Le document intitulé « relevé de carrière » adressé par la CIPAV constitue un outil d’information essentiel des assurés puisqu’il permet de présenter les droits à la retraite tels qu’enregistrés par chaque organisme.
Si ces données ne sont formulées qu’à titre indicatif et provisoire, elles procèdent néanmoins d’une décision de la caisse, qui est à l’origine de son renseignement, et la CIPAV a l’obligation d’actualiser les données figurant sur ce relevé. Le caractère indicatif et provisoire démontre seulement qu’il est envisageable de solliciter une modification ou une correction des informations qui y figurent.
La CIPAV, en tant que membre du groupement d’intérêt public à l’origine de l’émission du relevé de situation individuelle, est donc tenue de procéder au renseignement actualisé des données devant figurer sur celui-ci. Si une erreur est commise, l’assuré dispose d’un droit à rectification.
Il s’ensuit que les mentions figurant sur le relevé de situation individuelle procèdent de décisions prises par les organismes de sécurité sociale compétents pour la détermination des droits à retraite de l’assuré social, dont la CIPAV.
[S] [P], un architecte auto-entrepreneur affilié à la CIPAV, a contesté le nombre de points de retraite de base et de retraite complémentaire figurant sur son relevé de carrière pour la période de 2010 à 2015. Il a saisi la commission de recours amiable de la CIPAV puis le tribunal judiciaire de Lyon pour obtenir une rectification des points, un relevé de situation individuelle conforme et des dommages et intérêts. Les parties ont comparu à l’audience et [S] [P] a demandé la rectification de ses points de retraite selon un détail précis, ainsi que des dommages-intérêts. La CIPAV a contesté les demandes de [S] [P] et a demandé le rejet de ses demandes ainsi que des frais de procédure. Le tribunal a rendu son jugement le 19 mars 2024.
Sur la recevabilité du recours
La CIPAV a refusé le recours de [S] [P] concernant son relevé de situation individuelle, arguant que ce document n’était pas une décision de la caisse mais un document indicatif et provisoire provenant du site internet GIP INFO-RETRAITE. [S] [P] n’ayant pas saisi préalablement la caisse, son recours amiable et judiciaire ont été jugés irrecevables. Cependant, le relevé de situation individuelle constitue une décision de la caisse et [S] [P] était recevable à contester les mentions figurant sur ce document pour les années 2012 à 2015.
Sur les demandes de rectification des points de retraite de 2012 à 2015
La CIPAV a pratiqué un abattement de 34% sur le chiffre d’affaires de [S] [P] avant 2016, ce qui n’est pas conforme au régime de l’auto-entrepreneur. En conséquence, [S] [P] a obtenu une minoration de ses points de retraite. Le tribunal a ordonné à la CIPAV de rectifier le nombre de points de retraite de base et complémentaire acquis par [S] [P] pour les années concernées.
Sur la demande de transmission du relevé régularisé sous astreinte
La demande de [S] [P] de condamner la CIPAV à rectifier son relevé de situation individuelle sous astreinte a été rejetée, le jugement suffisant pour régulariser la situation. [S] [P] peut saisir le juge de l’exécution en cas de difficulté d’exécution de la décision.
Sur la responsabilité de la CIPAV
La CIPAV a été condamnée à verser des dommages et intérêts à [S] [P] pour avoir manqué à son obligation d’information en ne renseignant pas correctement les données relatives aux points de retraite pour les années 2010 et 2011. Le tribunal a jugé que la CIPAV avait commis une faute en ne fournissant pas les informations nécessaires à [S] [P].
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La CIPAV a été condamnée aux dépens de l’instance et à verser des frais irrépétibles à [S] [P]. Le tribunal a jugé que la CIPAV était la partie perdante et devait supporter les frais de l’instance.
Sur l’exécution provisoire
En raison de l’ancienneté du litige, le tribunal a ordonné l’exécution provisoire de sa décision.
– Rectification des points de retraite de base pour [S] [P] :
– 221,2 points en 2012
– 167,7 points en 2013
– 275,7 points en 2014
– 25,7 points en 2015
– Rectification des points de retraite complémentaire pour [S] [P] :
– 40 points en 2012
– 36 points en 2013
– 36 points en 2014
– 36 points en 2015
– Versement de dommages et intérêts à [S] [P] :
– 1 500 euros
– Versement au titre de l’article 700 du code de procédure civile à [S] [P] :
– 1 500 euros
– Prise en charge des dépens de l’instance par la CIPAV.
Réglementation applicable
Aux termes de l’article R. 142-1 du code de la sécurité sociale, les réclamations relevant de l’article L. 142-4 formées contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont soumises à une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil, du conseil d’administration ou de l’instance régionale de chaque organisme. Cette commission doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation.
Aux termes du III de l’article L. 161-17 du code de la sécurité sociale, toute personne a le droit d’obtenir, dans des conditions précisées par décret, un relevé de sa situation individuelle au regard de l’ensemble des droits qu’elle s’est constitués dans les régimes de retraite légalement obligatoires. Les régimes de retraite légalement obligatoires et les services de l’État chargés de la liquidation des pensions sont tenus d’adresser périodiquement, à titre de renseignement, un relevé de la situation individuelle de l’assuré au regard de l’ensemble des droits qu’il s’est constitués dans ces régimes. L’assuré bénéficie d’un service en ligne lui donnant accès à tout moment à son relevé actualisé, l’informant sur les régimes dont il relève et lui permettant de réaliser certaines démarches administratives et d’échanger avec les régimes concernés des documents dématérialisés.
Aux termes de l’article D. 161-2-1-3 du code de la sécurité sociale, le droit à l’information sur la retraite prévu à l’article L. 161-17 s’exerce auprès des organismes et services mentionnés à l’article R. 161-10. Il comporte notamment la délivrance au bénéficiaire :
1° Sur demande du bénéficiaire ou à l’initiative de l’organisme ou du service, d’un relevé de sa situation individuelle au regard des droits à pension de retraite constitués auprès de chacun des régimes dont il relève ou a relevé et déterminés à la date précisée, pour chaque régime, dans le relevé ;
2° A l’initiative de l’organisme ou du service, d’une estimation indicative globale du montant total et du montant de chacune des pensions de retraite dont il pourrait bénéficier.
Le relevé ou l’estimation ne peut être accompagné d’aucun autre document ni comporter d’autres mentions que celles relatives à son objet, à l’expéditeur et au destinataire.
Aux termes de l’article D. 161-2-1-4 du code de la sécurité sociale, sous réserve de l’application des dispositions des 3° et 4° de l’article 3 du décret n°2006-708 du 19 juin 2006 relatif aux modalités et au calendrier de mise en œuvre du droit des assurés à l’information sur leur retraite et modifiant le code de la sécurité sociale (deuxième partie : Décrets en Conseil d’État), le relevé de situation individuelle mentionné au III de l’article L. 161-17 comporte, pour chacun des régimes dont relève ou a relevé le bénéficiaire :
1° Les données mentionnées à l’article R. 161-11 connues par les organismes ou services en charge de la gestion de ces régimes à la date à laquelle le relevé est établi, compte non tenu, s’il y a lieu, des cotisations dont l’assuré est redevable à cette date ;
2° La désignation de chacune des catégories de périodes, situations ou événements non pris en compte dans les données mentionnées au 1° du présent article et susceptibles d’affecter l’âge de liquidation ou le montant des droits à pension dans chacun des régimes.
L’indication de la délivrance du relevé à titre de renseignement, le caractère provisoire des données figurant sur le relevé et l’absence d’engagement de l’organisme ou du service ayant délivré le relevé ou en charge de la gestion du ou des régimes concernés de calculer la pension sur la base de ces données sont mentionnés sur le relevé.
Aux termes du 1er alinéa de l’article D. 161-2-1-5 du code de la sécurité sociale, le relevé de situation individuelle mentionné au premier alinéa du III de l’article L. 161-17 est délivré, à la demande du bénéficiaire, soit par courrier au plus tous les ans, soit par tout moyen de communication électronique sécurisé.
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS
– Me Edouard NEHMAN, avocat au barreau de LYON
– SCP LECAT ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS
Mots clefs associés
– Activité professionnelle d’architecte
– Auto-entrepreneur
– Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse (CIPAV)
– Relevé de carrière
– Trimestres cotisés
– Points de retraite de base
– Points de retraite complémentaire
– Commission de recours amiable
– Contestation des points de retraite
– Pôle social du tribunal judiciaire de Lyon
– Condamnation de la CIPAV
– Rectification des points de retraite
– Relevé de situation individuelle
– Astreinte
– Dommages-intérêts
– Article 700 du code de procédure civile
– Déclaration d’irrecevabilité
– Débat contradictoire
– Jugement
– Mise à disposition au greffe
– Activité professionnelle d’architecte: exercice de la profession d’architecte, soumis à des règles spécifiques et réglementées
– Auto-entrepreneur: entrepreneur individuel bénéficiant d’un régime simplifié en matière de cotisations sociales et de fiscalité
– Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse (CIPAV): organisme de sécurité sociale gérant la retraite complémentaire des professions libérales
– Relevé de carrière: document récapitulant l’ensemble des périodes d’activité professionnelle d’un assuré pour le calcul de sa retraite
– Trimestres cotisés: périodes pendant lesquelles un assuré a cotisé à un régime de retraite
– Points de retraite de base: unités de mesure utilisées pour calculer la retraite de base d’un assuré
– Points de retraite complémentaire: unités de mesure utilisées pour calculer la retraite complémentaire d’un assuré
– Commission de recours amiable: instance chargée de régler les litiges entre un assuré et un organisme de sécurité sociale
– Contestation des points de retraite: action visant à contester le calcul des points de retraite attribués à un assuré
– Pôle social du tribunal judiciaire de Lyon: juridiction compétente pour traiter les litiges sociaux dans la région de Lyon
– Condamnation de la CIPAV: décision judiciaire condamnant la CIPAV à une sanction ou à une réparation
– Rectification des points de retraite: action visant à corriger une erreur dans le calcul des points de retraite d’un assuré
– Relevé de situation individuelle: document récapitulant la situation individuelle d’un assuré en matière de retraite
– Astreinte: sanction financière imposée à une partie en cas de non-respect d’une décision de justice
– Dommages-intérêts: réparation financière accordée à une victime pour compenser un préjudice subi
– Article 700 du code de procédure civile: disposition légale permettant au juge d’allouer une somme d’argent à la partie ayant obtenu gain de cause pour ses frais de justice
– Déclaration d’irrecevabilité: décision judiciaire déclarant une demande ou une action irrecevable
– Débat contradictoire: principe selon lequel les parties à un litige ont le droit de s’exprimer et de présenter leurs arguments de manière contradictoire
– Jugement: décision rendue par un juge à l’issue d’un procès
– Mise à disposition au greffe: dépôt d’un document au greffe d’une juridiction pour qu’il soit consultable par les parties et les magistrats.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
MINUTE N° :
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON
POLE SOCIAL – CONTENTIEUX GENERAL
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
JUGEMENT DU :
MAGISTRAT :
ASSESSEURS :
DÉBATS :
PRONONCE :
NUMÉRO RG :
AFFAIRE :
19 Mars 2024
Martin JACOB, président
Florent TESTUD, assesseur collège employeur
assesseur collège salarié – absent
En l’absence d’un assesseur, le Président a statué seul avec l’accord des parties présentes ou représentées après avoir recueilli l’avis de l’assesseur présent conformément à l’article L.218-1 du COJ.
assistés lors des débats et du prononcé du jugement par Florence ROZIER, greffiere
tenus en audience publique le 19 Janvier 2024
jugement contradictoire, rendu en premier ressort, le 19 Mars 2024 par le même magistrat
N° RG 22/00185 – N° Portalis DB2H-W-B7G-WQ6L
Monsieur [S] [P] C/ CIPAV
DEMANDEUR
Monsieur [S] [P]
né le 13 Mai 1981
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : substitué par Me Edouard NEHMAN, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 1590
DÉFENDERESSE
CIPAV, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par la SCP LECAT ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS
Notification le :
Une copie certifiée conforme à :
[S] [P]
CIPAV
la SCP LECAT ET ASSOCIES, vestiaire :
Me Dimitri PINCENT, vestiaire :
Une copie revêtue de la formule executoire :
[S] [P]
Une copie certifiée conforme au dossier
EXPOSE DU LITIGE
[S] [P] a déclaré une activité professionnelle d’architecte en qualité d’auto-entrepreneur, du 1er octobre 2009 au 30 juin 2015, et a été affilié à la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse (CIPAV).
Le 8 novembre 2021, [S] [P] a obtenu, à partir du site internet INFO RETRAITE, un relevé de carrière, mentionnant le nombre de trimestres cotisés au titre de la retraite de base (Assurance retraite, MSA et CIPAV), le nombre de points au titre de la retraite de base (CIPAV) et le nombre de points au titre de la retraite complémentaire (AGIRC-ARRCO, IRCANTEC et CIPAV).
Par un courrier recommandé daté du 19 novembre 2021 et reçu le 22 novembre 2021, [S] [P] a saisi la commission de recours amiable de la CIPAV pour contester le nombre de points de retraite de base et de retraite complémentaire au titre de la CIPAV, tel que figurant sur son relevé de carrière pour la période de 2010 à 2015.
Par courrier recommandé avec accusé de réception reçu au greffe le 28 janvier 2022, [S] [P] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon aux fins notamment de voir condamner la CIPAV à rectifier ses points de retraite complémentaire et de retraite de base, sur la période 2010-2015, à lui transmettre un relevé de situation individuelle conforme, dans le délai d’un mois, et, passé ce délai, sous astreinte de 250 euros par jour de retard ainsi qu’à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts.
L’affaire a été appelée à l’audience du 19 janvier 2024 ; [S] [P] et la CIPAV ont comparu, de sorte que le jugement sera contradictoire.
[S] [P], représenté par son conseil, a déposé ses conclusions auxquelles il se réfère et a demandé au tribunal de :
– déclarer son recours recevable,
– condamner la CIPAV à rectifier ses points de retraite de base sur la période 2010-2015 selon le détail suivant :
– 21,4 points en 2010,
– 37,4 points en 2011,
– 221,2 points en 2012,
– 167,7 points en 2013,
– 275,7 points en 2014,
– 25,7 points en 2015,
– condamner la CIPAV à rectifier ses points de retraite complémentaire sur la période 2010-2015 selon le détail suivant :
– 40 points en 2010,
– 40 points en 2011,
– 40 points en 2012,
– 36 points en 2013,
– 36 points en 2014,
– 36 points en 2015,
– condamner la CIPAV à lui transmettre et à lui rendre accessible, y compris en ligne, un relevé de situation individuelle conforme, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision et, passé ce délai, sous astreinte de 250 euros par jour de retard,
– condamner la CIPAV à lui verser la somme de 3 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,
– condamner la CIPAV à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La CIPAV, représentée par son conseil, a déposé ses conclusions auxquelles elle se réfère et a sollicité ce qui suit :
– à titre principal, déclarer irrecevable le recours formé par [S] [P],
– à titre subsidiaire, attribuer à [S] [P] les points de retraite de base suivants :
– 14,1 points en 2010,
– 24,7 points en 2011,
– 126,3 points en 2012,
– 110,7 points en 2013,
– 182 points en 2014,
– 17 points en 2015,
– à titre subsidiaire, attribuer à [S] [P] les points de retraite complémentaire suivants :
– 5 points en 2010,
– 8 points en 2011,
– 10 points en 2012,
– 9 points en 2013,
– 18 points en 2014,
– 3 points en 2015,
– débouter [S] [P] de l’ensemble de ses demandes,
– condamner [S] [P] à lui verser la somme de 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Puis, le tribunal s’est retiré et, en l’absence d’un assesseur, le Président a statué seul avec l’accord des parties présentes ou représentées après avoir recueilli l’avis de l’assesseur présent conformément à l’article L.218-1 du COJ, avant de rendre son jugement par mise à la disposition au greffe le 19 mars 2024.
MOTIFS
Sur la recevabilité du recours
Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Aux termes de l’article R. 142-1 du code de la sécurité sociale, les réclamations relevant de l’article L. 142-4 formées contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont soumises à une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil, du conseil d’administration ou de l’instance régionale de chaque organisme. Cette commission doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation.
Aux termes du III de l’article L. 161-17 du code de la sécurité sociale, toute personne a le droit d’obtenir, dans des conditions précisées par décret, un relevé de sa situation individuelle au regard de l’ensemble des droits qu’elle s’est constitués dans les régimes de retraite légalement obligatoires. Les régimes de retraite légalement obligatoires et les services de l’État chargés de la liquidation des pensions sont tenus d’adresser périodiquement, à titre de renseignement, un relevé de la situation individuelle de l’assuré au regard de l’ensemble des droits qu’il s’est constitués dans ces régimes. L’assuré bénéficie d’un service en ligne lui donnant accès à tout moment à son relevé actualisé, l’informant sur les régimes dont il relève et lui permettant de réaliser certaines démarches administratives et d’échanger avec les régimes concernés des documents dématérialisés.
Aux termes de l’article D. 161-2-1-3 du code de la sécurité sociale, le droit à l’information sur la retraite prévu à l’article L. 161-17 s’exerce auprès des organismes et services mentionnés à l’article R. 161-10. Il comporte notamment la délivrance au bénéficiaire :
1° Sur demande du bénéficiaire ou à l’initiative de l’organisme ou du service, d’un relevé de sa situation individuelle au regard des droits à pension de retraite constitués auprès de chacun des régimes dont il relève ou a relevé et déterminés à la date précisée, pour chaque régime, dans le relevé ;
2° A l’initiative de l’organisme ou du service, d’une estimation indicative globale du montant total et du montant de chacune des pensions de retraite dont il pourrait bénéficier.
Le relevé ou l’estimation ne peut être accompagné d’aucun autre document ni comporter d’autres mentions que celles relatives à son objet, à l’expéditeur et au destinataire.
Aux termes de l’article D. 161-2-1-4 du code de la sécurité sociale, sous réserve de l’application des dispositions des 3° et 4° de l’article 3 du décret n°2006-708 du 19 juin 2006 relatif aux modalités et au calendrier de mise en œuvre du droit des assurés à l’information sur leur retraite et modifiant le code de la sécurité sociale (deuxième partie : Décrets en Conseil d’État), le relevé de situation individuelle mentionné au III de l’article L. 161-17 comporte, pour chacun des régimes dont relève ou a relevé le bénéficiaire :
1° Les données mentionnées à l’article R. 161-11 connues par les organismes ou services en charge de la gestion de ces régimes à la date à laquelle le relevé est établi, compte non tenu, s’il y a lieu, des cotisations dont l’assuré est redevable à cette date ;
2° La désignation de chacune des catégories de périodes, situations ou événements non pris en compte dans les données mentionnées au 1° du présent article et susceptibles d’affecter l’âge de liquidation ou le montant des droits à pension dans chacun des régimes.
L’indication de la délivrance du relevé à titre de renseignement, le caractère provisoire des données figurant sur le relevé et l’absence d’engagement de l’organisme ou du service ayant délivré le relevé ou en charge de la gestion du ou des régimes concernés de calculer la pension sur la base de ces données sont mentionnés sur le relevé.
Aux termes du 1er alinéa de l’article D. 161-2-1-5 du code de la sécurité sociale, le relevé de situation individuelle mentionné au premier alinéa du III de l’article L. 161-17 est délivré, à la demande du bénéficiaire, soit par courrier au plus tous les ans, soit par tout moyen de communication électronique sécurisé.
Il résulte de ces textes que le relevé de situation individuelle que les organismes et services en charge des régimes de retraite adressent, périodiquement ou à leur demande, aux assurés comportant notamment, pour chaque année pour laquelle des droits ont été constitués, selon les régimes, les durées exprimées en années, trimestres, mois ou jours, les montants de cotisations ou le nombre de points pris en compte ou susceptibles d’être pris en compte pour la détermination des droits à pension, l’assuré est recevable à contester devant la commission de recours amiable puis la juridiction du contentieux général le montant des cotisations ou le nombre de points figurant sur ce relevé.
En revanche, en cas d’absence de données figurant sur le relevé de situation individuelle, cette absence ne peut caractériser une ou des décisions prises par les organismes de sécurité sociale compétents pour la détermination des droits à retraite d’un assuré social, à la différence de mentions qui feraient apparaître une absence de droits. Il s’ensuit qu’un assuré social ne saurait former une réclamation en se fondant sur ce relevé individuel de situation en ce qu’il ne matérialise aucune décision par la caisse.
En l’espèce, la CIPAV explique que le relevé de situation individuelle que s’est procuré [S] [P] ne constitue pas une décision de la caisse. Il provient du site internet GIP INFO-RETRAITE et le document mentionne qu’il ne présente qu’un caractère indicatif et provisoire, sans engager les régimes de retraite concernés.
Or, [S] [P] a directement saisi la commission de recours amiable de la CIPAV, sans avoir formé préalablement de demande auprès de la caisse. Le recours amiable n’était donc pas recevable.
La CIPAV estime ainsi que [S] [P] n’est pas davantage recevable à saisir le tribunal judiciaire d’une contestation relative à son relevé de situation individuelle.
De plus, la caisse relève que le relevé de situation individuelle de [S] [P] ne renseigne aucun trimestre et aucun point pour les années 2010 et 2011. Il n’y a donc eu aucune décision de la CIPAV sur cette période.
Pour sa part, [S] [P] relève que la CIPAV renvoie vers le site internet INFO-RETRAITE pour toute demande de relevé de carrière, cette démarche permettant d’accéder directement au relevé de situation individuelle, actualisé de manière hebdomadaire. La caisse refuse ainsi de transmettre elle-même ce document.
En téléchargeant un relevé de situation individuelle sur ce site internet, [S] [P] a obtenu la décision individuelle prise par la CIPAV. Or, il a constaté une minoration de son nombre de points de retraite, ce qui lui fait grief.
Il souligne également que la CIPAV fait partie intégrante du GIP Union retraite.
[S] [P] considère ainsi que ses recours devant la commission de recours amiable et le tribunal judiciaire sont recevables.
À cet égard, le document intitulé « relevé de carrière », faisant l’objet du recours formé par [S] [P], précise que « Dans le cadre du droit à l’information, sous le logo Info Retraite, l’ensemble de vos régimes de retraite obligatoires vous informent sur vos droits à la retraite. Parfois appelé relevé de situation individuel, ce document vous présente vos droits à la retraite enregistrés pour chacune de vos activités ».
Il résulte de cette présentation que ce document constitue un outil d’information essentiel des assurés puisqu’il permet de présenter les droits à la retraite tels qu’enregistrés par chaque organisme.
Si ces données ne sont formulées qu’à titre indicatif et provisoire, elles procèdent néanmoins d’une décision de la caisse, qui est à l’origine de son renseignement, et la CIPAV a l’obligation d’actualiser les données figurant sur ce relevé. Le caractère indicatif et provisoire démontre seulement qu’il est envisageable de solliciter une modification ou une correction des informations qui y figurent.
La CIPAV, en tant que membre du groupement d’intérêt public à l’origine de l’émission du relevé de situation individuelle, est donc tenue de procéder au renseignement actualisé des données devant figurer sur celui-ci. Si une erreur est commise, l’assuré dispose d’un droit à rectification.
Il s’ensuit que les mentions figurant sur le relevé de situation individuelle procèdent de décisions prises par les organismes de sécurité sociale compétents pour la détermination des droits à retraite de l’assuré social, dont la CIPAV.
Or, le relevé de situation individuelle de [S] [P] mentionne la CIPAV et celle-ci y comptabilise les points de retraite de l’assuré, en précisant ensuite les valeurs annuelles des points, de 2012 à 2015. [S] [P] était donc recevable à contester devant la commission de recours amiable de la caisse puis devant le juge du contentieux de la sécurité sociale les mentions figurant sur ce relevé.
En revanche, en l’absence d’indication concernant les années 2010 et 2011, il ne saurait en être déduit que la CIPAV a pris une décision au titre de ces années, pouvant alors justifier une contestation de la part de [S] [P]. Il convenait pour lui de saisir la caisse d’une demande aux fins de validation des droits qu’il prétendait détenir et, en cas de rejet, former une réclamation, ce qu’il n’a pas fait.
En conséquence, le recours formé par [S] [P] est irrecevable en ce qui concerne les années 2010 et 2011 et son recours est recevable pour les années 2012 à 2015.
Sur les demandes de rectification des points de retraite de 2012 à 2015
1) Sur l’assiette de cotisations
Il résulte des dispositions de l’article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale, devenu l’article L. 613-7, que les cotisations et les contributions de sécurité sociale dont sont redevables les travailleurs indépendants mentionnés au II du présent article bénéficiant des régimes définis aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts sont calculées mensuellement ou trimestriellement, en appliquant au montant de leur chiffre d’affaires ou de leurs recettes effectivement réalisés le mois ou le trimestre précédent un taux global fixé par décret pour chaque catégorie d’activité mentionnée aux mêmes articles, de manière à garantir un niveau équivalent entre le taux effectif des cotisations et des contributions sociales versées et celui applicable aux mêmes titres aux revenus des travailleurs indépendants ne relevant pas du régime prévu au présent article.
En l’espèce, cet article prévoit expressément de calculer les cotisations dues par les auto-entrepreneurs sur le chiffre d’affaires.
Il n’y a donc pas lieu de déduire un abattement de 34% sur le chiffre d’affaires tel que pratiqué par la CIPAV pour parvenir à un bénéfice non commercial.
Retenir le contraire, en pratiquant l’abattement fiscal de 34% sur le chiffre d’affaires qui s’applique hors prélèvement libératoire, n’est pas cohérent avec le régime de l’auto-entrepreneur, qui est autorisé à régler un impôt sur le revenu calculé sur la base de son chiffre d’affaires par un prélèvement libératoire de 2,2%.
2) Sur les points de retraite de base
– de 2009 à 2014 :
Selon les 3 premiers alinéas de l’article D. 643-1 du code de la sécurité sociale, le versement de la cotisation annuelle correspondant au plafond de revenu fixé au 1° de l’article D. 642-3 ouvre droit à l’attribution de 450 points de retraite. Le versement de la cotisation annuelle correspondant au plafond de la tranche des revenus définie au 2° de l’article D. 642-3 ouvre droit à l’attribution de 100 points de retraite. Le nombre de points acquis est calculé au prorata des cotisations acquittées sur chacune des tranches de revenus définies à l’article D. 642-3, arrondi à la décimale la plus proche.
Les plafonds de revenus définis par l’article D. 642-3 du code de la sécurité sociale correspondent pour la tranche 1 à 85% du montant du plafond annuel de sécurité social (PASS) et, pour la tranche 2, à 5 fois le PASS.
La tranche 1 du régime de retraite de base correspond à son maximum au montant du PASS qui permet l’octroi de 450 points de retraite de base et la tranche 2 au maximum à 5 PASS qui permet l’octroi de 100 points de retraite de base.
– de 2015 à 2020 :
Selon les 3 premiers alinéas de l’article D. 643-1 du code de la sécurité sociale, le versement de la cotisation annuelle correspondant au plafond de revenu fixé au 1° de l’article D. 642-3 ouvre droit à l’attribution de 525 points de retraite. Le versement de la cotisation annuelle correspondant au plafond de la tranche des revenus définie au 2° de l’article D. 642-3 ouvre droit à l’attribution de 25 points de retraite. Le nombre de points acquis est calculé au prorata des cotisations acquittées sur chacune des tranches de revenus définies à l’article D. 642-3, arrondi à la décimale la plus proche.
Les plafonds de revenus définis par l’article D. 642-3 du code de la sécurité sociale correspondent pour la tranche 1 au montant du plafond annuel de sécurité social (PASS) et, pour la tranche 2, à 5 fois le PASS.
La tranche 1 du régime de retraite de base correspond à son maximum au montant du PASS qui permet l’octroi de 525 points de retraite de base et la tranche 2 au maximum à 5 PASS qui permet l’octroi de 25 points de retraite de base.
Il ne saurait être fait application d’un principe de proportionnalité entre les points acquis et les cotisations versées. En outre, le revenu pris en compte résulte du chiffre d’affaires et non des bénéfices.
En l’espèce, [S] [P] indique que les parties s’accordent sur la formule de calcul expliquée aux pages 2 et 3 de l’annexe de la pièce 1-2. Il précise que leurs points de vue divergent s’agissant de l’assiette de revenu, la CIPAV pratiquant à tort un abattement de 34% sur le chiffre d’affaires avant 2016, sans fondement textuel. Il fait valoir que la rectification des points de retraite de base doit donc être réalisée conformément au tableau de calcul figurant en pièce 1-2.
Pour sa part, la CIPAV explique que le statut d’auto-entrepreneur est un statut dérogatoire ouvrant droit à un régime de cotisation spécifique, permettant à ses bénéficiaires de valider des trimestres de retraite et d’acquérir des points de retraite complémentaire, en fonction du chiffre d’affaires déclaré et donc du montant cotisé.
Elle expose qu’elle ne procède ni à l’affiliation ni à la radiation des auto-entrepreneurs, et qu’elle ne réalise pas davantage le calcul et l’encaissement des cotisations.
Elle ajoute que son rôle se limite, pour cette catégorie d’adhérents à l’enregistrement des périodes d’affiliation sur la base des informations communiquées par l’ACOSS et au calcul des droits acquis au titre des cotisations qui lui sont reversées par cet organisme.
S’agissant du calcul des cotisations, la CIPAV explique que le montant des cotisations et contributions sociales dû par l’auto-entrepreneur est calculé en appliquant à son chiffre d’affaires mensuel et trimestriel un taux fixé par décret qui varie en fonction du secteur d’activité et qui est fixé pour les professionnels libéraux à 22 % par l’article D. 131-5-1 du code de la sécurité sociale.
La caisse précise que les auto-entrepreneurs ne cotisent pas directement auprès d’elle mais auprès de l’URSSAF, qui redistribue un pourcentage des cotisations collectées, qu’elle affecte ensuite aux régimes dont elle a la charge.
La CIPAV souligne que le système de retraite français repose sur un système contributif qui exige une stricte proportionnalité entre les droits acquis et les cotisations payées.
Elle décline ensuite le nombre de points acquis par l’assuré auquel il conviendra de se référer.
À cet égard, conformément à l’article D. 643-1 du code de la sécurité sociale, le nombre de points acquis résulte du rapport entre le revenu déclaré et la valeur du point issue elle-même directement du rapport entre le plafond applicable à la tranche de revenus et le nombre de points correspondant.
La CIPAV n’est donc pas légitime à retenir une assiette de revenus fondée sur le bénéfice non commercial et pratiquer ainsi à tort un abattement de 34 %.
Conformément à la méthode de calcul telle que déclinée en pièce 1-2 de l’assuré, [S] [P] a acquis les points de retraite de base suivants :
– 221,2 points en 2012,
– 167,7 points en 2013,
– 275,7 points en 2014,
– 25,7 points en 2015.
En conséquence, la CIPAV sera condamnée à rectifier en ce sens le nombre de points de retraite de base acquis par [S] [P].
3) Sur les points de retraite complémentaire
Il résulte des dispositions de l’article 2 du décret n°79-262 du 21 mars 1979 que le régime d’assurance vieillesse complémentaire obligatoire, géré par la CIPAV et institué par l’article 1er de ce texte comporte plusieurs classes de cotisations, auxquelles correspondent l’attribution d’un nombre de points de retraite qui procède directement de la classe de cotisation de l’intéressé déterminée en fonction de son revenu d’activité et dont le montant est fixé par décret sur proposition du conseil d’administration de cet organisme.
Le nombre de ces classes a été porté de 6 à 8 par le décret n°2012-1522 du 28 décembre 2012, applicable aux cotisations dues à compter du 1er janvier 2013, auxquelles correspondent l’attribution d’un nombre de points de retraite, pour la première de ces classes, fixé à 40 points jusqu’à l’année 2012, puis à 36 points à compter de 2013.
Ainsi, les dispositions de l’article 2 du décret n°79-262 du 21 mars 1979 modifié sont seules applicables à la fixation du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement aux auto-entrepreneurs affiliés à la CIPAV. Ce nombre de points procède directement de la classe de cotisation de l’affilié, déterminée en fonction de son revenu d’activité : 36 points pour la classe A, 72 points pour la classe B, 108 points pour la classe C, 180 points pour la classe D, 252 points pour la classe E, 432 points pour la classe G et 468 points pour la classe H.
En l’espèce, [S] [P] soutient que selon l’article 2 du décret n°79-262 du 21 mars 1979 instituant le régime de retraite complémentaire de la CIPAV, le nombre de points procède directement de la classe de cotisation de l’affilié déterminée en fonction de son revenu d’activité.
Il considère que la CIPAV ne peut donc allouer des points de retraite complémentaire inférieurs à ceux de la classe à laquelle il est susceptible de prétendre en fonction de son revenu.
Il soutient que les relations financières entre l’État et la CIPAV, étrangères à la question de la comptabilisation des droits à la retraite, n’intéressent pas l’adhérent. Il en déduit que tant la compensation de l’État, qui a pris fin au 31 décembre 2015, que la ventilation du forfait social entre les différents organismes, entrée en vigueur le 13 décembre 2018, ne peuvent influer sur la comptabilisation des droits à la retraite des auto-entrepreneurs.
[S] [P] indique que l’invocation d’une règle de proportionnalité, au surplus sans fondement textuel ou jurisprudentiel, est incompatible avec ce décret qui vise un octroi de points forfaitaires et non proportionnels. Il en déduit que l’article 3.12 des statuts de la caisse, qui prévoit l’application d’une règle de proportionnalité, est inopposable au cotisant, en ce que le décret doit primer sur les statuts de la caisse.
Il considère que la CIPAV doit se référer uniquement au chiffre d’affaires et non au bénéfice pour calculer les points de retraite complémentaire, conformément aux dispositions spécifiques prévues par l’article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale.
Il ajoute que, si l’article L. 131-6 du code de la sécurité sociale définit l’assiette de cotisation des professionnels libéraux « classiques » comme étant le revenu retenu pour le calcul de l’impôt sur le revenu, cette disposition n’est pas applicable aux auto-entrepreneurs pour lesquels l’article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale prévoit une assiette de cotisation différente tout en présumant un niveau de cotisation équivalent.
Il précise que cet article garantit aux auto-entrepreneurs l’acquisition de droits identiques à ceux des professionnels libéraux « classiques » par référence à un niveau de contribution réputé équivalent et déroge au régime de droit commun. Il relève que la détermination des trimestres acquis est également réalisée sur la base du chiffre d’affaires, conformément à l’article D. 643-3 alinéas 1 et 2 du code de la sécurité sociale.
[S] [P] fait valoir qu’aucune contestation n’existe sur le paiement effectif des cotisations spécifiques au régime de l’auto-entreprise et que, dès lors, les points de retraite complémentaire acquis par [S] [P] s’établissent comme indiqué sur le tableau de calcul figurant en pièce 1-2.
Pour sa part, la CIPAV expose que le décret n° 79-262 du 21 mars 1979 a institué un régime d’assurance vieillesse complémentaire obligatoire pour ses adhérents qui prévoit 8 classes de cotisations (classes A à H) correspondant chacune à un montant de cotisation dont le versement permet l’acquisition d’un nombre de points au titre du régime complémentaire.
Elle explique que faire bénéficier à [S] [P] du nombre maximum de points reviendrait à lui attribuer des points à une valeur d’achat moindre ce qui créerait une rupture d’égalité vis-à-vis des adhérents de la CIPAV ne relevant pas du régime de l’auto-entreprise. Elle considère que la détermination du nombre des points acquis ne résulte que de l’application des dispositions réglementaires applicables au régime de l’auto entrepreneur et du principe de proportionnalité des droits aux cotisations versées.
Selon ce mode opératoire, elle décline le nombre de points de retraite complémentaire acquis par l’assuré auquel il conviendra de se référer.
Il s’agit de prendre en considération le principe de proportionnalité, en tenant compte des sommes effectivement versées par l’assuré et par l’État, au titre de la compensation.
La CIPAV fait valoir que ce mode de calcul a expressément été validé par le ministère de l’économie et des finances, le ministère des affaires sociales et de la santé et le secrétaire d’état chargé du budget. Elle déclare que le rapport public annuel 2017 de la Cour des comptes reprend la réponse officielle et commune de ces ministères et que c’est sur ce fondement que la CIPAV a calculé les droits de l’auto-entrepreneur au titre de la retraite complémentaire, sur la base de la première classe de cotisation réduite de 75 %. Elle ajoute que, si [S] [P] le souhaitait, il pouvait s’acquitter d’un montant forfaitaire de cotisation d’assurance retraite complémentaire supérieur à celui qui était pris en compte par les textes réglementaires.
À cet égard, la CIPAV ne saurait faire état d’un défaut de respect du principe de proportionnalité entre le montant des cotisations acquittées et les droits acquis pour réduire le montant des points de retraite complémentaire de l’assuré.
En ce sens, l’article 3.12 bis des statuts de la CIPAV, qui prévoit que « le nombre de points attribués au bénéficiaire du régime prévu à l’article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale qui est exclu de la compensation de l’État prévue à l’article R. 133-30-10 du code de la sécurité sociale est proportionnel aux cotisations effectivement réglées » est inapplicable.
En effet, la CIPAV ne saurait calculer le nombre de points de retraite complémentaire en fonction de la cotisation effectivement versée par l’assuré mais au regard de son chiffre d’affaires.
De plus, contrairement à un professionnel libéral soumis au régime social de droit commun qui peut opter pour la réduction de sa cotisation de retraite complémentaire, le micro-entrepreneur s’acquitte d’une cotisation forfaitaire couvrant l’ensemble des cotisations sociales obligatoires, de sorte qu’il ne dispose pas d’une telle option pour voir opérer une réfaction sur son forfait social qui correspondrait à sa seule cotisation de retraite complémentaire.
La caisse ne saurait en effet se référer aux modalités de calcul de la compensation financière de l’État, qui ne concernent que les rapports financiers entre elle et lui, ni faire dépendre le nombre de points de retraite complémentaire de la somme qui lui est reversée par l’ACOSS au titre de la cotisation de retraite complémentaire.
C’est également en vain que la caisse se prévaut du non-respect du principe de proportionnalité entre le montant des cotisations acquittées et les droits acquis, dès lors que cet éventuel non-respect résulte du dispositif légal mis en place au profit des micro-entrepreneurs.
De même, le grief tiré d’une rupture d’égalité entre les auto-entrepreneurs et ses autres adhérents est sans portée, dès lors que le régime applicable aux premiers se veut incitatif et répond à la volonté du législateur de favoriser la création d’entreprises par la mise en place, notamment, d’un régime de déclaration et de paiement des cotisations sociales simplifié.
Tout autant, l’argument de l’organisme selon lequel le nombre de points revendiqué par l’assuré conduit à lui attribuer des points pour une valeur d’achat largement inférieure à celle fixée par son conseil d’administration est dénué de pertinence, en ce qu’il se heurte au principe même du forfait social institué par le législateur.
Or, [S] [P] établit s’être acquitté de ses cotisations telles que déterminées selon les modalités prévues à l’article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale et que son revenu ressort d’un montant inférieur au seuil minimum de classe A de 2012 à 2015.
Ainsi, il est fondé à se voir attribuer 40 points de retraite en 2012 puis 36 points de retraite de 2013 à 2015 au titre du régime d’assurance vieillesse complémentaire obligatoire géré par la CIPAV.
Il lui sera donc attribué ces points pour chacune des années concernées.
En conséquence, la CIPAV sera condamnée à rectifier en ce sens les points de retraite complémentaire acquis par [S] [P].
Sur la demande de transmission du relevé régularisé sous astreinte
Selon l’article L. 131-1 du code des procédures civiles d’exécution, tout juge peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision.
En l’espèce, [S] [P] sollicite la condamnation de la CIPAV à rectifier son relevé de situation individuelle sous astreinte. Il évoque l’obstruction réalisée par la caisse, dans le cadre de sa demande de dommages-intérêts, sans plus de motivation pour la demande de condamnation sous astreinte.
À cet égard, le présent jugement paraît suffire pour la régularisation de la situation de [S] [P] sans qu’il soit nécessaire d’ordonner la régularisation sous astreinte, sans préjudice de la faculté de saisir le juge de l’exécution à cette fin en cas de de difficulté relative à l’exécution de la présente décision.
En conséquence, la demande formée par [S] [P] sera rejetée.
Sur la responsabilité de la CIPAV
Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Aux termes du III de l’article L. 161-17 du code de la sécurité sociale, toute personne a le droit d’obtenir, dans des conditions précisées par décret, un relevé de sa situation individuelle au regard de l’ensemble des droits qu’elle s’est constitués dans les régimes de retraite légalement obligatoires. Les régimes de retraite légalement obligatoires et les services de l’État chargés de la liquidation des pensions sont tenus d’adresser périodiquement, à titre de renseignement, un relevé de la situation individuelle de l’assuré au regard de l’ensemble des droits qu’il s’est constitués dans ces régimes. L’assuré bénéficie d’un service en ligne lui donnant accès à tout moment à son relevé actualisé, l’informant sur les régimes dont il relève et lui permettant de réaliser certaines démarches administratives et d’échanger avec les régimes concernés des documents dématérialisés.
En l’espèce, [S] [P] sollicite des dommages et intérêts au motif d’une obstruction de la CIPAV pour corriger la minoration de ses points de retraite alors même que la Cour de cassation a fixé sa jurisprudence en la matière. La CIPAV a fait preuve d’une déloyauté alors qu’elle est investie d’une mission de service public.
Il affirme ainsi avoir subi un préjudice moral.
Il déduit de l’absence de renseignement pour les années 2010 et 2011 dans son relevé de situation individuelle que la CIPAV a manqué à son obligation d’information. Cela a été anxiogène pour [S] [P], celui-ci ayant craint d’avoir cotisé à fonds perdus.
Pour sa part, la CIPAV soutient que [S] [P] ne justifie pas du caractère fautif de la caisse. Elle relève une divergence d’interprétation et non une faute de sa part.
À cet égard, si la divergence d’interprétation opposant la CIPAV à [S] [P] ne saurait constituer une faute engageant la responsabilité de la caisse, il en est différemment du manquement à l’obligation d’information qui pèse sur la caisse.
Or, le relevé de situation individuelle de [S] [P] ne fait apparaître aucune mention relative aux points obtenus en 2010 et 2011 alors même que l’intéressé justifie avoir cotisé. Il s’agit également d’une faute de la part de la CIPAV qui n’a pas renseigné correctement les données relatives à ces deux années.
Il peut être constaté qu’environ 13 et 14 ans se sont écoulés depuis lors, sans réaction de la part de la caisse.
En conséquence, la CIPAV sera condamnée à verser à [S] [P] la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts.
Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’espèce, la CIPAV succombant, elle sera condamnée aux dépens de l’instance.
Sur les frais irrépétibles
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée et peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.
En l’espèce, partie tenue aux dépens, la CIPAV sera condamnée à payer à [S] [P] une somme qu’il est équitable de fixer à 1 500 euros.
La CIPAV succombant, sa demande sera rejetée.
Sur l’exécution provisoire
Aux termes du premier alinéa de l’article R. 142-10-6 du code de procédure civile, le tribunal peut ordonner l’exécution par provision de toutes ses décisions.
En l’espèce, l’ancienneté du litige justifie que l’exécution provisoire soit ordonnée.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire rendu en premier ressort,
Déclare irrecevable le recours formé par [S] [P] pour les années 2010 et 2011 ;
Déclare recevable le recours formé par [S] [P] pour les années de 2012 à 2015 ;
Condamne la CIPAV à rectifier les points de retraite de base acquis par [S] [P], comme suit :
– 221,2 points en 2012,
– 167,7 points en 2013,
– 275,7 points en 2014,
– 25,7 points en 2015 ;
Condamne la CIPAV à rectifier le nombre de points de retraite complémentaire acquis par [S] [P], selon le détail suivant :
– 40 points en 2012,
– 36 points en 2013,
– 36 points en 2014,
– 36 points en 2015 ;
Rejette la demande formée par [S] [P] tendant à condamner la CIPAV à lui transmettre et à lui rendre accessible y compris en ligne un relevé de situation individuelle conforme dans son contenu, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision, et passé ce délai, sous astreinte de 250 euros par jour de retard ;
Condamne la CIPAV à verser à [S] [P] la somme de 1 500 euros au titre des dommages et intérêts ;
Condamne la CIPAV aux dépens de l’instance ;
Condamne la CIPAV à verser à [S] [P] la somme de 1 500 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande formée par la CIPAV au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Ordonne l’exécution provisoire.
Jugement rendu par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024 dont la minute a été signée par le président et le greffier.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT