance dont appel.
Les comportements visés par l’enquête et la requête constituant un faisceau d’indices convergents laissant présumer la commercialisation par les sociétés du groupe [N] de pièces en porcelaine présentées faussement au consommateur comme entièrement réalisées en France, les opérations de visite et de saisies autorisées dans les locaux des sociétés de ce groupe, à savoir la société [N] (au siège social, et dans les établissements secondaires d’Oradour-sur-Glane et d’Aixe-sur-Vienne), la société Limousine de fabrication de Porcelaine (au siège social et dans l’établissement secondaire d’Oradour-sur-Glane situés tous deux à la même adresse que ceux de la société [N]), et la SCI De la grange batelière (au siège social et dans l’établissement secondaire de Limoges), dont l’objet est expressément limité à « rechercher la preuve des infractions prévues par les articles L121-2 et suivants du code de la consommation dans le secteur des objets en porcelaine », et ce en présence d’un risque sérieux de dissimulation ou de destruction de preuves, ne sont aucunement disproportionnées au regard des objectifs de l’enquête et des droits résultant de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Les moyens présentés par les sociétés [N], Limousine de fabrication de porcelaine (SLFP) et SCI de la grange batelière seront donc rejetés, et l’ordonnance dont appel confirmée, en tant qu’elle concerne ces sociétés et leurs établissements.
Sur les moyens présentés par l’association pour l’indication géographique « porcelaine de Limoges », l’association pour l’inscription de la porcelaine de Limoges au patrimoine immatériel de l’Unesco et l’Union des fabricants de porcelaine de Limoges
Ces associations soulignent que la requête de la DGCCRF n’avait trait qu’à des pratiques prétendument mises en oeuvre par le groupe [N], et non par elles-mêmes, auxquelles aucun comportement illicite n’était reproché.
Elles relèvent que le seul motif pour lesquelles elles se trouvent visées par la requête est la circonstance alléguée que M. [P] [N] possèderait un bureau dans leurs locaux, affirmation qui n’est étayée par aucun élément de preuve et s’est avérée inexacte, de telle sorte que l’ordonnance dont appel encourt l’annulation.
Elles ajoutent que l’article L512-15 du code de la consommation exige du JLD la vérification du bien-fondé de la requête, ce qui n’a pas été le cas, et qu’aucun élément de nature à justifier la visite n’a été constaté dans l’ordonnance en cause, qui ne fait état d’aucun indice permettant de présumer leur participation aux pratiques imputées au groupe [N].
En l’espèce, l’ordonnance frappée d’appel, si elle constate à juste titre à l’encontre des sociétés du groupe [N] l’existence d’un faisceau d’indices concordants permettant de présumer l’existence de pratiques commerciales trompeuses, notamment sur l’origine des produits vendus, prohibées par les articles L121-1 et suivants du code de la consommation, se borne à relever, s’agissant des trois associations, que celles-ci « partagent les mêmes locaux situés au [Adresse 6] et ont toutes trois une activité liée au secteur de la porcelaine de Limoges ; que M. [P] [N] occupe des fonctions dirigeantes au sein de chacune de ces associations, en tant que président des deux premières et vice-président de la troisième et détient un bureau dans leurs locaux communs ; que des documents concernant les sociétés du groupe [N] sont donc susceptibles d’être trouvés au sein des locaux de l’ensemble des personnes morales susmentionnées » puis, dans une formulation légèrement différente, qu’elles « partagent les mêmes locaux situés au [Adresse 6] ; qu’en tant que président des deux premières et vice-président de la troisième, M. [P] [N] détient un bureau dans les locaux communs de ces trois associations et qu’il est possible de penser que du fait des possibilités de travail à distance notamment des documents et supports d’informations relatifs aux activités du groupe [N] se trouvent dans ce bureau ; qu’il est donc nécessaire de pouvoir accéder aux locaux susmentionnés de ces trois associations ».
Elle ne fait état d’aucun indice ou présomption de participation de ces trois associations, personnes morales distinctes des sociétés du groupe [N], et dont les locaux communs se situent à une adresse différente de celles du siège et des établissements secondaires de ces sociétés, aux pratiques commerciales trompeuses objet de la requête de la DGCCRF.
Les motifs de l’ordonnance relevant que les associations concernées ont toutes trois une activité liée au secteur de la porcelaine de Limoges et que M. [P] [N] occupe des fonctions dirigeantes dans ces associations ne suffisent pas à caractériser de tels indices ou présomptions, qui ne résultent pas non plus des éléments produits à l’appui de la requête ni des débats en appel.
La seule allégation que M. [P] [N] disposerait d’un bureau dans les locaux communs de ces associations ‘ dont il est constant qu’elle s’est avérée inexacte ‘ , que des documents concernant les sociétés du groupe seraient donc « susceptibles d’y être trouvés » et « qu’il est possible de penser que du fait des possibilités de travail à distance notamment des documents et supports d’informations relatifs aux activités du groupe [N] se trouvent dans ce bureau », est en l’espèce insuffisante, à justifier que soient ordonnées des opérations de visite et de saisie dans ces locaux, en l’absence de tout autre élément pouvant laisser penser que s’y trouvent des preuves des infractions prévues par les articles L121-2 et suivants du code de la consommation.
La circonstance que, selon la déclaration anonyme du 20 septembre 2022, M. [P] [N] aurait décidé que le rôle de l’association pour l’indication géographique « porcelaine de Limoges » n’était plus de communiquer sur cette indication géographique, si elle peut susciter des interrogations sur les motivations de ce dernier, n’indique nullement que des preuves des infractions dont la DGCCRF suspecte uniquement les sociétés du groupe [N], et non les associations appelantes, pourraient se trouver dans les locaux d’une ou plusieurs de ces dernières.
L’ordonnance en question, dont il ne résulte cependant pas que le premier juge ait omis d’examiner le bien-fondé de la requête qui lui était présentée, n’encourt pas l’annulation, mais l’infirmation en tant qu’elle a autorisé des opérations de visite et de saisies dans les locaux des trois associations appelantes, alors que les éléments produits par la DGCCRF à l’appui de sa requête, ainsi qu’en appel, ne sont pas de nature à justifier ces opérations, pour les motifs exposés ci-dessus.
L’infirmation de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention en ce qu’elle a autorisé des opérations de visite et de saisies dans les locaux de ces associations entraine nécessairement la nullité de ces opérations, sans qu’il soit besoin d’examiner les moyens soulevés par les associations concernées à l’appui de leurs recours contre les OVS.
L’équité commande de faire droit, à hauteur de 3000 euros, à la demande présentée par ces associations au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
SUR LES RECOURS FORMES A L’ENCONTRE DES OPERATIONS DE VISITE ET DE SAISIES PAR LES SOCIETES [N], LIMOUSINE DE FABRICATION DE PORCELAINE ET SCI DE LA GRANGE BATELIERE
Il y a lieu de constater le désistement de la SCI de la grange batelière de son recours contre les OVS effectuées le 28 mars 2023 dans ses locaux à l’angle du [Adresse 8] et du [Adresse 1] et des procès verbaux les relatant (PV 28032023/LIMOGES2/PAP)et de statuer sur son recours contre les OVS réalisées à son siège social, à l’angle du [Adresse 3] et du [Adresse 5], par les motifs qui suivent, répondant à l’argumentation commune des sociétés [N] , Limousine de fabrication de porcelaine, et SCI de La grange batelière
Concernant le caractère massif et indifférencié des saisies
Les OVS contestées par les sociétés requrantes ont respecté le champ de l’ordonnance du JLD, autorisant la DGCCRF ‘ à procéder ou a faire procéder dans leurs locaux ainsi que dans toutes les sociétés du même groupe établies à ces mêmes adresses, aux visites et aux saisies prévues par les articles L512-51 et suivants du code de la consommation afin de rechercher la preuve des infractions prévues par les articles L121-2 et suivants du code de la consommation dans le secteur des objets en porcelaine.’
Dès lors que le dispositif de la décision du juge des libertés et de la détention vise « les locaux », désignés chacun par leur adresse précise, des sociétés concernées et de leurs établissements secondaires, et ne contient aucune restriction relative aux espaces de bureaux, de production, ou de travail concernées par l’autorisation donnée, ni à leurs occupants, il convient de constater que toutes les opérations de visite ou de saisies se sont déroulées en des lieux autorisés par l’ordonnance.
Ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, dans nos motifs concernant l’examen de l’appel formé par les sociétés en cause à l’encontre de l’ordonnance du JLD, auxquels nous renvoyons expressément, le premier juge a bien procédé à un contrôle de proportionnalité des mesures sollicitées par la DGCCRF et autorisées par l’ordonnance, en y relevant que « que l’utilisation des pouvoirs d’enquête ordinaires prévus à la section 2 du chapitre II du livre V du code de la consommation n’est pas adaptée pour permettre à l’administration de corroborer ses soupçons » et que « le recours aux pouvoirs issus des articles L513-51 à L512-65 du code de la consommation constitue donc le seul moyen d’atteindre les objectifs recherchés.
Il ne peut être retenu que le champ d’application de l’ordonnance sur la base de laquelle les OVS onté été effectuées serait ‘ quasi-illimité’, comme le soutiennent les sociétés demanderesses, cette décision ayant, au contraire, un champ d’application clairement délimité quant aux locaux visés et à l’objet des investigations, consistant à rechercher la preuve des infractions prévues par les articles L121-2 et suivants du code de la consommation dans le secteur des objets en porcelaine.
L’article L. 512-59 du code de la consommation dispose que:
«Au cours de la visite, les agents habilités peuvent procéder à la saisie de tous objets, documents et supports d’information utiles aux besoins de l’enquête. Ils peuvent prélever des échantillons de marchandises. Ils peuvent également procéder à la pose de scellés sur tous locaux commerciaux, objets, documents et supports d’information, dans la limite de la durée de la visite de ces locaux.
Les agents habilités, l’occupant des lieux ou son représentant ainsi que l’officier de police judiciaire peuvent seuls prendre connaissance des documents et des données contenues dans tout support d’information avant leur saisie.
Tous objets, documents et supports d’information saisis sont inventoriés et placés sous scellés.»
Ces dispositions légales ne limitent pas l’autorisation de saisie aux documents appartenant ou émanant des personnes visées par les présomptions de pratique commerciale trompeuse, mais permettent la saisie de toutes les pièces se rapportant aux agissements frauduleux et ainsi de tous les documents des personnes physiques ou morales en relations d’affaires avec la société suspectée de ces agissements, pourvu qu’ils soient utiles, ne serait-ce que pour partie, à la preuve de ceux-ci.
Le seul nombre des documents saisis, de même que leur volume, ne permet pas de caractériser une absence de sélection ou le caractère disproportionné des saisies, qui ont eu lieu dans les locaux limitativement énumérés par l’ordonnance du JLD, ainsi qu’il a été exposé plus haut.
Il est en vain soutenu que les OVS ont revêtu un caractère massif et indifférencié privant les requérantes de leur droit à un recours effectif, puisqu’elles ont précisément exercé ce droit en formant, à l’encontre de ces opérations, les recours examinés par la presente ordonnance, dont l’objet est de faire apprécier de manière concrète et effective la régularité de ces opérations et de permettre aux requérantes d’obtenir, le cas échéant, la restitution des documents concernés ou l’assurance de leur parfait effacement s’agissant de copies de fichiers informatiques.
Il convient de préciser, s’agissant des modalités de la saisie des messageries informatiques, que les enquêteurs ne sont pas tenus d’opérer un tri préalable à la saisie, dans les locaux de l’entreprise, ni d’ individualiser sur place les seuls messages entrant dans le champ de l’autorisation judiciaire, et que lors de l’examen des recours, le premier président n’est pas tenu d’apprécier la possibilité pour les enquêteurs de procéder autrement qu’ils ne l’ont fait d’un point de vue purement technique, ni de se fonder sur les modalités techniques des saisies, les moteurs de recherche et les mots-clés utilisés.
En outre, un fichier de messagerie doit être regardé comme étant un fichier informatique indivisible qui peut être saisi dans son entier s’il est susceptible de contenir des éléments intéressant l’enquête, car il est difficilement envisageable d’individualiser sur place au cours des opérations les seuls messages pertinents, en les analysant un à un, au risque de paralyser le fonctionnement de l’entreprise et de réduire l’efficacité de l’enquête, la saisie globale de messageries garantissant l’intégrité et l’authenticité des éléments de preuve, en évitant d’altérer des métadonnées des fichiers.
La copie intégrale des fichiers de messageries, sans individualisation de chaque message et leur saisie dans leur globalité, dès lors qu’ils contiennent des éléments pour partie utiles à la preuve des agissements présumés, ne méconnaissent pas les exigences de l’article 8 de la Convention de européenne des droits de l’homme, ces mesures étant prévues par la loi qui permet aux enquêteurs de saisir tous documents ou supports d’information en rapport avec les agissements prohibés visés par l’autorisation et n’étant pas en elles-mêmes disproportionnées.
Il résulte des procès-verbaux relatant les OVS contestées qu’a été constatée, dans chacun des ordinateurs dont les messageries ont été saisies, la présence de données entrant dans le champ de l’autorisation de visite et de saisies donnée par le juge des libertés et de la détention.
On rappellera qu’une messagerie électronique est « insécable » dès lors que les documents de messagerie litigieux, issus d’un logiciel de messagerie électronique, sont stockés dans un fichier unique pour l’ensemble des services fournis à l’utilisateur et que la sélection message par message aurait pour effet de modifier les références électroniques des fichiers déplacés et d’en affecter l’authenticité.
Tel est le cas des messageries de type Microsoft Outlook qui ont été saisies dans le cadre des OVS contestées, contenant des données qui n’étaient ni divisibles, ni étrangères au but de l’autorisation accordée.
Il résulte de ce qui précède que les OVS contestées ne présentent pas de caractère massif et indifférencié.
Dans l’hypothèse où ont été appréhendés des documents protégés par le secret des correspondances avocat-client, la protection de la vie privée, ou étrangers aux besoins de l’enquête, la conséquence encourue n’est pas l’annulation de l’ensemble des opérations de visite et de saisies, mais simplement la restitution par destruction des seuls documents en question, avec interdiction d’en conserver une copie ou de les utiliser de quelque manière que ce soit.
En l’espèce, il est soutenu qu’ont notamment été saisis des messages couverts par le secret des correspondances avocat-client, à savoir 54 courriels dans la messagerie de [P] [N], 15 courriels dans la messagerie de [X] [N], et 25 courriels dans la messagerie de l’adresse fdelhermite@bernardaud.com.
La seule liste de ces courriels, versée aux débats ( pièce n°10), ne permet pas au premier président de s’assurer de leur contenu.
N’ont été produits, à l’audience du 16 avril 2024, que les courriels figurant aux pièces n°15, 16 et 17 du dossier de plaidoirie des sociétés requérantes qui indique ces pièces ont été communiquées.
La pièce n°15 contient des messages échangés ou reçus de cabinets d’avocats, concernant la lutte contre les contrefaçons de la marque Bernardeau, les saisies douanières de produits contrefaits, un projet commun avec l’artiste Jeff Koons, la portée de l’indication géographique (IG) Porcelaine de Limoges, une assignation en référé de la société Inhesion industrial à la demande des sociétés [N] et Société Limousine de fabrication de porcelaine, un arrêt du 29 juin 2022 de la cour d’appel de Paris dans un litige opposant ces sociétés et l’exécution de celui-ci.
La pièce n°16 contient des messages échangés entre des dirigeants de la saociété [N] et plusieurs cabinets d’avocat, notamment celui ayant pour une adresse courriel de type @avocats-mb.com, relatifs à des contrefaçons d’oeuvres de l’artiste Jeff Koons par des tiers, aux sites diffusant des copies d’oeuvres de ce dernier et à l’usurpation de son nom, à des retenues douanières de contrefaçons par des tiers de produits Koons et [N], à la mise en vente sur le site Alibaba de produits de la société Shenzen AC vision Home Decor faisant référence à une fabrication par la société [N], à la possibilité d’une action contre cette société et à la convention d’honoraires correspondante, à la mise en vente de produits présentés comme de la marque [N] par le site wtfporcelain.com appartenant à Mme. [Y], à la possibilité d’une action contre ce site et à la convention d’honoraires correspondante, à une procédure initiéé par la société [N] contre la SARL Legrand pour concurrence déloyale, et à la valorisation des actifs incorporels de la société [N].
La pièce n°17 contient des messages échangés par l’avocat [W] [A] avec [O] [I] et [H] [I] au sujet de différends avec leur locataires, d’un incendie ayant pris naissance dans l’appartement de la société Sin capital situé dans une copropriété, et de divers troubles du voisinage.
On rappellera que si les correspondances échangées entre le client et son avocat sont, en toutes matières, couvertes par le secret professionnel, il demeure qu’elles peuvent notamment être saisies dans le cadre des opérations de visites prévues par la loi dès lors qu’elles ne concernent pas l’exercice des droits de la défense, de sorte que le premier président, statuant sur la régularité de ces opérations ne peut ordonner la restitution des correspondances entre l’occupant des lieux visités et un avocat en raison de leur confidentialité que si celles-ci sont en lien avec l’exercice des droits de la défense.
Les requérants ne peuvent se contenter d’identifier les courriers concernés, mais doivent apporter les éléments de nature à établir que ces courriers étaient en lien avec l’exercice des droits de la défense.
En l’espèce, il ne résulte pas de l’examen des courriels produits, figurant aux pièces n°15, 16 et 17 du dossier de plaidoirie des sociétés requérantes, que ceux-ci sont en lien avec l’exercice des droits de la défense des sociétés requérantes, et seraient donc insaisissables. Les actions envisagées par ces sociétés à l’égard de tiers suspectés de contrefaçon ne relèvent pas de l’exercice des droits de la défense.
Ces sociétés ne sauraient se faire un grief du fait que s’agissant du site d'[Localité 12], les agents de la DGCCRF ont, le 1er juin 2023, ouvert les scellés fermés provisoires afin d’en expurger les éléments couverts par le secret des correspondances avocat-client, et auraient examiné ainsi la nature de ces élements, puisque les opérations d’expurgation ont eu lieu à la demande des sociétés requérantes et dans leur intérêt.
S’agissant de documents relevant de la vie privée des salariés des sociétés en cause,seuls sont produits à ce titre les documents figurant pièce n°12 du dossier de plaidoirie des sociétés requérantes, adressés ou reçus par M. [C] [N], relatifs à la vaccination contre la Covid, à des menus de restaurant,et à divers événements privés ( wedding, coiffeur ).
Il y a lieu de constater que ces documents figurant en pièce n°12 relèvent bien de la vie privée et sont sans rapport avec l’objet de l’enquête, ce qui est également le cas des documents produits en pièce n°17 dont le contenu a été rappelé plus haut
Les autres documents dont il est soutenu qu’ils relèveraient de la vie privée et seraient sans rapport avec l’objet de l’enquête ne sont pas produits, de telle sorte qu’il n’est pas possible d’examiner leur contenu.
Ainsi qu’il a déjà été indiqué plus haut, la saisie globale de messageries informatiques, dès lors qu’elles contiennent des documents en rapport avec l’objet de l’autorisation donnée par le JLD, ne peut être considérée comme disproportionnée. Elle ne suffit pas non plus a démontrer que des fichiers de messagerie sans rapport avec l’objet de l’enquête aient nécessairement été saisis.
En l’absence de production par les sociétés requérantes des documents et fichiers dont elles soutiennent qu’ils seraient en dehors du champ de l’autorisation donnée par le JLD, leurs demandes d’annulation et de restitution seront rejetées.
Concernant les opérations d’expurgation du scellé fermé provisoire et de constitution du scellé fermé définitif d'[Localité 12]
Les sociétés requérantes exposent qu’à l’issue des OVS sur le site d'[Localité 12], le 28 mars 2023, les agents de la DGCCRF ont placé les document saisi sous scellés fermes provisoires ( SFP ) et fixé un rendez-vous au 25 avril 2023 en vue de son ouverture, en leur demandant de leur fournir pour le 28 avril 2023, sous forme de tableau dont ils ont communiqué un modèle, le liste des documents dont elles estiment qu’ils sont protégés par le secret de la correspondance avocat-client.
Elles ajoutent qu’à la suite d’une demande d’extension de délai de leurs avocats, il leur a été accordé un délai supplémentaire expirant au 16 mai 2023 pour transmettre le tableau, le rendez-vous d’ouverture des SFP et de constitution des scellés fermés définitif (SFD) étant reporté au 1er juin 2023.
Ces indications ne sont pas contestées par la DGCCRF.
Elles exposent que le délai dont elles ont disposé était insuffisant pour procéder à une analyse exhaustive des documents placés sous SFP , en raison de leur volume important et du fait que la copie des documents ne leur avait pas été remise, seul un inventaire détaillé leur ayant été transmis, et qu’elles n’ont pas été en mesure de s’assurer dans le temps imparti de l’exhaustivité des documents couverts par le secret de la correpondance avocat-client, ce qui a gravement porté atteinte à l’exercice des droits de la défense.
Il convient d’observer, en premier lieu, que le recours à la procédure de SFP permettant une expurgation avant la constitution de SFD est une simple faculté laissée à l’appréciation des enquêteurs, et que celle-ci est de nature à faciliter l’exercice des droits de la défense.
En second lieu,il résulte des propres explications des requérantes, corroborées par l’examen des pièces produites, qu’elles ont bénéficié d’un délai de plus de 6 semaines, entre le 28 mars 2023, date des OVS et de la réalisation des SFP, et le 16 mai 2023 ( délai supplémentaire ) pour transmettre la liste des documents qu’elles estimaient insaisissables, l’ouverture des SFP et la constitution des SFD ayant eu lieu le 1er juin 2023.
Ce délai de plus de 6 semaines était en l’espèce suffisant pour permettre aux sociétés concernées d’identitier les documents et messages dont elles demandaient le retrait, étant précisé que la seule ampleur des documents et messages placés sous SFP ne suffit pas à établir l’impossibilité d’une telle identification dans le délai imparti, et que l’article L512-62 du code de la consommation ne prévoit la remise à l’occupant des lieux ou à son représentant que de la copie du procès-verbal et de l’inventaire des objets, documents et supports d’information saisis.
Il est soutenu que lors de l’ouverture des SFP le 1er juin 2023, en présence de l’occupant des lieux et ses avocats, ces derniers n’ont pas pu développer oralement le bien fondé de leur demande d’expurgation des documents listés dans leur courrier du 16 mai précédent, ce qui porterait atteinte aux droits de la défense.
Il ne résulte d’aucune disposition légale ni d’aucune jurisprudence qu’un débat contradictoire oral devrait être organisé au stade de l’enquête, y compris durant la procédure d’expurgation des SFP.
Dès lors qu’il ressort de l’examen des pièces que les sociétés ont transmis aux enquêteurs la liste des documents qu’ils estimaient insaisissables, et que les réserves exprimées concernant la saisie de ceux-ci ont été mentionnées au procès-verbal ( le PV 01062023/[Localité 12]/SFP indiquant expressément sous la signature de M. [P] [N] ‘ sous réserve du courrier de réserve remis en mains propres à Monsieur l’officier de police judiciaire’), l’argument tiré d’une atteinte aux droits de la défense est inopérant.
Les sociétés requérantes font valoir que lors de l’opération d’expurgation, l’officier de police judiciaire (OPJ) s’est absenté à compter de 10 h 30 jusqu’à 17 h 30, et que cette absence constitue une violation des articles L512-53 et L512-52 du code de la consommation selon lesquels les OVS s’effectuent sous l’autorité et le contrôle du juge qui les a autorisés, les OPJ devant tenir ce magistrat informé du déroulement des opérations.
En l’espèce, il résulte du procès-verbal relatant les opérations de constitution des SFD le 1er juin 2023 que l’OPJ était présent lors de l’ouverture des scellés fermés provisoires, puis à la constitution des SFD, et que si ‘ après accord préalable du juge des libertés et de la détention (il) a ‘ quitté temporairement les locaux à 10 heures 25 » en restant ‘ en mesure d’intervenir à tout moment ‘, il a rejoint les locaux à 17 heures 45, avant la mise sous SFD, la totalité des opérations étant terminée à 18 heures
Dans ces conditions, les requérantes, lesquelles n’articulent aucun grief qui serait résulté de l’absence momentanée de l’OPJ, autorisée par le JLD, ne sont pas fondées à soutenir que la nullité du procès-verbal et des opérations du 1er juin 2023 serait encourue.
La circonstance que la lisibilité de la copie des fichiers définitivement saisis qui leur a été remise n’ait pas été vérifiée est indifférente, dès lors que les requérantes ne soutiennent pas, ni a fortiori n’établissent, que cette copie serait illisible en tout ou partie, ou affectée de défauts.
Concernant les imprécisions et omissions alléguées des procès-verbaux d’OVS
L’absence, dans le procès-verbal de constitution des scellés définitifs du site d'[Localité 12] ( PV 01062023/[Localité 12]/SFP) des raisons pour lesquelles la DGCCRF a estimé que certains des documents figurant sur la liste de 1193 items qui lui avait été transmise le 16 mai 2023, soit 108 d’entre eux, n’étaient pas protégés par le secret des relations avocat-client, ne constitue pas une cause de nullité de ce procès-verbal, dès lors qu’aucune disposition légale ne faisait obligation aux enquêteurs d’y indiquer les motifs pour lesquels ils considéraient que ces 108 documents ne relevaient pas de la protection accordée par l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 et n’avaient pas à être expurgés.
De même, le manque de précisions sur la méthode et les mots-clés utilisés par les enquêteurs pour identifier les données entrant dans le champ de l’autorisation du JLD est indifférent, puisque selon une jurisprudence constante, aucune disposition légale n’impose aux agents qui participent aux opérations de communiquer leur mode opératoire, et notamment les mots-clés utilisés pour la recherche de documents pertinents dans les systèmes informatiques.
Il est soutenu que la messagerie de M. [B] a été saisie, comme en témoigne l’inventaire, sans que le procès verbal relatif aux OVS du siège social de Limoges n’en fasse état. Le contenu de cette messagerie n’est pas produit aux débats.
Ce procès-verbal (PV 28032023/LIMOGES1/NUM) mentionne que les enquêteurs ont demandé et obtenu l’accès aux données numériques contenues dans l’espace réseau de sociétés concernées et qu’il y ont constaté la présence de données entrant dans le champ de l’autorisation prévue par l’ordonnance du JLD mais ne mentionne aucunement la saisie de la messagerie de M.[B].
S’il est plausible, comme le fait valoir la DGCCRF, que la messagerie désignée à l’inventaire comme ‘MESS-[B].ad1″, correspondant à la messagerie courriels de M. [B], se trouvait sur le réseau des sociétés concernées, il n’en demeure pas moins que l’absence au procès-verbal mentionné ci-dessus de toute mention de la saisie de la messagerie de l’intéressé a pour conséquence l’irrégularité de cette saisie,
La restitution par destruction de la messagerie de M. [B] sera donc ordonnée.
Le premier président de la cour d’appel de Limoges, statuant contradictoirement et en dernier ressort ;
Ordonne la jonction des instances enregistrées sous les numéros de RG : 23/00034 (appels), et 23/00035, 23/00036, 23/00037, 23/00038, 23/00039, 23/00064 (recours), qui seront regroupées sous le numéro le plus ancien (RG 23/00034) ;
DIT n’y avoir lieu à annulation de l’ordonnance rendue le 22 mars 2023 par le juge des libertés et de la détention de Limoges ;
INFIRME partiellement cette ordonnance, mais en ses seules dispositions ayant autorisé la DGCCRF à procéder ou à faire procéder à des opérations de visite et de saisies dans les locaux de l’association pour l’indication géographique « porcelaine de Limoges », de l’association pour l’inscription de la porcelaine de Limoges au patrimoine immatériel de l’Unesco et de l’Union des fabricants de porcelaine de Limoges ;
La CONFIRME en toutes ses autres dispositions ;
DECLARE irrégulières et ordonne l’annulation des opérations de visite et de saisies auxquelles ont procédé les agents de la DGCCRF le 28 mars 2023 dans les locaux de l’association pour l’indication géographique « porcelaine de Limoges », de l’association pour l’inscription de la porcelaine de Limoges au patrimoine immatériel de l’Unesco et de l’Union des fabricants de porcelaine de Limoges ( PV 28032023/LIMOGES3) ;
ORDONNE la restitution aux associations en cause, par destruction, de l’intégralité des pièces saisies lors des opérations de visite et de saisies déclarées irrégulières, avec interdiction pour la DGCCRF d’en conserver une copie ou de les utiliser directement ou indirectement de quelque manière que ce soit ;
CONSTATE le désistement de la SCI de La grange Batelière de son recours intenté contre les opérations de visite et de saisies effectuées le 28 mars 2023 dans ses locaux à l’angle du [Adresse 8] et du [Adresse 1] et des procès verbaux les relatant (PV 28032023/ LIMOGES2/PAP) ;
REJETTE les recours intentés par les sociétés [N] SA, Limousine de fabrication de porcelaine et SCI de Lagrange Batelière contre les opérations de visite et de saisies effectuées le 28 mars 2023 dans leurs locaux , ainsi que contre les opérations de constitution de scellés numériques définitifs réalisées le 1er juin 2023, à l’exception des recours concernant les pièces n°12 et n°17 produites, ainsi que la messagerie de M. [B].
DECLARE irrégulières et ordonne l’annulation des saisies pratiquées:
– sur les documents figurant pièce n°12 du dossier de plaidoirie des sociétés requérantes, courriels adressés ou reçus par M. [C] [N], ayant pour objet ( subject) : photo of vaccination card is fine ; photo menu ;vous avez reçu un message personnel du Crédit Agricole, restaurant NY ;Rdv PCR, Soirée [L] ! ; Raclette ‘; Rory and gigi wedding ! ; week end 30 ans [L] ;Coiffeur;
– sur les documents figurant pièce n°17 du dossier de plaidoirie des sociétés requérantes, se trouvant dans la messagerie de Mme [O] [I], à savoir 25 courriels émanant de l’adresse [Courriel 10] ;
– sur la messagerie de M. [B] figurant à l’inventaire annexé au PV 28032023/LIMOGES1/NUM comme comme ‘MESS-[B].ad1″ ;
ORDONNE la restitution par destruction, des documents dont les saisies sont annulées, énumérés ci-dessus, avec interdiction pour la DGCCRF d’en conserver une copie ou de les utiliser directement ou indirectement de quelque manière que ce soit ;
CONDAMNE la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à payer à l’association pour l’indication géographique « porcelaine de Limoges », à l’association pour l’inscription de la porcelaine de Limoges au patrimoine immatériel de l’Unesco et à l’Union des fabricants de porcelaine de Limoges une indemnité globale de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE aux dépens les sociétés [N] S.A, Limousine de fabrication de porcelaine et SCI de la grange batelière ainsi que la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ;
DIT que les dépens seront partagés pour moitié entre ces sociétés, d’une part, et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, d’autre part.
Le greffier, Le premier président,
Laetitia LUZIO SIMOES, Valéry TURCEY.