Le personnage ‘Willis from Tunis’ créée par une illustratrice durant la révolution tunisienne de 2011 est protégée. Sa reproduction par un site internet véhiculant une idéologie radicale a été sanctionnée. Ladite illustration d’un chat espiègle et moqueur commentant les événements sur les réseaux sociaux, a acquis une forte notoriété, abordant, par ce personnage, des thèmes tabous comme l’islamisme, la place des femmes, la censure, le terrorisme, l’hypocrisie des nouveaux notables politiques, mais aussi la guerre en Syrie et la vie politique française.
L’affaire concerne une condamnation de l’association Egalité et Réconciliation pour contrefaçon de dessins appartenant à Mme [Y] [C] sur son site internet. Le tribunal judiciaire de Paris a ordonné à l’association de verser des dommages-intérêts à Mme [C] ainsi que des frais de justice. L’association a interjeté appel et conteste la matérialité des faits allégués. Mme [C] demande en appel une augmentation des dommages-intérêts pour préjudice moral et patrimonial. L’affaire est en attente de jugement de la cour.
Introduction de l’affaire
Mme [C], artiste peintre, dessinatrice et enseignante en arts plastiques, a créé le personnage ‘Willis from Tunis’ durant la révolution tunisienne de 2011. Ce personnage, un chat espiègle et moqueur, commente les événements sur les réseaux sociaux et aborde des thèmes tabous comme l’islamisme, la place des femmes, la censure, le terrorisme, et la vie politique française.
Publication des dessins et revendication des droits d’auteur
Mme [C] publie des dessins de caricature dans divers journaux et revendique des droits d’auteur sur des dessins divulgués le 21 avril 2020 sur les réseaux sociaux. Ces dessins, reproduisant le personnage ‘Willis from Tunis’, font référence à l’échec des États, notamment l’État tunisien, dans la protection de leurs citoyens face à la COVID-19.
Association Egalité et Réconciliation
Fondée en 2007, l’association Egalité et Réconciliation, présidée par M. [N] [Z], se présente comme une association visant à promouvoir une action politique des citoyens dans le cadre de la Nation Française. Elle édite et héberge un site Internet accessible à l’adresse www.egaliteetreconciliation.fr.
Publication non autorisée des dessins
Mme [C] a constaté que le site internet de l’association Egalité et Réconciliation a publié, sans son autorisation, les dessins du personnage ‘Willis from Tunis’ dans un article intitulé « Les dessins de la semaine-Spéciale liberté d’expression » le 28 octobre 2020. Elle a mis en demeure l’association de retirer les dessins litigieux et a sollicité une indemnisation pour le préjudice subi.
Procédure judiciaire
Après avoir constaté le retrait des dessins du site Internet de l’association, mais l’absence de réponse à ses demandes indemnitaires, Mme [C] a fait assigner l’association Egalité et Réconciliation en contrefaçon de droits d’auteur et subsidiairement en parasitisme, devant le tribunal judiciaire de Paris.
Jugement de contrefaçon
L’association Egalité et Réconciliation ne conteste ni la titularité des droits d’auteur de Mme [C] ni la protection de ces dessins par le code de la propriété intellectuelle. Cependant, elle conteste la valeur probante des preuves apportées par Mme [C]. Le tribunal a néanmoins jugé que la reproduction non autorisée des dessins constituait une contrefaçon des droits d’auteur de Mme [C].
Preuves de la contrefaçon
Mme [C] a fourni un procès-verbal de constat d’huissier de justice réalisé sur le site archive.org, démontrant la reproduction des dessins sur le site de l’association. Elle a également produit des impressions d’écran et des reproductions des dessins figurant en annexe de la mise en demeure adressée à l’association.
Indemnisation des préjudices
Le tribunal a accordé à Mme [C] une indemnisation de 594 euros pour l’atteinte à ses droits patrimoniaux, basée sur le barème de l’ADAGP. En outre, il a alloué 4 000 euros en réparation des atteintes à son droit moral d’auteur, en raison de la reproduction de ses dessins sur un site véhiculant un message politique incompatible avec ses valeurs.
Confirmation du jugement
Le jugement a été confirmé, sauf sur le quantum des dommages intérêts alloués à Mme [C], qui a été fixé à la somme totale de 4 594 euros. Cette somme comprend le préjudice moral et patrimonial subi par Mme [C] et produira des intérêts au taux légal à compter du jugement.
Conclusion
Les demandes subsidiaires de Mme [C] fondées sur le parasitisme sont devenues sans objet. L’association Egalité et Réconciliation a été condamnée aux dépens d’appel et aux frais irrépétibles. Mme [C] a également obtenu une indemnisation pour les frais non compris dans les dépens, conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
– Dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon commis à l’encontre de Mme [C]: 4 594 euros
– Intérêts au taux légal à compter du jugement sur la somme de 3 001 euros et du présent arrêt pour le surplus
– Somme supplémentaire au titre de l’article 700 du code de procédure civile: 5 000 euros
– Dépens d’appel conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile
Réglementation applicable
Voici la liste des articles des Codes cités dans le texte fourni, ainsi que le texte de chaque article :
Code de procédure civile
– Article 4 :
« L’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. »
– Article 5 :
« Le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé. »
– Article 699 :
« La partie perdante est condamnée aux dépens, sauf si le juge en décide autrement par une décision motivée. »
– Article 700 :
« Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. »
Code de la propriété intellectuelle
– Article L.111-1 :
« L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial, qui sont déterminés par les livres Ier et III du présent code. »
– Article L.121-1 :
« L’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre. »
– Article L.122-4 :
« Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque. »
– Article L.331-1-3 :
« Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1° Les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte aux droits. »
– Article L.335-3 :
« Est un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d’une œuvre de l’esprit en violation des droits de l’auteur, tels qu’ils sont définis et réglementés par la loi. »
Ces articles sont cités dans le contexte d’une affaire de contrefaçon de droits d’auteur impliquant Mme [C] et l’association Egalité et Réconciliation.
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
Mots clefs associés
– Contrefaçon
– Droits d’auteur
– Propriété intellectuelle
– Reproduction non autorisée
– Prejudice moral
– Atteinte à l’intégrité de l’œuvre
– Réparation des dommages et intérêts
– Site internet
– Association Egalité et Réconciliation
– Willis from Tunis
– Liberté d’expression
– Parasitisme
– Jugement
– Dommages et intérêts
– Dépens
– Frais irrépétibles
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRÊT DU 26 AVRIL 2024
(n°51, 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 22/14798 – n° Portalis 35L7-V-B7G-CGJGJ
Décision déférée à la Cour : jugement du 02 juin 2022 – Tribunal Judiciaire de PARIS – 3ème chambre 1ère section – RG n°21/02906
APPELANTE
Association EGALITE ET RECONCILIATION, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège situé
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Eric ALLERIT de la SELARL TAZE-BERNARD – ALLERIT, avocat au barreau de Paris, toque P 241
Assistée de Me Lahcène DRICI, avocat au barreau de Paris, toque B 207
INTIMEE
Mme [Y] [C]
Née le 21 mai 1973 à [Localité 4] (Tunisie)
De nationalité française et tunisienne
Exerçant la profession d’artiste peintre, dessinatrice et enseignante en arts plastiques
Demeurant [Adresse 2]
Représentée par Me Simon ROLIN, avocat au barreau de PARIS, toque E 1601
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 février 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Véronique RENARD, présidente, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport, en présence de Mme Agnès MARCADE, conseillère
Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Véronique RENARD, présidente de chambre,
Mme Laurence LEHMANN, conseillère,
Mme Agnès MARCADE, conseillère.
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRÊT :
Contradictoire
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
signé par Véronique RENARD, Présidente de chambre et par Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement contradictoire rendu le 2 juin 2022 par le tribunal judiciaire de Paris qui a :
– dit qu’en reproduisant sans autorisation sur son site Internet https://www.egalite etreconciliation.fr les dessins sur lesquels Mme [Y] [C] est titulaire de droits d’auteur, l’association Egalité et Réconciliation a commis des actes de contrefaçon à son préjudice,
– condamné l’association Egalité et Réconciliation à payer à Mme [Y] [C] 3 001 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice imputable à la contrefaçon, cette somme produisant intérêts au taux légal à compter du jugement,
– condamné l’association Egalité et Réconciliation aux dépens, qui pourront être recouvrés par Me Simon Rolin, avocat, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile,
– condamné l’association Egalité et Réconciliation à payer à Mme [Y] [C] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Vu l’appel interjeté le 4 août 2022 par l’association Egalité et Réconciliation,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 28 avril 2023 par l’association Egalité et Réconciliation, appelante, qui demande à la cour de :
– infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau :
A titre principal :
– constater que les conditions générales du site Archive.org stipulent expressément l’absence de garantie d’exactitude des données et limitent leur utilisation aux domaines de la recherche scolaire,
– constater que le courriel de l’association Egalité et Réconciliation et le courriel attribué sans preuve à M. [Z] ne reconnaissant pas la matérialité de la publication alléguée,
– constater l’absence de valeur probante du constat d’huissier du site archive.org et des courriels,
– donner acte à l’association Egalité et Réconciliation, de sa contestation de la matérialité des faits,
– constater l’absence de preuve de la matérialité des faits allégués,
En conséquence,
– débouter Mme [C] de l’intégralité de ses demandes,
A titre subsidiaire,
– constater l’absence de preuve des préjudices allégués,
En conséquence,
– débouter Mme [C] de l’intégralité de ses demandes.
En tout état de cause,
– condamner Mme [C] à verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [C] aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de Me Allerit, membre de la SELARL TBA admis à se prévaloir des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 30 janvier 2023 par Mme [C], intimée, qui demande à la cour de :
A titre principal :
– confirmer, le jugement de première instance en ce qu’il a dit qu’en reproduisant sans autorisation sur son Internet les dessins sur lesquels Mme [Y] [C] est titulaire de droits d’auteur, l’association Égalité et Réconciliation a commis des actes de contrefaçon à son préjudice,
– condamner l’association Egalité et Réconciliation à payer à Mme [C] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l’atteinte à son droit moral, à savoir la paternité et l’intégrité spirituelle de son ‘uvre,
– condamner l’association Egalité et Réconciliation à payer à Mme [C] la somme de 594 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l’atteinte à ses droits patrimoniaux,
– en conséquence, infirmer le jugement de première instance en ce qu’il a condamné l’association Egalite et Réconciliation à payer la somme de 3 001 euros en réparation du préjudice imputable à la contrefaçon, cette somme produisant intérêts au taux légal à compter du jugement,
A titre subsidiaire :
– condamner l’association Egalité et Réconciliation à payer à Mme [C] la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice résultant des actes parasitaires commis par l’association appelante,
En tout état de cause,
– dire que ces sommes porteront intérêt à taux légal à compter de la première mise en demeure,
– condamner l’association Egalité et Réconciliation à payer à Mme [C] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner l’association Egalité et Réconciliation aux entiers dépens à la distraction de Me Simon Rolin,
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 8 juin 2023 ;
SUR CE,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
Il sera simplement rappelé que Mme [C] se présente comme une artiste peintre, dessinatrice et enseignante en arts plastiques.
Elle a créé le personnage ‘Willis from Tunis’ durant la révolution tunisienne de 2011, un chat qu’elle présente comme espiègle et moqueur commentant les événements sur les réseaux sociaux, et fait valoir que ce personnage a acquis une forte notoriété, abordant, par ce personnage, des thèmes tabous comme l’islamisme, la place des femmes, la censure, le terrorisme, l’hypocrisie des nouveaux notables politiques, mais aussi la guerre en Syrie et la vie politique française.
Mme [C] publie des dessins de caricature dans les journaux Siné Mensuel, Courrier International et Zelium, faisant partie, en 2019, de l’équipe des dessinatrices du nouveau mensuel satirique Siné Madame.
Elle revendique des droits d’auteur sur des dessins divulgués le 21 avril 2020 sur les réseaux sociaux Twitter et Facebook, reproduisant le personnage ‘Willis from Tunis » et narrant une aventure faisant référence à l’échec des Etats et notamment l’Etat tunisien dans la protection de leurs citoyens face à la COVID 19, se présentant ainsi :
Fondée en 2007, l’association Egalité et Réconciliation, présidée par M. [N] [Z], se présente comme une association ayant pour objet de ‘promouvoir une action politique des citoyens dans le cadre de la Nation Française, exclusive de tous communautarismes’.
Elle édite et héberge un site Internet accessible à l’adresse : www.egaliteetreconciliation.fr.
Mme [C] fait valoir que le site internet de l’association Egalité et Réconciliation a publié le 28 octobre 2020, sans son autorisation, les dessins du personnage «Willis from Tunis » reproduits ci-dessus dans un article intitulé « Les dessins de la semaine-Spéciale liberté d’expression ».
Elle a, par courrier recommandé de son conseil du 12 novembre 2020, mis en demeure l’association Egalité et Réconciliation de retirer les dessins litigieux qui constitueraient selon elle une contrefaçon de ses droits d’auteur, sollicitant par ailleurs l’indemnisation du préjudice subi.
Le 14 décembre 2020, Mme [C] a, par courrier de son conseil, pris acte du retrait des dessins du site Internet de l’association Egalité et Réconciliation, mais constaté l’absence de réponse de l’association à ses demandes indemnitaires.
Par acte d’huissier de justice du 17 février 2021, Mme [C] a fait assigner l’association Egalité et Réconciliation en contrefaçon de droits d’auteur et subsidiairement en parasitisme, devant le tribunal judiciaire de Paris.
C’est dans ce contexte qu’a été rendu le jugement dont appel.
A titre liminaire, il convient de considérer que les mentions figurant au dispositif des écritures de l’association appelante tendant à voir la cour « constater » ou « donner acte » ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 5 du code de procédure civile mais un résumé des moyens invoqués à l’appui de leurs demandes et qu’il n’y a pas lieu de statuer sur celles-ci.
Sur la contrefaçon
L’association Egalité et Réconciliation ne conteste ni la titularité des droits d’auteur de Mme [C] sur les dessins revendiqués ni la protection de ces dessins par le livre III du code de la propriété intellectuelle. Elle reproche néanmoins aux premiers juges d’avoir considéré que la preuve de la contrefaçon était rapportée par un constat d’huissier sur le site archive.org alors que le contenu de ce site est selon elle dénué de toute valeur probante selon les propres conditions d’utilisation du site. Elle reproche également au tribunal d’avoir considéré que la matérialité de la reproduction du dessin litigieux n’a jamais été contestée par elle lors des demandes initiales de suppression de Mme [C] alors que les deux courriels versés aux débats n’ont pas plus de valeur probante. A titre subsidiaire sur les demande indemnitaires, l’association appelante reproche au tribunal d’avoir accordé une indemnisation à Mme [C] alors que celle-ci n’aurait en réalité subi aucun préjudice.
Mme [C] soutient au contraire que la preuve des actes contrefaisants est rapportée par les éléments qu’elle verse aux débats, ajoutant que le site internet Archive.org est une source fiable et que l’association appelante n’a pas contesté les actes de contrefaçon qui lui sont reprochés et échoue à renverser la preuve de l’objet ou de l’origine des deux courriels qui lui ont été adressés. Elle invoque, de par la reproduction non autorisée des dessins dont elle est l’auteur, des atteintes à sa paternité et à l’intégrité de son ‘uvre ainsi qu’une atteinte à ses droits patrimoniaux.
Aux termes de l’article L.122-4 du code de la propriété intellectuelle, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. II en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque.
Et selon l’article L.335-3 du même code, est un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d’une ‘uvre de l’esprit en violation des droits l’auteur, tels qu’ils sont définis et réglementés par la loi.
En l’espèce, pour établir les faits de contrefaçon qu’elle incrimine, Mme [C] verse aux débats en pièce 24 un procès-verbal de constat d’huissier de justice réalisé sur site internet archive.org en date du 15 juillet 2021 qui démontre qu’ à partir de ce site, sur la barre de recherche « wwwegaliteetreconciliation.fr/Les-dessins-de-1a-semaine-Speciale -liberte-d-expression-6I337.html », l’huissier a constaté, à la date du 27 novembre 2020, sur le site internet www.egaliteetreconciliation.fr édité par l’association appelante, la reproduction des dessins de Mme [C] (pages 33 à 35 du procès-verbal de constat).
Cette capture d’écran du site archive.org résulte d’une recherche ciblée de l’huissier de justice et il n’est pas soutenu ni a fortiori démontré que les pages en question ont pu faire l’objet de falsification.
En outre, l’intimée produit également au débat des impressions d’écran issues du site ww.egaliteetreconciliation.fr (pièce 16) montrant en pages 28 et 29 les mêmes dessins dont elle est l’auteur et datées du 20 novembre 2020 ainsi que des reproductions de ces mêmes dessins figurant en annexe de la mise en demeure du 20 novembre 2020 qu’elle a adressée à M. [Z], président de l’association Egalité et Réconciliation (pièce 19).
L’ensemble de ces éléments suffit à démontrer la reproduction non autorisée par l’association Egalité et Réconciliation des dessins revendiqués et partant la contrefaçon des droits d’auteur de Mme [C], et ce sans qu’il soit besoin de répondre au moyen surabondant selon lequel l’association appelante n’aurait pas contesté la matérialité des actes de contrefaçon qui lui sont reprochés avant l’introduction de l’instance devant le tribunal judiciaire.
Sur les demandes de Mme [C]
Aux termes de ‘article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, « L’auteur d’une ‘uvre de l’esprit jouit sur cette ‘uvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ».
Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial, qui sont déterminés par les livres Ier et III du présent code.
Selon l’article L. 121-1 du même code, « L’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son ‘uvre ».
Les dessins sur lesquels Mme [C] est titulaire de droits d’auteur ont été reproduits sans son autorisation sur le site de l’association Egalité et Réconciliation.
Le droit de représentation et le droit de reproduction sont des prérogatives rattachées aux droits patrimoniaux dont est investi l’auteur d’une ‘uvre de l’esprit.
Aux termes de l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, « Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1° Les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte aux droits.
(‘).
En l’espèce, il n’est pas contesté que le site Internet édité par l’association appelante recueille plus de cinq millions de visiteurs par mois. Mme [C] produit le barème de l’ADAGP dans la catégorie « Presse numérique » dont relève le site www.egaliteetreconciliation.fr et qui prévoit une rémunération de 594 euros au titre de l’utilisation d’une ‘uvre mise en ligne par an. En conséquence il sera fait droit à la demande en paiement de cette somme en réparation des atteintes portées au droit patrimonial de Mme [C].
S’agissant du droit à la paternité, force est de constater à l’instar du tribunal que les dessins litigieux ont été reproduits sur le site incriminé avec la mention « Willis » précédée d’un croissant de lune et d’une étoile correspondant à la signature de Mme [C] telle que figurant sur les dessins divulgués sur son compte Facebook. Mme [C] n’est donc pas fondée à invoquer une violation de son droit à la paternité, la mention « Willis from Tunis » correspondant sur ce réseau social à son pseudonyme et non pas à sa signature.
En revanche, Mme [C] est bien fondée à soutenir que la reproduction de ses dessins sur un site internet véhiculant un message politique et/idéologique dont elle réfute la compatibilité avec ses propres valeurs constitue une atteinte à l’intégrité de son ‘uvre. Il lui sera alloué la somme de 4 000 euros en réparation des atteintes portées à son droit moral d’auteur.
En considération de l’ensemble de ces éléments, pris distinctement, et confirmant le jugement sauf sur le quantum des dommages intérêts alloués à Mme [C] qui sera fixé à la somme totale de 4 594 euros en réparation de son préjudice résultant des atteintes portées à ses droits d’auteur, comprenant son préjudice moral.
Cette somme produira intérêts au taux légal à compter du jugement sur la somme de 3 001 euros et du présent arrêt pour le surplus.
Sur les autres demandes
Les demandes subsidiaires de Mme [C] fondées sur le parasitisme deviennent sans objet.
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront confirmées.
Partie perdante, l’association Egalité et Réconciliation sera condamnée aux dépens d’appel dont distraction conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Enfin Mme [C] a dû engager des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge. Il y a lieu en conséquence de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif du présent arrêt.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement dont appel en ce qu’il a dit qu’en reproduisant sans autorisation sur son Internet les dessins sur lesquels Mme [Y] [C] est titulaire de droits d’auteur, l’association Égalité Et Réconciliation a commis des actes de contrefaçon au préjudice de cette dernière.
L’infirme sur le quantum des dommages intérêts alloués à Mme [C] en réparation des atteintes portées à ses droits d’auteur sur les dessins objets du litige.
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,
Condamne l’association Egalité et Réconciliation à payer à Mme [C] la somme de 4 594 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon commis à son encontre, cette somme produisant intérêts au taux légal à compter du jugement sur la somme de 3 001 euros et du présent arrêt pour le surplus.
Condamne l’association Egalité et Réconciliation à payer à Mme [C] la somme supplémentaire de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne l’association Egalité et Réconciliation aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente