En l’absence de cessionnaire, une société liquidée judiciairement s’expose à voir sa marque tombée en déchéance après cinq années sans exploitation. N’importe qui peut donc redéposer ladite marque et l’exploiter.
L’article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle dispose : “Encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Le point de départ de cette période est fixé au plus tôt à la date de l’enregistrement de la marque suivant les modalités précisées par un décret en Conseil d’Etat. Est assimilé à un usage au sens du premier alinéa : 1° L’usage fait avec le consentement du titulaire de la marque ; (…)”. La procédure judiciaire en déchéance est prévue par l’article L. 716-3 du même code et l’article L. 716-3-1 prévoit que : “La preuve de l’exploitation incombe au titulaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens”. L’article L. 716-3 précise “L’usage sérieux de la marque commencé ou repris postérieurement à la période de cinq ans mentionnée au premier alinéa de l’article L. 714-5 ne fait pas obstacle à la déchéance si cet usage a débuté ou a repris dans un délai de trois mois précédant la demande de déchéance et après que le titulaire a appris que la demande en déchéance pourrait être présentée”. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, à la lumière de laquelle ces dispositions nationales doivent être appréciées, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque. L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci dans la vie des affaires. Il est tenu compte en particulier des usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, de la nature de ces produits ou de ces services, des caractéristiques du marché, de l’étendue et de la fréquence de l’usage de la marque (CJUE 19 décembre 2012, Leno Merken BV, C-149/11, point 29). L’usage de la marque doit être constaté pour les produits et services visés à son enregistrement. Il ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs témoignant d’une utilisation effective et suffisante sur le marché concerné (TUE 19 avril 2013, Luna international ltd, T-454/11, point 29). |
→ Résumé de l’affaireLa société Romeo, spécialisée dans le négoce de meubles, est titulaire de la marque verbale Romeo depuis 1984. Suite au décès de son fondateur, ses enfants ont repris l’entreprise. En 2019, l’un des enfants a déposé une nouvelle marque similaire. La société ARJS a assigné cet enfant en justice pour contrefaçon de marque. Les parties demandent respectivement l’annulation de la marque concurrente et la déchéance de la marque originale pour défaut d’usage sérieux. Le tribunal devra trancher sur ces demandes et sur les dommages-intérêts à verser.
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→ Les points essentielsSur la demande reconventionnelle en irrecevabilité de la demande en contrefaçon et déchéance de la marque Romeo pour défaut d’usage sérieuxLes demanderesses font valoir que l’usage sérieux de la marque est démontré par :- le fait que le personnel de la société Romeo n’a été licencié qu’en 2019 et celui du magasin [Localité 8] qu’en 2021 ; M. [S] oppose que :- la société Romeo n’a versé au dossier aucune preuve de l’exploitation effective de la marque Romeo sur les cinq années précédant l’assignation ; Sur ce, L’article L.716-2-3 du code de la propriété intellectuelle dispose : “Est irrecevable :1° La demande en nullité formée par le titulaire d’une marque antérieure enregistrée depuis plus de cinq ans à la date de la demande en nullité qui, sur requête du titulaire de la marque postérieure, ne rapporte pas la preuve : Aux fins de l’examen de la demande en nullité, la marque antérieure n’est réputée enregistrée que pour les produits ou services pour lesquels un usage sérieux a été prouvé ou de justes motifs de non-usage établis”. L’article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle dispose : “Encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Le point de départ de cette période est fixé au plus tôt à la date de l’enregistrement de la marque suivant les modalités précisées par un décret en Conseil d’Etat. Est assimilé à un usage au sens du premier alinéa : La procédure judiciaire en déchéance est prévue par l’article L. 716-3 du même code et l’article L. 716-3-1 prévoit que : “La preuve de l’exploitation incombe au titulaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens”. La marque verbale française Romeo a été enregistrée le 9 juillet 1984 pour les produits et services des classes 11, 20, 24 et 42 suivants : – 11 : Appareils d’éclairage, de chauffage, de production de vapeur, de cuisson, de réfrigération, de séchage, de ventilation, de distribution d’eau et installations sanitaires, Le titulaire de la marque doit prouver que, à l’issue de la période de grâce soit depuis le 9 juillet 1989, il en a fait un usage sérieux au cours des 5 années précédent la demande en déchéance (ici les conclusions de M. [S] du 9 novembre 2022) pour les produits et services visés l’enregistrement. Il n’est donc justifié, sur la période de référence, que d’une vente aux enchères des 19 et 20 novembre 2021 destinée à liquider le stock de la société et le maintien d’un site internet <[07].com>. Il y a donc lieu de déclarer irrecevable l’action en nullité de la marque Romeo [I] [E], engagée par la société Romeo sur le seul fondement de l’atteinte à ses droits antérieurs, pour défaut d’usage sérieux de la marque Romeo pendant cinq ans et de constater la déchéance de celle-ci au même motif. Sur la demande en réparation de faits de parasitismeLa société Romeo fait valoir que :- le dépôt de la marque litigieuse par M. [S] démontre sa volonté de tirer profit de la renommée de la marque Romeo et s’immiscer dans son sillage sans rien dépenser pour développer sa propre marque ; M. [S] soutient que :- il n’a commis aucune faute et n’est à l’origine d’aucun préjudice pour la société Romeo qui est une coquille vide sans activité depuis 2017 et sans stock ; Sur ce, Est fautif, au sens de l’article 1240 du code civil, le fait, pour un agent économique, de se placer dans le sillage d’une entreprise en profitant indûment des investissements consentis ou de sa notoriété, ou encore de ses efforts et de son savoir-faire ; qualifié de parasitisme, il résulte d’un ensemble d’éléments appréhendés dans leur globalité et qu’il faut interpréter au regard du principe de liberté du commerce et de l’industrie. Sur les autres demandesLa société Romeo qui succombe, est condamnée aux dépens de l’instance et à payer à M. [S] la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Les montants alloués dans cette affaire: – La SAS Diffusion des ébénistes contemporains Romeo est condamnée à payer à M. [I] [S] la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
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→ Réglementation applicable– Article L.716-2-3 du code de la propriété intellectuelle
– Article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle – Article L.716-3 du code de la propriété intellectuelle – Article L.716-3-1 du code de la propriété intellectuelle – Article 1240 du code civil – Article 700 du code de procédure civile Texte de l’Article L.716-2-3 du code de la propriété intellectuelle: Texte de l’Article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle: Texte de l’Article L.716-3 du code de la propriété intellectuelle: Texte de l’Article L.716-3-1 du code de la propriété intellectuelle: Texte de l’Article 1240 du code civil: Texte de l’Article 700 du code de procédure civile: |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Maître Hervé CABELI de l’AARPI ANTES AVOCATS
– Maître Garance DE MIRBECK |