Les articles scientifiques sont-ils protégés par le droit d’auteur ?

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Aucun chercheur ne peut prétendre à un monopole qui interdirait toute autre recherche concurrente ou complémentaire sur ses propres travaux, et où l’œuvre de collaboration constitue un tout indivisible dont l’originalité s’apprécie au niveau de sa globalité, quelles que soient les contributions respectives.

Le plan d’un article scientifique n’est pas protégé dès lors qu’il consiste à structurer une pensée décrivant les limites des techniques existantes dans le but de décrire les aspects prometteurs d’une stratégie émergente reposant sur l’utilisation de nanoparticules de fluorures de lanthanides.

En d’autres termes ce plan organise l’expression d’une opinion scientifique prospective émise à partir de l’observation critique de l’état acquis des connaissances (en l’occurrence dans le domaine de la nano médecine).

Ce type de plan aurait pu être suivi par tout autre chercheur. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le plan de l’article incriminé ne procède pas d’un choix arbitraire original et de retenir qu’il ne peut bénéficier de la protection du droit d’auteur.

Néanmoins, l’action en parasitisme vise à sanctionner la responsabilité civile de l’auteur fautif, n’étant qu’une variante de l’article 1240 du Code civil.

Dans ces conditions, c’est sous le seul angle de la responsabilité civile quasi délictuelle de droit commun qu’il convient d’examiner la demande subsidiaire de parasisitisme.

Or, l’auteur d’un ouvrage historique ou scientifique commet une faute d’omission, même en dehors de toute volonté de nuire, en passant sous silence les travaux unanimement reconnus d’un inventeur.

Par ailleurs, le Code de déontologie des métiers de la recherche et notamment la charte européenne du chercheur de 2005, précise que “les chercheurs s’efforcent pleinement d’assurer que leurs travaux de recherche sont utiles à la société et ne reproduisent pas des recherches effectuées ailleurs précédemment, évitent tout type de plagiat, respectent le principe de la propriété intellectuelle et de la propriété conjointe des données en cas de recherche effectuée en collaboration avec un ou plusieurs directeurs de thèse/stage et/ ou d’autres chercheurs”.

Il s’en évince que les auteurs de l’article scientifique en cause ont pris le parti délibéré de minimiser, pour ne pas dire taire, l’incontestable contribution scientifique du premier auteur dans le domaine traité.

Ce comportement indélicat, contraire à la déontologie et aux bons usages universitaires, constitue une faute au sens de l’article 1240 du Code civil. Le préjudice de l’auteur initial consiste dans l’atteinte qui a pu être ainsi portée à sa renommée scientifique et universitaire.

Ce préjudice d’ordre exclusivement moral, sera suffisamment réparé par la condamnation in solidum des auteurs des articles scientifiques au paiement d’une indemnité de 1.000 €.

L’article L. 112-2 1° du Code de la propriété intellectuelle énonce que “sont considérés notamment comme œuvre de l’esprit au sens du présent code, les livres, brochures et autres écrits littéraires artistiques et scientifiques”.

Pour rappel, d’après l’article L. 113-2 alinéa 1 du même code, “est dite de collaboration l’œuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques”.

Aux termes d’une jurisprudence constante et bien établie de la Cour de justice de l’Union européenne, consacrée par le droit prétorien interne, l’accès de l’œuvre de l’esprit à la protection au titre du droit d’auteur nécessite la caractérisation d’une originalité qui soit une création propre à son ou à ses auteurs.

Résumé de l’affaire

Dans cette affaire, [O] [J], professeur à l’université de [Localité 5], accuse son collègue maître de conférences, [N] [Y], ainsi que deux autres personnes, d’avoir porté atteinte à son droit moral d’auteur et d’avoir parasité ses travaux scientifiques. [O] [J] affirme que l’article publié par [N] [Y] en 2019 est un plagiat de celui auquel elle avait collaboré en 2016. Le juge de la mise en état a déclaré [O] [J] recevable en ses demandes en contrefaçon de droits d’auteur. Les parties ont des positions divergentes, [O] [J] soutenant que l’article de 2019 constitue une contrefaçon de son travail, tandis que [N] [Y] et les autres défendeurs affirment que l’article de 2016 n’est pas une œuvre originale. L’affaire a été plaidée en audience et la décision est en attente pour le 6 mai 2024.

Les points essentiels

MOTIFS

D’emblée, le tribunal tient à préciser qu’il n’a pas à statuer sur les demandes de constater et de dire et juger, en ce qu’elles constituent de simples moyens et non des prétentions qui seules font partie de l’office du juge.

La demanderesse soutient à titre principal une action en contrefaçon (1°), et à titre subsidiaire, en parasitisme (2°).

Sur l’action en contrefaçon

L’article L. 112-2 1° du Code de la propriété intellectuelle énonce que “sont considérés notamment comme œuvre de l’esprit au sens du présent code, les livres, brochures et autres écrits littéraires artistiques et scientifiques”.

D’après l’article L. 113-2 alinéa 1 du même code, “est dite de collaboration l’œuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques”.

Aux termes d’une jurisprudence constante et bien établie de la Cour de justice de l’Union européenne, consacrée par le droit prétorien interne, l’accès de l’œuvre de l’esprit à la protection au titre du droit d’auteur nécessite la caractérisation d’une originalité qui soit une création propre à son ou à ses auteurs.

Au cas présent, [O] [J] soutient que l’originalité de l’article intitulé “Imagerie multimodale : apport de la multi fonctionnalité en nano médecine” réside tant dans la forme utilisée, en l’occurrence le plan suivi, que dans le fond du sujet traité qui est, selon elle, le reflet sans aucune ambiguïté de la personnalité des coauteurs et particulièrement de la sienne, “forte de sa multiple compétence en photo-physique, en matériaux organiques moléculaires, en nano-objets hybrides fonctionnels pour la nano médecine et notamment magnéto-fluorescents pour la bio- imagerie”, tous domaines dans lesquels ses deux coauteurs, et notamment monsieur [Y] n’avaient jamais ni conçu ni synthétisé jusque là quelques travaux que ce soit, notamment dans le domaine des “fluorophores auto assemblés”.

Ceci étant, le moyen tiré du sujet traité et des mérites scientifiques respectifs des trois co-auteurs manque en fait et en droit, dans la mesure où aucun des trois chercheurs ne peut prétendre à un monopole qui interdirait toute autre recherche concurrente ou complémentaire sur ses propres travaux, et où l’œuvre de collaboration constitue un tout indivisible dont l’originalité s’apprécie au niveau de sa globalité, quelles que soient les contributions respectives.

L’examen par le juge du moyen de l’originalité de l’article de 2016 doit donc être circonscrite à la présentation et à la mise en forme du sujet traité, et en particulier au plan suivi.

À cet égard, la détermination de l’originalité du plan de 2016 ne se résout pas à sa comparaison avec celui de 2019, et doit s’apprécier uniquement pour elle-même, l’examen du plan de 2019 ne pouvant être effectué sous l’angle de la contrefaçon, qu’à la condition préalable de la reconnaissance de la protection du plan de 2016 au titre du droit d’auteur.

Ce qui suppose que la demanderesse qui invite le tribunal à “constater que cette présentation est originale et suit une présentation propre aux rédacteurs de l’article”, le démontre, la charge de la preuve lui en incombant.

Madame [J] soutient à cet égard que le plan suivi procède d’une démarche intellectuelle qui obéit “à une construction mentale spécifique, propre à son créateur, qui ne peut en aucun cas se retrouver à l’identique dans aucune autre forme intellectuelle”, consistant à “présenter les autres systèmes avant d’asseoir la spécificité des siens”.

Elle considère que ce “déroulé de pensée”, qui se caractérise par une “originalité architecturale”, “reflet de son cheminement intellectuel”, rompt avec la méthode comparative habituelle.

Ceci étant, le plan suivi qui consiste en une introduction annonçant la recherche des avantages et inconvénients relatifs à chaque technique d’imagerie, suivie de deux parties les décrivant et les développant, qui se termine par une conclusion faisant apparaître que les premières exploitations des nanoparticules en imagerie multimodale in vitro et in vivo, qui n’en sont qu’à leurs débuts, apparaissent encourageantes, ne se distingue pas franchement de la méthode dite comparative dont madame [J] prétend se démarquer.

Le plan suivi consiste en effet à structurer une pensée décrivant les limites des techniques existantes dans le but de décrire les aspects prometteurs d’une stratégie émergente reposant sur l’utilisation de nanoparticules de fluorures de lanthanides.

En d’autres termes ce plan organise l’expression d’une opinion scientifique prospective émise à partir de l’observation critique de l’état acquis des connaissances dans le domaine de la nano médecine.

Ce type de plan aurait pu être suivi par tout autre chercheur.

Madame [J] n’explique pas non plus en quoi les intitulés des deux parties, “nano structures fluorescentes et magnétiques” de première part, et “nanoparticules de fluorures de lanthanides” d’autre part, procéderaient d’une méthode innovante et originale de présentation de l’état existant ou en développement des techniques connues ou futures destinées à obtenir des nano sondes multimodales.

Elle ne démontre pas davantage en quoi cette organisation de l’exposé de la pensée, dont elle s’attribue, non sans une certaine contradiction avec l’article L. 113-2 alinéa 1, le seul mérite, précéderait d’une démarche intellectuelle inédite de la part des trois coauteurs, se distinguant nettement de celles ayant habituellement cours dans le domaine de la publication scientifique.

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le plan de l’article incriminé ne procède pas d’un choix arbitraire original et de retenir qu’il ne peut bénéficier de la protection du droit d’auteur.

Il convient par conséquent de débouter [O] [J] de sa demande de condamnation au titre de la contrefaçon du droit d’auteur.

Sur l’action en parasitisme

Ainsi que le rappelle la demanderesse elle-même, le parasitisme se définit comme l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire.

Au cas présent, aucun élément du dossier ne permet d’établir que les cinq parties à l’instance ont concouru en tant que “agents économiques”, sortant de leurs attributions d’enseignants chercheurs, à la rédaction des deux articles 2016 et de 2019.

Néanmoins, l’action en parasitisme vise à sanctionner la responsabilité civile de l’auteur fautif, n’étant qu’une variante de l’article 1240 du Code civil.

Dans ces conditions, c’est sous le seul angle de la responsabilité civile quasi délictuelle de droit commun qu’il convient d’examiner la demande subsidiaire de Madame [J].

Celle-ci soutient que les trois auteurs de l’article de 2019 querellé, intitulé “luminophore and magnetic multicolor nano assemblies for dual mode and fluorescence imaging”ont repris à leur compte ses efforts de recherche, lui interdisant désormais de “publier un article similaire sur les systèmes magnéto fluorescents dans le monde scientifique”.

Madame [J] déplore que l’article de 2019 passe sous silence de façon volontaire ses projets.

Elle constate que monsieur [Y] est ainsi apparu de façon fallacieuse aux yeux des universitaires nantais comme le seul géniteur d’une “théranostique” exploitant des édifices magnéto fluorescents dont les structures génériques sont issues de ses travaux.

Elle soutient subir en conséquence un réel préjudice du fait de “la mise à l’écart de ses contributions scientifiques pionnières”.

Elle réclame en réparation la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts.

De leur côté, les défendeurs se bornent à affirmer qu’ils n’ont commis aucun acte de parasitisme.

Ceci étant, selon l’interprétation donnée par la Cour de cassation à l’article 1382 du Code civil, devenu 1240 par changement de numérotation, depuis le célèbre arrêt [X] du 27 février 1951, l’auteur d’un ouvrage historique commet une faute d’omission, même en dehors de toute volonté de nuire, en passant sous silence les travaux unanimement reconnus d’un inventeur.

Par ailleurs, le Code de déontologie des métiers de la recherche et notamment la charte européenne du chercheur de 2005, précise que “les chercheurs s’efforcent pleinement d’assurer que leurs travaux de recherche sont utiles à la société et ne reproduisent pas des recherches effectuées ailleurs précédemment, évitent tout type de plagiat, respectent le principe de la propriété intellectuelle et de la propriété conjointe des données en cas de recherche effectuée en collaboration avec un ou plusieurs directeurs de thèse/stage et/ ou d’autres chercheurs”.

Au cas présent, madame [J] rapporte la preuve que plusieurs passages de l’article de 2019 paraphrasent des paragraphes entiers de celui de 2016 dont elle prétend avoir été l’inspiratrice, ce qui n’est pas sérieusement contredit.

Par ailleurs l’article de 2016 contient 172 références bibliographiques, dont une seule consacrée aux travaux de madame [J].

En outre l’article de 2016 n’est même pas mentionné.

Il s’en évince que les auteurs de l’article de 2019 ont pris le parti délibéré de minimiser, pour ne pas dire taire, l’incontestable contribution scientifique de madame [J] dans le domaine traité.

Ce comportement indélicat, contraire à la déontologie et aux bons usages universitaires, constitue une faute au sens de l’article 1240 du Code civil.

Madame [J] n’établit pas cependant en quoi ce manquement serait de nature à priver dans l’avenir de la possibilité de continuer à communiquer sur les travaux qu’elle pourrait conduire ou superviser en la matière.

Son préjudice consiste donc uniquement dans l’atteinte qui a pu être ainsi portée à sa renommée scientifique et universitaire.

Ce préjudice d’ordre exclusivement moral, sera suffisamment réparé par la condamnation in solidum des défendeurs au paiement d’une indemnité de 1.000 €.

Les défendeurs succombant, il n’y a pas lieu d’examiner leurs demandes reconventionnelles en dommages-intérêts pour procédure abusive, dont ils seront déboutés.

L’équité commande que les défendeurs soient tenus in solidum à verser à madame [J] une indemnité de 1.500 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Les montants alloués dans cette affaire: – [O] [J] : 1.000 € à titre de dommages-intérêts
– [O] [J] : 1.500 € à titre de frais irrépétibles
– [N] [Y], [U] [T], et [A] [D] : 1.000 € à titre de dommages-intérêts
– [N] [Y], [U] [T], et [A] [D] : entiers dépens de l’instance

Réglementation applicable

– Code de la propriété intellectuelle
– Code civil
– Code de déontologie des métiers de la recherche
– Charte européenne du chercheur de 2005
– Code de procédure civile

Article L. 112-2 1° du Code de la propriété intellectuelle:
“sont considérés notamment comme œuvre de l’esprit au sens du présent code, les livres, brochures et autres écrits littéraires artistiques et scientifiques”.

Article L. 113-2 alinéa 1 du Code de la propriété intellectuelle:
“est dite de collaboration l’œuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques”.

Article 1240 du Code civil:
“Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer”.

Charte européenne du chercheur de 2005:
“les chercheurs s’efforcent pleinement d’assurer que leurs travaux de recherche sont utiles à la société et ne reproduisent pas des recherches effectuées ailleurs précédemment, évitent tout type de plagiat, respectent le principe de la propriété intellectuelle et de la propriété conjointe des données en cas de recherche effectuée en collaboration avec un ou plusieurs directeurs de thèse/stage et/ ou d’autres chercheurs”.

Article 700 du Code de procédure civile:
“Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens”.

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Maître Cyril DUBREIL de la SCP OUEST AVOCATS CONSEILS
– Maître Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE

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