Le fait qu’un litige proche a opposé les mêmes parties par le passé peut, dans de rares cas, être un élément pertinent pour apprécier la légitimité d’un nouveau litige et de ce fait, indirectement, la proportionnalité d’une mesure demandée dans le cadre de celui-ci, mais seulement si, par ses circonstances et sa proximité avec lui, il révèle un risque de détournement de la procédure qui rend nécessaire une attention et le cas échéant une protection renforcée contre les abus. Inversement, tirer des conséquences défavorables pour le demandeur de la simple existence d’un litige passé relèverait du préjugement et violerait ainsi le principe d’impartialité, donc le droit au procès équitable (voir, en ce sens, décision du présent tribunal, 5 janvier 2023, Weill, 23/10283, point 39).
La saisie-contrefaçon reste légitime même si le titulaire dispose déjà de preuves, celui-ci étant maitre de sa stratégie et notamment du degré d’effort probatoire qu’il estime nécessaire au succès de ses prétentions ; au demeurant, comme le souligne la société Neoperl, la recherche de preuves du préjudice peut être autorisée même quand la contrefaçon est déjà prouvée dans son principe, et comme relevé au point précédent, la saisie-contrefaçon peut avoir pour objet de découvrir d’autres faits que ceux déjà prouvés par le requérant, si des indices de ces autres faits existent. L’obligation faite aux personnes présentes sur les lieux de la mesure de coopérer à celle-ci n’est que le moyen de rendre celle-ci possible en cas de résistance éventuelle ; elle ne vise qu’à trouver les preuves matérielles, sans provoquer aucune auto-incrimination. Au cas présent, cette obligation, limitée à l’indication de l’emplacement des preuves et à la mise en oeuvre ou la révélation des moyens informatiques, dont les mots de passe, est nécessaire et ne porte pas d’atteinte supplémentaire à celle que cause déjà la mesure dans son principe et son étendue, laquelle est proportionnée ainsi qu’il a été dit au point 23. Enfin, le nombre de mesures autorisées, élevé mais non expressément critiqué, est justifié par la pluralité de lieux (une mesure a été autorisée pour chacune des deux villes où se trouvaient les sites visés des sociétés Ecoperl), par le choix, non critiqué et a priori légitime, de mener une mesure par brevet, ainsi que par le nombre de sociétés visées dans ces lieux, susceptible d’occuper chacune des locaux distincts. En application de l’article 3 de la directive 2004/48, les procédures nécessaires pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle mises en oeuvre par les États membres doivent être loyales et proportionnées. En outre, en application de l’article 10 du code civil, les parties ont l’obligation, en vertu du principe de loyauté des débats, de produire et le cas échéant communiquer en temps utiles les éléments en leur possession, en particulier lorsqu’ils sont susceptibles de modifier l’opinion des juges (1re Civ., 7 juin 2005, pourvoi n° 05-60.044). Il en résulte que le requérant à une mesure de saisie-contrefaçon doit faire preuve de loyauté dans l’exposé des faits au soutien de sa requête en saisie-contrefaçon, afin de permettre au juge d’autoriser une mesure proportionnée en exerçant pleinement son pouvoir d’appréciation des circonstances de la cause (Cass., Com., 6 décembre 2023, pourvoi n° 22-11.071, points 10 à 12 et point 15). Conseils juridiques: 1. Attention à la loyauté dans l’exposé des faits au soutien de votre requête en saisie-contrefaçon, afin de permettre au juge d’exercer pleinement son pouvoir d’appréciation des circonstances de la cause. 2. Il est recommandé de veiller à la proportionnalité des mesures demandées, en fournissant des preuves matérielles suffisantes pour justifier la saisie-contrefaçon et en évitant tout excès dans le nombre ou l’étendue des mesures autorisées. 3. Il est conseillé de vérifier la recevabilité de toute demande en nullité, en s’assurant que les motifs invoqués relèvent de la compétence du juge saisi et en évitant toute confusion avec les conditions de signification des ordonnances contestées. |
→ Résumé de l’affaireL’affaire concerne des soupçons de contrefaçon de brevets européens par les sociétés Ecoperl, qui ont été l’objet de saisies-contrefaçon autorisées par le tribunal. Les sociétés Ecoperl demandent la rétractation des ordonnances, la destruction des éléments obtenus lors des saisies et des dommages et intérêts. Elles soutiennent que la société Neoperl a agi de manière déloyale et que les mesures autorisées étaient disproportionnées. La société Neoperl conteste ces allégations et affirme que les mesures étaient justifiées. Les parties s’opposent également sur la question des frais de procédure.
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→ Les points essentielsDemander en rétractation des ordonnancesArticles 496 et 497 du code de procédure civileLes articles 496 et 497 du code de procédure civile permettent à tout intéressé de demander au juge de modifier ou rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l’affaire. Article L. 615-5 du code de la propriété intellectuelleEn vertu de l’article L. 615-5 du code de la propriété intellectuelle, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut demander une saisie-contrefaçon pour établir la contrefaçon de brevet. LoyautéDirective 2004/48Les procédures pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle doivent être loyales et proportionnées, selon l’article 3 de la directive 2004/48. Principe de loyauté des débatsLes parties ont l’obligation de produire tous les éléments en leur possession de manière loyale, afin de permettre au juge d’exercer pleinement son pouvoir d’appréciation des circonstances de la cause. ProportionnalitéMesures de saisie-contrefaçonLes mesures de saisie-contrefaçon doivent être proportionnées aux faits et circonstances de l’affaire, et peuvent servir à prouver d’autres faits que ceux déjà identifiés. Nombre de mesures autoriséesLe nombre de mesures autorisées doit être justifié par la pluralité de lieux et de sociétés visées, et ne doit pas être critiqué s’il est légitime. Demande subsidiaire en nullitéLimites du juge de la rétractationLe juge de la rétractation ne peut prononcer la nullité des actes pour d’autres motifs que ceux prévus par la loi, ce qui limite sa compétence en la matière. Dispositions finalesCondamnation aux dépensLa partie perdante est généralement condamnée aux dépens, sauf décision motivée du juge. L’article 700 du code de procédure civile permet également de condamner la partie perdante à payer une somme déterminée pour les frais exposés. Exécution provisoireL’exécution provisoire est de droit et doit être respectée, sauf circonstances exceptionnelles. Les montants alloués dans cette affaire: – Rejet des demandes en rétractation des ordonnances du 19 janvier 2023, destruction et interdiction
– Déclaration irrecevable de la demande en nullité des saisies-contrefaçon – Condamnation in solidum des sociétés Ecoperl, Ecoperl France et Bricoperl aux dépens – Paiement de 4 000 euros à la société Neoperl au titre de l’article 700 du code de procédure civile |
→ Réglementation applicable– Code de procédure civile
– Code de la propriété intellectuelle – Code civil Article 496 du Code de procédure civile: Article 497 du Code de procédure civile: Article L. 615-5 du Code de la propriété intellectuelle: Article 3 de la directive 2004/48: Article 10 du Code civil: Article 696 du Code de procédure civile: Article 700 du Code de procédure civile: |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Maître Fabien STORM de la SELARL FORSETI – AVOCATS
– Maître Camille PECNARD du cabinet LAVOIX |