Le droit au fractionnement des congés

Notez ce point juridique

Il peut être dérogé au présent article après accord individuel du salarié. Selon l’article L.3141-23 du code du travail, à défaut de stipulation dans la convention ou l’accord conclu en application de l’articléL. 3141-22′:

1° La fraction continue d’au moins douze jours ouvrables est attribuée pendant la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année ;

2° Le fractionnement des congés au-delà du douzième jour est effectué dans les conditions suivantes :

a) Les jours restant dus en application du second alinéa de l’articléL. 3141-19’peuvent être accordés en une ou plusieurs fois en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année ;

b) Deux jours ouvrables de congé supplémentaire sont attribués lorsque le nombre de jours de congé pris en dehors de cette période est au moins égal à six et un seul lorsque ce nombre est compris entre trois et cinq jours. Les jours de congé principal dus au-delà de vingt-quatre jours ouvrables ne sont pas pris en compte pour l’ouverture du droit à ce supplément.

Ainsi, pour pouvoir bénéficier des ‘jours’ de fractionnement, il est nécessaire que le salarié ait’pris’au minimum ’12’ jours’ pendant la période légale courant du 1er mai au 31 octobre et que les jours pris hors de celle-ci n’appartiennent pas à la cinquième semaine de congés payés. Par ailleurs, seule la présence dans l’entreprise à cette période permet l’ouverture du droit au congé supplémentaire pour’fractionnement.


M. [X] [P] a été embauché par la SARL Argel Sud Est en janvier 2004 en tant que livreur. Des tensions sont apparues en juin 2016 suite à la mise en place d’un système de géolocalisation des véhicules. Après un avertissement en février 2018, M. [P] a été placé en arrêt de travail à plusieurs reprises jusqu’en septembre 2018. Il a été licencié en novembre 2018. Le conseil de prud’hommes de Tarbes a condamné la société à verser diverses primes à M. [P] mais a débouté certaines demandes. Les deux parties ont interjeté appel. La société Argel Sud Est conteste les demandes salariales et l’existence de harcèlement moral et discrimination. M. [P] demande la réformation du jugement pour obtenir des dommages et intérêts, la nullité du licenciement et des indemnités supplémentaires. L’affaire est en attente de jugement devant la cour d’appel de Pau.

Sur les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail

La demande relative au fractionnement des congés a été rejetée pour l’année 2018, car M. [P] n’avait pas pris de congés pendant la période légale du 1er mai au 31 octobre. Concernant la demande relative au temps de pause, le conseil de prud’hommes a confirmé la décision initiale qui avait alloué à M. [P] la somme réclamée pour les retenues effectuées sur son salaire pour les pauses quotidiennes. En ce qui concerne la demande relative au solde des jours RTT, le conseil a jugé que la société Argel avait payé les jours RTT dus à M. [P] conformément à la base de calcul utilisée.

Sur l’avertissement

Le conseil de prud’hommes a annulé l’avertissement notifié à M. [P] le 19 février 2018, estimant que le grief reproché n’était pas fondé. M. [P] a été indemnisé à hauteur de 500 euros pour le préjudice moral subi à la suite de cet avertissement injustifié.

Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

Le conseil de prud’hommes a rejeté les demandes de M. [P] concernant le harcèlement moral, la discrimination et la violation de la liberté d’expression. Il a jugé que les éléments fournis par M. [P] n’étaient pas suffisants pour prouver ces allégations. Le licenciement de M. [P] a été jugé sans cause réelle et sérieuse, et il a été indemnisé à hauteur de 18 000 euros pour ce préjudice.

Sur les conséquences financières du licenciement

M. [P] a obtenu le remboursement des indemnités journalières indûment déduites pendant son préavis, ainsi que diverses sommes au titre des primes et indemnités compensatoires. La société Argel a été condamnée à rembourser les indemnités de chômage versées à M. [P] dans la limite de six mois.

Les dépens et les frais irrépétibles

La société Argel a été condamnée à supporter les dépens de l’instance, y compris ceux exposés devant le conseil de prud’hommes, et à payer à M. [P] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– 500 euros à titre de dommages et intérêts pour l’avertissement annulé
– 89,99 euros au titre de la prime de vacances
– 1426,33 euros en remboursement de la somme indûment prélevée au titre des indemnités journalières perçues pendant la durée du préavis
– 18’000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile


Réglementation applicable

– Code du travail
– Article L.3141-23: « A défaut de stipulation dans la convention ou l’accord conclu en application de l’article L. 3141-22, la fraction continue d’au moins douze jours ouvrables est attribuée pendant la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année. Le fractionnement des congés au-delà du douzième jour est effectué dans les conditions suivantes: Les jours restant dus en application du second alinéa de l’article L. 3141-19 peuvent être accordés en une ou plusieurs fois en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année. Deux jours ouvrables de congé supplémentaire sont attribués lorsque le nombre de jours de congé pris en dehors de cette période est au moins égal à six et un seul lorsque ce nombre est compris entre trois et cinq jours. Les jours de congé principal dus au-delà de vingt-quatre jours ouvrables ne sont pas pris en compte pour l’ouverture du droit à ce supplément. Il peut être dérogé au présent article après accord individuel du salarié. »
– Article L.3121-16: « Dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de vingt minutes consécutives. Il est constant que la preuve du respect du temps de pause incombe uniquement à l’employeur. »
– Article L.1333-1: « En cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. »
– Article L.1333-2: « Le conseil de prud’hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise. »
– Article L.1152-1: « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »
– Article L.1152-2: « Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. »
– Article L.1152-3: « Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions ci-dessus, toute disposition ou tout acte contraire est nul. »
– Article L.1154-1: « En cas de litige le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Il incombe alors à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. »
– Article L.1132-1: « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. »

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Maître CARABIN de la SELARL CARABIN-STIERLEN AVOCATS
– Maître FELLONNEAU

Mots clefs associés

– Motifs de la décision
– Juge départiteur
– Caducité de l’appel
– Rupture du contrat de travail
– Exécution du contrat de travail
– Demandes salariales
– Fractionnement des congés
– Temps de pause
– Solde des jours RTT
– Avertissement
– Harcèlement moral
– Discrimination
– Violation de la liberté d’expression
– Licenciement sans cause réelle et sérieuse
– Indemnité compensatrice de préavis
– Prime de vacances
– Prime de samedis/heures supplémentaires
– Prime de jours fériés
– Remboursement des indemnités journalières
– Obligation de sécurité
– Remboursement des indemnités chômage
– Dépens et frais irrépétibles

– Motifs de la décision: Raisons justifiant une décision prise par une autorité judiciaire ou administrative
– Juge départiteur: Juge chargé de trancher un litige lorsque les juges titulaires sont en désaccord
– Caducité de l’appel: Annulation de l’appel en raison d’un vice de forme ou d’une irrégularité
– Rupture du contrat de travail: Fin du contrat de travail liant un employé à un employeur
– Exécution du contrat de travail: Respect des obligations contractuelles par les parties
– Demandes salariales: Réclamations concernant la rémunération d’un salarié
– Fractionnement des congés: Division des périodes de congés en plusieurs parties
– Temps de pause: Période de repos pendant la journée de travail
– Solde des jours RTT: Nombre de jours de repos à récupérer ou à indemniser
– Avertissement: Notification écrite d’un manquement professionnel
– Harcèlement moral: Comportements répétés ayant pour but de dégrader les conditions de travail d’une personne
– Discrimination: Traitement défavorable en raison de caractéristiques personnelles
– Violation de la liberté d’expression: Atteinte à la liberté de s’exprimer
– Licenciement sans cause réelle et sérieuse: Rupture du contrat de travail injustifiée
– Indemnité compensatrice de préavis: Somme versée en cas de rupture du contrat de travail sans préavis
– Prime de vacances: Somme d’argent versée en complément de la rémunération pendant les congés
– Prime de samedis/heures supplémentaires: Compensation financière pour le travail effectué en dehors des horaires habituels
– Prime de jours fériés: Compensation financière pour le travail effectué pendant les jours fériés
– Remboursement des indemnités journalières: Restitution des sommes versées en cas d’arrêt maladie
– Obligation de sécurité: Responsabilité de l’employeur de garantir la sécurité et la santé des salariés
– Remboursement des indemnités chômage: Restitution des allocations chômage perçues à tort
– Dépens et frais irrépétibles: Frais engagés lors d’une procédure judiciaire et non récupérables

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TP/SB

Numéro 24/478

COUR D’APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 08/02/2024

Dossier : N° RG 22/00978 – N° Portalis DBVV-V-B7G-IFQO

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

S.A.S. ARGEL SUD EST

C/

[X] [P]

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 08 Février 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 08 Novembre 2023, devant :

Madame CAUTRES-LACHAUD, Président

Madame SORONDO, Conseiller

Madame PACTEAU, Conseiller

assistées de Madame LAUBIE, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

S.A.S. ARGEL SUD EST prise en la personne de son representant legal domicilie en cette qualite audit siege

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Maître CARABIN de la SELARL CARABIN-STIERLEN AVOCATS, avocat au barreau de RENNES

INTIME :

Monsieur [X] [P]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Comparant assisté de Maître FELLONNEAU, avocat au barreau de TARBES

sur appel de la décision

en date du 08 MARS 2022

rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE TARBES

RG numéro : F 19/00163

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [X] [P] a été embauché par la SARL Argel Sud Est, à compter du 7 janvier 2004, selon contrat à durée indéterminée, en qualité de livreur action commerciale, régi par la convention collective nationale du commerce de gros.

L’employeur indique employer plus de 11 salariés.

Des tensions sont apparues à compter de juin 2016 lorsque l’employeur a mis en place un système de géolocalisation des véhicules.

Le 19 février 2018, M. [P] a reçu un avertissement.

A compter du 28 mars 2018, il a été placé en arrêt de travail, prolongé à plusieurs reprises et ce jusqu’en septembre 2018.

Le 17 septembre 2018, le médecin du travail a émis un avis d’aptitude sans restrictions.

Placé à nouveau en arrêt de travail les 28 et 29 septembre 2018, puis du 8 octobre au 2 décembre 2018.

Le 10 octobre 2018, M. [P] a été convoqué à un entretien préalable à une mesure de licenciement, fixé le 25 octobre 2018.

Le 2 novembre 2018, M. [X] [P] a été licencié pour faute avec dispense d’effectuer le préavis.

Le 31 octobre 2019, M. [X] [P] a saisi la juridiction prud’homale au fond.

Par jugement mixte du 8 mars 2022, le conseil de prud’hommes de Tarbes a’:

– condamné la société Argel Sud Est prise en la personne de son représentant légal à verser à M. [X] [P] :

‘ 221,56 euros à titre de la prime de livraison,

‘ 17,89 euros au titre de la prime de premier passage,

‘ 89,29 euros au titre de la prime de vacances,

‘ 240,00 euros au titre de la prime des samedis,

‘ 30,52 euros au titre des jours fériés,

‘ 30.57 euros au titre des jours «’févriers’» (sic),

‘ 320,72 euros au titre des jours de fractionnement,

‘ 1.012,68 euros au titre des temps de pause,

‘ 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté M. [P] de sa demande d’annulation d’avertissement,

– s’est déclaré en départage de voix pour le surplus des demandes,

– dit que l’affaire est renvoyée devant le juge départiteur à l’audience du jeudi 8 septembre 2022 à 10 heures, le jugement valant convocation.

Le 7 avril 2022, la Sarl Argel Sud Est a interjeté appel du jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Le 27 octobre 2022, le conseil des prud’hommes de Tarbes a constaté le dessaisissement du présent conseil et renvoyé l’affaire devant la cour d’appel de Pau à laquelle il a transmis le dossier.

Le 28 novembre 2022, M. [P] a interjeté appel de cette décision.

Le conseiller de la mise en état a déclaré cet appel caduc par ordonnance du 6 avril 2023′;

Dans ses conclusions n°3 adressées au greffe par voie électronique le 28 septembre 2023, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, la société Argel Sud Est demande à la cour dé:

Réformer le jugement mixte rendu par le Conseil de Prud’hommes de Tarbes le 8 mars 2022 :

* En ce qu’il a établi que, si M. [P] avait exécuté son préavis, il aurait eu, en plus du salaire de base, différentes primes, et qu’en conséquence a condamné la société Argel Sud Est à verser à M. [P] les sommes suivantes :

– 221,56 euros à titre de la prime de livraison,

– 17,89 euros au titre de la prime de premier passage

– 89,29 euros au titre de la prime de vacances

– 240,00 euros au titre de la prime des samedis

– 30,52 euros au titre des jours fériés

– 30.57 euros au titre des jours février

* En ce qu’il a condamné la société Argel Sud Est à verser à M. [P] la somme de 320,72 euros au titre des jours de fractionnement,

* En ce qu’il a condamné la société Argel Sud Est à verser à M. [P] la somme de 1.012,68 euros au titre des jours des temps de pause ainsi que l’indemnité de congés payés y afférents,

* En ce qu’il a condamné la société Argel Sud Est à verser à M. [P] la somme de 500,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

* En ce qu’il a débouté la société Argel Sud Est de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

* En ce qu’il a condamné la société Argel Sud Est à l’intégralité des dépens.

> Sur les demandes de nature salariale

– Juger que les demandes de nature salariale présentée par M. [X] [P] sont injustifiées ;

– Débouter M. [X] [P] de l’ensemble de ses demandes de rappel de salaire.

– [M] le rappel d’indemnité compensatrice de préavis à la somme brute de 145,29 euros soit 135,59 euros au titre de la prime de livraison et 9,70 euros au titre de la prime de 1er passage ;

> Sur l’existence d’une situation de harcèlement moral et de discrimination

– Juger qu’aucune situation de harcèlement moral ou de discrimination n’est établie ;

– Débouter M. [X] [P] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

– Débouter M. [X] [P] de sa demande de dommages et intérêts pour atteinte à sa santé ;

– Subsidiairement réduire les prétentions indemnitaires de M. [X] [P] par application des dispositions de l’article L.1235-11 du code du travail, en l’absence de préjudice établi.

> Sur la légitimité de la mesure de licenciement

– Juger que le licenciement de M. [X] [P] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

– Le Débouter de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

– Subsidiairement, Réduire les prétentions indemnitaires de M. [X] [P] par application des dispositions de l’article L.1235-5 du code du travail, en l’absence de préjudice établi.

> Sur l’avertissement du 19 février 2018

– Juger que l’avertissement notifié à M. [X] [P] le 19 février 2018 est justifié ;

– le Débouter de sa demande de dommages et intérêts ;

– Subsidiairement, Débouter M. [X] [P] de toute demande indemnitaire en l’absence de préjudice établi.

– Débouter M. [X] [P] de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

– Condamner M. [X] [P] à verser à la Société Argel Sud Est une somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Dans ses conclusions récapitulatives n°3 adressées au greffe par voie électronique le 6 octobre 2023 auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, M. [X] [P], formant appel incident, demande à la cour dé:

1°) Sur l’appel principal de la société Argel Sud Est

– Débouter la société Argel Sud Est de son appel et de l’ensemble de ses demandes, prétentions, fins et conclusions et, par voie de conséquence,

– Confirmer le jugement entrepris du 8 mars 2022 en ce qu’il a condamné la société Argel Sud Est à payer à M. [X] [P] :

o 89,99 euros brut au titre de la prime de vacances, en rectifiant l’erreur matérielle du jugement qui a retenu seulement la somme de 89,29 euros et condamner en tant que de besoin la société Argel Sud Est à payer cette somme de 89.99 euros à M. [P]

o 240 euros brut au titre de la prime des samedis,

o 30,52 euros brut au titre des jours fériés,

o 320,72 euros brut au titre des jours de fractionnement,

o 1.012,68 euros brut au titre des temps de pause,

o 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– Débouter la société Argel Sud Est de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur les demandes reconventionnelles de M. [P] sur le fondement des articles 564 et 64 du code de procédure civile :

– Réformer le jugement en ce qu’il a condamné la société Argel Sud Est à payer à M. [P] la somme de 221,56 euros à titre de prime de livraison,

et, statuant à nouveau,

– Condamner la société Argel Sud Est à payer à M. [P] la somme de 279,80 euros,

– Réformer le jugement en ce qu’il a condamné la société Argel Sud Est à payer à M. [P] la somme de 17,89 euros au titre de prime de passage et, statuant à nouveau,

– Condamner la société Argel Sud Est à payer à M. [P] la somme de 18,80 euros,

2°) Sur l’appel incident de M. [P] et le déclarant recevable et bien-fondé :

– Dans l’hypothèse où la demande ne serait pas accueillie au titre de demande reconventionnelle sur l’appel principal, Réformer le jugement en ce qu’il a condamné la société Argel Sud Est à payer à M. [P] la somme de 221,56 euros à titre de prime de livraison, et

statuant à nouveau,

– Condamner la société Argel Sud Est à payer à M. [P] la somme de 279,80 euros brut,

– Dans l’hypothèse où la demande ne serait pas accueillie au titre de demande reconventionnelle sur l’appel principal, Réformer le jugement en ce qu’il a condamné la société Argel Sud Est à payer à M. [P] la somme de 17,89 euros au titre de prime de premier passage,

et statuant à nouveau,

– Condamner la société Argel Sud Est à payer à M. [P] la somme de 18,80 euros brut,

– Réformer le jugement en ce qu’il a débouté M. [P] de sa demande d’annulation de l’avertissement du 19/02/2018, et de sa demande de dommages et intérêts, et statuant à nouveau,

– Annuler l’avertissement du 19 février 2018 et, en conséquence,

– Condamner la société Argel Sud Est à payer à M. [P] la somme de 1.800 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

– Réformer le jugement en ce qu’il n’a pas condamné la société Argel Sud Est à payer une indemnité compensatrice pour solde de jours de RTT 2018/2019, et statuant à nouveau,

– Condamner la société Argel Sud à payer à M. [P] la somme 644,27 euros brut,

– Réformer le jugement en ce qu’il n’a pas condamné la société Argel Sud Est à payer à M. [P] l’indemnité compensatrice de congés payés supplémentaires pour fractionnement des congés pour l’année 2018 et statuant à nouveau,

– Condamner la société Argel Sud Est à payer à M. [P] à ce titre la somme de 151,10 euros brut.

– Réformer le jugement en ce qu’il n’a pas prononcé la nullité du licenciement pour cause de harcèlement et de discrimination et en ce qu’il n’a pas condamné la société Argel Sud Est à payer à M. [P] des dommages et intérêts en réparation de son préjudice, et, statuant à nouveau,

– Déclarer nul le licenciement de M. [P] pour cause de harcèlement moral au sens des articles L 1152-1 et suivants du code du travail et pour discrimination au sens de l’article L 1132-1 du code du travail, et en conséquence,

– Condamner la société Argel Sud Est à payer à M. [P] la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article L.1235-3-1 du code du travail,

– A titre subsidiaire, à défaut de prononcer la nullité du licenciement, Reformer le jugement en ce qu’il n’a pas déclaré le licenciement sans cause réelle ni sérieuse et, statuant à nouveau, déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse et, en conséquence, Condamner la société Argel Sud Est à payer à M. [P] la somme de 20.700 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1235-3 du Code du travail.

– Réformer le jugement en ce qu’il n’a pas déclaré que la société Argel Sud Est avait commis des manquements à son obligation de sécurité au travail et de protection de la santé de M. [P] sur le fondement de l’article L 4121-1 du code du travail, et statuant à nouveau,

– Juger que la société Argel Sud Est a commis des manquements à son obligation de sécurité au travail et de protection de la santé du salarié et, en conséquence, condamner la société Argel Sud Est à payer à M. [P] la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts.

– Réformer le jugement en ce qu’il n’a pas condamné la société Argel Sud Est à payer à M. [P] le réajustement du salaire versé pendant la période de préavis et statuant à nouveau, condamner la société Argel Sud Est a payer à M. [P] la somme 1426,23 euros.

– Condamner la société Argel Sud Est à payer à M. [P] la somme 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

– Condamner la société Argel Sud Est aux entiers dépens de première instance et d’appel.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 9 octobre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient tout d’abord de relever que les points, objets du départage, n’ont pas été tranchés par le juge départiteur dont la décision est devenue définitive compte tenu de la caducité de l’appel formé à son encontre.

Les parties ont néanmoins toutes les deux conclu sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail de sorte qu’il doit être considéré qu’elles s’accordent pour que la présente cour juge ce que le juge départiteur a refusé de trancher en se dessaisissant au profit de la cour en relevant que les demandes objets du partage de voix sont indivisibles des demandes tranchées par le conseil de prud’hommes.

La présente cour examinera donc les demandes liées à l’exécution du contrat de travail avant de statuer sur les prétentions concernant la rupture du contrat de travail de M. [P].

Sur les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail

Les demandes salariales

– La demande relative au fractionnement des congés

Selon l’article L.3141-23 du code du travail, à défaut de stipulation dans la convention ou l’accord conclu en application de l’articléL. 3141-22′:

1° La fraction continue d’au moins douze jours ouvrables est attribuée pendant la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année ;

2° Le fractionnement des congés au-delà du douzième jour est effectué dans les conditions suivantes :

a) Les jours restant dus en application du second alinéa de l’articléL. 3141-19’peuvent être accordés en une ou plusieurs fois en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année ;

b) Deux jours ouvrables de congé supplémentaire sont attribués lorsque le nombre de jours de congé pris en dehors de cette période est au moins égal à six et un seul lorsque ce nombre est compris entre trois et cinq jours. Les jours de congé principal dus au-delà de vingt-quatre jours ouvrables ne sont pas pris en compte pour l’ouverture du droit à ce supplément.

Il peut être dérogé au présent article après accord individuel du salarié.

Ainsi, pour pouvoir bénéficier des’jours’défractionnement, il est nécessaire que le salarié ait’pris’au minimum’12’jours’pendant la période légale courant du 1er mai au 31 octobre et que les’jours’pris’hors de celle-ci n’appartiennent pas à la cinquième semaine décongés’payés. Par ailleurs, seule la présence dans l’entreprise à cette période permet l’ouverture du droit au congé supplémentaire pour’fractionnement.

[X] [P] soulève tout d’abord l’irrecevabilité de la contestation du chef de jugement lui ayant accordé la somme de 320,72 euros au titre des jours de fractionnement pour les années 2016 et 2017 au motif que la société Argel, bien qu’ayant visé ce chef de jugement dans son acte d’appel, n’a pas formulé de prétention à son égard dans ses premières conclusions signifiées le 7 juillet 2022.

Or, le dispositif de ces écritures comporte bien, en page 14, la demande de réformation du jugement déféré en ce qu’il l’a condamnée à payer la somme de 320,72 euros au titre des jours de fractionnement.

Aucune irrecevabilité n’est donc encourue à ce titre.

Sur le fond, au sujet de ce chef de jugement qui concerne les années 2016 et 2017, force est de constater que si la société Argel en demande l’infirmation dans le dispositif de ses écritures, elle ne fait valoir aucun moyen, ni de droit ni de fait, au soutien de sa contestation, de sorte que le jugement déféré doit être confirmé de ce chef.

Concernant les jours de fractionnement sollicités pour l’année 2018, demande qui n’a pas été tranchée en première instance, il ressort du bulletin de paie du mois d’octobre 2018 que M. [P] n’a pris aucun jour de congés durant la période du 1er mai au 31 octobre 2018, de sorte qu’il ne peut se prévaloir des dispositions de l’article L.3141-23 précité puisque le fractionnement ouvrant droit à des jours de congés supplémentaires concerne les congés au-delà du douzième jour, ce qui suppose que le salarié se soit vu attribuer une fraction continue d’au moins 12 jours pendant la période du 1er mai au 31octobre.

[X] [P] sera donc débouté de sa demande à ce titre.

– La demande relative au temps de pause

Selon l’article L.3121-16 du code du travail, dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de vingt minutes consécutives.

Il est constant que la preuve du respect du temps de pause incombe uniquement à l’employeur.

[X] [P] demande la confirmation du jugement déféré qui lui a alloué la somme réclamée de 1012,68 euros représentant les retenues effectuées sur son salaire pour les 20 minutes de pause quotidienne pour la période non prescrite de novembre 2016 à septembre 2018.

La société Argel lui oppose qu’il n’était alors pas à sa disposition, de sorte qu’il ne s’agissait pas de temps de travail effectif.

Or, il résulte des pièces versées aux débats qui ne sont pas utilement contredites par l’employeur au moyen d’autres éléments de preuve que cette question a été évoquée lors des réunions des délégués du personnel du 7 novembre 2007 et du 16 février 2017. Les comptes-rendus de ces réunions mentionnent que les temps de pause des livreurs sont inclus dans le temps de travail, ce qui correspond à la réalité du posté: il est imposé à un livreur de s’arrêter au moins 20 minutes au bout de six heures de travail, quel que soit l’endroit où il se trouve, au cours de sa tournée.

C’est donc à juste titre que le conseil de prud’hommes de Tarbes a fait droit à cette demande.

Le jugement querellé sera confirmé de ce chef.

– La demande relative au solde des jours RTT

[X] [P] estime que lui étaient dus 11,09 jours de RTT sur une base de 120 euros par jour. Il affirme que la société Argel rémunère en principe les jours RTT sur cette base, au tarif des heures supplémentaires, sans apporter toutefois aucun élément établissant cette manière de faire et l’existence d’un usage à ce sujet.

La société Argel indique lui avoir payé 9,09 jours sur la base journalières de 75,526 euros alors qu’elle n’était pas tenue de le faire puisque les jours de RTT non pris à l’issue de la période de référence sont en principe perdus. Elle ne revient pas sur le paiement qu’elle a opéré mais demande en revanche le rejet de la demande complémentaire formulée par M. [P].

L’examen des bulletins de paie montre que le décompte des jours RTT s’effectue sous forme du cumul’:

-Cumul des jours acquis en janvier 2019′: 11,09

-Cumul des jours pris depuis le 1er juin 2018′: 2

-Solde en janvier 2019′: 9,09 jours

La société Argel a procédé au paiement de ces jours, sur la même base que les jours de congés.

En l’absence d’éléments permettant de remettre en question cette base de calcul et compte tenu du cumul des jours RTT restant au mois de janvier 2019, il convient de considérer que la société Argel a procédé régulièrement au paiement des jours RTT non pris qui étaient de toute évidence dus.

[X] [P] sera donc débouté de sa demande à ce titre.

Le conseil de prud’hommes s’étant déclaré en partage de voix sur cette question, le jugement déféré sera complété sur ce point.

L’avertissement

L’article L.1333-1 du code du travail dispose que, en cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

L’article L.1333-2 poursuit que le conseil de prud’hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

[X] [P] sollicite l’annulation de l’avertissement qui lui a été notifié par courrier du 19 février 2018 rédigé en ces termes’:

«’Dans le cadre de votre fonction, vous devez remplir les missions qui vous sont confiées, tout en adaptant votre communication dans le respect de vos clients et de vos collègues, afin de garantir une ambiance de travail harmonieuse et propice aux échanges.

Or, comme nous l’avons évoqué à plusieurs reprises, divers incidents mettent en exergue un comportement inadapté à votre fonction de livreur d’action commercial par le non-respect des consignes qui vous sont données.

En effet, la direction vous a informé à plusieurs reprises de la nécessité d’effectuer une pause de 20 minutes au plus tard à l’issue de 5h15 de travail. En raison des contraintes de livraison, certains LAC peuvent effectuer la pause de 20 minutes entre 5h15 et 6h00 de travail.

Dans tous les cas, la pause de 20 minutes doit être effectuée avant d’atteindre les 6 heures de travail en continu afin de respecter la législation en vigueur.

Dans le cadre de la journée du 15.01.2018, nous avions pensé à un oubli de mettre le sélecteur sur pause afin de se conformer aux dispositions légales, c’est la raison pour laquelle nous avons ajouté 20 minutes de pause sur le compteur.

Après échange avec votre directeur [G] [K], vous nous avez informé que vous n’avez pas sciemment effectué la pause de 20 minutes. Il s’agit d’un acte délibéré par lequel vous ne respectez pas les consignes qui vous sont données par vos supérieurs, et lors de la réunion de présentation du logiciel OMEGA.

Nous ne pouvons tolérer un tel comportement qui met en danger votre sécurité et celle des tiers et qui font fi des indications et directives de votre encadrement.

Par conséquent, nous vous notifions, par la présente, un avertissement.’

Nous attendons désormais de votre part un changement immédiat de comportement, incluant notamment une application stricte des consignes qui vous sont données. Nous souhaitons fortement pouvoir constater cette évolution vous concernant, afin d’envisager une poursuite sereine et constructive de notre collaboration.

Par ailleurs, les 20 minutes déduites de votre banque d’heures étant des minutes réellement travaillées le 15.01.2018, nous vous créditons ces 20 minutes sur votre banque d’heures de février 2018’».

[X] [P] fonde sa demande d’annulation de cet avertissement sur deux moyens’:

-l’illicéité du système de géolocalisation pour contrôler la durée du travail,

-l’absence de caractère réel et sérieux du grief.

Sur la validité du’systèmédégéolocalisation’.

Le salarié fait valoir qué:

-la société Argel n’a pas indiqué que le contrôle du temps de travail était l’une des finalités poursuivies par la mise en place de ce système de géolocalisation,

-il existait un autre moyen de contrôle du temps de travail,

-son autonomie interdit ce mode de contrôle.

Selon l’article L.1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

Il résulte de ces dispositions légales que l’utilisation d’un’systèmédégéolocalisation’pour assurer lécontrôléde la’duréédu’travail, laquelle n’est licite que lorsque cécontrôléne peut pas être fait par un autre moyen, fût-il moins efficace que la’géolocalisation’, n’est pas justifiée lorsque le salarié dispose d’une liberté dans l’organisation de son’travail.

Par ailleurs, pour être valide, un’systèmédégéolocalisation’devait, avant le 25 mai 2018, faire l’objet d’une déclaration auprès de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) puis d’une information préalable des institutions représentatives du personnel et enfin d’une information individuelle des salariés. Un tel’systèméne peut être utilisé par l’employeur pour d’autres finalités que celles qu’il a déclarées à la CNIL et portées à la connaissance des salariés.

A défaut, la production d’un relevé dégéolocalisation’constitue un mode de preuve illicite.

En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats que la société Argel a régulièrement déclaré à la CNIL, le 24 avril 2013, qu’elle allait procéder à l’installation d’un système de géolocalisation sur les véhicules des employés.

[X] [P] a signé, le 20 avril 2016, un document par lequel il a reconnu être informé de l’installation d’un tel dispositif sur le véhicule mis à sa disposition. Il était précisé que ce nouveau service allait permettre d’améliorer’:

-le service auprès des clients,

-le suivi des tournées de livraison dans le but d’optimiser les kilomètres parcourus,

-la gestion des données du véhicule (consommation, usure, etc’),

-le comportement routier,

-aide au suivi du temps de travail.

Le salarié estime que cette dernière mention signifie qu’il existait un moyen principal de contrôle du temps de travail excluant donc le recours à la géolocalisation pour ce contrôle.

Or, cette mention indique que le système pouvait participer au suivi du temps de travail, ce dont M. [P] était ainsi pleinement informé.

De plus, si l’inspecteur du travail, dans un courrier du 27 mars 2013, a fait référence à un système déclaratif d’horaires de travail, il a également précisé que celui-ci serait doublé d’un système GPS.

D’autre part, le calcul du temps de travail des livreurs prévu dans l’accord collectif RTT de 1999 en fonction du nombre de livraisons à adapter aux éventuelles contraintes locales telles que les distances entre les clients ou les difficultés chroniques de circulation, ne saurait être retenu comme mode principal de contrôle du temps de travail près de vingt années plus tard.

Enfin, la seule prise en compte des heures de départ et de retour au dépôt ne rend pas compte de l’étendue de l’activité du salarié puisqu’elle ne prend pas en compte les périodes de coupure et de pause.

Par ailleurs, contrairement à ses affirmations, M. [P] ne disposait pas de l’autonomie interdisant la mise en place d’un tel contrôle par géolocalisation. En effet, il devait respecter la fiche de tournée qui lui était délivrée mentionnant la date de la livraison, l’horaire attendu avec un créneau de 10 minutes et les demandes particulières de certains clients.

Il ressort ainsi de tous ces éléments que la société Argel a respecté la procédure de déclaration auprès de la CNIL et a régulièrement informé le salarié, que celui-ci ne disposait pas d’une liberté dans l’organisation de son’travail et que lésystèmédégéolocalisation’mis en oeuvre par l’employeur était le seul moyen permettant d’assurer lécontrôléprécis de la’duréédu’travail’du salarié.

Il s’ensuit que lésystèmédégéolocalisation’installé sur le véhicule confié à M. [P] était licite.

Sur le caractère réel et sérieux du grief

[X] [P] a fait l’objet d’un avertissement pour ne pas avoir fait la pause de 20 minutes avant l’expiration de six heures de travail en continu.

L’article L.3121-16 du code du travail prévoit que dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de vingt minutes consécutives.

Le relevé des heures de travail de M. [P] pour la journée du 15 janvier 2018 montre qu’il a quitté le dépôt à 7h27 et l’a regagné à 13h27, soit 6 heures après, sans avoir fait de pause.

La société Argel reproche à M. [P] de ne pas avoir fait la pause de 20 minutes au bout de 5h15 de travail comme elle en donne la consigne à ses livreurs.

Pourtant, elle ne produit aucune pièce affirmant cette règle et l’information donnée à ce sujet aux livreurs et notamment à M. [P] qui n’a pas travaillé plus de 6 heures en continu sans faire une pause.

Il ressort seulement d’une pièce versée par M. [P], à savoir un courrier du 7 juillet 2017 que lui a adressé en réponse la société Argel, l’indication suivanté: «’nous vous rappelons également l’obligation d’effectuer une pause de 20 minutes avant d’atteindre les 6 heures de travail en continu’. Dans la mesure du possible, il est demandé aux LAC d’effectuer la pause de 20 minutes avant 5h15 de conduite. Nous sommes conscients que pour les nécessités du service la pause de 20 minutes est parfois effectuée entre 5h15 et 6h00 de conduite. Dans tous les cas, une pause de 20 minutes est obligatoire avant d’atteindre les 6 heures de travail en continu’».

Cette précision ne correspond pas exactement à la lettre de l’article L.3121-16 précité qui impose la prise d’une pause de 20 minutes au moins au bout de 6 heures de travail, et non avant l’expiration de ces 6 heures.

En conséquence de tous ces éléments, le grief reproché à M. [P] dans la lettre d’avertissement du 19 février 2018 apparaît infondé.

L’avertissement doit donc être annulé.

[X] [P] doit être indemnisé du préjudice moral subi à la suite de cet avertissement injustifié.

Il lui sera alloué à ce titre la somme de 500 euros.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

Sur le harcèlement moral

En application de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l’article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

En vertu de l’article L.1152-3 du même code, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions ci-dessus, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

L’article L.1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Il incombe alors à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

[X] [P] expose avoir fait l’objet d’un harcèlement moral de la part de son employeur après avoir émis des critiques légitimes sur la mauvaise comptabilisation de son temps de travail, caractérisé par des observations désagréables et l’exercice d’un pouvoir disciplinaire injustifié qui ont affecté son état de santé.

Au soutien de ses affirmations, il produit’:

Ses courriers des 22 janvier 2017, 3 mars 2017 et 19 mars 2017 par lesquels il demande la communication des données recueillies par le système de géolocalisation et des précisions sur le décompte de son temps de travail.

Les réponses de l’employeur du 22 février 2017 puis du 7 juillet 2017. Il estime que cette dernière comporte des observations désagréables sans expliciter quels propos pourraient être compris de la sorte.

L’avertissement du 19 février 2018 qui vient d’être annulé ci-dessus.

Son courrier du 10 septembre 2018 et son courriel à la directrice des ressources humaines le 2 novembre 2018 à 17h12, soit après l’envoi de la lettre de notification du licenciement, dans lequel il expose qu’il «’n'[a] plus de doute sur le fait que les remontées [qu’il a] pu faire auprès des délégués du personnel, des ressources humaines et du directeur général Argel concernant l’application des règles de l’entreprise sur le secteur de [Localité 5], soient la cause de [sa] situation actuelle [qu’il perçoit] comme étant du harcèlement moral de la part de [sa] direction du centre commercial’».

L’attestation de paiement des indemnités journalières de la caisse primaire d’assurance maladie qui montre qu’il a été en arrêt de travail du 28 mars 2018 au 2 septembre 2018 puis ls 27 et 28 septembre 2018 et du 8 octobre 2018 au 2 décembre 2018, sans que ne soient évoqués les motifs de ces arrêts qu’il est donc impossible de mettre en lien avec le travail.

Un certificat de son médecin traitant, le Docteur [E], médecin généraliste disposant d’un DU de médecine du sport et en gériatrie, non daté, dans lequel le praticien indique qu’il a «’réalisé des arrêts de travail successifs à M. [P] en raison d’une anxiété généralisée qui s’est transformée en syndrome dépressif sévère à compter du 28 mars 2018 en relation avec un conflit professionnel. Son état de santé a nécessité un traitement anxiolytique et antidépresseur ainsi qu’une prise en charge psychothérapique par [ses] soins jusqu’à décembre 2018’». Le lien entre le syndrome dépressif et le travail résulte des seules déclarations de M. [P] et la prise en charge médicamenteuse et psychothérapique n’est pas autrement justifiée.

Le courrier écrit par le Dr [O], médecin du travail, à l’issue de la visite de pré-reprise du 15 octobre 2018, dans lequel il est indiqué que M. [P] «’présente un syndrome d’anxiété réactionnelle en lien avec ce qu’il décrit comme une dégradation des relations au travail, en particulier avec son N+2’». Ce document, établi alors que M. [P] avait reçu sa convocation à l’entretien préalable, ne fait que reprendre ses dires. Le même médecin l’avait d’ailleurs déclaré apte à la reprise le 17 septembre 2018, après un arrêt de travail de plus de six mois motivé, selon le certificat du médecin traitant, par un «’syndrome dépressif en relation avec un conflit professionnel’», sans noter aucun élément en lien avec un quelconque malaise au travail.

Force est donc de constater que M. [P] ne produit pas d’éléments suffisamment explicites, extérieurs à ses propres écrits, pour laisser supposer l’existence d’agissements répétés constitutifs d’un harcèlement moral.

Il sera donc débouté de ses demandes à ce titre.

Sur la discrimination

[X] [P] fait valoir que son licenciement a été motivé, à titre surabondant, et examiné ici comme un subsidiaire, par son absence prolongée pour cause de maladie.

L’article L.1132-1 du code du travail dispose qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte en raison de son état de santé.

Suivant l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations’:

– constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou de son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable ;

– constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.

La discrimination inclut :

1° Tout agissement lié à l’un des motifs mentionnés au premier alinéa et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ;

2° Le fait d’enjoindre à quiconque d’adopter un comportement prohibé par l’article 2.

Selon l’article L.1132-4 du code du travail, est nul tout acte ou disposition pris à l’égard d’un salarié contraire au principe de non discrimination ci-dessus.

En application de l’article L.1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application de l’article L.1132-1, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Or, il n’apporte aucun élément autre que l’attestation de paiement des indemnités journalières susvisées relatif aux arrêts de travail dont il a fait l’objet, alors que son licenciement a été mis en oeuvre après qu’il eut fait l’objet d’un avis d’aptitude de la part du médecin du travail et que la lettre du 2 novembre 2018 n’y fait nullement référence.

Il appert donc que M. [P] n’apporte pas d’élément laissant supposer l’existence d’une discrimination liée à son état de santé.

Il sera donc débouté de sa demande à ce titre.

Sur la violation de la liberté d’expression

Si elle n’est pas expressément mentionnée dans le dispositif des conclusions de M. [P], la violation de la liberté d’expression qu’il invoque dans le corps de ses écritures doit être étudiée car, si elle est constituée, elle doit aboutir à la nullité du licenciement prononcé.

[X] [P] expose que ses réclamations concernant ses questionnements sur les anomalies dans l’utilisation du système de géolocalisation ne procédaient que de l’exercice de sa liberté d’expression et que les mesures de rétorsion exercées à son encontre pour avoir exercé ce droit ajoutent au caractère de nullité du licenciement.

Il résulte de l’article L.1121-1 du code du travail et l’article 10 §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que, sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées. Le licenciement prononcé par l’employeur pour un motif lié à l’exercice par le salarié de sa liberté d’expression est nul.

Il est constant que les propos du salarié sont fautifs lorsqu’ils sont diffamatoires, injurieux ou excessifs. Les propos critiques, même vifs, reprochés au salarié, ne caractérisent pas un exercice abusif de la liberté d’expression.

En l’espèce, il n’est nullement fait référence dans la lettre de licenciement à des propos qu’aurait tenus M. [P], de sorte qu’il ne peut être invoqué une quelconque violation de sa liberté d’expression.

En conséquence de tous ces éléments, il convient de rejeter la demande de nullité du licenciement et les demandes financières subséquentes.

Sur le bien fondé du licenciement

[X] [P] a été licencié pour cause réelle et sérieuse avec dispense d’effectuer son préavis de deux mois, suivant courrier du 2 novembre 2018 dont les termes fixent les limites du litige.

Il lui est reproché de ne pas avoir procédé à la livraison ou à la re livraison de 40 clients sur une période de 6 jours de livraison, avec 17 remontées de la part de clients insatisfaits.

Le courrier décrit 6 exemples précis.

Il est également fait grief à M. [P] d’avoir fait des coupures en dehors du temps légal de pause.

En application de l’article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse. La cause réelle est celle qui présente un caractère d’objectivité et d’exactitude. La cause sérieuse suppose une gravité suffisante.

Aux termes de l’article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement, le cas échéant complétée dans les conditions fixées par l’article R.1232-13 du même code, comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur.

Suivant l’article L.1232-5 du code du travail, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l’espèce, la société Argel entend démontrer la réalité et le sérieux des reproches ayant fondé le licenciement de M. [P] par la production de documents intitulés «’détail des clients livrés du 17 au 21 septembre 2018’», «’analyse du temps de travail de M. [P] du 17 au 21 septembre 2018’», «’détail des clients livrés les 24 et 25 septembre 2018’» et «’analyse du temps de travail de M. [P] des 24 et 25 septembre 2018’».

Ces documents émanent du système de géolocalisation dont il a été vu ci-avant qu’il est licite.

Il ressort de ces pièces que M. [P] a quitté le dépôt chacune des journées concernées aux alentours de 9 heures, soit bien après l’heure fixée pour la première livraison, à savoir 7 heures. Il en résulte également que plusieurs clients n’ont pas été livrés les jours visés.

Or, il est démontré, par M. [P] lui-même, qu’il est demandé aux livreurs de prendre leur service entre 6h30 et 9h, étant relevé que ces horaires sont ceux de la prise du poste qui précède nécessairement le départ du dépôt de plusieurs minutes.

Le document sur les horaires de travail des livreurs action commerciale précise néanmoins que «’ces horaires sont dépendants des impératifs de livraisons et des impondérables de la routé».

Cette mention signifie que le livreur doit prendre son poste en fonction de l’horaire prévu pour sa première livraison. C’est la raison pour laquelle il est reproché à M. [P] des départs tardifs, aux alentours de 9 heures, alors que la première livraison de sa tournée était attendue à 7 heures.

Toutefois, si M. [P] démontre avoir reçu son planning à la veille de sa reprise après ses congés durant les deux premières semaines du mois de septembre 2018, celui-ci ne comportait pas les horaires des livraisons programmées.

Par ailleurs, M. [P] justifie qu’il a dû se rendre à une visite médicale auprès du médecin du travail, le lundi 17 septembre 2018 à 14h20, d’où il est reparti à 15h30. L’avis rédigé par le médecin note qu’il était avec son camion. Ce rendez-vous explique l’une des pauses d’une durée supérieure à 20 minutes à laquelle il est fait référence dans la lettre de licenciement.

Il justifie également avoir dû se rendre à une réunion commerciale le lundi 24 septembre 2018 à 14h30, ce qui l’a empêché de procéder à toutes les livraisons programmées ce jour-là.

D’autre part, la société Argel verse également aux débats des documents intitulés «’fiches remontées clients’», au nombre de 14, dont il est difficile de comprendre certaines mentions.

Ces remontées clients émanent pour la plupart de clients qui ont été en réalité livrés et dont plusieurs témoignent en faveur de M. [P] pour vanter ses qualités professionnelles et relater leur satisfaction d’être livrés par lui depuis parfois de nombreuses années.

C’est par exemple le cas de Mme [N] et Mme [L] pour lesquelles il est pourtant noté sur les fiches «’remontée clients’» qu’elles n’ont été ni livrées, ni prévenues.

Enfin, la lettre de licenciement fait référence à l’avertissement notifié le 19 février 2018 pour justifier de la sanction plus lourde ayant conduit à la rupture de la relation de travail.

Or cette sanction a été annulée par cette même décision.

En conséquence de tous ces éléments, il existe un doute sur la matérialité des manquements reprochés à M. [P] et, en tout état de cause, la rupture de la relation de travail apparaît quelque peu disproportionnée face aux manquements dénoncés, alors que M. [P] comptait une ancienneté de plus de 13 ans et n’avait aucun antécédent disciplinaire justifié.

Son licenciement notifié le 2 novembre 2018 est donc dénué de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières du licenciement

Le solde de l’indemnité compensatrice de préavis

[X] [P] sollicite le paiement de diverses sommes qu’il estime lui être dues au titre de l’indemnité compensatrice de préavis.

Selon l’article L.1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n’exécute pas le préavis, il a droit, sauf s’il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

L’inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l’employeur, n’entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.

L’indemnité compensatrice de préavis se cumule avec l’indemnité de licenciement et avec l’indemnité prévue à l’article L.1235-2.

Il s’agit donc d’allouer au salarié une somme équivalente à celle qu’il aurait dû percevoir s’il avait travaillé durant le préavis.

Sur la base des salaires perçus au cours des douze derniers mois travaillés par M. [P], c’est-à-dire les douze mois précédant son arrêt de travail, période représentative de son activité, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il lui a alloué les sommes suivantes’:

-221,56 euros au titre de la prime de livraison

-17,89 euros au titre de la prime de premier passage.

Concernant la prime de vacances, l’examen des bulletins de paie versés aux débats montre qu’elle était versée chaque année au mois de juin.

La société Argel expose que son calcul est fait en fonction du nombre de jours travaillés. La date de son versement permet de déduire que l’assiette de calcul est la période annuelle de référence pour le calcul des droits au congé, soit du 1er juin au 31 mai.

C’est donc à juste titre qu’il doit être alloué à M. [P] la somme réclamée de 89,99 euros à ce titre.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef quant au quantum accordé.

[X] [P] sollicite la somme totale de 240 euros au titre de la prime de samedis ou d’heures supplémentaires forfaitisées, décomposée comme suit’:

-Heures supplémentaires forfaitisées’: 210,40 euros

-Surprime forfaitaire applicable à ces samedis travaillés’: 29,60 euros

Il expose que les samedis travaillés donnaient lieu à majoration au titre des heures supplémentaires avec une majoration de manière à ce que le samedi travaillé soit rémunéré forfaitairement par une somme de 120 euros.

Le salarié produit son planning annuel sur lequel il apparaît la fixation de six samedis travaillés, dont deux en décembre 2018.

L’examen de ses bulletins de paie démontre qu’il a bien été payé des samedis 20 janvier 2018 et 24 mars 2018 travaillés.

Concernant les samedis du mois de novembre 2018, il était en arrêt de travail.

En revanche, s’il avait effectué son préavis, il aurait travaillé les samedis 8 et 15 décembre 2018 qui doivent donc lui être rémunérés à hauteur de 240 euros.

Le jugement querellé sera confirmé sur ce point.

D’autre part, M. [P] sollicite la somme de 30,52 euros correspondant à des primes versées pour chaque jour férié tombant un jour ouvré, à l’image de ce qu’il a perçu pour le 25 décembre 2017 et le 1er janvier 2018.

Contrairement aux affirmations de la société Argel, l’analyse des bulletins de paie de M. [P] permet d’établir qu’il obtenait le paiement d’une telle prime de l’ordre de 13 euros brut par jour chaque mois durant lequel il y avait un jour férié correspondant à un jour ouvré.

Pour le 25 décembre 2018 et le 1er janvier 2019, il est donc bien fondé à réclamer la somme de 30,52 euros.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Enfin, M. [P] demande le remboursement de sommes qu’il estime indûment retenues par la société Argel pendant son préavis, à savoir le montant total de 1426,33 euros correspondant aux indemnités journalières qui lui ont été servies durant cette période.

Or, il est désormais constant depuis 2012 que, dès lors que le salarié est dispensé d’exécuter le préavis, l’employeur est tenu de verser l’indemnité compensatricéde préavis, peu important que le salarié ait déjà été en arrêt de travail pour maladie non professionnelle lors de la dispense d’exécution. L’indemnité compensatricéde préavis se cumule avec les indemnités journalières de la sécurité sociale. Particulièrement, les indemnités journalières versées par la sécurité sociale ne viendront pas en déduction du paiement de l’indemnité compensatricéde préavis.’

La société Argel sera donc condamnée à rembourser à M. [P] la somme de 1426,33 euros au titre des indemnités journalières indûment déduites de sa rémunération au cours de son préavis.

Le jugement déféré sera complété sur ce point, les conseillers s’étant déclarés en partage de voix sur cette question.

– L’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En application de l’article L.1235-3 du code du travail, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux en fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise.

Pour un salarié, comme M. [P] embauché du 7 janvier 2004 au 5 janvier 2019, ayant donc 14 années complètes d’ancienneté dans une entreprise employant habituellement plus de 11 salariés, cette indemnité est comprise entre un montant minimal de 3 mois de salaire brut et un montant maximal de 12 mois de salaire brut.

Compte tenu de la rémunération mensuelle brute moyenne perçue par M. [P], soit 1793 euros, de son ancienneté au sein de l’entreprise, des circonstances de la rupture du contrat de travail, de son âge ainsi que de sa situation personnelle et sociale justifiée au dossier, il y a lieu de lui allouer la somme de 18 000 euros, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré sera complété sur ce point, le conseil s’étant déclaré en partage de voix sur cette question.

Sur les autres demandes

Le manquement à l’obligation de sécurité

[X] [P] sollicite la somme de 15’000 euros, faisant valoir que la société Argel a laissé se dégrader sa santé sans y porter attention et l’a aggravée par un exercice détourné de son pouvoir disciplinaire, exposant que si ce manquement n’est pas sanctionné au travers de la reconnaissance du harcèlement moral, il devra faire l’objet d’une indemnisation spécifique pour manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité et de santé au travail.

Or, ainsi que cela a été vu ci-avant, aucun élément objectif ne permet de mettre en lien ses problèmes de santé avec le travail.

Aucun manquement de la société Argel à son obligation de sécurité résultant de l’article L.4121-1 du code du travail, dont il importe de rappeler qu’elle consiste désormais en une obligation de moyen renforcée, n’est dont établi.

[X] [P] sera donc débouté de sa demande indemnitaire à ce titre.

Le remboursement des indemnités chômage

Suivant l’article L.1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

En application de ces dispositions, il convient d’ajouter à la décision déférée et d’ordonner le remboursement par la société Argel des indemnités de chômage versées à M. [P], dans la limite de six mois d’indemnités.

Les dépens et les frais irrépétibles

La société Argel succombant à l’instance, elle devra en supporter les entiers dépens, y compris ceux exposés devant le conseil de prud’hommes.

Elle sera en outre condamnée à payer à M. [P] la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Tarbes en date du 8 mars 2022, dans les limites de l’appel, sauf en ses dispositions relatives à l’avertissement, à la prime de vacances et aux jours «’févriers’» (sic)’;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant’:

DEBOUTE M. [X] [P] de ses demandes relatives’:

-aux jours de fractionnement pour l’année 2018,

-au solde des jours RTT,

-au harcèlement moral,

-à la discrimination en raison de l’état de santé,

-au manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité’;

ANNULE l’avertissement notifié à M. [X] [P] le 19 février 2018′;

REJETTE la demande de nullité du licenciement de M. [X] [P] mais DECLARE son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieusé;

CONDAMNE la société Argel à payer à M. [X] [P] les sommes dé:

-500 euros à titre de dommages et intérêts pour l’avertissement annulé’;

-89,99 euros au titre de la prime de vacances’;

-1426,33 euros en remboursement de la somme indûment prélevée au titre des indemnités journalières perçues pendant la durée du préavis’;

-18’000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieusé;

CONDAMNE la société Argel à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à M. [X] [P], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités’;

CONDAMNE la société Argel aux entiers dépens, y compris ceux exposés devant le conseil de prud’hommes’;

CONDAMNE la société Argel à payer à M. [X] [P] la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame CAUTRES-LACHAUD, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 

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