Qualité pour agir en contrefaçon non établie

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Motifs de la décision sur la régularité de l’assignation

L’article 56 du code de procédure civile exige un exposé des moyens en fait et en droit dans une assignation en contrefaçon. Les demanderesses ont décrit de manière détaillée l’originalité de leur œuvre, ce qui rend l’assignation régulière.

Motifs de la décision sur la qualité pour agir

La qualité pour agir en contrefaçon est une fin de non-recevoir. Le juge de la mise en état est compétent pour statuer sur cette question. Les demanderesses n’ont pas prouvé leur qualité d’auteur de l’œuvre revendiquée, ce qui entraîne le rejet de leur action.

Conclusion de l’affaire

Les demanderesses sont déclarées irrecevables dans leur action en contrefaçon. Elles sont condamnées à payer les dépens et une somme de 3.000 € à la partie défenderesse.

1. Assurez-vous que votre assignation contient un exposé clair des moyens en fait et en droit, afin que le défendeur puisse identifier les œuvres en question et les allégations de contrefaçon.

2. Définissez précisément le périmètre de protection revendiqué pour votre œuvre dès l’acte introductif d’instance, en caractérisant les éléments originaux qui sont repris par le contrefacteur.

3. Assurez-vous de pouvoir prouver votre qualité d’auteur en produisant des éléments concrets et tangibles, tels que des factures, des attestations ou des dépôts officiels, pour établir que l’œuvre a bien été divulguée sous votre nom avant les faits de contrefaçon allégués.

Réglementation applicable

– Article 56 du code de procédure civile
– Article 789 du code de procédure civile
– Article 125 du code de procédure civile
– Article L113-1 du code de la propriété intellectuelle
Article 700 du code de procédure civile

Avocats

– Maître Lidia BIZON-FRANCESCONI
– Maître Mathieu PETER
– Maître Charlotte BALDASSARI
– Maître Julie GAUTIER

Mots clefs

– Assignation
– Nullité
– Moyens en fait et en droit
– Protection des œuvres
– Originalité
– Action en contrefaçon
– Périmètre de protection
– Caractérisation des éléments originaux
– Description graphique et littérale de l’œuvre
– Qualité pour agir
– Fin de non-recevoir
– Autorité de la chose jugée
– Qualité d’auteur
– Divulgation de l’œuvre
– Dessins et modèles
– INPI
– Dépôt et publication
– Faits de contrefaçon
– Irrecevabilité
– Dépens
– Article 700 du code de procédure civile

Définitions juridiques

L’assignation est un acte juridique par lequel une personne est convoquée à comparaître devant un tribunal. La nullité est l’annulation d’un acte juridique en raison d’un vice de forme ou de fond. Les moyens en fait et en droit sont les arguments avancés par les parties pour défendre leur position devant le tribunal. La protection des œuvres concerne les droits d’auteur et les mesures prises pour protéger la propriété intellectuelle. L’originalité est la caractéristique d’une œuvre qui la distingue des autres par son caractère unique. L’action en contrefaçon vise à protéger les droits de propriété intellectuelle en cas de reproduction non autorisée d’une œuvre. Le périmètre de protection définit les limites des droits d’auteur d’une œuvre. La caractérisation des éléments originaux consiste à identifier les éléments uniques et distinctifs d’une œuvre. La description graphique et littérale de l’œuvre est une représentation détaillée de ses caractéristiques visuelles et textuelles. La qualité pour agir désigne la capacité d’une personne à intenter une action en justice. La fin de non-recevoir est une exception procédurale qui peut entraîner le rejet d’une demande en justice. L’autorité de la chose jugée signifie que la décision d’un tribunal a force exécutoire et ne peut être remise en cause. La qualité d’auteur est le statut accordé à la personne qui crée une œuvre originale. La divulgation de l’œuvre consiste à rendre publique une création artistique. Les dessins et modèles sont des créations graphiques protégées par le droit de la propriété intellectuelle. L’INPI est l’Institut National de la Propriété Industrielle, chargé de la protection des droits de propriété intellectuelle en France. Le dépôt et la publication d’une œuvre permettent de protéger légalement les droits d’auteur. Les faits de contrefaçon sont les actes de reproduction non autorisée d’une œuvre protégée. L’irrecevabilité est l’absence de recevabilité d’une demande en justice. Les dépens sont les frais de justice engagés lors d’une procédure judiciaire. L’article 700 du code de procédure civile prévoit le versement d’une somme d’argent à la partie gagnante pour compenser ses frais de justice.

 

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE

——-
1ère Chambre Cab1
——–

ORDONNANCE D’INCIDENT
AUDIENCE DE PLAIDOIRIE DU 06 Février 2024
DÉLIBÉRÉ DU 19 Mars 2024

N° RG 23/00207 – N° Portalis DBW3-W-B7G-2X46

AFFAIRE : [N] [O], [B] [O]/[U] [C]

Nous, Thomas SPATERI, Vice-Président chargé de la Mise en Etat de la procédure suivie devant le Tribunal judiciaire de Marseille, assisté de Bernadette ALLIONE, greffier dans l’affaire entre :

DEMANDERESSES AU PRINCIPAL ET DEFENDERESSES A L’INCIDENT

Madame [N] [O]
née le 09 Mars 1950 à [Localité 6] (31)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

Madame [B] [O]
née le 13 Juin 1985 à [Localité 6] (31)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représentées par Maître Lidia BIZON-FRANCESCONI, avocat postulant au barreau de MARSEILLE et par Maître Mathieu PETER, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE

DEFENDEUR AU PRINCIPAL ET DEMANDEUR A L’INCIDENT

Monsieur [U] [C]
né le 27 Mars 1968 à [Localité 5] (57)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]

représenté par Maître Charlotte BALDASSARI, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Maître Julie GAUTIER

A l’issue de l’audience, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 19 Mars 2024

Ordonnance signée par SPATERI Thomas, Vice-Président et par ALLIONE Bernadette, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte de commissaire de justice du 21 décembre 2022 mesdames [N] et [B] [O] ont fait assigner monsieur [U] [C] devant ce tribunal en contrefaçon de droits d’auteur afin qu’il soit condamné à retirer sous astreinte les grilles situées au rez de chaussée de sa propriété à [Localité 4], et à leur payer les sommes de 2.000 € de dommages et intérêts et 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions d’incident du 6 septembre 2023, monsieur [C] a saisi le juge de la mise en état d’une demande tendant à l’annulation de l’assignation et de fins de non recevoir.

Aux termes de ses dernières écritures du 5 février 2024, il demande au juge de la mise en état de déclarer l’assignation nulle, de déclarer mesdames [O] irrecevables en leur action et de les condamner à lui payer la somme de 5.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes monsieur [C] fait valoir que l’œuvre dont la protection est revendiquée n’est pas identifiée, l’exploit introductif d’instance faisant référence à la foi à une grille, un dessin ou une porte, sans aucune description, que son originalité n’est pas plus démontrée, la négation de contraintes techniques ou l’usage d’expressions vagues ne pouvant en tenir lieu. Il soutient encore que les demanderesses n’ont pas de qualité pour agir faute d’établir leur qualité d’auteur, le dessin produit aux débats ne portant aucune signature, nom ou date et l’assignation évoquant tantôt comme auteurs les deux défenderesses ou madame [B] [O]. Il ajoute qu’il n’est pas plus possible de qualifier cette œuvre d’œuvre de collaboration en l’absence d’éléments permettant d’identifier les apports de chacune, que la facture du ferronnier du 20 juin 2018 ne fait pas état du nom d’un auteur et rend nul le dépôt du dessin à l’INPI du 16 juin 2021.

Mesdames [O] ont conclu en dernier lieu le 5 février 2024 au rejet des demandes de monsieur [C] et à sa condamnation à leur payer la somme de 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile aux motifs que la grille dont la protection est revendiquée a été divulguée sous leur nom lors de sa pose sur leur immeuble et par la revendication de sa paternité auprès du voisinage. Elles ajoutent qu’elles ont déposé le dessin de cette grille à l’INPI le 16 juin 2021 et que cette date doit être retenue comme une seconde divulgation, précisant toutefois qu’elles agissent bien en contrefaçon de droits d’auteur, que la grille en cause doit être qualifiée d’œuvre de collaboration dès lors que chacune d’elle a contribué à son dessin, qu’en tout état de cause la preuve de la qualité d’auteur est une question de fond relevant de l’appréciation du tribunal et qu’il a déjà été statué sur ce point lors d’une précédente instance ayant donné lieu à l’annulation de l’assignation.
Mesdames [O] soutiennent également que leur exploit introductif d’instance contient de manière exhaustive la description de la forme de l’œuvre et la reproduction du dessin de celle-ci, que son originalité résulte de son absence de banalité par rapport aux autres modèles de grilles existantes s’agissant d’un modèle unique composé de formes arrondies sans champ plein entre elles créant un rendu léger.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la régularité de l’assignation :

L’article 56 du code de procédure civile dispose que l’assignation doit contenir, à peine de nullité, un exposé des moyens en fait et en droit.

Il en résulte que le défendeur à l’action doit pouvoir être en mesure d’identifier les œuvres dont la protection est revendiquée et celles qui seraient contrefaisantes.

Si l’appréciation du caractère original de l’œuvre relève de la compétence du juge du fond, il appartient à l’auteur de l’œuvre opposée dans le cadre d’une action en contrefaçon, de définir, dès son acte introductif d’instance, le périmètre de protection revendiquée, de caractériser précisément les éléments originaux de cette œuvre qui, selon lui, sont repris par le contrefacteur.

L’assignation délivrée par mesdames [O] contient deux photographies et un dessin d’une grille. Celle-ci est décrite de la manière suivante :

« Mais l’originalité de notre projet a été d’occulter toute représentation ou référence végétale, animale ou féminine comme ces formes et univers sont très souvent présents dans les œuvres de ce courant artistique. Nous n’avons pas voulu ainsi représenter des motifs figuratifs, mais plutôt créer un univers informel, au sens où la forme visible n’évoque pas immédiatement une image connue. Nous avons favorisé l’épure graphique et une légèreté visuelle non figurative. D’aucun, voyant cette grille et cette porte, peuvent y trouver des formes connues, tant il est vrai que le lecteur d’une œuvre est aussi un créateur. Nous répétons que le fil conducteur dans la conception et la réalisation originales de cette grille est la création de motifs ondoyants et légers visuellement. L’originalité vient aussi de cette irrégularité rythmique des motifs. Ainsi nous avons voulu créer une œuvre aux motifs mouvants, réalisant de légères ombres portées par les jeux de la lumière ».

Elles ajoutent dans leur conclusions d’incident que «Ici, les formes sont de tailles et de formes très différentes, il y a une partie supérieure comportant de larges espaces et une partie inférieure avec des arrondis et des formes davantage anguleuses plus petites. La matière en fonte a fait l’objet d’un travail particulier, les champs pleins sont imposants, soulignés par des reliefs qui accompagnent les courbes. Le parti pris esthétique des consorts [O] a été de créer des formes arrondies fines, sans répétition, mais de dimensions similaires, partant dans différentes directions, et reliés les unes aux autres par de fins points de jonction, pour un rendu léger ».

Les écritures de mesdames [O] contiennent donc une description graphique et littérale de l’œuvre et de son originalité. L’assignation n’encourt donc pas le grief de nullité.

Sur la qualité pour agir :

L’article 789 du code de procédure civile dispose que le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent pour statuer sur les fins de non recevoir.

Le défaut de qualité pour agir en contrefaçon tiré du défaut de la qualité d’auteur constitue bien une fin de non recevoir au sens de l’article 125 du même code, de sorte que le juge de la mise en état est compétent pour en connaître.

L’ordonnance rendue par le juge de la mise en état le 28 juin 2022 dans une précédente instance n’a statué que sur la régularité de l’assignation et ne comporte dans son dispositif aucune mention relative à la qualité pour agir ou à la preuve de la qualité d’auteur, de sorte que les contestations de monsieur [C] sur ce point ne se heurtent pas à l’autorité de la chose jugée.

La qualité d’auteur appartient, aux termes de l’article L113-1 du code de la propriété intellectuelle, et sauf preuve contraire, à celui ou ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée.

Pour justifier de leur qualité d’auteur mesdames [O] produisent la facture de monsieur [H] [V], ferronnier, datée du 20 juin 2018, relative à la réalisation d’une porte grille à deux vantaux, remplissage avec motifs selon modèle fourni, et d’une porte avec pattes en fer plat, ainsi qu’une attestation du même du 21 octobre 2021 selon laquelle il a réalisé une grille à deux vantaux avec motifs selon dessin fourni par madame [N] [O] et réalisé par sa fille.

Aucun dessin ou photographie n’accompagne cette facture et cette attestation, de sorte qu’il est impossible de dire si elles se rapportent bien au dessin produit par mesdames [O] en pièce n°2 de leur bordereau, lequel pour sa part ne comporte ni nom ni signature.

Les photographies produites aux débats ou reproduites dans le corps de l’assignation et des conclusions de mesdames [O] ne permettent pas plus de démontrer que cette grille ou son dessin ou été divulguées sous leur nom en l’absence de localisation de ces photographies et d’élément permettant de les rattacher effectivement à un bien immobilier leur appartenant. Les attestations de mesdames [F] et [I] sont pour leur part rédigées en termes particulièrement imprécis et ne permettent pas d’identifier les grilles auxquelles elles font référence.

Madame [B] [O] a déposé le dessin d’une grille auprès de l’INPI le 16 juin 2021. Ce dessin a été publié au BOPI le 10 décembre 2021. Or ce dépôt et cette publication ne sont susceptibles que de procurer une protection au titre des dessins et modèles, laquelle n’est pas revendiquée en l’espèce puisque les demanderesses indiquent expressément agir sur le fondement du droit d’auteur (pages 7 et 8 de leurs conclusions d’incident).

En outre et même à considérer que la publication du 10 décembre 2021 ait pu emporter divulgation d’une œuvre, elle demeure postérieure aux faits de contrefaçon allégués et qui datent, selon l’assignation et la lettre de mise en demeure du 17 juillet 2021, de la fin du mois de juin de cette année.

Il n’est donc pas établi que le dessin de la grille dont la protection est revendiquée a été divulgué sous le nom de mesdames [O] antérieurement à la pose, par monsieur [C], de ses propres grilles. Celles-ci n’ont donc pas qualité pour agir et devront être déclarées irrecevables en leur action.

Mesdames [O], qui succombent à l’instance, en supporteront les dépens. Elles seront en outre condamnées à payer à monsieur [C] la somme de 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant par ordonnance contradictoire et en premier ressort :

Rejetons l’exception de nullité de l’assignation ;

Déclarons mesdames [N] et [B] [O] irrecevables en leur action ;

Condamnons mesdames [N] et [B] [O] à payer à monsieur [U] [C] la somme de 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons mesdames [N] et [B] [O] aux dépens.

AINSI PRONONCÉ ET MIS À DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE DIX NEUF MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE.

LE GREFFIER, LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT,

Me Charlotte BALDASSARI
Me Lidia BIZON-FRANCESCONI

 

 

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