Les services visés à l’enregistrement de la marque “explore media” étant similaires à ceux visés à l’enregistrement de la marque « explore » (Mediawan), il en résulte un risque de confusion dans l’esprit du public, consommateur d’attention moyenne de contenus visibles sur internet.
L’enregistrement de la marque verbale française “explore media” n°4372729 a, en conséquence, été annulé pour tous les services visés à son enregistrement. Pour rappel, en présence de signes non identiques, il y a lieu de rechercher si, au regard d’une appréciation des degrés de similitude entre les signes et entre les produits ou services désignés, il existe un risque de confusion dans l’esprit du consommateur moyen concerné. Ce risque de confusion doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. En ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en cause, cette appréciation doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants (principe constant établi par la CJCE 11 novembre 1997, affaire C-251/95, arrêt Sabel Puma). La marque semi-figurative française “explore media” n°4372729 et la marque verbale française “explore” n°3137298 présentent une forte similitude visuelle et phonétique, compte tenu de la présence du même terme “explore” en position d’attaque, le terme “media” de la marque postérieure apparaissant secondaire car figurant en deuxième position, en caractères plus petits et compte tenu de son caractère descriptif. L’élément figuratif de la marque n°4372729, constitué d’un carré noir, constitue une différence minime dans l’esprit du consommateur moyen. La similitude conceptuelle est également forte, en raison de la présence du même terme “explore”, renvoyant à l’idée de découverte, étant rappelé que le terme “media” de la marque postérieur se trouvant en position seconde et étant descriptif des services visés à son enregistrement. En application de l’article L.711-4 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable au jour du dépôt des marques contestées, ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment : a) A une marque antérieure enregistrée ou notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle (…). La validité de la marque s’apprécie selon les textes en vigueur au jour de son dépôt (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 13 janvier 2009, n°07-19.056). Cette disposition s’interprète conformément à l’article 4 paragraphe 1 de la directive (CE) n°2008/95 du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques selon lequel une marque est refusée à l’enregistrement ou, si elle est enregistrée, est susceptible d’être déclarée nulle, lorsqu’en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Le risque de confusion dans l’esprit du public, dont la charge de la preuve incombe au demandeur à la nullité, doit s’apprécier globalement, par référence au contenu des enregistrements des marques, par rapport à un consommateur d’attention moyenne de la catégorie des produits tels que désignés par ces enregistrements et sans tenir compte des conditions d’exploitation des marques ou des conditions de commercialisation des produits (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 23 juin 2015, n°14-13011 ; même chambre, 15 mars 2017, n°15-50038). Nos conseils : 1. Il est recommandé de prouver l’usage sérieux de votre marque dans les cinq années précédant la date de dépôt de la marque contestée, afin d’éviter toute déchéance de vos droits sur ladite marque. 2. Il est conseillé de vérifier la similitude entre votre marque et les marques postérieures, ainsi que les services ou produits qu’elles désignent, pour évaluer le risque de confusion dans l’esprit du public et prendre les mesures appropriées pour protéger vos droits. 3. En cas de litige pour contrefaçon de marque, il est recommandé de prouver les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, le préjudice moral subi et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, afin d’obtenir une réparation adéquate. |
→ Résumé de l’affaireLa société SAS Bisly, spécialisée dans la production de produits audiovisuels pour les réseaux sociaux, est titulaire de la marque « explore ». Elle accuse la société SAS Mediawan Thematics, également active dans l’audiovisuel, d’utiliser le même signe pour des services de vidéos à la demande, ce qui constituerait une contrefaçon de sa marque. Après des échanges de courriers, la SAS Bisly assigne la SAS Mediawan Thematics en justice pour contrefaçon et demande également la déchéance de la marque de cette dernière. Les deux parties ont des prétentions opposées, la SAS Bisly demandant des dommages et intérêts ainsi que la cessation de l’usage du signe « explore » par la SAS Mediawan Thematics, tandis que cette dernière réclame des dommages et intérêts pour contrefaçon de la part de la SAS Bisly. L’affaire est fixée à une audience de plaidoirie en juin 2023.
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→ Les points essentielsANALYSE DE LA DÉCHÉANCE DE LA MARQUE VERBALE FRANÇAISE “EXPLORE” N°3137298La SAS Bisly fait valoir que la marque “explore” n°3137298 encourt la déchéance en raison de son absence d’exploitation dans les cinq ans suivant son dépôt. Elle soutient que la période à prendre en compte pour apprécier la déchéance doit porter sur les cinq ans suivant la date de publication de son enregistrement. La SAS Mediawan Thematics, quant à elle, oppose que son acquisition de la marque a été conclue avant la demande en déchéance et que la période à prendre en compte est celle de cinq ans précédant cette demande. RÉPONSE DU TRIBUNALSelon l’article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle, la déchéance de la marque peut être demandée en justice par toute personne intéressée. La preuve de l’exploitation incombe au propriétaire de la marque. Le tribunal constate que la SAS Mediawan Thematics a fait un usage sérieux de la marque à partir de mars 2021, mais n’a pas prouvé l’usage pour certains services visés à l’enregistrement. Par conséquent, la marque sera déchue pour ces services. NULLITÉ DES MARQUES FRANÇAISES “EXPLORE” N°4406153 ET “EXPLORE MEDIA” N°4372729La SAS Mediawan Thematics demande la nullité de ces marques, arguant qu’elles sont identiques ou similaires à sa marque antérieure. La SAS Bisly conteste cette demande, mais le tribunal conclut que les marques sont similaires et annule leur enregistrement pour certains services. CONTREFAÇON DE MARQUELa SAS Mediawan Thematics accuse la SAS Bisly de contrefaçon en utilisant le signe “explore” pour des services similaires. Le tribunal constate que la contrefaçon est établie et condamne la SAS Bisly. MESURES RÉPARATRICESLe tribunal ordonne des mesures d’interdiction et accorde des dommages et intérêts à la SAS Mediawan Thematics pour le préjudice moral causé. Les demandes de la SAS Mediawan Thematics concernant les conséquences économiques négatives de la contrefaçon sont rejetées faute de preuves. CONCLUSIONEn conclusion, le tribunal déclare la déchéance de la marque “explore” n°3137298 pour certains services, annule les marques “explore” n°4406153 et “explore media” n°4372729, et condamne la SAS Bisly pour contrefaçon. Les dépens et les frais de justice sont à la charge de la SAS Bisly, et des dommages et intérêts sont accordés à la SAS Mediawan Thematics. Les montants alloués dans cette affaire:
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→ Réglementation applicable– Article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle
– Article 12 paragraphe 1 de la directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 – Article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) n°207/2009 du Conseil – Article L.716-2-3 du code de la propriété intellectuelle – Article L.711-4 du code de la propriété intellectuelle – Article L.716-4-5 du code de la propriété intellectuelle – Article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle – Article L.716-4-10 du code de la propriété intellectuelle – Article 1240 du code civil – Article 32-1 du code de procédure civile – Article 696 du code de procédure civile – Article 700 du code de procédure civile – Article 514 du code de procédure civile – Article 514-1 du code de procédure civile Texte de l’article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle: Texte de l’article 12 paragraphe 1 de la directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988: Texte de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) n°207/2009 du Conseil: Texte de l’article L.716-2-3 du code de la propriété intellectuelle: Texte de l’article L.711-4 du code de la propriété intellectuelle: Texte de l’article L.716-4-5 du code de la propriété intellectuelle: Texte de l’article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle: Texte de l’article L.716-4-10 du code de la propriété intellectuelle: Texte de l’article 1240 du code civil: Texte de l’article 32-1 du code de procédure civile: Texte de l’article 696 du code de procédure civile: Texte de l’article 700 du code de procédure civile: Texte de l’article 514 du code de procédure civile: Texte de l’article 514-1 du code de procédure civile: |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Maître Alain BERTHET
– Maître Audrey SCHWAB – Maître Adrien COHEN-BOULAKIA |