L’exploitation d’une marque sous une forme légèrement modifiée par l’ajout d’un signe typographique n’altère nullement le caractère distinctif de la marque.
La société Pépinières Renault, spécialisée dans la culture de plantes ornementales, a entretenu des relations commerciales de longue date avec la société Pépinières [O] [G], qui commercialise des plants végétaux à distance. Ces relations se sont déroulées sans contrat écrit formel pendant plus de trente ans. En 2022, des discussions pour formaliser un contrat écrit ont été initiées, mais sans aboutir à un accord définitif.
En parallèle, des conflits financiers sont apparus concernant des paiements et des livraisons non effectuées pour la campagne 2021/2022, amenant Pépinières Renault à réclamer des paiements pour des escomptes appliqués indûment et pour des commandes non livrées. Pour la campagne 2022/2023, Pépinières Renault a changé ses conditions de vente, exigeant un contrat écrit pour poursuivre les livraisons selon les termes habituels, ce que Pépinières [O] [G] a contesté, souhaitant maintenir les conditions de collaboration antérieures.
Face à l’urgence des livraisons pour la nouvelle saison et l’absence de réponse satisfaisante de Pépinières Renault, Pépinières [O] [G] a saisi le tribunal de commerce d’Angers pour demander la poursuite des livraisons selon les pratiques établies. Le tribunal a ordonné la continuation des livraisons jusqu’au 31 décembre 2022, mais a rejeté les demandes de Pépinières Renault, qui a ensuite fait appel de cette décision.
L’affaire, marquée par des tentatives de négociation contractuelle et des litiges financiers, souligne les complications liées à l’absence de contrats formels dans des relations commerciales de longue durée et les défis de transition vers des accords formalisés.
Motifs de la décision
Aux termes de l’article 472 du code de procédure civile, le juge ne peut accorder satisfaction à une demande que si celle-ci est jugée régulière, recevable et bien fondée, notamment en l’absence de comparution du défendeur. La décision repose sur l’examen des droits de la marque TOTEM CO n°3498787, essentiels pour déterminer la recevabilité des demandes de la société TOTEM & CO.
Sur la demande reconventionnelle en nullité de la marque TOTEM CO n°3498787
La société TOTEM ET CO, en sa qualité de demanderesse, a été jugée recevable dans sa demande de nullité de la marque, car elle a un intérêt légitime à contester la validité de la marque qui lui est opposée. Cependant, la demande de nullité a été rejetée car la marque a été jugée distinctive et non descriptive des produits pour lesquels elle est enregistrée, malgré les arguments de Madame [W] affirmant le contraire.
Sur la demande reconventionnelle en déchéance de la marque verbale française TOTEM CO n°3498787
Madame [W] est également jugée recevable dans sa demande de déchéance de la marque pour non-usage sérieux pendant cinq ans. Toutefois, cette demande a été rejetée car il a été démontré que la marque a été utilisée de manière sérieuse, bien que sous une forme légèrement modifiée, ce qui n’altère pas son caractère distinctif.
Sur la demande principale en contrefaçon de la marque verbale française TOTEM CO n°3498787
La société TOTEM & CO a accusé Madame [W] d’utiliser le terme « TOTEM » de manière à créer un risque de confusion avec sa propre marque pour des services similaires. La cour a reconnu la contrefaçon, établissant que l’utilisation du terme par Madame [W] était susceptible de créer une confusion chez les consommateurs, malgré l’argument de Madame [W] selon lequel la marque TOTEM CO serait faiblement distinctive.
Sur les actes de concurrence déloyale, de pratique commerciale trompeuse et de parasitisme
Bien que les actes de contrefaçon aient été jugés comme tels, les accusations de concurrence déloyale et de parasitisme n’ont pas été retenues car ils n’ont pas été considérés comme distincts des faits de contrefaçon. Cependant, la pratique commerciale trompeuse a été reconnue en raison de la confusion créée par l’utilisation du terme « TOTEM » par Madame [W], interférant avec le nom commercial et le domaine de TOTEM & CO.
Sur l’indemnisation du préjudice
La société TOTEM & CO a été indemnisée pour les préjudices subis en raison de la contrefaçon et de la pratique commerciale trompeuse. Les demandes d’interdiction d’utilisation du terme « TOTEM » par Madame [W] ont été accordées, ainsi que des dommages et intérêts pour réparer le préjudice économique et moral subi par la société TOTEM & CO.
– Madame [Z] [W] est condamnée à payer à la société TOTEM & CO :
– 6 000€ pour dommages et intérêts liés à la contrefaçon.
– 5 000€ pour dommages et intérêts liés à son préjudice financier dû à la pratique commerciale trompeuse.
– 500€ pour dommages et intérêts liés à son préjudice moral dû à la pratique commerciale trompeuse.
– 7 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais de justice.
– Autres sanctions contre Madame [Z] [W] :
– Interdiction d’utiliser le terme « TOTEM » seul ou « TOTEM Studio Graphique » pour désigner ses services, sous peine d’une astreinte de 500€ par infraction constatée après un mois de la signification du jugement, et ce pour une durée de trois mois.
– Madame [Z] [W] est également condamnée aux dépens.
Réglementation applicable
L’article L. 714-5 du CPI dispose que :
Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Est assimilé à un tel usage :
a) L’usage fait avec le consentement du propriétaire de la marque ou, pour les marques collectives, dans les conditions du règlement;
b) L’usage de la marque sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif;
c) L’apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement exclusivement en vue de l’exportation. (…)
L’usage sérieux de la marque commencé ou repris postérieurement à la période de cinq ans visée au premier alinéa du présent article n’y fait pas obstacle s’il a été entrepris dans les trois mois précédant la demande de déchéance et après que le propriétaire a eu connaissance de l’éventualité de cette demande.
La preuve de l’exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens.
La déchéance prend effet à la date d’expiration du délai de cinq ans prévu au premier alinéa du présent article. Elle a un effet absolu.
En application de l’article L. 714-5 susvisé, la période de référence de cinq années permettant d’apprécier la demande en déchéance prend pour point de départ la date de publication de l’enregistrement de marque au BOPI : en l’absence de toute exploitation c’est nécessairement cette période lorsqu’elle n’a jamais été exploitée. Dans le cas inverse, la période court à compter du dernier acte sérieux d’exploitation ou de la date à laquelle la demande en déchéance a été formée retranchée de cinq ans.
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Maître Amanda FUDYM-GOUBET
– Maître Yann LORANG
Mots clefs associés
– Motifs de la décision
– Article 472 du code de procédure civile
– Comparution du défendeur
– Demande régulière, recevable et bien fondée
– Marque TOTEM CO n°3498787
– Demande reconventionnelle en nullité
– Recevabilité de l’action
– Intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention
– Nullité de la marque TOTEM CO n°3498787
– Validité de la marque contestée
– Caractère distinctif d’un signe de nature à constituer une marque
– Marque déclarée nulle par décision de justice
– Marque verbale TOTEM CO n°3498787
– Distinctivité des termes TOTEM et CO
– Produits et services visés en classe 16 et 35
– Déchéance de la marque verbale française TOTEM CO n°3498787
– Usage sérieux de la marque
– Période ininterrompue de 5 ans
– Preuve de l’exploitation
– Demande en déchéance de la marque
– Marque TOTEM CO n°3498787
– Demande principale en contrefaçon de la marque
– Risque de confusion
– Similitude des signes
– Services visés au dépôt en classe 35
– Préjudice subi
– Dommages et intérêts
– Interdictions et transferts
– Indemnisation du préjudice
– Pratique commerciale trompeuse
– Faute de concurrence déloyale
– Parasitisme
– Préjudice financier
– Perte de référencement
– Préjudice moral
– Demandes accessoires
– Dépens
– Article 700 du code de procédure civile
– Exécution provisoire
– Motifs de la décision : Raisons juridiques et factuelles qui justifient la décision rendue par un tribunal.
– Article 472 du code de procédure civile : Disposition légale définissant les modalités de clôture d’une instance après que toutes les parties ont été entendues ou dûment appelées.
– Comparution du défendeur : Présence physique ou représentation légale du défendeur lors d’une audience judiciaire.
– Demande régulière, recevable et bien fondée : Requête conforme aux normes procédurales, admissible devant le tribunal et justifiée par des arguments solides.
– Marque TOTEM CO n°3498787 : Identification d’une marque déposée auprès de l’INPI, représentant des produits ou services spécifiques.
– Demande reconventionnelle en nullité : Action en justice par laquelle le défendeur demande l’annulation de la marque ou du droit invoqué par le demandeur.
– Recevabilité de l’action : Critère juridique permettant de déterminer si une action peut être entendue par un tribunal.
– Intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention : Justification personnelle ou économique d’une partie à voir une demande judiciaire aboutir ou être rejetée.
– Nullité de la marque TOTEM CO n°3498787 : Annulation légale de l’enregistrement de la marque pour non-respect des conditions de validité.
– Validité de la marque contestée : Évaluation de la conformité d’une marque aux critères légaux d’enregistrement et de protection.
– Caractère distinctif d’un signe de nature à constituer une marque : Qualité d’un signe permettant de distinguer les produits ou services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises.
– Marque déclarée nulle par décision de justice : Annulation d’une marque par un tribunal pour non-respect des conditions légales.
– Marque verbale TOTEM CO n°3498787 : Marque constituée uniquement de mots sans éléments figuratifs, enregistrée sous le numéro 3498787.
– Distinctivité des termes TOTEM et CO : Évaluation de la capacité des termes à servir d’indicateur unique de source commerciale.
– Produits et services visés en classe 16 et 35 : Catégories de produits et services pour lesquels la marque est enregistrée, selon la classification de Nice.
– Déchéance de la marque verbale française TOTEM CO n°3498787 : Perte des droits de protection de la marque pour cause de non-utilisation ou d’usage impropre.
– Usage sérieux de la marque : Utilisation de la marque dans le commerce de manière continue et significative.
– Période ininterrompue de 5 ans : Durée légale après laquelle l’absence d’usage sérieux de la marque peut entraîner sa déchéance.
– Preuve de l’exploitation : Éléments de preuve démontrant l’utilisation active et réelle de la marque dans le commerce.
– Demande en déchéance de la marque : Action en justice visant à faire annuler les droits sur une marque pour non-utilisation.
– Demande principale en contrefaçon de la marque : Action en justice accusant une partie d’utiliser illégalement la marque d’une autre partie.
– Risque de confusion : Probabilité que le public cible puisse confondre deux marques ou produits en raison de leur similitude.
– Similitude des signes : Comparaison entre deux marques pour évaluer leur ressemblance visuelle, phonétique ou conceptuelle.
– Services visés au dépôt en classe 35 : Services spécifiques pour lesquels la marque a été enregistrée, relevant de la gestion des affaires commerciales.
– Préjudice subi : Dommages causés à une partie résultant d’une infraction ou d’un acte illicite.
– Dommages et intérêts : Compensation financière accordée pour réparer le préjudice subi.
– Interdictions et transferts : Mesures judiciaires pouvant inclure l’interdiction de certaines pratiques et le transfert de droits ou de biens.
– Indemnisation du préjudice : Allocation financière destinée à compenser les pertes subies.
– Pratique commerciale trompeuse : Acte visant à induire en erreur les consommateurs concernant la nature, les caractéristiques ou le prix des produits.
– Faute de concurrence déloyale : Actions contraires aux pratiques commerciales honnêtes, causant un préjudice à un concurrent.
– Parasitisme : Exploitation de la réputation, du savoir-faire ou des investissements d’autrui sans contrepartie.
– Préjudice financier : Pertes économiques subies par une entreprise ou un individu.
– Perte de référencement : Diminution de la visibilité ou du classement dans les résultats de recherche ou sur les marchés.
– Préjudice moral : Dommages causés à la réputation ou à l’intégrité psychologique d’une personne ou d’une entreprise.
– Demandes accessoires : Requêtes complémentaires formulées dans le cadre d’une action principale.
– Dépens : Frais de justice que la partie perdante peut être condamnée à payer.
– Article 700 du code de procédure civile : Disposition permettant au juge d’octroyer une indemnité pour les frais non couverts par les dépens.
– Exécution provisoire : Mesure permettant l’application immédiate d’une décision de justice, avant que tous les recours ne soient épuisés.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON
Chambre 3 cab 03 D
N° RG 19/01236 – N° Portalis DB2H-W-B7D-TUAC
Jugement du 06 Février 2024
Notifié le :
Grosse et copie à :
Me Amanda FUDYM-GOUBET – 2688
la SARL LORANG AVOCATS – 811
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 06 Février 2024 devant la Chambre 3 cab 03 D le jugement réputé contradictoire suivant,
Après que l’instruction eut été clôturée le 13 Décembre 2021, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 7 Février 2023 devant :
Marc-Emmanuel GOUNOT, Vice-Président,
Delphine SAILLOFEST, Vice-Président,
Julien CASTELBOU, Juge,
Siégeant en formation Collégiale,
Assistés de Anne BIZOT, Greffier,
En présence de M. GRUNDELER, Magistrat stagiaire,
Et après qu’il en eut été délibéré par les magistrats ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :
DEMANDERESSE
S.A.R.L. TOTEM ET CO,
prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Maître Yann LORANG de la SARL LORANG AVOCATS, avocats au barreau de LYON
DEFENDERESSES
Entreprise individuelle [Z] [W],
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Maître Amanda FUDYM-GOUBET, avocat au barreau de LYON
Madame [S] [R],
demeurant [Adresse 1]
défaillante
EXPOSE DU LITIGE
La SARL TOTEM ET CO, ci-après dénommée TOTEM & CO, enregistrée au Registre du Commerce et des Sociétés de Lyon depuis le 26 juin 2006, est une agence de communication, qui dispose de locaux physiques 9 cours d’Herbouville à LYON 4ème.
Elle a pour noms commerciaux TOTEM AND CO et TOTEM & CO.
Ses différentes activités sont organisées en départements dénommés : TOTEM L’AGENCE, TOTEM DISPLAY, TOTEM ETHIQUE et TOTEM SIGNALETIQUE, lesquels sont réunis sous les noms commerciaux TOTEM AND CO et TOTEM & CO.
Elle est spécialisée dans la création de supports graphiques et publicitaires innovants pour les entreprises.
La société TOTEM & CO était titulaire du 2 mai 2007 au 2 mai 2017 de la marque verbale française « TOTEM CO » n°3498787 en classes 16, 35 et 37 pour désigner les produits et services du secteur publicitaire, à l’exception de services de la classe 37 portant, entre autres, sur la construction d’édifices permanents. Cette marque n’a pas fait l’objet d’un renouvellement.
Le 2 octobre 2020, Monsieur [V] [N], gérant de la SARL TOTEM & CO, a déposé en couleurs la marque figurative TOTEM L’AGENCE couvrant les produits et services de la classe 35 dont, entre autres, la publicité, la gestion des affaires commerciales, les conseils en communication. Cette marque est exploitée par la SARL TOTEM & CO en vertu d’un contrat de licence exclusive du 2 octobre 2020.
La société TOTEM & CO détient le nom de domaine www.totem-co.com pour l’avoir réservé le 20 juin 2006, ainsi que le nom de domaine totem-agence.com. Elle est en outre présente sur les réseaux sociaux.
L’entreprise individuelle [Z] [W], ci-après dénommée la société [Z] [W] ou la société TOTEM STUDIO GRAPHIQUE, exerce une activité de conseil en relations publiques et en communication. Elle est immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés depuis le 1er février 2012.
Elle exerce depuis sa création, sous le nom commercial « TOTEM STUDIO GRAPHIQUE » et sous une identité visuelle inspirée du thème des Indiens d’Amérique.
Pour les besoins de son activité, elle exploite les noms de domaine suivants : totem-studio-graphique.com, totem-com.com et totem-web.com. Ces noms de domaines ont été respectivement réservés les 1er septembre 2017, 26 juillet 2012 et le 24 août 2011.
Madame [S] [R] est titulaire du nom de domaine totem-web.com, exploité par Madame [W].
Considérant que le choix du nom commercial Totem Studio Graphique pour l’exercice d’une activité identique à la sienne portait atteinte à ses droits, la société TOTEM &CO a, par courrier du 15 juillet 2013, mis en demeure la société TOTEM STUDIO GRAPHIQUE de cesser l’exercice de son activité sous cette dénomination, en vain.
Par courrier recommandé du 25 septembre 2017, le conseil de la requérante mettait la société TOTEM STUDIO GRAPHIQUE en demeure de cesser l’utilisation du terme TOTEM et l’utilisation des noms de domaines totem-studio-graphique.com, totem-web.com et totem-com.com.
Les parties se sont ensuite engagées dans un processus de négociations amiables, mais ne sont finalement pas parvenues à régler leur litige amiablement.
Telles sont les circonstances dans lesquelles, selon acte d’huissier de justice du 21 décembre 2018, la société TOTEM ET CO a assigné devant le tribunal de grande instance de LYON Madame [Z] [W] et Madame [S] [R] en contrefaçon de marque, concurrence déloyale, parasitisme et pratique commerciale trompeuse.
Un médiation judiciaire a été entreprise, sans succès.
Dans le dernier état de ses écritures notifiées le 25 mai 2021, la société TOTEM ET CO sollicite qu’il plaise :
Vu les articles 1240 et 1241 du Code civil,
Vu les articles L713-3, L716-1, L716-5 et L716-14 du Code de Propriété Intellectuelle,
Vu l’article L121-1 du Code de la Consommation,
Vu les articles 515, 699 et 700 du Code de Procédure civile,
Vu l’adage « Nemo auditur propriam turpitudinem allegans »,
RECEVOIR TOTEM & CO en ses demandes, les déclarer bien fondées et y faisant droit;
JUGER que les signes antérieurs sur lesquels se fonde TOTEM & CO sont distinctifs, JUGER que la marque TOTEM CO est exploitée d’un usage sérieux et RECONNAITRE les droits antérieurs de TOTEM & CO portant sur la marque TOTEM CO. n° 3498787, ses noms commerciaux et ses noms de domaine ;
JUGER qu’il existe un risque de confusion entre les signes de TOTEM & CO et les signes de Madame [W] ;
JUGER que les agissements du 24 août 2011 au 2 mai 2017 de Madame [W] constituent des actes de contrefaçon de la marque TOTEM CO n°3498787 ;
JUGER que les agissements du 24 août 2011 à aujourd’hui de Madame [W] constituent des actes de concurrence déloyale ;
JUGER que les agissements du 24 août 2011 à aujourd’hui de Madame [W] constituent des actes de parasitisme ;
JUGER que les agissements du 24 août 2011 à aujourd’hui de Madame [W] constituent des actes de pratique commerciale trompeuse ;
En conséquence :
DEBOUTER Madame [W] de sa demande en nullité de la marque TOTEM CO n°3498787 ;
DEBOUTER Madame [W] de sa demande en déchéance de la marque TOTEM CO n°3498787 ;
INTERDIRE à Madame [W] tout usage, importation, exportation, promotion, offre à la vente et vente du terme « TOTEM » pour désigner les mêmes activités ou activités connexes à celles exercées par TOTEM & CO, et ce sous astreinte de 500 euros par infraction constatée et par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;
INTERDIRE à Madame [W] de communiquer par tous moyens et sur tous supports, y compris internet, à l’aide du terme « TOTEM », et ce sous astreinte de 500 euros par infraction constatée et par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;
INTERDIRE à Madame [W] de communiquer par tous moyens et sur tous supports, y compris internet, à l’aide d’une référence, textuelle ou visuelle à l’objet totem, et ce sous astreinte de 500 euros par infraction constatée et par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;
ORDONNER le transfert du nom de domaine dont est titulaire Madame [W] à ses frais au profit de TOTEM & CO ;
ORDONNER le transfert du nom de domaine dont est titulaire Madame [W] à ses frais au profit de TOTEM & CO ;
ORDONNER le transfert du nom de domaine dont est titulaire Madame [R] à ses frais au profit de TOTEM & CO ;
CONDAMNER Madame [W] à payer à TOTEM & CO la somme forfaitaire de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice qu’elle a subi du fait des actes de contrefaçon commis par Madame [W], avec les intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts à compter du jugement à venir ;
CONDAMNER Madame [W] à payer à TOTEM & CO la somme totale de 32.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice qu’elle a subi du fait des actes de concurrence déloyale, parasitisme et pratique commerciale trompeuse commis par Madame [W], avec les intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts à compter du jugement à venir ;
CONDAMNER Madame [W] à payer à TOTEM & CO la somme totale de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral qu’elle a subi du fait des actes de contrefaçon, de concurrence déloyale, parasitisme et pratique commerciale trompeuse commis par Madame [W], avec les intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts à compter du jugement à venir ;
ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;
SE RESERVER la liquidation de ces astreintes ;
CONDAMNER Madame [W] à payer à la requérante la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile à distraction de Maître Yann LORANG;
CONDAMNER Madame [W] aux entiers dépens.
Dans le dernier état de ses écritures notifiées le 19 octobre 2021, la société [Z] [W], entreprise individuelle sollicite qu’il plaise :
Vu les articles L. 711 – 2, L. 711 – 4 ; L. 713-3 et L. 714-5 du Code de propriété intellectuelle ;
Vu les articles 1240 et 1241 du Code civil ;
Vu l’article L. 121-1 du Code de la consommation ;
Vu les principes consacrés par le droit positif et notamment « Nemo auditur propriam turpitudinem allegans » ;
Vu les articles 515 et 700 du Code de Procédure Civile,
Rejetant toutes fins, moyens et prétentions de la société TOTEM & CO,
A TITRE PRINCIPAL
Sur les actes de contrefaçon :
DIRE ET JUGER que la marque verbale française TOTEM CO n°3498787 visant les classes 16, 35 et 37 n’est pas exploitée par la société TOTEM & Co ;
PRONONCER, en conséquence, la déchéance de la marque verbale française TOTEM CO n°3498787 ;
DIRE ET JUGER que la marque verbale française TOTEM CO n°3498787 est dépourvue de toute distinctivité ;
PRONONCER, en conséquence, la nullité de la marque verbale française TOTEM CO n°3498787 et REJETER ainsi les demandes formées au titre de la contrefaçon ;
Sur les actes de concurrence déloyale, parasitisme et pratiques commerciales trompeuses:
DIRE ET JUGER que les signes antérieurs sur lesquels se fonde la société TOTEM & CO sont dépourvus de toute distinctivité ;
DIRE ET JUGER qu’en l’absence de reprise à l’identique des signes antérieurs non-distinctifs, les actes de concurrence déloyale, de parasitisme et de pratiques commerciales trompeuses reprochés à l’entreprise individuelle [Z] [W], ne sont pas constitués ;
REJETER, en conséquence, l’ensemble des demandes formées par la société TOTEM & CO, celles-ci étant non fondées.
A TITRE SUBSIDIAIRE, si, par extraordinaire, le Tribunal refusait de reconnaitre l’absence de distinctivité des signes antérieurs :
DIRE ET JUGER au surplus, que TOTEM & CO ne rapporte nullement la preuve d’un risque de confusion et qu’en tout état de cause il n’existe aucun risque de confusion du fait de l’utilisation par l’entreprise individuelle [Z] [W] du terme ‘TOTEM’;
A tout le moins, DIRE ET JUGER que le risque de confusion tient du fait de la reprise a posteriori par la société TOTEM & CO de l’identité visuelle « indien d’Amérique » de l’entreprise individuelle [Z] [W] et de l’exploitation du nom commercial ‘TOTEM L’AGENCE’ ;
DIRE ET JUGER que nul ne pouvant se prévaloir de sa propre turpitude, à tout le moins que la seule faute pouvant être retenue étant imputable à TOTEM & CO, cette dernière n’est pas fondée à se plaindre d’un risque de confusion ;
REJETER en conséquence les demandes formées par la société TOTEM & CO au titre de la contrefaçon, de la concurrence déloyale, du parasitisme économique et des pratiques commerciales trompeuses ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE, CONDAMNER la société TOTEM & CO à payer à l’entreprise individuelle [Z] [W] la somme de 6.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER la même aux dépens,
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE, si, par extraordinaire, le Tribunal retenait le risque de confusion au tort de l’entreprise individuelle [Z] [W]
DIRE ET JUGER que la société TOTEM & CO ne rapporte pas la preuve de son préjudice, ni de son quantum et encore moins des liens de causalité entre les faits fautifs reprochés et ces préjudices ;
DIRE ET JUGER, au surplus, les demandes d’astreinte parfaitement injustifiées et disproportionnées et ainsi les rejeter ;
DIRE ET JUGER ne pas avoir lieu à l’exécution provisoire ;
REJETER les demandes indemnitaires réclamées par la société TOTEM & CO ;
REJETER les autres demandes de la société TOTEM & CO.
Bien que régulièrement citée par acte d’huissier de justice transformé en procès-verbal de recherches infructueuses, Madame [S] [R] n’a pas constitué avocat.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens.
La clôture de la procédure a été prononcée le 13 décembre 2021.
MOTIFS DE LA DECISION
Aux termes de l’article 472 du code de procédure civile, en l’absence de comparution du défendeur, le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
Il doit être liminairement observé que dans la mesure où l’existence de droits sur la marque TOTEM CO n°3498787 invoquée par la société TOTEM & CO est déterminante pour apprécier la recevabilité de ses demandes, il convient d’examiner en premier lieu les demandes reconventionnelles formées par Madame [Z] [W] en nullité ou en déchéance de la marque TOTEM CO n°3498787.
Sur la demande reconventionnelle en nullité de la marque TOTEM CO n°3498787
S’agissant de la recevabilité
En application des articles 31 et 32 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention.
En l’espèce, la société TOTEM ET CO sollicite en son dispositif la condamnation de Madame [W] du fait de la contrefaçon de la marque TOTEM CO dont elle se prévaut. Il résulte de cette seule considération que la société défenderesse dispose d’un intérêt à solliciter la nullité de la marque qui lui est opposée. En effet, l’existence de cette marque pourrait fonder une condamnation pour contrefaçon venant entraver l’utilisation du signe employé par la société défenderesse dans le cadre de son activité économique.
Madame [W] est en conséquence recevable à agir en nullité de la marque TOTEM CO n°3498787.
S’agissant du bien-fondé
La marque TOTEM CO n°3498787, dont la nullité se trouve poursuivie, a été déposée le 2 mai 2007 (pièce A2 demanderesse), soit antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, le 11 décembre 2019. En conséquence, la validité de la marque contestée doit être appréciée au regard de la loi n°92- 597 du 1er juillet 1992 dans sa version en vigueur au jour du dépôt de cette marque.
Aux termes de l’article L. 711-1 alinéa 1 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version applicable au moment du dépôt, la marque de fabrique, de commerce ou de service est un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale.
Conformément à l’article L. 711-2 du même code applicable à la même époque, le caractère distinctif d’un signe de nature à constituer une marque s’apprécie au regard des produits ou services désignés. Sont dépourvus de caractère distinctif : a) les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ; b) les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de la production du bien ou de la prestation de service ; c) les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle.
En application de l’article L. 714-3 du même code, est déclaré nul par décision de justice l’enregistrement d’une marque qui n’est pas conforme aux prescriptions des articles L. 711-1 à L. 711-4.
Madame [W] fait valoir que la marque verbale TOTEM CO n°3498787 n’est pas distinctive pour être descriptive des produits pour lesquels elle se trouve enregistrée.
Il n’est pas contesté que la définition d’un totem dans le secteur de la communication est « un dispositif publicitaire de forme générale verticale généralement tendue par une structure composée d’un mât et d’un pied. ».
Madame [W] en déduit que ce terme désigne donc également des outils usités dans le secteur de la communication et de la publicité et qu’il doit être considéré comme usuel, générique, nécessaire ainsi que descriptif des produits et services désignés par la marque TOTEM CO, à tout le moins tellement évocateur que non distinctif. Elle soutient que de surcroît le terme TOTEM est l’élément principal, voire unique de la marque et qu’il ne peut être considéré autrement que non distinctif. Elle ajoute que le terme CO n’est que la contraction du nom commun COMMUNICATION et n’est donc rien d’autre que la description et le terme usuel, générique et nécessaire à l’activité visée par le signe, à tout le moins tellement évocateur que non distinctif. Elle en conclut que le signe TOTEM CO est donc constitué de deux termes non distinctifs s’agissant de produits et services de publicité et de communication visés en classes 16 et 35, la classe 37 devant être écartée pour l’appréciation de cette distinctivité, les services visés par cette classe étant trop éloignés de l’activité de la société TOTEM ET CO.
Or, la société TOTEM ET CO fait observer, à juste titre, que la marque TOTEM CO ne pourrait encourir la nullité pour descriptivité que si elle avait uniquement pour signe TOTEM, et pour les produits de totems qui sont effectivement des étendards utilisés pour communiquer.
Il est vrai, ainsi que le souligne la société TOTEM ET CO, que le nom commun du produit n’est pas descriptif de la prestation de services. Le terme TOTEM n’est nullement synonyme d’agence de communication ou de studio graphique, de graphiste ou d’infographiste.
En tant qu’agence de communication, la société TOTEM ET CO a choisi le nom d’un objet en rapport avec son activité pour désigner l’origine de ses produits et de ses services, sans pour autant que cela qualifie sa marque de marque descriptive.
Le terme dominant de la marque « TOTEM CO » pour désigner les produits visés en classe 16, savoir : « Produits de l’imprimerie ; articles pour reliures ; photographies ; articles de papeterie ; adhésifs (matières collantes) pour la papeterie ou le ménage ; matériel pour les artistes ; pinceaux ; machines à écrire et articles de bureau (à l’exception des meubles) ; matériel d’instruction ou d’enseignement (à l’exception des appareils) ; caractères d’imprimerie ; clichés ; papier ; carton ; boîtes en carton ou en papier ; affiches ; albums ; cartes ; livres ; journaux ; prospectus ; brochures ; calendrier ; instruments d’écriture ; objets d’art gravés ou lithographiés ; tableaux (peintures) encadrés ou non ; aquarelles ; patrons pour la couture ; dessins ; instruments de dessin ; mouchoirs de poche en papier ; serviettes de toilette en papier ; linge de table en papier ; papier hygiénique ; couches en papier ou en cellulose (à jeter) ; sacs et sachets (enveloppes, pochettes) en papier ou en matières plastiques pour l’emballage ; sacs à ordures en papier ou en matières plastiques » n’est pas descriptif de ces produits. Il ne l’est pas davantage pour les services de publicité et de communication visés en classe 35.
Partant, la défenderesse doit être déboutée de sa demande tendant à entendre prononcer la nullité de la marque verbale française TOTEM CO n°3498787.
Sur la demande reconventionnelle en déchéance de la marque verbale française TOTEM CO n°3498787
L’article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle énonce qu’encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux pour les produits et services visés à l’enregistrement pendant une période ininterrompue de 5 ans. La preuve de l’exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est réclamée.
En l’espèce, Madame [W] ayant été déboutée de sa demande au titre de la nullité de la marque verbale française TOTEM CO n°3498787, il convient d’examiner la demande en déchéance de marque.
S’agissant de la recevabilité
L’article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version ancienne applicable au moment de la première demande reconventionnelle en déchéance le 18 septembre 2019, dispose que “la déchéance peut être demandée en justice par toute personne intéressée”.
La notion de “personne intéressée” doit être comprise comme visant toute personne ayant un intérêt à faire cesser l’exclusivité sur un signe, en ce qu’elle constitue une entrave à l’exploitation ou au projet d’exploitation d’un autre signe.
En l’espèce, la société TOTEM ET CO sollicite en son dispositif la condamnation de Madame [W] du fait de la contrefaçon de la marque TOTEM CO dont elle se prévaut dans son intégralité. Il résulte de cette seule considération que Madame [W] dispose d’un intérêt à solliciter la déchéance de la marque qui lui est opposée. En effet, l’existence de cette marque pourrait fonder une condamnation pour contrefaçon venant entraver l’utilisation du signe employé par la défenderesse dans le cadre de son activité économique.
Madame [W] est en conséquence recevable à agir en déchéance de la marque TOTEM CO n°3498787.
S’agissant du bien-fondé
L’article L. 714-5 susvisé dispose que :
Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Est assimilé à un tel usage :
a) L’usage fait avec le consentement du propriétaire de la marque ou, pour les marques collectives, dans les conditions du règlement;
b) L’usage de la marque sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif;
c) L’apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement exclusivement en vue de l’exportation. (…)
L’usage sérieux de la marque commencé ou repris postérieurement à la période de cinq ans visée au premier alinéa du présent article n’y fait pas obstacle s’il a été entrepris dans les trois mois précédant la demande de déchéance et après que le propriétaire a eu connaissance de l’éventualité de cette demande.
La preuve de l’exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens.
La déchéance prend effet à la date d’expiration du délai de cinq ans prévu au premier alinéa du présent article. Elle a un effet absolu.
En application de l’article L. 714-5 susvisé, la période de référence de cinq années permettant d’apprécier la demande en déchéance prend pour point de départ la date de publication de l’enregistrement de marque au BOPI : en l’absence de toute exploitation c’est nécessairement cette période lorsqu’elle n’a jamais été exploitée. Dans le cas inverse, la période court à compter du dernier acte sérieux d’exploitation ou de la date à laquelle la demande en déchéance a été formée retranchée de cinq ans.
En l’espèce, il résulte du dispositif des conclusions de Madame [W] qu’elle sollicite du tribunal de « dire et juger que la marque verbale française TOTEM CO n°3498787 visant le classes 16, 35 et 37 n’est pas exploitée par la société TOTEM ET CO » pour conclure qu’il convient en conséquence de « prononcer la déchéance de la marque verbale française TOTEM CO n°3498787 ».
Madame [W] ne vise explicitement aucune période d’étude de la déchéance ou date de prononcé de la déchéance, tant au dispositif de ses écritures que dans leur corps.
Toutefois, elle soutient que la marque n’a jamais été exploitée, ce qui revient, conformément à l’article L714-5 susvisé, à demander la déchéance pour une période d’étude de cinq ans, commençant à courir à partir de la date de publication de l’enregistrement de marque au BOPI. Or, en tout état de cause, le débat relatif à l’exploitation se concentre sur le fait que la société TOTEM & CO n’a jamais exploité le signe TOTEM CO tel que déposé, mais toujours le signe TOTEM & CO. Dans la mesure où il n’est pas contesté que le signe TOTEM & CO a bien été exploité, il convient seulement de déterminer si l’exploitation de ce signe vaut exploitation de la marque TOTEM CO. En l’espèce, l’exploitation de la marque TOTEM CO sous une forme légèrement modifiée par l’ajout d’un signe typographique n’altère nullement le caractère distinctif de la marque.
La demande en déchéance de la marque verbale française TOTEM CO n°3498787 doit donc être rejetée.
Sur la demande principale en contrefaçon de la marque verbale française TOTEM CO n° n°3498787
Il sera liminairement observé que la société TOTEM & CO sollicite au dispositif de ses écritures de se voir « reconnaître ses droits antérieurs portant sur la marque TOTEM CO n°3498787, ses noms commerciaux et ses noms de domaine. ». Or, l’action en contrefaçon ne constitue pas une action en reconnaissance de droits antérieurs. Dès lors que la demanderesse ne forme aucune autre action donnant lieu à discuter de l’antériorité de ses droits, il n’y a pas lieu à statuer sur une telle demande.
Sur la matérialité des actes de contrefaçon
La société TOTEM ET CO fait grief à Madame [W] d’utiliser le terme TOTEM depuis le 24 août 2011 et jusqu’à aujourd’hui, alors que la société TOTEM Studio Graphique exerce une activité identique à la sienne, à savoir la prestation de service en matière de création et de communication.
Il sera rappelé, à titre liminaire, que la contrefaçon de marque doit être appréhendée au regard des seules mentions figurant sur le titre de propriété intellectuelle, à l’exclusion de l’activité réelle du titulaire de la marque.
Il est établi que la société TOTEM ET CO était titulaire de la marque verbale française TOTEM CO en classes 16, 35 et 37 du 2 mai 2007 au 2 mai 2017, cette marque n’ayant fait l’objet d’aucun renouvellement.
Aux termes de l’article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle dans sa version applicable à la cause, “sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public :
a) La reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l’enregistrement;
b) L’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement.
La contrefaçon ne peut être retenue qu’à la condition de caractériser un usage du signe litigieux effectué sans le consentement du titulaire de la marque, prenant place dans la vie des affaires et concernant des produits ou services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque opposée est enregistrée. Enfin, l’usage litigieux doit porter atteinte ou être susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque qui est de garantir aux consommateurs la provenance des produits ou des services.
L’appréciation de la contrefaçon commande de rechercher si, au regard des degrés de similitude entre les signes et les produits et/ou services, il existe un risque de confusion, comprenant un simple risque d’association. Le risque de confusion doit être apprécié de manière globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, tels que la notoriété de la marque et l’importance de sa distinctivité. Toutefois, la contrefaçon s’appréciant par référence au titre de propriété, il est exclu de s’attacher aux conditions réelles d’exploitation de la marque par le demandeur.
Le principe de spécialité impliquant que des opérateurs économiques puissent exploiter un signe identique à une marque déposée dès lors que cette utilisation est effectuée pour des produits ou services différents de ceux visés au dépôt, il convient de procéder en premier lieu à la comparaison des produits et services.
S’agissant de la comparaison des produits et services
La marque verbale française TOTEM CO n°3498787 a été déposée le 2 mai 2007 par la société TOTEM & CO pour différents produits et services appartenant aux classes n°16, 35 et 37 (pièce n°A2 demanderesse), à savoir :
Classe 16 : Produits de l’imprimerie ; articles pour reliures ; photographies ; articles de papeterie ; adhésifs (matières collantes) pour la papeterie ou le ménage ; matériel pour les artistes ; pinceaux ; machines à écrire et articles de bureau (à l’exception des meubles) ; matériel d’instruction ou d’enseignement (à l’exception des appareils) ; caractères d’imprimerie ; clichés ; papier ; carton ; boîtes en carton ou en papier ; affiches ; albums ; cartes ; livres ; journaux ; prospectus ; brochures ; calendrier ; instruments d’écriture ; objets d’art gravés ou lithographiés ; tableaux (peintures) encadrés ou non ; aquarelles ; patrons pour la couture ; dessins ; instruments de dessin ; mouchoirs de poche en papier ; serviettes de toilette en papier ; linge de table en papier ; papier hygiénique ; couches en papier ou en cellulose (à jeter) ; sacs et sachets (enveloppes, pochettes) en papier ou en matières plastiques pour l’emballage ; sacs à ordures en papier ou en matières plastiques ;
Classe 35 : Publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau ; diffusion de matériel publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons) ; services d’abonnement à des journaux (pour des tiers) ; conseils en organisation et direction des affaires ; comptabilité ; reproduction de documents ; bureaux de placement ; gestion de fichiers informatiques ; organisation d’expositions à buts commerciaux ou de publicité ; publicité en ligne sur un réseau informatique ; location de temps publicitaire sur tout moyen de communication ; publication de textes publicitaires ; locations d’espaces publicitaires ; diffusion d’annonces publicitaires ; relations publiques;
Classe 37 : Construction d’édifices permanents, de routes, de ponts ; informations en matière de construction ; supervision (direction) de travaux de construction ; maçonnerie ; travaux de plâtrerie ou de plomberie ; travaux de couverture de toits ; services d’étanchéité (construction) ; démolition de constructions ; location de machines de chantier ; nettoyage de bâtiments (ménage), d’édifices (surfaces extérieures) ou de fenêtres ; nettoyage ou entretien de véhicules ; assistance en cas de pannes de véhicules (réparation) ; désinfection ; dératisation ; blanchisserie ; rénovation de vêtements ;entretien, nettoyage et réparation du cuir ou des fourrures ; repassage du linge ; travaux de cordonnerie ; rechapage ou vulcanisation (réparation) de pneus ; installation, entretien et réparation d’appareils de bureau ; installation, entretien et réparation de machines ;installation, entretien et réparation d’ordinateurs ; entretien et réparation d’horlogerie ; réparation de serrures ; restauration de mobilier ; construction navale.
La société TOTEM ET CO fait grief à Madame [W] d’utiliser son signe pour son activité professionnelle à savoir la prestation de services en matière de communication concernant plusieurs volets comme la création, l’édition, le web et le multimédia.
Au dispositif de ses écritures, elle fait référence à la contrefaçon de sa marque, sans viser de produits et services particuliers. Il s’en déduit qu’elle se fonde donc sur l’intégralité de sa marque. Dans le corps de ses écritures, elle conclut toutefois au caractère identique des produits et services visés au dépôt avec ceux exploités par la défenderesse en ne renvoyant qu’aux classes 16 et 35.
Aucun développement n’étant consacré aux services de la classe 37, aucune contrefaçon ne pourra être retenue à ce titre. Cette demande sera rejetée.
S’agissant des produits et services visés en classe 16 et 35, si la société TOTEM & CO conclut à la contrefaçon du fait de leur caractère identique avec ceux exploités par Madame [W], elle ne consacre aucun développement précis sur ce point. Il convient donc de ne s’attacher qu’à la comparaison des produits et services pour lesquels le caractère identique relève de l’évidence.
Il n’est pas discuté que la défenderesse est spécialisée dans le conseil en relations publiques et communication.
Ainsi, aucun des produits visés en classe 16 ne présente, d’évidence, de caractère identique avec l’activité de conseil en relations publiques et en communication. Aucune contrefaçon ne pourra être retenue à ce titre.
En ce qui concerne les services visés au dépôt en classe 35, seuls sont identiques avec l’activité de conseil en relations publiques et communication exercée par Madame [W], les services suivants : « Publicité ; diffusion de matériel publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons); conseils en organisation et direction des affaires ; gestion de fichiers informatiques ; organisation d’expositions à buts commerciaux ou de publicité ; publicité en ligne sur un réseau informatique ; location de temps publicitaire sur tout moyen de communication ; publication de textes publicitaires ; locations d’espaces publicitaires ; diffusion d’annonces publicitaires ; relations publiques ».
Il n’y aura cependant contrefaçon sur le fondement de l’article L.713-3 qu’à la condition que les signes soient considérés comme similaires et qu’il existe un risque de confusion.
S’agissant de la comparaison des signes
L’appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants.
La défenderesse exploite le signe TOTEM STUDIO GRAPHIQUE et également le terme TOTEM, seul.
La société TOTEM & CO lui fait grief d’utiliser le terme TOTEM en le mettant en exergue, l’expression « Studio graphique » apparaissant le plus souvent de façon plus discrète, comme une baseline. Elle considère que sa marque TOTEM CO et le signe utilisé par Madame [W] sont similaires sur le plan visuel et auditif et identiques sur le plan conceptuel.
L’argument soutenu par Madame [W] selon lequel son signe ne peut être qualifié de contrefaisant qu’à la condition qu’il reproduise à l’identique celui de la demanderesse, dès lors que ce dernier est très faiblement distinctif, voire descriptif, est inopérant dès lors qu’il a déjà été statué sur le caractère distinctif de la marque de la demanderesse conformément aux motifs ci-dessus.
Sur le plan visuel, il résulte des captures des sites internet totem-studio-graphique.com et totem-web.com, des captures des comptes sur les réseaux sociaux de TOTEM Studio Graphique et des captures du site internet totem-com.com (pièces E1, E3 et E4 demanderesse) que la défenderesse utilise aussi bien le signe « TOTEM Studio Graphique conseil.création » que le signe « TOTEM » seul. L’élément distinctif dominant, placé en attaque de la marque « TOTEM CO » se retrouve dans le signe exploité par la défenderesse. Le terme TOTEM est en majuscules au sein de la marque « TOTEM CO » et également dans le signe utilisé par la défenderesse ou alors il est présent en minuscules mises en valeur par une police de taille supérieure aux deux autres termes « Studio » et « Graphique » quand ils sont présents et une surimpression en blanc cerclée de noir. Le fait que le terme « TOTEM » soit exploité par la défenderesse de façon stylisée avec une calligraphie bien particulière n’enlève rien à l’impression visuelle d’ensemble similaire.
Sur le plan phonétique, la marque est composée de l’élément principal « TOTEM » prononcé en attaque, tout comme le signe utilisé par Madame [W] avec une prononciation syllabique montante, alors que les termes suivants : co, Studio, Graphique présentent une prononciation syllabique descendante.
La similarité tant sur le plan visuel que sur le plan auditif est ainsi établie.
Sur le plan conceptuel, la marque de la requérante comme le signe de Madame [W] font référence au totem.
Le totem désigne, dans un premier temps, un être mythique (animal, végétal ou objet naturel) considéré comme l’ancêtre éponyme d’un clan ainsi que son esprit protecteur et vénéré comme tel, puis dans un second temps la représentation de cet être choisi pour totem le plus souvent sous la forme d’un grand poteau de bois sculpté de figures superposées.
Les termes : « Co, Studio, Graphique » placés à la suite du terme TOTEM, font tous référence à la communication et à l’infographie, domaine d’activité de la requérante et de la défenderesse. Le terme «Co » est descriptif de l’activité de la société TOTEM & CO, de même que les termes « Studio et Graphique » le sont de l’activité de Madame [W], cette dernière n’utilisant d’ailleurs le plus souvent que le terme « TOTEM ». La marque « TOTEM CO » et le signe utilisé par la défenderesse sont donc identiques sur le plan conceptuel.
S’agissant du risque de confusion
Madame [W] croit pouvoir opposer à la requérante l’adage : « Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude » afin de faire échec à la reconnaissance de tout risque de confusion. Elle considère en effet qu’à supposer que le risque de confusion soit démontré, il n’est dû qu’à la propre faute de la société TOTEM & CO, « laquelle s’est inscrite dans le sillage de l’identité de TOTEM STUDIO GRAPHIQUE » par la reprise de la charte graphique « INDIEN D’AMERIQUE » et par l’exploitation du signe « TOTEM L’AGENCE » se rapprochant ainsi des termes « TOTEM STUDIO GRAPHIQUE ».
Toutefois, conformément aux motifs ci-dessus rappelés, la contrefaçon s’appréciant par référence au titre de propriété, il est exclu de s’attacher aux conditions réelles d’exploitation de la marque par le demandeur. D’où il suit que ce moyen n’est pas fondé.
Du fait de la similarité des signes en présence et de l’identité des services, à savoir : « Publicité ; diffusion de matériel publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons); conseils en organisation et direction des affaires ; gestion de fichiers informatiques ; organisation d’expositions à buts commerciaux ou de publicité ; publicité en ligne sur un réseau informatique ; location de temps publicitaire sur tout moyen de communication ; publication de textes publicitaires ; locations d’espaces publicitaires ; diffusion d’annonces publicitaires ; relations publiques », une confusion s’opérera nécessairement dans l’esprit du consommateur d’attention moyenne. Celui-ci retiendra en effet le terme totem et l’activité de communication, sans pouvoir opérer de distinction entre la marque de la société TOTEM ET CO et le signe de Madame [W], étant observé que les signes sont exploités par deux sociétés lyonnaises.
En conséquence, l’utilisation des signes « TOTEM Studio Graphique » ou TOTEM, qui constituent une imitation de la marque TOTEM CO n°3498787, est susceptible, eu égard à l’identité des services concernés, de générer un risque de confusion. La contrefaçon est donc démontrée entre le 24 août 2011 et le 2 mai 2017.
Sur la réparation des préjudices résultant des atteintes à la marque
Sur les demandes d’interdictions et de transferts
L’ensemble des mesures d’interdiction sollicitées par la société TOTEM & CO ne sauraient prospérer, en l’absence de renouvellement de la marque TOTEM CO, laquelle est échue depuis le 2 mai 2017. Ces demandes seront rejetées.
Il ne peut davantage être fait droit aux demandes de transfert de noms de domaine en présence d’une marque échue. Ces demandes seront également rejetées.
Sur l’indemnisation du préjudice
Il résulte de l’article L 716-14 du Code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable au présent litige, que pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.
A l’appui de la demande d’indemnisation forfaitaire de son préjudice, la demanderesse fait uniquement valoir que les actes de contrefaçon commis par Madame [W] ont porté atteinte à la distinctivité de sa marque et que, de ce fait, elle a subi une perte de valeur de sa marque.
Il est indéniable que la contrefaçon aboutit toujours à une violation de l’exclusivité conférée au titulaire de la marque, qu’il convient d’indemniser.
Il y a donc lieu d’allouer à la société TOTEM & CO la somme justifiée de 6 000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, en ce compris l’indemnisation du préjudice moral, du fait des actes de contrefaçon commis par Madame [W]. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du présent jugement.
La capitalisation des intérêts devra s’accomplir conformément à l’article 1343-2 du code civil.
Sur les actes de concurrence déloyale, de pratique commerciale trompeuse et de parasitisme
Sur la matérialité des actes de concurrence déloyale, de pratique commerciale trompeuse et de parasitisme
Le droit de la concurrence déloyale et le parasitisme étant fondés sur les dispositions des articles 1240 et 1241 du Code civil, il appartient à la demanderesse de caractériser la ou les fautes qui auraient été commises par la défenderesse, étant précisé que toute faute de concurrence déloyale induit nécessairement un préjudice.
Constitue notamment une faute de concurrence déloyale le fait de susciter un risque de confusion avec les produits ou l’activité d’un autre opérateur économique.
Constitue également une faute de concurrence déloyale toute pratique commerciale trompeuse au sens de l’article L121-2 du code de la consommation lorsqu’elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial, ou un autre signe distinctif d’un concurrent.
Le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre en profitant indûment de la notoriété acquise ou des investissements consentis, comportement dont la qualification peut résulter d’un faisceau d’indices appréhendés dans leur globalité et indépendante de la création d’un risque de confusion.
Il appartient à la société TOTEM & CO, qui recherche à l’encontre de Madame [W], une condamnation complémentaire au titre de la concurrence déloyale, d’établir l’existence de faits distincts de ceux avancés à l’appui de sa demande en contrefaçon de marque.
La société TOTEM & CO entend démontrer l’existence d’actes de concurrence déloyale et de parasitisme par l’utilisation que fait Madame [W] du terme distinctif TOTEM de la marque TOTEM CO. Ces faits ont cependant déjà été appréhendés sous l’angle de la contrefaçon de marque et ne sauraient en conséquence être considérés comme des faits distincts. La confusion alléguée n’est pas davantage fondée sur d’autres éléments que ceux déjà avancés au titre de la contrefaçon.
En revanche, la société TOTEM & CO fait état de faits distincts de ceux utilisés pour établir la contrefaçon de marque en ce qui concerne la pratique commerciale trompeuse. Elle considère qu’en utilisant le terme TOTEM, Madame [W] génère également une confusion avec le nom de domaine “totem-co.com” réservé par la société TOTEM & CO depuis 2006 et avec son nom commercial TOTEM & CO détenu et exploité par la société TOTEM & CO depuis 2007.
Si elle justifie de la réservation du nom de domaine (pièce A3), elle ne produit en revanche aucune pièce établissant son exploitation effective. En l’absence de toute preuve d’utilisation de ce nom de domaine par la demanderesse, le risque de confusion généré par la défenderesse par l’utilisation du signe TOTEM seul ou de l’expression TOTEM Studio Graphique n’est pas démontré.
L’exploitation du nom commercial TOTEM & CO est cependant établie et non contestée.
La défenderesse, en utilisant le signe TOTEM seul ou l’expression TOTEM Studio Graphique pour l’activité de communication, génère un risque de confusion avec le nom commercial TOTEM & CO également exploité pour les services de création et de communication.
La pratique commerciale trompeuse constitutive d’une faute de concurrence déloyale est ainsi établie.
Sur la réparation du préjudice né de la pratique commerciale trompeuse
Sur les demandes d’interdictions et de transferts de noms de domaine
Seule l’atteinte au nom commercial est établie et l’interdiction devant être correllée à la faute retenue, il convient d’interdire à Madame [W] d’exploiter le terme TOTEM seul ou le terme TOTEM Studio Graphique pour désigner les prestations de service en matière de création et de communication et, ce sous astreinte provisoire de 500€ par infraction constatée passé le délai d’un mois suivant la signification du présent jugement et pour une durée de trois mois.
L’interdiction ainsi prononcée suffit à mettre un terme à la faute retenue. Il n’y a donc pas lieu de faire droit aux autres demandes interdictions, lesquelles seront rejetées.
Il n’y a pas lieu de se réserver la liquidation de l’astreinte.
Conformément aux motifs susvisés, les demandes de transferts de noms de domaine ne peuvent prospérer, en l’absence de preuve d’exploitation du nom de domaine “totem-co.com” par la demanderesse. Les demandes formées à ce titre seront rejetées.
Sur le préjudice financier
La société TOTEM & CO estime subir un préjudice financier du fait des actes de concurrence déloyale, de parasitisme et de pratique commerciale trompeuse qu’elle chiffre à 30 000€ comme indemnisant sa perte de marge nette et son manque à gagner.
Elle soutient que la présence de TOTEM Studio Graphique sur internet, à compter de 2012, a eu pour conséquence le fait que les clients se sont dirigés vers Madame [W], de sorte que son chiffre d’affaires n’a cessé de baisser depuis cette date.
Conformément aux motifs susvisés, la demanderesse n’est toutefois fondée à obtenir réparation que de son seul préjudice né de la pratique commerciale trompeuse.
Au vu des pièces comptables produites (pièces F8, F1 demanderesse), il est établi que le chiffre d’affaires de 2012 a connu une baisse de 16% et celui de 2013, de 6% supplémentaire, la société TOTEM & CO précisant, sans toutefois en justifier, que 20% de sa clientèle provient de son site internet. Il résulte de l’attestation de son expert-comptable établie le 30 août 2018 (pièce F2 demanderesse), que “son chiffre d’affaires “communication” n’a cessé de diminuer depuis l’année 2012”. Cet expert comptable estime, au vu de la baisse continue du chiffre d’affaires hors taxes “communication” depuis 2012 représentant environ 50 000€, avec une marge brute d’environ 60%, que la société TOTEM & CO a subi un préjudice de l’ordre de 30 000€ entre 2011 et 2018.
La concomittance entre le début de la baisse du chiffre d’affaires ainsi constatée et les premiers actes de pratique commerciale trompeuse de Madame [W] établit le lien causal entre la faute de concurrence déloyale de cette dernière et le préjudice financier subi par la société TOTEM & CO. Néanmoins, ce lien doit être considéré comme seulement partiel, dès lors que de multiples autres facteurs, sans lien avec la concurrence, peuvent expliquer cette diminution du chiffre d’affaires.
Le préjudice financier de la société TOTEM & CO né de la pratique commerciale trompeuse sera ainsi réparé par de justes dommages et intérêts que le tribunal estime devoir arrêter à la somme de 5 000€. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du présent jugement.
La capitalisation des intérêts devra s’accomplir conformément à l’article 1343-2 du code civil.
Sur les conséquences sur la politique tarifaire et la réputation de la société TOTEM & CO
La société TOTEM & CO soutient subir un préjudice qu’elle estime à la somme de 1 000€ « du fait de la concurrence de Madame [W], via son activité sous le nom de TOTEM Studio Graphique ayant pour effet d’associer son travail et ses pratiques tarifaires aux siennes, un internaute ayant tendance à naturellement se diriger vers la prestation la moins chère, face à une même activité et un nom commercial semblable ».
En l’absence de production de toute donnée tarifaire, la demanderesse échoue toutefois à démontrer ce qu’elle affirme au sujet d’une stratégie de prix bas de la part de son adversaire.
La production de quelques avis défavorables postés sur son compte Google et d’avis favorables déposés sur celui de la société TOTEM Studio Graphique ne fait pas davantage cette démonstration, les internautes ne faisant aucune référence aux tarifs pratiqués. De tels éléments sont en tout cas insuffisants pour démontrer que sa réputation s’en trouve entachée.
La demande d’indemnisation de ce chef doit être rejetée.
Sur la perte de référencement
La société TOTEM & CO soutient que du fait des noms de domaine utilisés et du vocabulaire présent sur les sites internet de TOTEM & CO et de TOTEM Studio Graphique, le site internet de TOTEM & CO a perdu en référencement naturel auprès des moteurs de recherches.
Elle ne produit cependant aucune pièce à l’appui de cette assertion, tandis que Madame [W] produit des captures d’écran de recherches sur Google avec les mots clés « totem-com », « totem agence de communication [Localité 4] » faisant apparaître que tantôt seuls les concurrents sont référencés, tantôt que TOTEM & CO est référencée avant TOTEM Studio Graphique.
L’existence d’un préjudice en lien avec une perte de référencement n’est donc pas établi.
La demande d’indemnisation à ce titre sera rejetée.
Sur le préjudice moral
La société TOTEM & CO réclame, au visa des articles 1240 du code civil et L716-14 du code de la propriété intellectuelle l’indemnisation d’un préjudice moral à hauteur de 2 000€ du fait des actes de contrefaçon, de concurrence déloyale, parasitisme et pratique commerciale trompeuse.
Il est exclu d’indemniser le préjudice moral au titre de la contrefaçon puisque la demanderesse a formé une demande d’indemnisation forfaitaire à ce titre, qui lui a déjà été allouée, en ce inclus la réparation de son préjudice moral.
Conformément aux motifs susvisés, seul le préjudice moral né de la faute de concurrence déloyale du fait de la pratique commerciale trompeuse est susceptible d’être réparé.
Il est de droit constant qu’il s’infère nécessairement d’un acte de concurrence déloyale un trouble commercial constitutif de préjudice, fût-il seulement moral.
Il est indéniable que la confusion entretenue par Madame [W] entre son nom commercial et celui de la société TOTEM & CO par l’emploi du terme TOTEM cause inquiétudes et tracas à la demanderesse caractérisant ainsi un préjudice moral qui sera justement réparé par l’allocation d’une somme de 500€. Madame [W] sera condamnée au paiement de cette somme.
Sur les demandes accessoires
Madame [Z] [W], qui succombe, sera condamnée aux dépens.
L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société TOTEM & CO en lui allouant la somme justifiée de 7 000€, au paiement de laquelle Madame [Z] [W] sera condamnée.
Eu égard à l’ancienneté du litige, l’exécution provisoire, compatible avec la nature de l’affaire, sera ordonnée.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition de la présente décision au greffe du tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
DECLARE Madame [Z] [W] recevable à agir en nullité de la marque TOTEM CO n°3498787 ;
REJETTE la demande de nullité de la marque verbale française TOTEM CO n°3498787;
DECLARE Madame [Z] [W] recevable à agir en déchéance de la marque TOTEM CO n°3498787 ;
REJETTE la demande en déchéance de la marque verbale française TOTEM CO n°3498787 formée par Madame [W] ;
REJETTE l’action en contrefaçon de marque de la société TOTEM &CO pour les services visés à l’enregistrement en classe 37 et pour les produits visés en classe 16 ;
DIT qu’en utilisant le signe « TOTEM Studio Graphique » ou TOTEM, afin de promouvoir son activité de conseil en relations publiques et communication, Madame [Z] [W] a commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque TOTEM CO n°3498787 uniquement pour les services de Publicité ; diffusion de matériel publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons); conseils en organisation et direction des affaires ; gestion de fichiers informatiques ; organisation d’expositions à buts commerciaux ou de publicité ; publicité en ligne sur un réseau informatique ; location de temps publicitaire sur tout moyen de communication ; publication de textes publicitaires ; locations d’espaces publicitaires ; diffusion d’annonces publicitaires ; relations publiques ;
CONDAMNE Madame [Z] [W] à payer à la société TOTEM & CO :
– la somme de 6 000€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice lié à la contrefaçon ;
– la somme de 5 000€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier né de la pratique commerciale trompeuse ;
– la somme de 500€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral né de la pratique commerciale trompeuse,
DIT que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;
DIT que la capitalisation des intérêts s’accomplira, conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil, à l’issue d’une année entière, puis à chaque échéance ultérieure ;
FAIT INTERDICTION à Madame [Z] [W] d’exploiter le terme TOTEM seul ou le terme TOTEM Studio Graphique pour désigner les prestations de service en matière de création et de communication et, ce sous astreinte provisoire de 500€ par infraction constatée passé le délai d’un mois suivant la signification du présent jugement et pour une durée de trois mois ;
DIT n’y avoir lieu à se réserver la liquidation de l’astreinte ;
CONDAMNE Madame [Z] [W] aux dépens ;
CONDAMNE Madame [Z] [W] à payer à la société TOTEM & CO la somme de 7 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
ORDONNE l’exécution provisoire ;
REJETTE le surplus des demandes.
Remis au greffe en vue de sa mise à la disposition des parties, le présent jugement a été signé par le Président, M. GOUNOT, et le Greffier, Mme BIZOT.
Le Greffier,Le Président,